[Terminé] [Mission] On abandonne jamais une sœurcière

Le silence, lourd et pesant, semblait entravé jusqu’aux mouvements des personnes immobiles qui, pour ne pas rompre cet étau muet d’incertitude qui offrait encore de l’espoir, ne bougeaient pas. Et bien qu’attendant une réponse concernant l’état de Wanda, sa Wanda, Bucky ne savait plus très bien ce qu’il devait faire ou dire, et n’était même plus très sûr de vouloir entendre la vérité. Sa respiration accélérée et rendue pénible par l’ignorance et l’angoisse l’obligeait à serrer ses dents les unes contre les autres tandis qu’il parcourait l’assemblée du regard, à la recherche d’un indice ou d’une réponse, avant que ses yeux ne se posent sur son plus fidèle ami, Rocket. Ce dernier l’invita silencieusement à le rejoindre auprès de Wanda et, se délestant d’une hésitation réservée qui aurait pu le maintenir en arrière, l’homme au bras argenté s’était empressé de le suivre sans quitter des yeux la belle rousse qui semblait endormie… Seulement endormie. Elle était seulement endormie. Il fallait s’en convaincre, et quand bien même sa gorge s’était serrée d’une inquiétude sans nom, il n’avait pu se résoudre à formuler une hypothèse plus funeste. S’agenouillant devant elle, au niveau de ses hanches, Bucky l’avait longuement caressée du regard en penchant légèrement son menton sur le côté, à la fois ému et rassuré de constater qu’elle respirait bel et bien, qu’elle était encore vivante. Elle était toujours là. Rien d’autre ne pouvait compter.
ㅤㅤPerdu dans sa contemplation rassérénée, et dans le soulagement qui avait relâché ses épaules nerveuses, Bucky n’avait même pas senti que son camarade avait entrainé sa main vers celle de Wanda… Lorsque leurs paumes furent en contact, le brun avait machinalement baissé les yeux pour regarder leurs mains enlacées, liant alors tendrement leurs doigts tout en apportant sa main féminine à ses lèvres pour en embrasser la surface. Remerciant d’un regard complice son ami, Bucky lui avait adressé un frêle sourire avant de se pencher en avant pour déposer un baiser sur le front de Wanda, profitant du fait que personne ne s’était encore approché d’eux pour lui murmurer tout bas, en secret :
« Il y a toujours un nous. Je te le promets. »
Faisant écho au discours qu’elle lui avait tenu lorsqu’elle l’avait cru mort, Bucky s’était redressé par la suite, adressant un regard au télépathe qui s’approchait pour, il le devinait, s’assurer de son état. Gardant leurs mains liées mais se tenant à bonne distance pour ne pas le gêner, le brun avait alterné sa vision entre le visage de la rousse et celui de Charles, attendant son verdict avec une pointe d’appréhension… Mais son annonce était grandement rassurante, si bien que l’Avenger n’avait pu réprimer l’élan d’un sourire apaisé, alors qu’il adressait un dernier regard à Wanda, et à son autre. Puisqu’elles avaient survécu… Toutes les deux. Elles avaient réussi. Il n’aurait pu être davantage fier d’elles.
ㅤㅤMais comme il savait qu’elles allaient être emportées loin de lui, Bucky était resté un long moment à ses côtés, tenant sa main dans la sienne et la caressant de son pouce avec douceur, comme pour lui laisser l’empreinte de sa présence ; ils allaient être séparés pour un long moment mais, qu’importe. Bucky allait attendre de la retrouver. C’était elle(s), et personne d’autre.

Ai-je renoncé trop tôt ? Cela serait ironique. Néanmoins, monsieur Xavier déclare que les Wanda Maximoffs sont toujours là, cherchant l’équilibre. Lorsqu’il parle d’autre chose, d’une âme en peine, l’esprit du Docteur Strange me révèle la vérité sur celle-ci. Non-pas la possibilité d’un écoulement différent de la dimension temporelle au sein de la dimension infernale, chose possible s’il en est mais qui ne doit pas pouvoir être faite de manière à voyager dans le temps puisque celui-ci suit son cours linéairement, mais du fait qu’il s’agisse d’un esprit humain qui y soit contaminé comme par un virus pour devenir un démon. Après, quitte à ce qu’il soit ici, le tuer une seconde fois et mettre fin à sa transformation ne me dérange pas comme le ferait un meurtre : tue-t-on réellement ce qui est déjà mort ?

La voix de madame Darkhölme se fait entendre et mes deux corps contre le fauteuil de son frère rouvrent les yeux pour l’observer à travers la pellicule de sang et de larmes. Je n’ai rien à lui dire et c’est peut-être la seule manière qu’on a de communiquer de façon constructive, néanmoins j’apprécie ce qu’elle tâche de faire. Elle est dure. Avec mes composantes, elle est agressive dans sa crainte d’être remplacée dans des domaines affectifs et professionnels même si l’un et l’autre n’ont aucune raison d’arriver : affectivement, car elle a une relation familiale avec monsieur Xavier et professionnellement car elle n’est que professeure et non son assistante ou sa directrice adjointe. Néanmoins, je ne peux pas critiquer la jalousie et l’envie, juste chercher à l’éviter. D’ailleurs, mes deux corps proches d’elle baissent les yeux, même s’il est improbable qu’en de telles circonstances les choses dégénèrent plus.

On est arrivés quasiment au plus bas, Wanda ayant survécu, et on commence à remonter.

L’explosion de magie se termine avec une violence brutale que je ne comprends que trop bien, couinant en simultanée à monsieur Xavier du fait de ma connexion à lui, puis les Sorcières finissent par atteindre leur limite. Enfin.

Leur corps est déposé jusqu’au sol par le bouclier de lumière qui ne se dissipe qu’ensuite, laissant tout un chacun s’en aller vers lui. Je ne suis pas en état de le faire. Je n’ai aucune raison de le faire non plus, à moins que je ne l’aie oubliée. C’est une mission. Une mission à laquelle je n’aurais pas dû être, je crois. J’ai les désirs d’avoir fait mes preuves et la fierté de mes proches. J’ai l’analyse rétrospective d’avoir été plus utile par mes idées que mes pouvoirs, ceux-ci n’étant qu’une goutte d’eau là où je me considérais parmi les meilleurs télépathes au monde sous ma forme actuelle. Oh, pas les dix premiers mais possiblement les quinze. Qu’importe, c’était insuffisant.

Je ferme les connexions aux esprits afin qu’ils arrêtent de raisonner dans mes têtes et ne tarde pas à me dissiper moi-même, n’ayant plus d’utilité. Le retour à la triple normalité nous fait mal au point d’envisager la forme adamantine pour que tout s’arrête. Les deux contre le fauteuil de monsieur Xavier ont cet appui pour les soutenir alors que toux et tremblement font vaciller corps et consciences. Celle au côté de monsieur Summers et mademoiselle Grey s’effondre simplement.

Le sol est de cendres. Sa poussière morte s’infiltre et se soulève à chaque souffle, collant dans le sang et la salive comme sur la peau et sur les lèvres. Qu’importe. On comprend les paroles de monsieur Xavier qui souhaite nous soigner et qu’il commence par Phoebe fait réagir celle-ci. Elle n’arrive pas à formuler qu’elle veut passer la dernière : les autres avants. Elle peut encaisser. Ou pas. Elle s’en fout. Les autres avants. C’est tout.

Autre qui glissent jusqu’au sol à leurs tours alors que monsieur Xavier s’en va. Néanmoins, leurs descentes sont moins violentes. On ne sait quoi dire ni vraiment que penser alors que c’est madame Darkhölme qui nous aide, avec une délicatesse qu’on ne lui connait pas. On dirait qu’elle a pleuré, elle aussi, mais c’est dur à voir malgré les battements réguliers de paupières. On la remercierait bien, une à une, mais on n’y arrive pas. Elle devra se contenter de deux faibles sourires mélangeant perplexité, gratitude et toux sanglante. La PLS nous permet de tousser et crachoter sur le côté, Phoebe étant la plus longue à récupérer et celle ayant du fait le plus l’occasion de fixer madame Darkhölme dans le flou. Elle aimerait avoir encore la force de considérer qu’elle peut se débrouiller mais, voilà, elle ne l’a pas. Alors elle ferme juste les yeux, en confiance.

Puis c’est mademoiselle Mac Taggert qui s’en vient, commençant par Céleste. La position assise est difficile car on peine à y tenir par nous-mêmes, entre la toux et l’absence de contrôle des jambes, mais le soutien est suffisant. La guérison, rapide. Céleste cligne donc plusieurs fois des yeux alors qu’elle récupère ses capacités intellectuelles. Toutes ? Elle n’en sait rien. Suffisamment pour se tenir seule et illuminer son propre regard d’énergie bleuté. Regardant la compresse d’une façon légèrement absente, elle la prend parce qu’on la lui donne avec un double remerciement difficilement audible.

Sans être capable d’opérer son propre esprit, elle entreprend de restaurer les liaisons neuronales de Mindee alors même que mademoiselle Mac Taggert tâche de la soigner moyennant plus de difficultés. Céleste le voit et plisse les lèvres, s’attristant sans perdre sa gratitude et pliant légèrement la compresse de nervosité. La modification cérébrale prendra plus de temps que les soins mais au moins l’espièglerie de celle du milieu lui revient. Elle sourit à notre bienfaitrice puis place les mains en coupe en attendant sa propre compresse, remerciant plus fort avant de se tourner vers Phoebe et de s’en aller dans ses neurones. Céleste, elle, commence aussi a épousseté Mindee à l’aide de la compresse.

Guérir Phoebe pousse mademoiselle Mac Taggert à bout et la décision d’une offre de boite de chocolat en remerciement est prise à deux et demi. Puis à trois. Toutes assises, les yeux illuminés de bleu, on délaisse un instant notre altération cérébrale et la distraite toilette qui l’accompagne pour regarder un instant ces familles qui s’entraident par amour et affection pour leurs membres réciproquent. On est contentes d’être là. Inquiète de ce qui va arriver et blessées dans notre confiance en nous mais contentes d’avoir pu aider et partager la récupération d’un amour comme on n'en connait pas.

Wanda est là.