[Terminé] Pane, verdure e gatti

Les conclusions de Joseph s’étaient donc avérées être justes. Il comprenait désormais bien mieux les étrangetés dont il avait été témoin lors de ses différentes recherches, en particulier l’inexistence totale d’un Charles Xavier Junior dans les sphères scientifiques, alors que, lors de leur entretien, il avait fait preuve d’une expertise sans équivoque. Plongeant pensivement sa cuiller dans la petite crème brûlée qui composait son plateau, il écoutait Raven tout en songeant à toute la remise en perspective que cette révélation impliquait. Il envisageait de nouer des relations avec Charles Xavier. Non, en fait, il devait le faire. Outre l’impression que cet homme lui avait laissée, il était une véritable mine de savoir, probablement à même de combler ses propres lacunes.

La crème brûlée était plutôt bonne, il changea malgré tout pour la panna cotta, un dessert qu’il affectionnait particulièrement. Son regard se reporta sur Raven tandis qu’elle faisait état de son adoption et demandait s’ils s’étaient déjà rencontrés.

« J’ai en effet eu ce plaisir », répondit-il en prenant une cuillérée de tiramisu, « Dans un cadre strictement professionnel, cependant. Je dois admettre que sans vos… révélations, j’aurai continué de croire qu’il était un Charles Xavier Junior. Mais savoir qu’il s’agit du même homme qu’il y a plus de 50 ans renouvelle grandement mon intérêt pour sa personne. Après tout, votre frère était plutôt connu dans le microcosme de l’étude des mutants. »

Il ne fut guère difficile de noter l’état de confusion dans lequel se trouvait Raven, confusion qui laissa le psychologue perplexe. Il s’agissait donc bien d’un secret. Il en était probablement de même pour le voyage temporel. Il semblait que Raven tirait aisément des conclusions sans vérifier leur véracité, ce qui pouvait expliquer de nombreuses choses quant à son comportement. Énergique certes, mais attendant d’autrui qu’on comprenne les choses à sa façon.

Il ne lui reprochait pas : nombre de personnes étaient ainsi et ceux capables de se placer selon différentes opinions et méthodes de pensée étaient rares. Mais le fait qu’il saisisse enfin cette partie de sa personnalité allait sans doute l’aider pour leurs prochaines discussions, ce qui lui permettrai d’éviter de prendre la mouche lorsqu’elle le « testait ». Achevant son mini-tiramisu qui était succulent, il tâcha de la rassurer un peu.

« Oh, il n’y a pas mort d’homme, vous savez. Votre frère et moi semblons avoir des inclinaisons semblables, bien que de branches différentes. Nous envisagions de nous rencontrer de nouveau. Je suppose que je l’aurai su tôt ou tard. N’ayez crainte, je ne vendrai pas la mèche. »

Avec un sourire entendu, il lui rendit son clin d’œil, le premier qu’il lui faisait depuis qu’ils se connaissaient, et porta délicatement la tasse de café brûlant à ses lèvres, l’expérience l’ayant lourdement endurci à la température du breuvage. Encore une fois, il songeait qu’il appréciait vraiment ces moments de camaraderie avec Raven et espérait qu’il puisse en avoir d’autres à l’avenir.

L’esprit quelque tatillon de Joseph rétorqua qu’il ne faisait en fait pas de différence entre humains et mutants dans l’exercice de sa profession quant à son désir d’apporter son aide, mais le caractère de gentleman dont il faisait preuve fit barrière à cette présomptueuse et irrespectueuse précision, de sorte que nul mot ne quitta ses lèvres qui se contentèrent de former un sourire convenu comme toute réponse. Petit à petit, il termina chacun de ses petits desserts avec plaisir.

Lorsque la note arriva, Joseph ne fit même pas mine de tenter de la consulter, savourant tranquillement son café tandis que Raven se jetait sur le morceau de papier pour s’assurer l’ascendant sur le paiement. Ils avaient convenu de cela en amont, mais il jugea qu’elle avait encore dû sauter aux conclusions. Il constata toutefois qu’elle était bien plus vive qu’elle ne l’avait démontré jusqu’ici. Peut-être se relâchait-elle enfin, maintenant qu’il n’y avait plus de lourds secrets entre eux.

Enfin, relâchée était un bien grand mot lorsque vint sa dernière phrase. Pourquoi envisageait-elle cette prochaine rencontre comme étant soumise à condition ? Pensait-elle soudain que la révélation de sa nature mutante avait changé quelque chose de ce point de vue ? Ou était-ce son passé ? Il avait déjà vu ce genre de comportement, nombre de métahumains n’admettaient pas publiquement ce qu’ils étaient de peur d’être rejetés. Cependant, il constatait avec quelle insouciance elle lui en avait fait part avant de finalement, une bonne heure et demie plus tard, réaliser que cela pouvait provoquer un rejet. Il se demanda alors ce qu’elle enseignait à ses élèves mutants et espérait qu’ils avaient plus de jugeotte, pour leur bien.

Joseph pensait pourtant avoir déjà prouvé que ces révélations ne changeaient rien, mais plus il comprenait la charmante mais maladroite Raven, plus il saisissait qu’elle agissait bien plus avec son instinct qu’avec la réflexion. Il en vint même à estimer qu’elle et son estimé frère devaient se disputer assez fréquemment. Ce qui signifiait également que Joseph et elle auraient probablement d’autres sujets de dispute à l’avenir, puisqu’il était lui-même aussi de l’école de la réflexion plus que de l’action. Pourtant, cette perspective ne le rebutait pas. Se voulant rassurant, il lui répondit doucement :

« Bien entendu, pourquoi n’y en aurait-il pas ? Auriez-vous oublié que nous sommes déjà inscrits au prochain cours ? »