Les yeux de Kali s'agrandirent de surprise. Son plan avait... fonctionné ?

L'éclair bleu venait de se transformer en un homme qui se tordait sous les impulsions électriques du pistolet. C'était donc un mutant qui avait effectué ce massacre ? Si la nouvelle expliquait bien des choses, elle ne s'annonçait pas de bonne augure pour la suite des évènements - les mutants porteraient le chapeau, quoi qu'il arrive.

Leur regard se croisèrent l'espace d'un instant, alors que l'homme à terre contemplait leur petit groupe. Bien qu'elle ne fit aucun signe confirmant qu'elle était bien l'autrice de cette attaque, Kali ne put s'empêcher de lui adresser un regard méprisant.

Elle sentit alors que Malicia commençait à la poser doucement au sol et - peu avide de l'agonie que lui procurait ses blessures - la jeune mutante se laissa faire, restant néanmoins à genoux pour pouvoir garder un œil sur celui qui pouvait à tout moment recommencer à les attaquer.

Ce fut non sans une certaine appréciation pour l'esprit d'initiative de son enseignante qu'elle regarda cette dernière menacer de briser la jambe de l'homme, tout en posant des questions qui n'auraient pour l'instant pas de réponses.

La suite des évènements la... dépassa totalement.

C'est à peine si elle eut le temps de comprendre les mots d'Alice que Kali vit celle qui dominait sa proie un instant plutôt être éjectée comme une vulgaire poupée de chiffons. Alors qu'elle s'apprêtait à protester, sa jeune camarade décida de rendre les choses encore plus intéressantes en faisant souffrir le mutant à terre, pour mieux l'envoyer devant la louve-garou. Immédiatement, son esprit passa de la révolte à la curiosité. Elle avait elle aussi envisager de rapprocher la louve en direction de l'homme, mais la solution d'Alice avait une simplicité élégante qui ne put que susciter son approbation.

La réaction de la louve fut aussi vive que brutale. En un instant l'homme ne fut plus et une poignée de secondes plus tard, toute trace de son existence fut supprimée.

Cette fois-ci néanmoins, Kali ne se laissa pas surprendre. Ce n'était après tout que la conséquence naturelle des actions d'Alice. Tout comme ce qui allait suivre.

Non sans une certaine sueur froide dans le dos, elle vit la louve se relever de toute sa superbe, pour choisir sa nouvelle victime. Après avoir dévoré autant de cadavres sans s'arrêter, la jeune mutante ne put s'empêcher de penser que la lupine ne pouvait être rassasiée.

Cependant, alors que cette dernière semblait avoir fait un choix, elle troqua sa tenue de loup pour celle d'Eve, se jetant sur Soraya et demandant où étaient les guérisseurs. Perturbée par l'utilisation de ce terme mais mue par un désir d'aider celle qui venait de leur sauver la mise, Kali lui répondit :

- Ils ont tous été tués. Mais bien d'autres devraient arriver sous peu - avec des renforts de la police. En attendant...

La jeune mutante usa alors de sa télékinésie pour nettoyer sommairement l'ex-louve, encore décorée par du sang et quelques bouts d'organes réticents.

- ... c'est le moins que je puisse faire. Merci.

Trop fatiguée par ses efforts précédents et la douleur qui continuait de la harceler, Kali se laissa tomber doucement sur le sol, s'allongeant à même l'herbe et prenant le risque de fermer les yeux un instant : si un autre ennemi venait à apparaitre, elle ne serait probablement pas d'une grande utilité de toute façon.

Elle rouvrit ses yeux et tourna la tête pour observer la louve et Soraya, toujours aussi intriguée par la Lupine et sa relation avec sa camarade.

Néanmoins si son regard était planté sur elles, ses paroles allèrent elles à celle qu'elle connaissait depuis longtemps :

- Bien joué, Alice.

Kali retint un petit rire malvenu. Oh elle se doutait que Malicia comprendrait - mais l'accepter était une chose bien différente, surtout lorsque l'on parle d'un meurtre en bonne et due forme.

Et il lui sembla qu'Alice non plus ne pouvait l'accepter, tombant à genoux, la tête dans les mains. Une réaction classique après un meurtre : tout le monde aurait aimé se voir stoïque et sans remords, mais la réalité en était tout autre. Il fallait un psyché susceptible de pouvoir encaisser la chose et une absence de choix ou un désir de tuer pour pouvoir continuer sa vie comme si de rien était. Ce n'était pas le cas de la jeune mutante agenouillée, elle le savait bien - et cette dernière allait souffrir des conséquences de ces actes pour un moment.

Mais Kali ne bougerait pas d'un centimètre pour la réconforter.

Premièrement parce qu'elle n'arrivait plus à bouger, entre les efforts physiques qu'elle avait fait pour manipuler ses couteaux, le pistolet à impulsion électrique et ceux pour mouvoir son corps meurtri. L'état de ce dernier s'était d'ailleurs aggravé, puisqu'elle pouvait nettement sentir une chaleur diffuse se répandre dans son abdomen. Ce n'était probablement que le bleu qui se propageait avec un léger saignement, mais elle ne pouvait pas en être sûre et ne désirait en aucun cas tenter le diable.

Et en second lieu, Kali était persuadée que l'évènement serait une leçon importante pour Alice. Non pas qu'elle n'avait pas fait ce qui devait être fait, mais un acte aussi grave avait ses conséquences. Elle-même en avait fait les frais, en étant refourguée d'une organisation à une autre, bien que la dernière en date ne possédait pas de barreaux à ses fenêtres.

Et dernièrement... La jeune rousse n'était vraiment pas douée pour réconforter quelqu'un. Il fallait pour cela ressentir une empathie certaine dont elle n'était pas dotée et ne le serait probablement jamais.

Alors, avec une lenteur calculée, Kali ferma ses yeux et laissa son esprit la porter où il le souhaitait, sa tête tournant toujours autant. De façon surprenante, ce dernier décida de lui rappeler un moment similaire - non pas de tuerie, mais d'un moment de détente, allongée dans l'herbe du jardin de la maison des Herrera au Texas. Sita était à ses côtés et, pour une fois, elle ne parlait pas. Était-ce pour mieux profiter de se moment ensemble ? Peut-être. Cela ne diminuait pas la haine qu'elle ressentait envers elle, mais une pointe de nostalgie qu'elle jugeait inutile l'envahit un instant.

Ce souvenir fut interrompu par l'intervention de Soraya. Il fallait en effet partir d'ici, mais personne n'était en état de le faire.

- Nous allons devoir attendre les secours. A moins que vous n'ayez la possibilité de contacter notre directeur ?

Ce dernier commentaire était adressé à Malicia, bien que Kali se doutait que le téléphone de cette dernière était probablement en compote. Ce qui n'était pas nécessairement le cas de tout le monde.

... elle n'avait évidemment pas emmené le sien.