Joseph ne fut pas certain de savoir comment interpréter la réflexion de Raven. S’agissait-il d’un reproche ou d’une simple remarque innocente ? Il décida de ne pas en tenir compte : ils étaient arrivés. La devanture du restaurant ne faisait pas dans l’originalité : du vert, du rouge, du blanc, en bref, les couleurs italiennes. Il sortit de la voiture sans l’aide de Raven, plus par fierté personnelle que pour tout autre raison, mais il lui afficha un sourire aimable pour ne pas la vexer. Il était certes âgé, mais pas impotent. Il remit sa chemise correctement et épousseta quelques restes de leur débâcle féline tout en répondant à Raven :
« Ne vous en déplaise, mais comme nous ne connaissons rien de nos goûts respectifs, le taux d’échec est assez élevé, ne croyez-vous pas ? Pourquoi ne commanderions-nous pas simplement ce qui nous plait et qu’ensuite nous discourrions chacun sur nos plats préférés. Après tout, je suis moi-même soumis à cette étrange coutume qui est de discuter à table de ce que l’on n’est pas en train de manger. »
Il semblait trouver sa remarque amusante. Pour ponctuer son geste, il offrit à nouveau son bras à la jeune femme (enfin, pas si jeune, au final), comme il l’avait fait plus tôt, afin qu’ils entrent ensemble dans le restaurant.
L’intérieur n’était guère plus original que l’extérieur : une grande salle dotée de nombreuses fenêtres, apportant beaucoup de la lumière du soleil, et dont les murs étaient ornés de diverses photos de pizzas ou d’illustrations de pizzaïolo. Une grande ardoise indiquait le plat du jour, une pizza au carpaccio. Des tables de diverses tailles, nappées de blanc, étaient réparties dans la salle selon un tracé labyrinthique entrecoupé de grandes allées où allaient et venaient les serveurs et serveuses de l’établissement. Au fond, on pouvait voir une cuisine ouverte où les chefs et les commis préparaient leurs pizzas à la vue de tous, situation on ne peut plus inconfortable de l’avis de Joseph.
Ils furent installés à une table pour deux et, leurs menus en main, Joseph commença à parcourir la carte des yeux tout en s’assurant par quelques coups d’œil que Raven était à son aise. La discussion précédente avait, d’une certaine façon, créé une distance entre eux. À vrai dire, il ignorait si c’était de son fait ou non, et il savait pertinemment qu’il ne pouvait pas le savoir pour l’instant. Lorsqu’il aurait repassé le film de cette journée le soir ou le lendemain, il découvrirait le pourquoi du comment et, s’il était en faute, présenterait des excuses en bonne et due forme.
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Joseph D. Rowles & Raven Darkhölme - Farfalles et Coquillettes
Ta réponse concernant ma petite proposition de jouer en commandant respectivement à manger l’un pour l’autre me déçue au plus au point. Etais-tu donc si frileux que cela pour refuser de prendre le risque gouter un plat que tu n’avais pas toi-même choisi ? Et encore … La notion de risque était toute relative. Nous parlions ici plus de savoir qui du choix entre la pizza et les pâtes seraient le meilleur. Ne trouvant à répondre qu’un simple, un peu froid :
-Très bien.
Je notais pour moi-même que tu refusais mon aide pour sortir de la voiture et de jouer un peu. Tu étais donc encore plus englué dans tes habitudes que ce que je pensais. C’était même assez triste à voir. Nous n’étions respectivement plus des enfants et les mets à la carte de ce restaurant ne représentaient pas non plus une originalité des plus folles qui pourraient conduire l’un ou l’autre à une grande déception gustative. Gardant ma tristesse pour moi j’acceptais le bras que tu m’offrais mais je ne dis plus rien. J’ignorais si c’était le fait de connaitre mon secret qui te faisait agir de la sorte, ou si … C’était simplement que tu ne supportais pas de sortir de ton petit cocon que tu semblais t’être entouré. Pour un psychologue ou quelque chose s’en rapprochant, tu avais de quoi aller consulter toi aussi. Ce qui était sur en tout cas c’était que tu n’étais pas le genre d’homme à te ranger derrière le choix d’une femme et tu avais l’air de mal supporter le fait que quelqu’un décide pour toi-même pour une chose aussi insignifiante.
Je pris tout de même place face à toi, prenant le soin de retirer mon manteau et laisser pendre mon sac à main à la chaise sur laquelle j’avais pris place. Le serveur arriva rapidement en nous présentant la carte et nous ventant les plats inscrits au menu. Balayant rapidement son contenu je sus tout de suite ce que j’allais prendre. J’avais faim et je n’étais pas le genre de femme à commander une salade au restaurant.
-En entrée je prendrais du carpaccio à l'huile d'olive pas au vinaigre balsamique, puis votre rizotto de la mer en plat principal la double portion, et pour finir un tiramisu accompagné d’un café.
Il parut surpris que je décide de tout aussi rapidement, il ne devait pas être habitué à ce que les femmes de son restaurant ne minaude pas ou s’extasie devant la variété de la carte avec les éternelles « Je ne sais pas quoi prendre. Il y a trop de choix. Tu prends quoi toi ? J’hésite entre ça … et ça… Mais le plat du jour me tente bien aussi. »
-Et vous Professeur Joseph ?
J’anticipais la question du serveur qui me regardant un souriant puis passa son regard sur toi pour noter ta commande.
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"Have you ever looked at a tiger and thought you ought to cover it up? You are an exquisite creature, Raven. All your life the world has tried to tame you. It’s time for you to be free."
Survolant la carte à l’arrivée du serveur, Joseph réalisa que toute la cuisine de la matinée, malgré la façon dont cela s’était terminé, l’avait mise en appétit. Raven se montra particulièrement rapide à choisir, si bien que, pris de court, il dut à son tour choisir rapidement et choisit ce qui était en photo, n’ayant pas le loisir de détailler chaque plat.
« Je prendrai une tomate-mozzarella et une pizza calzone, fermée, avec salade. Je choisirai le dessert plus tard. Ajoutez un vin blanc, s’il-vous-plait. »
Il tendit poliment son menu au serveur. Ce dernier lui proposa plusieurs vins. Joseph savait qu’il s’agissait d’importation, ils devaient donc être très chers, aussi se dit-il qu’il paierait la bouteille de vin pour éviter à la jeune femme d’avoir une note trop salée. Parmi les choix proposés, il en retint un, mais demanda son opinion à Raven pour s’assurer qu’il soit à son goût.
Une fois la commande effectuée et le serveur parti, Joseph décida d’entamer la discussion pour briser la glace qui s’était soudainement installée entre eux.
« Je regrette qu’ils n’aient pas eu de bruschetta. Le cours de ce matin m’a mis en appétit, pas vous ? »
Il savait qu’elle s’était vexée. Il savait qu’elle n’avait pas apprécié qu’il refuse son jeu. Il savait qu’il en était de même pour sa main tendue. Bien entendu, elle n’était pas dans sa tête et ignorait les raisons. Il était aussi évident qu’elle se liait facilement et attendait qu’il en soit de même de la part des autres. Ce qui signifiait qu’elle devait, hélas, souvent être blessée. Joseph appréciait réellement l’enthousiasme pétillant dont elle faisait preuve, c’était un véritable vent de fraîcheur. Mais elle ne savait rien de lui et inversement, sautant visiblement aux conclusions selon son unique point de vue. C’était dangereux. Au-delà de la simple appréciation qu’il avait pour elle, il voulait aussi la protéger. Bien sûr, il se retenait d’agir en conséquence : elle n’était pas sa fille. Elle n’était pas son fils. Elle était simplement quelqu’un qu’il appréciait et avec qui il voulait passer de bons moments. Restait à savoir si c’était encore possible.
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Joseph D. Rowles & Raven Darkhölme - Farfalles et Coquillettes
Il était intéressant de noter que tu avais plus eu de mal à me laisser choisir un plat pour toi plutôt que de connaitre la vérité sur moi. Du moins c’était comme cela que je le percevais. Surement parce que la première situation sortait trop de l’ordinaire alors que la seconde correspondait plus à la réalité de ton métier, bien que tous les enjeux et notamment ce que j’avais pu lire sur l’adaptation des lieux en fonction du sujet me semblait un peu mystérieux. Quel aurait le lieu que tu aurais choisi pour moi ? Je n’espérais pas une reconstitution des accords de Paris ou de cette fameuse cérémonie au stade avec le président. Peut-être des miroirs de partout ? Pour me forcer à me regarder sous ma véritable forme ? En tout cas, je ne le saurai jamais car il était hors de question que je franchisse les portes de ton immeuble en tant que patiente.
La réflexion sur le vin me fit sortir de mes pensées validant ce choix d’un mouvement de tête, restait à voir si le serveur, qui n’était pas sommelier non plus, allait nous apporter un vin plutôt sec ou liquoreux. J’avais une petite préférence pour les vins sucrés et ce depuis que Charles m’avait autorisé à en gouter quand j’étais adolescente. A très petite dose évidemment, du moins quand il regardait.
Redonnant la carte rapidement au serveur je voyais bien que tu faisais des efforts pour entretenir la conversation, mais après la bourrasque glaciale que tu avais insufflé à la sortie de la voiture c’était la moindre des choses.
-Nous devrons attendre de faire nous même nos bruschettas pour y gouter, et elles n’en seront que meilleures ! J’ai également faim, d’où ma double dose de risotto mais …
Je marquais un petit temps d’arrêt en voyant une assiette bien copieuse arriver pour un de nos voisins.
-J’ai peut-être eu les yeux plus gros que le ventre … Peu importe ! Au moins nous ne sommes pas sur de la cuisine gastronomique avec une cuillerée de chaque à manger … Mangez-vous souvent italien ?
Moi aussi, de mon côté je devais faire des efforts pour chasser de mon esprit ta froideur soudaine de tout à l’heure. Le serveur arriva au même moment nous présentant une bonne bouteille de vin blanc français. Un sauterne grand cru classé.
-C’est parfait pour moi, dis-je après avoir examiné la bouteille. Et pour vous ?
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Joseph eut un sourire lorsque Raven saisit la main qu’il avait figurativement tendue. Rien n’était donc perdue et la situation n’était que la suite d’un désaccord. N’était-ce pas ce qui arrivait entre amis ? Même s’il était encore bien trop tôt pour parler d’amitié, les révélations de ces dernières heures et les efforts qu’ils mettaient tous deux étaient un bon début dans cette direction. Des amis… Est-ce qu’il saurait encore comment faire ? Il lui restait bien quelques personnes de confiance, mais il avait cessé de les contacter et eux-mêmes, lassés de ses refus de sortir ou de ses réponses laconiques, avaient fini par cesser d’appeler. C’était de sa faute, bien entendu. Il regrettait aussi, mais même s’il savait théoriquement comment réparer ces liens effilochés, il n’avait jamais eu le courage de tenter. Peut-être sa relation avec Raven permettrait une amélioration de ce côté ?
Enfin, il pensait trop, une fois encore. Ses propres auto-analyses finissaient par le lasser tant elles l’empêchaient de vivre l’instant présent. Il resta concentré sur Raven, animée toujours de cette joie de vivre qui lui faisait envie. Aimait-elle l’apparence qu’elle portait ? Ou n’était-ce qu’un vêtement comme un autre ? En tout cas, elle semblait à l’aise, si on oubliait les restes de froideurs dus à leur différent de tout-à-l’heure. S’inspirant de son dynamisme, il retrouva le sourire qu’il avait d’ordinaire en sa présence lorsqu’elle réfléchit à voix haute sur le point auquel son appétit avait surpassé sa capacité stomacale. Retrouvant sa bonne humeur à son tour, il répondit à Raven :
« Eh bien, je ne suis pas certain que les commandes de pizzas comptent, mais il m’arrive en effet de goûter à la cuisine italienne. J’apprécie ces mélanges de saveur mais j’avoue avoir une préférence pour la cuisine française. Meilleure saveur, mais en effet, quantités moindres. C’est suffisant pour moi qui n’ait pas un grand appétit. »
Le serveur revint avec le choix du vin, il accepta la bouteille. Comme le voulait la tradition, le serveur versa un petit fond de vin dans le verre de Joseph pour qu’il le goûte. Toutefois, pour faire amende honorable sur son attitude de tantôt, Joseph tendit le verre en direction de Raven pour l’inviter à goûter plutôt que lui.
« Me feriez-vous l’honneur ?... »
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-Avec joie professeur Joseph.
Ayant passé plusieurs mois dans les vignobles français il y a quelques décennies je savais parfaitement comment gouter un vin. Mais visiblement je ne pourrais pas le faire dans les règles de l’art en recrachant ma gorgée… Il n’y avait rien de prévu à cette effet. Le bras tendu je saisis le verre à vin que tu m’offrais et commençais d’abord par le faire tourner sur lui-même pour observer sa robe, sa couleur, puis le portant à mon nez je fermais les yeux pour inspirer son parfum m’imaginant dans un vignoble français, une grappe de raisin dans la main, une feuille de vigne dans les cheveux … Ha nostalgie quand tu nous tiens. Puis après avoir humé le breuvage je le portais en bouche le faisant parfaitement épouser mes papilles, puis avalait avec distinction en hochant la tête.
-Il est très bien.
J’attendais que le serveur nous serve deux verres, repose la bouteille pour aller chercher nos plats respectifs, en rebondissant sur la cuisine italienne et française, comprenant clairement que tu essayais, toi aussi, de faire disparaitre le malaise qui c’était installé entre nous, et étonnamment pas à cause de ce que tu avais appris sur moi.
-Quel est votre plat préféré en cuisine française ? Pour ma part, je mange beaucoup pour ma corpulence. Je suppose que le fait de muter me demande plus d’énergie que la plupart des mortels. Je mange de temps en temps comme quatre ...
Mes épaules se haussèrent l’air de rien alors que je prenais mo verre de la main droite, le soulevant dans ta direction pour trinquer. Au moment où nos verres s’entrechoquèrent je prononçais dans un parfait français mon accent à peine audible.
-Santé mon ami.
J’ignorais si tu parlais le français et même si je pensais que non, peut importait. C’était les mots qui m’était naturellement sortis de la bouche, un peu comme une sorte d’évidence.
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Ravi que la situation se détende enfin, Joseph leva aussi son verre et trinqua avec un sourire à la jeune femme, appréciant son français sans faille. En portant son verre à ses lèvres, il traduisit la phrase et apprécia grandement d’être traité en « ami ». Il était visiblement pardonné, ce qui apporta une autre dose de soulagement qui se mêla au nectar qu’il goûtait. Un bon vin, assurément, mais qu’il sentit encore meilleur avec le sentiment d’une mésentente enfin écartée. Posant son verre, il réfléchissait déjà à la question que lui avait posé Raven, sans forcément parvenir à se décider : la cuisine française offrait de nombreux choix. Pour gagner du temps, il enchaîna sur la discussion dont il savait pouvoir tenir le rythme.
« Vous ne seriez pas la première dans ce cas. Certains mutants tirent leurs capacités des calories présentent dans leur corps et en consomme une bien plus grande quantité. À ce titre, ma chère, je suis certain que l’idée d’une femme à même de manger ce qu’elle veut en grandes quantités sans prendre un seul gramme ferait pâlir de jalousie de nombreuses femmes de par le monde. »
Son cerveau parvint enfin à mettre la main sur des plats français qui avaient attiré son intérêt pour diverses raisons.
« Pour ce qui est de la cuisine française, je n’ai pas votre chance et je me dois de veiller à ma ligne. Le corps est le temple de l’esprit, il faut le garder sain et robuste pour que l’âme s’y épanouisse. Cependant, et malgré ce que je viens de dire, j’avoue avoir un faible particulier pour les crêpes, salées comme sucrées. Dans une nature plus saine, j’apprécie un « bœuf bourguignon » à l’occasion. »
Contrairement à Raven, il avait un fort accent en prononçant des mots français, en particulier autour des R. Pourtant, on voyait qu’il tentait de faire un effort pour les prononcer correctement, mais il ne semblait connaître du français que les rudiments, aussi n’était-il pas à la hauteur.
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Joseph D. Rowles & Raven Darkhölme - Farfalles et Coquillettes
Et voilà que tu repartais sur un discours concernant les mutations et leurs effets secondaires. Tu avais donc vraiment beaucoup de mal à décrocher de ton boulot. Peut-être avais-je fait une erreur en te révélant ma vraie nature ? C’était comme si maintenant que tu savais tu cherchais à tout prix à trouver une explication. Mais je laissais passer pour cette fois car tu déviais tout de même la conversation sur une des particularités de ma mutation qui effectivement pouvait prêter à sourire.
-Oh oui effectivement je pense que … L’ensemble des femmes de toutes les planètes confondues … Voudrait pouvoir remodeler leur image selon leur bon vouloir.
Un petit sourire en coin au bord des lèvres, je passais une main dans mes cheveux, comme si j’étais un peu gênée ou autre par la situation.
-L’apparence que vous voyez là est celle que je suppose que j’aurai eut si je n’avais pas muter. Après concernant le poids effectivement, j’ai l’impression que même sans muter cela ne change pas vraiment !
Les lèvres pinçaient je savais que cela pouvait être source de nombreuses convoitises et que mon sang et mon ADN serait la matière la plus précieuse pour de nombreux scientifiques du monde entier. Vu ton discours concernant la cuisine et le corps je m’étonnais que tu ne sois pas végétarien ou quelques choses du genre. Tu mangeais en tout cas peut-être du bio et ou des produits locaux. Et je savais que cela représentait un coût mais tu n’avais pas l’air d’avoir de soucis financier. Le verre de vin dans la main j’en bu une bonne petite gorgée. Il était vraiment bon. Tu avais fait le bon choix.
-Hum … Les crêpes bretonnes. Je vous comprends c’est vraiment délicieux.
Je passais ma langue sur mes lèvres juste à l’idée de pouvoir en remanger une sur une plage bretonne. Tout était si bon en France. Ce pays n’était pas celui de la gastronomie pour rien. Au même moment le serveur nous apportaient nos entrées et de mon côté elle fut dévorée en peu de temps.
-Le bœuf bourguignon à vraiment beaucoup de succès c’est vrai. Les Français mangent beaucoup de plats en sauce … Etes vous déjà allé en France ?
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Joseph n’avait pas soulevé la capacité de métamorphe de Raven, aussi fut-il surpris de la voir en parler comme si c’était le cas. Mauvaise interprétation ou besoin de justification ? Dans tous les cas, cela semblait la gêner. Il n’avait de toutes façons pas l’intention d’insister sur le sujet. La métamorphose était un pouvoir ayant un très fort potentiel de nuisance, chose dont il aurait fini par parler malgré lui, sabordant par là même leurs efforts conjoints pour oublier leur désaccord. Concernant son apparence actuelle, il apprécia de savoir qu’il s’agissait de celle où elle se sentait le plus à l’aise.
Heureusement pour lui elle repartit bille en tête vers la gastronomie, une discussion simple qui ne générerait pas encore d’incompréhensions, du moins, il l’espérait. Fut alors abordé le thème des voyages, qui serait probablement très intéressant puisque Raven semblait avoir joué les globe-trotters, contrairement à lui qui s’était limité à seulement quelques voyages de loisir et professionnels.
« Je suis allé une fois en France, à Paris. Une ville magnifique. Nous y étions allés pour deux semaines avec ma femme et mon fils. C’était pendant l’été 1999. Cette ville est vraiment superbe. »
Son esprit fit un détour pervers en direction de ce souvenir, lui rappelant combien il avait été heureux, à l’époque, d’offrir des vacances à l’étranger à Clara et Thomas, signe à l’époque qu’il sortait enfin des difficultés financières. Mais se souvenir apporta aussi une ombre dans son esprit, comme la douleur lancinante d’une cicatrice profonde. Six ans déjà s’étaient écoulés depuis le drame. Qui aurait cru qu’il survivrait aussi longtemps ? Conscient de ce qui risquait d’arriver s’il ne prenait pas garde, il ne fit aucune description et enchaina aussitôt sur une autre question, dont la réponse, espérait-il, lui permettrait de balayer la vague de tristesse qui tentait de se frayer un chemin vers son visage encore souriant.
« Et vous Miss Raven ? Vous semblez avoir parcouru le monde. Me raconteriez-vous vos voyages ? »
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Hum … Le sujet épineux de la famille. Ta femme et ton fils. Je savais qu’ils n’étaient plus de ce monde, et bien que leur évocation fut rapide je me sentis comme privilégiée que tu m’en parles. Un peu comme si tu acceptais de dévoiler une part de toi-même qui, en réalité, semblait si difficile à atteindre. Flattée je ne préférais pas te poser plus de questions sur le sujet. Il était évident que pour toi je ne connaissais pas leur triste destin, mais Charles m’ayant demandé des recherches un peu poussées sur toi, j’avais eut accès à de nombreuses informations. D’un côté je me sentais comme … coupable, coupable de l’avoir appris d’une autre bouche que la tienne. D’où le fait que je ne souhaitais pas poser plus de questions que cela. Heureusement tu rebondis à nouveau sur le sujet des voyages, et des miens, ce qui pouvait entrainer une longue, très longue conversation.
Mangeant mon entrée en faisant une pause pour te parler j’hochais la tête la bouche pleine, posant une main devant pour finir d’avaler correctement avant de prendre la parole. Ce n’était pas vraiment le moment de m’étouffer.
-En effet, j’ai parcouru une bonne partie du globe des années 1964 à 74 … Puis de 74 à … Et bien pendant encore dix ans. J’ai visité tous les pays d’Europe, dont certains n’existent plus aujourd’hui d’ailleurs. L’Afrique aussi, une partie de l’Asie et quelques pays d’Amérique du Sud et Centrale. Ayant une facilité pour les langues j’en ai apprise de nombreuses, il n’y a qu’un seul pays où je ne suis pas retournée, celui de ma naissance l’Autriche.
Me doutant bien que tu allais me demander pourquoi j’anticipais la réponse alors que ayant fini mon entrée le serveur me débarrassait et m’apportait ma plâtrée de risotto.
-Je ne sais pas, mais je n’ai jamais voulu y retourner. Et n’essayer pas de me faire comprendre pourquoi.
J’accompagnais ma phrase d’un petit tirement de langue dont j’avais le secret et que j’avais eu l’occasion de réaliser plusieurs fois déjà avec toi depuis ce matin.
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