« L’HUMANITÉ EST FONDAMENTALEMENT FAITE DE RENCONTRES. » A. SISSAKO
DATE À DÉTERMINER AVEC LE SLIME
Comme Jean l’avait présagé, la brune à la nature bien mystérieuse s’extasiait d’une joie et d’une impatience qu’elle ne cherchait guère à dissimuler, accentuant davantage la gêne occasionnée par le sous-entendu maladroit qu’elle avait distillé ; telle une enfant impatiente devant un sapin de Noël encombré de cadeaux sertis de rubans colorés, elle avait frappé dans ses mains avec grande joie, réitèrent son envie déterminée de visiter la chambre de Scott. Si Jean savait que c’était précisément la chambre qui l’intéressait, et non pas la personne spécifique qui l’occupait, le malheureux n’y comprenait pas grand chose : il savait fort bien que la rousse pouvait se montrer fort taquine et malicieuse lorsqu’elle le désirait, mais elle ne l’avait jamais conduit à être dans une situation aussi rocambolesque… Mordant dans le coin de sa lèvre, la mutante s’était finalement redressée pour se hisser sur ses jambes, se rapprochant des deux individus en essayant de calmer le jeu, qu’elle avait elle-même envenimé.
Essayant de dissimuler son sourire amusé, quand bien même son expression espiègle trahissait inévitablement son humeur enfantine, Jean s’était placée entre Scott et la brune, tournant tour à tour son visage l’un vers l’autre tout en disant, d’une voix qui se voulait sincèrement apaisante :
« Scott ne veut pas faire visiter sa chambre… Mais si tu veux on peut aller se promener dans le parc ? Il fait beau, le parc est grand et ce serait agréable de marcher dans l’herbe, qu’est-ce que tu en penses ? »
La question était davantage tournée vers la brune que vers Scott, car elle savait qu’il allait les suivre : c’était ce qu’ils avaient tous les deux prévu avant l’arrivée inattendue de… l’étrange jeune femme, il n’y avait donc aucune raison pour qu’il ai changé d’avis entre temps. Du coin de l’œil, Jean vit que Scott avait glissé ses mains dans ses poches sans décamper, ce qui signifiait qu’il avait bien l’intention de les accompagner… Tant mieux. Ils ne seront pas de trop au cas où les choses tourneraient mal, car la jeune femme semblait aussi têtue qu’imprévisible.
« Tu es d’accord, toi aussi ? »
Se retournant vers cette dernière, Jean avait arqué l’un de ses sourcils tout en lui souriant avec gentillesse, attendant de recevoir sa réponse. Si elle insistait pour visiter la chambre de Scott, celui-ci allait finir par s’énerver ou par partir… Et la rouquine ne savait pas tellement quelle option elle préférait. Il fallait vraiment qu’elle prévienne Charles… .
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THE FIRE FINDS A HOME IN ME ᭸ clipped wings, I was a broken thing, had a voice but I could not sing. there's a scream inside that we are frightened,we hold on so tight, we cannot deny, eats us alive, oh it eats us alive. there's a scream inside that we are frightened, I’ll shout it out like a bird set free.
La jeune femme sembla réfléchir quelques secondes à la question que lui posa l’humaine. D’un côté, elle avait très envie de voir la chambre de l’humain. Et puis, l’humaine avait déjà tenté de l’empêcher de voir d’autres humains. De l’autre côté, elle ne savait pas ce qu’était un « parc », elle était donc très curieuse de savoir. Visiblement aux prises avec un véritable casse-tête, ses iris virèrent tour à tour au violet, au bleu, au rose, à l’orange, au violet à nouveau avant de retrouver leur « couleur naturelle », tournant alors son regard noisette vers Jean.
« J’ai très envie d’aller au parc ! Mais après, je veux avoir une chambre. »
Son exigence fut posée sur un ton qui, cette fois, était bien adulte, le ton du compromis, qui venait de balayer d’un seul coup tout le côté enfantin de la jeune femme pour lui donner un air bien plus adulte. La Slime se tenait droite et regardait Jean avec volonté, comme si elle venait de conclure une affaire en y posant ses propres conditions.
À côté d’elles, Scott n’y comprenait plus rien, mais les changements colorés des yeux de la mystérieuse femme ne lui avaient pas échappé. Il voulait ardemment demander à Jean ce qu’il se passait : il détestait être laissé sur la touche. Mais il se retint, serrant un peu les poings dans son dos pour se calmer. Toutefois, dès qu’ils se mirent tous trois en route vers le parc, il profita que la jeune femme était au-devant d’eux dans les couloirs de l’institut pour chuchoter à Jean :
« Tu comptes m’expliquer ce qu’il se passe ? C’est qui cette fille ? »
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Comme une toupie ne pouvant s’arrêter de tourner, les yeux de l’étrange jeune femme prirent tour à tour une teinte violine, bleu, rose, orange puis violine à nouveau, laissant la rousse aussi fascinée qu’effarée ; c’était un spectacle impressionnant, curieux mais étrangement beau, dont elle ne se lassait pas. Pourquoi ses yeux changeaient de couleur ? Jean se posait la question mais se gardait bien de la poser, se doutant bien que la belle brune ne serait pas en mesure de lui offrir une réponse digne de ce nom. Lorsqu’elle reposa des yeux —bruns cette fois, sur la rouquine qui l’avait accueillie, elle fit bien vite d’accepter l’escapade dans le parc, non sans oublier la fameuse chambre ardemment désirée… Peut-être qu’elle oublierait la chambre une fois dans le parc ? Avec les autres élèves, avec le lac, avec les arbres… La mutante pouvait toujours espérer.
Jean n’aimait pas mentir, mais n’osait pas la contrarier, de peur de recevoir une réaction aussi violente qu’incontrôlable de sa part. Mordillant le coin de sa lèvre, la rouquine avait finalement hoché son visage de haut en bas tout en plissant légèrement ses paupières, donnant l’impression de consentir à cet accord mais, il suffisait de connaître la jeune fille pour savoir qu’elle ne croyait pas elle-même à ce qu’elle disait.
« Il faut sortir de la chambre pour rejoindre le parc, c’est tout en bas… »
Désignant la porte d’un léger coup de menton, elle avait ensuite lancé un regard inquiet vers Scott, qui était parvenu à garder le silence par un sérieux miracle. Emboitant le pas de la brune, qu’il valait mieux garder à l’oeil pour l’instant, Scott et Jean descendirent les escaliers côte à côte à sa suite, la rousse n’échappant pas aux interrogations de son ami… Évidemment. Qu’est-ce qu’elle pouvait bien lui répondre ?
Triturant ses mains, Jean avait mordu dans le coin de sa lèvre tout en lui lançant quelques regards appuyés, essayant de gagner du temps en feignant d’avoir peur que quelqu’un les entende. Mais ce stratagème ne pouvait durer indéfiniment, et la rouquine fut bien vite obligée de lui offrir une réponse de vive voix, car il n’aimait pas trop qu’elle lui parle via l’esprit. Même si, pour cette fois, ça aurait été drôlement utile. Ne voulant pas lui mentir, elle s’était rapprochée d’un pas vers lui, essayant de parler le plus discrètement possible pour que personne d’autre ne puisse l’entendre, du moins, c’est ce qu’elle espérait.
«C’est… J’en sais rien. Elle a débarqué dans ma douche et elle prétend que c’est par les tuyaux qu’elle est arrivée là. Elle n’est pas… Pas vraiment humaine… — Pas vraiment humaine ? Tu te fiches moi ? Ça veut dire quoi, ça ? »
Lui faisant les gros yeux en relevant légèrement ses mains, Jean n’avait aucune explication à lui fournir, mais il en attendait une, et la rouquine se sentait un peu responsable de leur invitée, qui se fondait bien parmi les autres étudiants. Heureusement, peu de personnes se retournaient vers eux, les élèves de l’Institut étant habitués aux nouvelles têtes dans les couloirs.
« Je ne sais pas trop ce qu’elle est, voilà ! Mais elle n’est pas humaine, c’est sûr. Au début j’ai cru que c’était une mutante qui pouvait traverser les murs comme Kitty mais, ensuite, j’ai lu son esprit et elle a pensé m’engloutir… Je ne sais pas trop ce que ça veut dire, mais je pense qu’elle peut être dangereuse… Tu crois qu’on devrait prévenir Charles ? »
La question fatidique était tombée, et Jean redoutait d’avoir trop attendu avant de prévenir son mentor. Seulement, elle redoutait que celui-ci ne chasse la jeune femme, qui semblait seulement vouloir un endroit à elle… Peut-être voulait-elle un foyer, une maison où vivre et être acceptée ? Jean ne voulait pas être son bourreau, mais elle ne voyait plus trop comment se sortir de cette situation compliquée. Enlaçant ses propres bras en fronçant ses sourcils d’un air contrit, la jeune mutante avait levé un regard plein d’espoir vers Scott, espérant qu’il ait une solution en tête, ou au moins une idée… .
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La Slime était au comble de la joie : tout le long de leur descente vers l’entrée principale du manoir, ils croisèrent plusieurs humains, dont certains qui présentaient des traits inhabituels : autant de visages qu’elle pouvait apprendre, autant de personnalités qu’elle voulait connaître. Avec un entrain assez déstabilisant, elle salua chaque personne qu’elle croisa avec un « bonjour » enjoué, auxquels certains répondirent timidement et d’autres un peu plus franchement, l’identifiant comme une nouvelle élève, à plus forte raison que Jean et Scott la suivaient.
Juste après l’explication de Jean, Scott s’étrangla presque à la mention « d’engloutir ». Le bruit provoqué par sa gorge fit se retourner la Slime, mais ne voyant rien d’anormal, elle reprit son chemin. Elle n’avait pas du tout l’air d’avoir entendu leurs messes basses. Reprenant tout bas mais visiblement énervé, Scott chuchota :
« Mais ça va pas de rester seule avec elle comme ça ?! Bien sûr qu’il faut prévenir Charles, et vite, avant qu’elle ne fasse des dégâts. Je te préviens, si tu ne le fais pas, c’est moi qui le ferai. »
Scott n’aimait pas avoir à s’en remettre à Charles, mais il savait aussi qu’il en fallait pas mal pour inquiéter Jean à ce point. Et le fait que cette femme ne soit en réalité pas humaine le contraignait à s’en remettre à quelqu’un qui était, il le savait, plus sage que lui pour régler ce genre de problème.
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Fort heureusement pour les deux personnes en charge de la jeune fille qui n’en était pas vraiment une, les autres élèves étaient accoutumés aux nouveaux arrivés et ils ne s’étonnaient donc pas vraiment de voir un visage étranger déambuler au milieu des couloirs et des escaliers, lui souriant et répondant même à ses salutations lorsqu’elle s’évertuait à les interpeller, désireuse de connaître davantage d’humains pour assouvir sa curiosité insatiable. Certains visages face à eux étaient souriants —bien que parfois largement dubitatifs devant l’attitude la « nouvelle », et Jean ne savait pas réellement quelle mine elle se devait d’aborder de son côté : devait-elle sourire malgré l’inquiétude de cette présence étrange, ou afficher explicitement qu’il fallait se méfier de la brune qui avançait devant eux, sans même se soucier des regards éberlues qu’on lui lançait ? Difficile de trancher.
Pour l’instant, la brune n’avait rien fait de mal (sinon formuler des pensées plus ou moins effrayantes), Jean n’avait donc pas le cœur assez solide pour la chasser sans en avoir une bonne raison, mais devait-elle attendre qu’un évènement tragique arrive ? Scott, de son côté, avait tranché : affichant une expression sévère, il n’avait pas attendu pour transmettre à Jean le fond de sa pensée. Celle-ci, prise en faute, avait pressé ses lèvres l’une contre l’autre en feignant une innocence presque parfaite, car elle savait qu’il avait pertinemment raison.
« Mais elle n’a rien fait de mal ! »
Avait-elle dit d’une voix un peu plus forte qu’elle ne l’aurait voulu, ses lèvres se pressant rapidement l’une contre l’autre avant qu’elle ne s’empresse de vérifier que personne ne l’avait entendu, tout en continuant de marcher aux côtés de Scott. Grattant légèrement son front, Jean avait descendu les escaliers menant au parc en prenant une fine inspiration, un peu déboussolée à l’idée de justifier son comportement inconscient… Mais l’était-elle vraiment ? Scott menaçait de prévenir Charles, et elle redoutait le pire pour la suite si son mentor venait à intervenir. Il chasserait probablement la brune, mais à quel prix ? Se laisserait-elle faire sans rien dire ? Fronçant légèrement ses sourcils, Jean avait tourné le menton vers Scott tout en reprenant la parole, d’une voix plus discrète cette fois.
« On pourrait essayer de la faire partir nous-même… Elle finira par se lasser, peut-être… — Tu penses convaincre qui, là ? Toi ou moi ?»
Même Jean n’y croyait pas, et devant le sourcil arqué de Cyclope, la rouquine avait bien compris qu’il n’était guère plus crédule qu’elle. Essayant de gagner du temps auprès de ce dernier, la télépathe s’était avancée d’un pas pour se placer aux côtés de la jeune femme, désignant le lac au milieu du parc verdoyant.
« Tu veux qu’on s’installe là-bas ? On serait à l’ombre et au calme au moins... »
Jetant une œillade discrète par-dessus son épaule pour regarder Scott durant un infime instant, la rouquine avait offert un sourire enjoué à la jeune femme, espérant que celle-ci aille dans son sens et reste calme, pour ne pas donner des arguments à Scott… .
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La jeune femme ne semblait pas comprendre pourquoi ils s’étaient soudainement arrêtés, dehors, et que l’humaine lui demandait où s’installer. Cependant, la Slime savait qu’il n’était pas bon pour elle de rester trop longtemps au soleil par ces températures, donc la proposition de l’humaine était un véritable confort pour elle. Pour ce qui était du calme, elle s’en moquait. Elle repassait dans sa tête les quelques visages qu’elle avait croisé sur la route et qui lui avaient répondu, espérant plus tard pouvoir faire plus ample connaissance avec eux.
Elle accepta sans difficultés d’aller à l’ombre, tandis que son esprit voguait de conjectures en conclusions. Au final, elle comprit que le « parc » était cet endroit. La déception se lut sans peine sur son visage. Quel intérêt avait cet endroit ? Elle était tout le temps dehors, les extérieurs n’avaient plus de secrets pour elle. Oui mais les humains y percevaient peut-être quelque chose de différent ? Ils étaient tellement étranges, la Slime commença à essayer de comprendre l’intérêt qu’ils trouvaient à cet endroit.
Pendant qu’elle remuait ses méninges, Scott commençait à ronger son frein : maintenant qu’il savait que cette femme n’était 1. Pas humaine, 2. Potentiellement dangereuse, et surtout que Jean s’était suffisamment prise d’affection pour elle pour ne pas agir en conséquence, il était visiblement nerveux. D’un côté, il voulait aller immédiatement prévenir Charles pour qu’il règle l’affaire avant qu’elle ne fasse des dégâts, de l’autre, il ne voulait pas non plus se disputer avec Jean, même si l’entêtement de cette dernière commençait à l’agacer.
Comme ils étaient désormais trop près de la « créature » pour pouvoir discuter en douce, il se contenta de s’asseoir sur le banc et à taper nerveusement du pied, tant pour évacuer son agacement que pour obliger Jean à faire un choix.
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Finalement, le paysage verdoyant du parc n’avait pas eu l’effet escompté sur la demoiselle non-humaine : plutôt que de s’émerveiller du décor paisible autour d’elle, du chant des oiseaux perchés dans les branches au-dessus de sa tête et du soleil brûlant venant caresser leurs joues pâles, la brune affichait une mine défaite, comme déçue. Peut-être s’était-elle attendue à autre chose ? À un tout autre décor ? Qu’est-ce que le mot « parc » pouvait évoquer dans son esprit si particulier ? Lorsque Jean lui avait fait la proposition, elle était apparue comme enjouée pourtant… De quoi désarçonner la jeune rousse, qui avait observé son expression peinée avec une inquiétude presque suspicieuse, craignant que la brune n’exulte de colère et de déception, à l’image d’un enfant capricieux recevant le mauvais jouet pour Noël.
« Ça ne te plaît pas ? »
Fronçant légèrement ses sourcils, Jean avait penché son visage sur le côté tout en prenant place sur le banc, se mettant entre Scott et la brune comme pour faire bouclier : il ne fallait surtout pas donner des arguments au jeune homme qui portait des lunettes rouges, au risque de le voir s’emporter à son tour. La rouquine avait l’impression d’être coincée entre une dynamite et une allumette. Mordant le coin de sa lèvre avec nervosité, Jean avait lancé un regard discret sur le côté, observant la jambe de Scott qui tressautait avec tout autant d’appréhension ; si elle se cachait derrière ses mèches rousses pour éviter ses yeux incriminants, la jeune femme devinait fort bien l’expression coléreuse de son regard, qui lançait des éclairs moralisateurs. Évidemment, il était pleinement lucide parce qu’il ne s’était pas pris d’affection pour la brune, aussi étrange et potentiellement dangereuse était-elle.
« Détends toi… — Que je me détende ? Tu veux peut-être que je lui fasse une visite guidée ?»
La voix de Scott, tendue par la nervosité palpable, avait porté bien plus qu’il ne l’aurait voulu, malgré le fait qu’il ne voulait pas se fâcher avec Jean : c’était bien la première fois que ces derniers n’étaient pas alliés, d’ailleurs. Mais la nature naïve et affable de la télépathe l’empêchait de réagir avec conscience et raison, car elle était seulement guidée par son cœur suave. Se détournant de Scott en lui tournant volontairement le dos pour cacher la brune, Jean avait appuyé son coude sur le rebord du banc tour en offrant un sourire quiet à la jeune femme, essayent ainsi de faire diversion. Il fallait à tout prix qu’elle reste calme, qui sait ce qu’elle pourrait faire en état énervée ?
« Tu sais tirer à l’arc ? On peut te montrer si tu veux ! Je suis sûre que tu vas exceller dans ce domaine. — Génial. Donne lui une arme comme ça elle pourra tuer quelqu’un plus rapidement. »
Avait-il marmonné d’une voix basse, ses bras croisés contre son torse en fixant un point invisible devant lui ; Jean, elle, s’était un peu raidie sur le banc, se questionnant sur la justesse de ses paroles. Et si… Non. Il n’y avait aucune raison pour qu’elle essaye de faire ça. Vraiment aucune… N’est-ce pas ? .
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La Slime hocha négativement la tête quand l’humaine lui demanda si ça ne lui plaisait pas. Elle n’avait même pas hésité, répondant en toute franchise, mais pour autant elle n’amorça même pas d’explication. Si ça pouvait être pris pour une bouderie ou un besoin de ne pas parler, la vérité était qu’elle était bien incapable d’expliquer le pourquoi de sa déception. Elle était déçue. C’était tout.
Pour elle, tout ce paysage autour d’elle n’était que du déjà-vu. Elle n’était pas insensible à sa beauté, dans le sens où, même si elle y était habituée, elle appréciait grandement le mode de vision des humains, plein de couleurs, d’odeurs, de goûts et de profondeur. Mais elle aspirait à découvrir de nouvelles choses, elle voulait en savoir autant que les humains. Elle voulait les comprendre, se fondre parmi eux.
La voix un peu trop forte de l’humain la sortit de sa réflexion, tournant la tête dans sa direction par réflexe. Bien loin de comprendre la tension de la situation, elle ne vit en lui que des symptômes de mauvaise santé, comme elle en voyait souvent chez les humains. Pour une raison qu’elle ignorait, ces symptômes avaient tendance à disparaître lorsqu’elle souriait. Elle se releva donc du banc et, faisant face à Scott, lui sortit son plus beau sourire, aussi charmeur qu’innocent, pour soigner son mal.
Scott fut pour le moins décontenancé. Il ne pouvait pas répondre à un sourire aussi sincère par l’agressivité, mais il ne pouvait pas non plus ignorer le danger qu’ils couraient. Il se tourna donc sur le côté pour éviter ce regard bien trop engeôleur et ne pas tomber dans le même piège que Jean. Les bras croisés, il regardait ailleurs.
La Slime entendit parfaitement ses marmonnements ensuite, mais n’en saisit que partiellement le sens. Tuer, elle savait ce que c’était, mais la notion d’arme lui était étrangère. Tuer quelqu’un ? Pourquoi ferait-elle ça ? Elle ne voyait que deux situations où elle pourrait tuer un être vivant : se nourrir et en cas de danger. Souvent, les deux allaient de pair, cela dit. Elle ne se sentait pas en danger, à part peut-être le soleil qui était contraignant pour elle, et elle n’avait pas faim. Il n’y avait pas de raison alors.
Quelque chose tiqua dans son esprit. Est-ce que l’humain pensait qu’il était en danger ? Peut-être était-ce par ce qu’il ne la connaissait pas. En y réfléchissant, les humains ne mangeaient pas d’autres humains. Ils se nourrissaient d’étranges viandes sorties de « plastiques », qui étaient assez difficiles à digérer et des végétaux dans des boites en métal, encore plus difficiles à digérer. Par contre, elle avait déjà vu des humains tuer d’autres humains, même si elle n’avait pas bien compris pourquoi ils mouraient. Donc, si des humains pouvaient tuer d’autres humains, et que cet humain ne la connaissait pas, il craignait qu’elle le tue. C’était évident !
« Je ne veux tuer personne », répondit-elle dans un sourire sincère. « Les hum- euh, les gens sont plus intéressants quand ils sont vivants. »
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La bienséance aurait voulu qu’elle taise sa déception pour arborer un visage de satisfaction impeccable, mais la nature toute simple et honnête de la jeune brune l’avait empêchée de se soumettre à cette convenance sociale apprise dès l’enfance, car elle y avait échappé. Assez surprise de faire face à une telle réaction, Jean avait passé la pointe de sa langue sur ses lèvres tout en haussant brièvement ses sourcils, ne sachant pas tellement quoi lui répondre… À quoi s’était-elle attendue, au juste ? Elle connaissait la mer et la plage mais peut-être pas la notion de porc… Qu’importe ! Maintenant qu’ils y étaient, ils allaient y rester. Hors de question de faire demi-tour pour la faire rentrer à nouveau dans l’Institut… Il était préférable qu’elle reste en dehors de ces murs.
« Bon, tant pis… »
Souffla-t-elle à voix basse en croisant ses bras contre son buste, assez agacée de se démener pour une demoiselle dont la gratitude n’était pas franchement élevée. Parce qu’elle n’en était pas capable, sûrement, mais contrairement à elle, Jean n’était qu’une humaine dont les émotions fluctuaient en fonction des autres et, en cet instant, elle sentait que toute sa bonne volonté déclinait lentement mais sûrement. Prenant place sur le banc entre la brune et Scott, qui n’avait toujours pas décroché un sourire d’ailleurs, la rouquine avait eu la douloureuse sensation qu’un vent glacial soufflait entre eux ; durant des minutes interminables, personne n’avait décroché un mot, insufflant un sentiment de malaise dans le trio rassemblé sur le banc en fer forgé.
Ayant finalement rompu le mutisme général pour proposer l’activité du tir à l’arc à sa nouvelle « amie », la télépathe avait manqué d’avoir une réponse : plutôt que de dire oui ou non, la jeune femme s’était levée du banc pour se poster devant Scott, lui offrant un sourire qui était presque inquiétant… Pourquoi le regardait-elle comme ça, au juste ? Essayait-elle de se montrer amicale en mimant l’attitude des humains qu’elle avait pu observer ? Les yeux rivés sur son visage, les paupières légèrement plissés et les bras encore repliés contre son thorax, Jean percevait surtout une volonté innocente de le rassurer sur ses intentions. Lui, gêné au possible, essayait vainement de se soustraire à cette présence encombrante en regardant autour de lui, sans que cette parade ne parvienne à le débarrasser de la jolie brune. En d’autres circonstances, Jean aurait probablement ri de la situation : pas cette fois. Il n’était pas vraiment judicieux d’agacer Scott, car il pouvait décidé à tout moment de prévenir Charles de cette présence… curieuse et inattendue. Et potentiellement dangereuse, certes.
« Les hum- euh, les gens sont plus intéressants quand ils sont vivants. »
Loin de rassurer les deux mutants, qui restèrent d’ailleurs pantois devant cette phrase, l’étrangère n’avait fait que renforcer leur appréhension : elle avait compris qu’ils avaient un peu peur d’elle. Au moins, elle essayait d’apaiser les tensions et les inquiétudes… C’était bon signe. Refermant l’étau de ses lèvres entrouvertes par la surprise, Jean avait hoché son visage de haut en bas tout en se levant à son tour, se positionnant aux côtés de la brune en rajoutant, face à un Scott de plus en plus nerveux :
« Tu as entendu ! Elle ne veut tuer personne alors inutile de prévenir Charles. Regarde. Elle est gentille comme tout. »
Peut-être exagérait-elle un peu, et sa naïveté maladive avait durement énervé Cyclope, qui s’était levé dans un bond en exultant d’un grognement sourd. Il semblait à présent décidé à avoir des réponses —puisqu’elle en donnait sans qu’on lui demande, et c’est en étant un brin agressif qu’il lui avait adressé ces quelques mots, avec seulement la main de Jean posée sur son torse pour le retenir dans son élan :
« Ok, tu ne veux tuer personne, mais tu veux quoi alors ?! » .
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La Slime était incapable de faire la différence entre l’agressivité et la neutralité chez les humains, probablement parce qu’elle ne sentait pas menacée une seule seconde. De plus, à présent qu’elle avait compris qu’il avait peur, elle était étonnée qu’il ne réagisse pas avec une « agressivité » correspondant plus à l’idée que s’en faisait la jeune femme : de la violence purement physique visant à détruire la source de la menace. Les humains étaient capables de tellement de nuances qui lui étaient étrangères, cet humain en particulier commençait à lui plaire, ce qui ajouta désormais le contentement à son sourire.
« Je veux une chambre ! », annonça-t-elle fièrement. Évidemment, le sous-texte de la question lui avait totalement échappé et la seule réponse qui vint fut celle qui l’obsédait depuis qu’on lui en avait offert la possibilité.
« Nan mais je m’en fiche de la chambre ! », répliqua sèchement Scott, perdant de plus en plus patience et forçant indirectement Jean à forcer de plus en plus sur la main qui faisait barrière. « Pourquoi t’es là ? Qu’est-ce que tu nous veux ? Et t’es quoi d’abord ?! »
La question fatidique était tombée sans même qu’il ne la sente s’échapper de ses lèvres. L’idée qu’elle était une menace avait désormais fait tout le tour de son esprit et se manifestait plus ou moins malgré lui, retenu encore quelques peu par l’action de Jean.
La Slime, toujours inconsciente de la gravité de la situation, dut réfléchir pour aux trois questions en une seule fois, un exercice assez difficile pour son esprit simpliste. Son sourire disparut en même temps que sa réflexion s’intensifiait, et ses yeux changèrent encore de couleur, adoptant cette fois une étrange nuance de violet aux reflets roses intermittents.
Après quelques secondes, enfin, elle fournit des réponses :
« Je visite le grand bâtiment là », dit-elle en pointant le manoir. « Vous je vous aime bien, vous êtes des hu- des gens qui veulent bien me parler. Et je suis moi. »
Les réponses aussi décalées qu’incroyablement infantiles de la jeune femme mirent brutalement fin à la colère de Scott pour laisser place à une sorte d’abandon temporaire de lutte, qu’il manifesta en retombant lourdement sur le banc.
« Elle est elle. Bah oui, normal ! », cingla-t-il, « Je- nan, en fait, j’en ai marre. »
Il était presque sur le point de se lever et de dire à Jean de se débrouiller toute seule pour gérer ce « truc », mais l’idée de la laisser seule avec cette chose qui visiblement ne vivait qu’au gré de ses envies le retint sur place.
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