On a demandé à monsieur Xavier de prendre nos congés ce jour-là. On a demandé à monsieur Xavier de prendre ses congés ce jour-là.
Il a promis d’être là. Au tout début. A ce qui pourrait être la fin.
On lui a dit qu’on paierait les billets d’avion à tout le monde. On lui a dit que c’était plus important que nos maigres économies.
Il nous a dit qu’on prendrait le X-Jet. Pour y aller. Pour revenir. Il nous a faites sourire.
Le 1er Novembre.
Il fallait que cela soit le premier Novembre.
On l’a réalisé une semaine avant.
On a demandé à Kali de rater les cours ce jour-là. On a demandé à Kali de nous pardonner.
Elle nous a promis d’être là. Malgré ce qu’on lui a fait.
On lui a dit qu’on était désolées d’avoir brisé son cœur. On lui a dit qu’on comprenait si elle préférait ne pas venir.
Elle nous a dit qu’on devait arrêter et qu’elle serait là. Avant de partir. Elle nous a faites sourire.
Le 1er Novembre.
Il fallait que cela soit le premier Novembre.
On l’a réalisé une semaine avant.
On a demandé à Jean de rater les cours ce jour-là. On a demandé à Jean qu’elle aille tout de même à sa soirée, la veille de ce jour-là.
Elle a promis d’être là. A la fin. Pour que ce soit une renaissance.
On lui a dit qu’on ne savait pas quoi dire. On lui a dit qu’on ne savait pas quoi lui dire.
Elle nous a dit qu’on n’a pas besoin de dire quoi que ce soit. Elle nous a faites sourire.
Le 1er Novembre.
Il fallait que cela soit le premier Novembre.
On l’a réalisé une semaine avant.
On a demandé à ce que madame Darkhölme soit en congé ce jour-là. On a demandé aux autres de demander à ce que madame Darkhölme vienne.
Elle veut nous voir partir. De sa vie. De l’Institut.
On ne lui a rien dit. On l’a évitée jusqu’au jour J.
Elle saura nous dire ce que les autres n’oseront. Elle saura nous faire souffrir.
Le 1er Novembre.
Il fallait que cela soit le premier Novembre.
On l’a réalisé une semaine avant.
On s’est demandées si l’on ne pouvait pas repousser. On s’est demandées si l’on ne pouvait pas éviter.
Le 1er Novembre.
Il fallait que cela soit le premier Novembre.
On l’a réalisé une semaine avant.
On l’a accepté une semaine avant.
On a regardé l’Institut se parer des décorations d’Halloween. On a regardé l’Institut se fleurir de symboles mortuaires. On a participé à leur installation. On a participé à leur souvenir.
On est venues au monde pour la Toussait. On est venues au monde pour la fête des morts.
Ne pas regretter la disparition mais la célébrer.
On n’en est pas capables.
L’abîme a autant festoyé que les jeunes de l’Institut parcourant les couloirs et toquant aux chambres pour demander un bonbon ou un sort.
On n’a pas pleuré. On a passé la matinée à regarder les dessins du passé. On n’a pas fait ceux de l’Institut. On a dessiné avant de partir de notre appartement. On a dessiné après être parties du World. On avait interdiction de dessiner l’Institut car ça serait inutile. On ne sait pas si on partira. On ne sait pas si on restera. Ce n’est pas une décision que l’on peut prendre dans notre état. Des réponses. Il nous faut des réponses. Être entières. Il nous fait être entières.
Non plus privées de nos passés. Non plus privées de nos sœurs.
On avait l’interdiction de dessiner l’Institut alors on a dessiné autre chose.
La base de la feuille est aussi blanche que celles de nos combinaisons. On a longtemps hésité à les mettre. Elles sont inspirées de celle de notre mère. Notre mère est un mensonge. Les combinaisons sont l’héritage d’un mensonge. On comprend pourquoi. On pense comprendre pourquoi. Pourquoi il fallait nous mentir. Notre mère ne nous a pas portées. Notre mère ne nous aurait pas portées. Notre mère ne nous a pas aimées. Notre mère ne nous aurait pas aimées. Notre père l’a-t-il fait ?
Avec une lenteur absente, on a fini par mettre nos combinaisons. Elles sont blanches et sillonnées d’empiècements colorés sur l’extérieur des jambes et des bras, lesquels se joignent en un V à la taille et en un gorgerin de la même forme au-dessus de la poitrine jusqu’au cou cerclé de blanc, ainsi que dotées d’un badge.
Phoebe, rouge, C2.
Mindee, vert, C3.
Céleste, bleu, C5.
Personne n’a jamais su que son badge, Céleste l’a échangé avec Esmé. Esmé ne voulait pas être la dernière. Céleste l’a accepté.
Esmé…
Sophie…
Pourquoi n’a-t-on jamais dessiné la vie ? Pourquoi n’a-t-on jamais dessiné autre chose que les lieux ? Pourquoi les seules personnes qu’on ait gardées en souvenir sont mademoiselle d’Ancanto, les cinq visages supposés de notre mère et le buste de notre Père ?
Pourquoi n’a-t-on pas dessiné monsieur Xavier ? Cela n’aurait pas été ni professionnel ni convenable, sans doute. Pourquoi n’a-t-on pas dessiné Kali et Jean ? Cela aurait pris du temps mais il suffisait de s’installer à la ligne d’arrivée de notre course matinale pour Jean ou pendant que Kali essayait de faire un DM de math. Pourquoi n’a-t-on pas dessiné… non en fait, c’est logique.
Une fois nos chaussures de marche lassées, on a offert un dernier regard à nos dessins. A notre chambre.
Pourquoi a-t-on cette impression qu’on ne la reverra plus ?
Avec la même lenteur que l’on a mise pour s’habiller, on s’en est allées.
Un pas après l’autre dans le couloir de l’étage du personnel, propre comme si rien ne s’était passé.
Une marche après l’autre dans l’escalier principal de notre aile, on est descendues.
Un regard après l’autre dans le couloir de l’étage des élèves, sale comme si des bonbons avaient été distribués.
Une marche après l’autre jusqu’à ce que les doubles escaliers arrivent au hall, on est descendues.
On n’a pas couru. On n’a même pas marché vite, comme Phoebe a pu le faire lorsqu’elle devait descendre au plus vite de notre bureau sous les toits. On n’a pas chuté, comme Céleste a pu le faire suite à une remarque depuis longtemps oubliée alors qu’elle nous rejoignait en cuisine. On n’a pas blagué, comme Mindee a pu le faire lorsqu’on allait au parc que Céleste n’aimait que par erreur télépathique.
On s’est souvenues de Jean à nos côtés. On s’est souvenues de Charles à la porte de son bureau. On s’est souvenues de Raven dans l’ascenseur. On s’est souvenues de Kali dans le gymnase.
On a envisagé d’oublier. De sceller les souvenirs et les questions qu’ils apportaient. On y a renoncé. Elles reviendront. Elles reviendront et qui sait ce qu’elles ramèneront avec elles ?
Plus de négociation. Plus de "et si ?". Plus de fuites comme si un autre lieu et d’autres gens pouvaient nous aider à nous trouver.
Plus de dépression. Plus de "tout cela ne sert à rien". Plus d’envies d’abandon et d’isolement.
L’acceptation, enfin.
On a peur de ce qui va arriver. Des découvertes que l’on va faire. Des douleurs que l’on va causer. On culpabilise de ce qui est arrivé. Des découvertes que l’on a faites. Des douleurs que l’on a causées.
On l’accepte.
On est prêtes. Autant qu’on peut l’être.
On espère que vous l’êtes aussi, vous qu’on accueillera avec des sourires désolés ; à divers degrés. Charles, Jean, on est désolées de vous imposer cela. On vous remercie de vous l’imposer aussi. Kali, Raven, on est très désolées pour ce qu’on vous a fait et de vous imposer cela. On vous remercie de venir.
On le fait en silence.
Tout comme on attend en silence.
Le rendez-vous est devant l’ascenseur. On ne peut pas aller au niveau -2. Pas sans monsieur Xavier ou mademoiselle Darkhölme. On n’est même pas certaines que Jean puisse y accéder seule.
Alors on attend. La rouge au centre, la bleue à droite, la verte à gauche, on attend. Au centre, également, une feuille A2 enroulée entre ses mains. Serrée.
« Obéissez à la voix intérieure - elle nous commande de donner de nous-mêmes et d'aider les autres. Tant que nous avons la capacité de donner, nous sommes vivants. » (K. Douglas)
Les tourbillons hilares de la veille, soirée distrayante et ô combien réjouissante, ne sont plus : évaporés dans la nuit menant à ce 1er novembre fatidique, le palpitant de Jean avait éteint ses soubresauts amusés dès lors que la voiture s’était engagée sur le chemin verdoyant menant au Manoir Xavier, de même sorte que si la vision de ce chemin familier avait soulevé des inquiétudes enfouies. Dans l’habitacle du véhicule, Raven et elle avaient longuement gardé le silence, comme si l’heure n’était soudainement plus aux espiègleries : minuit était passée depuis un moment, et la rousse avait utilisé le dernier déclin de sa batterie téléphonique pour souhaiter un joyeux anniversaire aux Cuckoos avant de le voir s’éteindre, alors qu’elle se trouvait encore à la soirée de Lucky. Ce fut en cet instant précis, alors que l’insouciance et la gaieté avaient tous deux saisies son esprit, alors qu’elle se trouvait au milieu des invités, tout près de Raven et de Rocket, qu’elle avait perdu son sourire pour ne plus le retrouver. D’ici quelques heures, peut-être qu’elle n’aurait plus aucune raison de se réjouir. Alors, comme Cendrillon lorsque sonne les douze coups de minuit, il avait fallu déguerpir sans plus tarder : les costumes, la musique, les invités, les boissons et les mets généreusement offerts, plus rien ne comptait à ses yeux. Elle avait voulu rentrer. Elle avait voulu les retrouver.
Tant qu’elles étaient étaient encore là…
Mais elle était rentrée trop tard de sa soirée pour pouvoir les croiser, alors, Jean avait rejoint sa chambre à reculons, comme si elle craignait de se retrouver seule après avoir été autant entourée. Car il faudrait alors se déshabiller, prendre sa douche, enfiler son pyjama puis se coucher comme tous les soirs, mais ce n’était assurément pas une soirée comme les autres : les heures défileraient ensuite à une vitesse folle pour rejoindre le lendemain, des heures perdues avant l’hypothétique séparation. Mais cette nuit-là, allongée et immobile dans son lit froid, elle avait eu du mal à s’endormir et avait pu observer la ronde du temps sur son horloge. Demain lui faisait peur. Demain, elle ne voulait pas le voir venir.
Mais l’aube avait pointé le bout de son nez, éveillant la jeune femme qui dormait d’un sommeil fragile ; jetant une oeillade à son réveil, elle avait roulé sur le côté en grognant de nervosité, se rendant compte de combien elle pouvait être fatiguée. Ou peut-être était-ce une machinerie de son esprit qui essayait d’échapper à la terrible réalité qui se profilait ? Se tournant et se retournant entre ses draps blancs, la rousse avait fini par s’extirper de son lit pour prendre une douche rapide puis s’habiller et se coiffer, avec une lenteur presque fuyante, en ayant toutefois revêtu sa combinaison bleutée des X-Men.
Le ventre noué par une angoisse terrible, elle s’était forcée à faire un rapide détour par la cuisine pour grignoter et boire quelque chose avant le départ fatidique, ne croisant personne avant de rejoindre, à son tour, l’ascenseur qui avait été désigné comme lieu de rendez-vous. Le silence qui accompagnait les murs sur son chemin laissât présager que l’endroit était abandonné alors la rousse s’était permis de soupirer en descendant les escaliers, les yeux rivés vers le sol : elle n’était point ennuyée de cette mission, et encore moins d’apporter son aide à ses chères amies, mais elle craignait une issue douloureuse, aussi cruelle qu’injuste. Mais que pouvait-elle y faire ? Elle n’avait aucune emprise sur le destin, si prompt à jouer avec la vie des Hommes. Lorsqu’elle réalisa que les Cuckoos étaient déjà là, la mutante avait relevé le menton en leur adressant un sourire complice mais frêle, qui traduisait toute l’inquiétude et l’appréhension qu’elle pouvait silencieusement éprouver. Les mots semblaient dérisoires mais le silence était encore plus assourdissant que le plus affreux hurlement alors, maladroitement, après avoir difficilement ravalé sa salive, elle se risquât à un malheureux : « Ça va bien se passer… » Ce n’était point glorieux, mais c’est tout ce qu’elle pouvait faire pour essayer de se rassurer, et de les rassurer par la même occasion. En attendant que les autres arrivent, la rousse s’était assise dans les escaliers, les mains posées sur ses genoux serrés. Sa gorge, l’était aussi, tout autant que son coeur.
Elle ne voulait vraiment pas les voir partir.
THE FIRE FINDS A HOME IN ME ᭸ clipped wings, I was a broken thing, had a voice but I could not sing. there's a scream inside that we are frightened,we hold on so tight, we cannot deny, eats us alive, oh it eats us alive. there's a scream inside that we are frightened, I’ll shout it out like a bird set free.
Devoir quitter une soirée de bonne heure, ou du moins à mes yeux pour un tel évènement m’avait prodigieusement agacée. Tout comme le fait de savoir que j’avais été « conviée » à ce simulacre par les trois petites emmerdeuses en personne. Encore un moyen qu’elles avaient trouvé pour m’humilier, me blesser et me violer ? Surement. Mais malheureusement je n’avais pas eu le choix. Après une conversation agitée j’avais fini par accepter.
Le but était de les faire revenir après ce voyage spirituel ou je ne sais quoi. Mais je n’étais pas sure d’être la bonne personne à convier. Car depuis quinze jours mon but à moi était tout autre. Leur présence m’était rendue presque insupportable. Je détestais me trouver dans les parages avec elles. J’avais cette peur nouée au ventre qu’elle profane encore mon esprit sans mon autorisation. J’avais bien du mal a accepter ce premier viol, que j’avais gardé secret, mais je ne pourrai endurer un deuxième sans m’en prendre violement à elle. Je n’étais pas un enfant de cœur, et cela, tout le monde le savait.
De retour au manoir, avec Jean, nous nous étions rendues chacune dans notre chambre. J’avais pris une douche chaude, rapide et j’avais fini dans mon lit, par m’endormir assez rapidement. Le lendemain matin. Tôt. J’avais été réveillé par l’alarme que j’avais programmée sur mon téléphone.
Lasse, j’avais poussé un profond soupire. Je sentais déjà que cette journée allait être très très très longue et je prenais réellement sur moi pour venir. Combinaison enfilée, je passais par le réfectoire pour prendre mon paquet de gâche. Je le mangerai sur le trajet.
Quoi ? Le trajet jusqu’au jet ne faisait pas parti à proprement parler du voyage ? Oh que si. Une tranche dans la main, je marchais tranquillement jusqu’à l’ascenseur. Je n’étais pas la première arrivée. Les trois cœur de pierre m’attendaient là, et Jean se trouvait assise dans les marches de l’escalier près de l’ascenseur. Mon sourire se fana aussitôt que je réalisais la présence des trois sœurs.
Mon regard se posa sur les trois d’entre elles, tour à tour, mais mon visage ne laissait absolument passer aucune expression. Du moins sur mes lèvres. Je continuais un peu mon chemin, tournant la tête vers Jean, un battement de cil, ma salive avalée avec difficulté.
Indifférence.
Pourrais-je un jour leur pardonner ? J’en doutais fortement.
- Bonjour. Jean.
Dis-je en venant m’assoir à côté de la jeune rousse, lui tendant mon paquet de gâche pour qu’elle en prenne une tranche si elle le désirait. J’attendrais quelques minutes, le temps de manger quelque chose, puis je descendrais seule pour vérifier un ou deux derniers petits points sur le Jet.
lumos maxima
Undisclosed
desires
"Have you ever looked at a tiger and thought you ought to cover it up? You are an exquisite creature, Raven. All your life the world has tried to tame you. It’s time for you to be free."
S'éveiller. Éteindre le réveil. Attendre. Attendre. Attendre. Se lever. Se doucher. S'habiller. Attendre.
Attendre que les pensées lui laissent la possibilité de réfléchir. D'avancer.
Les nuits de Kali avaient été très mauvaises depuis le 11. Un mélange de pleurs, d'insomnies et de colère hantait maintenant sa chambre et son visage. Des cernes marqués étaient apparus sous ses yeux qui eux-même oscillaient entre le froid polaire et le vide intersidéral. Elle ne quittait plus sa chambre que pour aller en cours, dans lesquels elle passait désormais totalement inaperçue. Comme si elle n'avait pas de présence - plus d'âme.
Mais aujourd'hui était différent. Il n'y avait pas de cours. Aujourd'hui, elle devrait oublier toutes ses émotions pour ne se concentrer que sur une chose. Sa mission. Oublier la douleur du rejet. La culpabilité de faire souffrir Jean et les Cuckoos par son absence.
Debout devant son miroir, Kali inspecta sa tenue.
Habillée d'un legging noir de sport, de ses tennis usées, d'une brassière et d'un débardeur sous son pull à col roulé, la jeune mutante ne payait pas de mine. Les vêtements choisis l'avaient tous été pour leur fonctionnalité et non leur esthétique. Le pull resterait d'ailleurs dans le jet - elle aurait trop froid en extérieur sans. Sa silhouette était également un plus fine que d'habitude. Elle avait sauté des repas. Par oubli. Par lassitude. La nourriture ne l'attirait que très peu et elle avait surtout envie d'être seule, loin de la potentielle compagnie qu'elle pourrait avoir au réfectoire.
Mais cela n'avait aucune importance. Ce qui comptait maintenant, c'était la mission. Elle avait promis qu'elle serait là. Et Kali tenait à honorer sa promesse.
Les Cuckoos étaient venues la voir en personne, pour présenter leurs excuses et lui demander de faire sauter les cours de ce jour-là. Sentant le vide en elle s'agrandir tel un trou noir, elle leur avait gentiment demandé d'arrêter leurs excuses. Ce n'était pas de leur faute. Mais de la sienne. Elle commençait même à penser qu'elle l'avait cherché. Néanmoins, elle avait accepté de ne pas aller en cours pour les suivre. Encore une fois : elle avait promis.
Lentement, délibérément, Kali se dirigea vers la porte, l'ouvrant sans un bruit avant de sortir dans le couloir. La porte fermée, c'est vers l'ascenseur qu'elle se dirigea - le groupe l'attendait là-bas.
La plupart des membres de la mission étaient d'ailleurs présents. Jean, l'air angoissé sur son escalier. Raven, à ses côtés, une expression indéchiffrable sur le visage. Et les Cuckoos, avec une expression désolée sur le visage qui suscita une brève émotion dans son coeur, bien vite noyée par le trou noir et sa détermination. Son regard était fixé sur les portes de l'ascenseur et elle ne prononça pas un mot.
Aujourd'hui, elle serait le sujet zéro. Concentrée sur sa mission.
Elle nota tout de même l'absence du professeur Xavier. Celui-ci allait rapidement venir, elle n'en doutait pas. Elle espérait simplement qu'il allait garder ses réservations pour lui quant à son état, ainsi que les autres membres de son "équipe". Kali ne savait pas comment leur infiltration du World allait se passer, mais une chose pour elle était sûre - elle travaillait mieux en solo.
I need relief, a failure's coming on Just breathe in deep, it's taking far too long I need relief, this weakness carries on Please be a dream, or was it all along?
Le moment était arrivé. Il était temps pour les trois sœurs Cuckoos de faire un retour aux sources, d'aller chercher les réponses à leurs questions. Dès leur première rencontre avec Charles, dès sa première plongée dans leur esprit, le télépathe avait su que ce moment viendrait. C'était inéluctable. Ils n'avaient pourtant que très peu évoqué cette possibilité ensemble. Elles le feraient lorsqu'elles se sentiraient prêtes. Et ce moment était arrivé.
Elles lui avaient demandé de venir avec elles, ce qu'il avait évidemment accepté immédiatement, sans poser la moindre question ni la moindre condition. Elles avaient peur de ne pas en revenir. Il partageait cette crainte, mais ferait de son mieux pour que cela n'arrive pas… ou que si cela devait arriver, cela soit leur choix, et non une contrainte de leur Père.
Jean et Kali avaient également été invitées à venir, sur demande des Cuckoos. Elles étaient les élèves avec lesquelles elles avaient tissé des liens plus profonds que de simples relations professionnelles. Raven avait également été conviée, même si les sœurs n'avaient pas pu lui demander directement. Dire que leurs relations étaient tendues aurait été un bel euphémisme. Pourquoi tenaient-elles à la venue d'une personne qui les haïssait ? Charles avait bien sa théorie sur la question, mais il préférait ne pas trop y penser.
Avant de se jeter dans la gueule du loup, le télépathe avait fait quelques recherches… ou plutôt une exploration du World via le Cerebro. Le complexe était extrêmement sécurisé, si bien que même avec les puissants pouvoirs des mutants de l'équipe, l'infiltration ne serait pas une partie de plaisir. Charles avait donc passé commande à Hank de quelques équipements spécifiques et l'ingénieur avait fait au mieux au vu du peu de temps dont il avait disposé.
Le jour J étant arrivé, Charles s'était levé de bonne heure pour préparer la salle de guerre où aurait lieu le briefing de la mission et vérifier le matériel disponible dans la salle de stockage. Il s'était également équipé, revêtant sa vieille combinaison de X-Men sous un de ses costumes favoris. Puis il était remonté au rez-de-chaussée par l'ascenseur et tomba nez-à-nez avec Kali, en tenue de sport, la mine fermée et concentrée. Puis son regard se posa sur les trois sœurs qui affichaient un sourire teinté de tristesse. Enfin, en avançant dans le hall, il vit Jean et Raven assises dans les escaliers, vêtues de leurs combinaisons de X-Men. Hank avait dû ajuster celle de Raven pour que ses bébés n'y soient pas à l'étroit.
« Bonjour mesdemoiselles. »
Charles affichait son habituel sourire bienveillant, tâchant de ne pas se laisser influencer par la morosité et la tension qui flottaient dans l'air. Il sortit une petite clé de la poche de sa veste et indiqua l'ascenseur en ajoutant :
« Si vous voulez bien me suivre, nous allons descendre au second sous-sol. »
Ce serait une grande première pour Kali qui n'avait jamais eu l'occasion de visiter cette partie de l'Institut. Quant aux sœurs Cuckoos, elles ne s'y étaient rendues qu'une seule fois et n'avaient eu accès qu'à la salle de guerre, où ils allaient retourner aujourd'hui.
Un sourire, complice mais frêle. On acquiesce, Jean. On acquiesce en reprenant, en partageant, ce sourire. Quatre sourires, complices mais frêles.
« Ça va bien se passer… »
On a déjà acquiescé. On a déjà souri. On serre les gorges, nous aussi. On cligne des yeux. On ne sait pas ce que signifie "bien se passer". Partant de là, on ne peut savoir si c’est possible. En revanche, on a tant d’idées et de versions de comment cela pourrait mal se passer. On est désolées, Jean. Sincèrement.
Un regard, tour à tour. On baisse les yeux, madame Darkhölme. On reste immobiles.
« Bonjour. Jean. »
On échange deux regards, entre nous. On plisse les lèvres au fait que vous apportiez du soutien à notre amie, Madame. On vous remercie en silence, Raven. Par nombrilisme, on a pensé à vous parce que vous sauriez faire ce qui doit être fait. Maintenant, on se rappelle que cela inclus soutenir celles et celui que l’on fait actuellement souffrir. Vous n’avez rien à perdre et tant à gagner, aujourd’hui. Ainsi pourrez-vous les soutenir s’ils en viennent à perdre, aujourd’hui.
Un regard, unique. On baisse les épaules, Kali. On reste immobiles.
Aucun mot. Aucun son.
On échange à nouveau deux regards. On s’en vient serrer nos poignets droits de nos mains gauches, plus forts que nécessaire. Nous t’avons détruite, Kali. Nous quatre. Tu es la seule à ne pas avoir une combinaison d’intervention. Pourtant, tu as été entrainée. Tu es cet entrainement. Il protège contre les douleurs que ta nature a subies. On souhaite que tu finisses par nous détester, comme madame Darkhölme. Que l’on parte ou que l’on reste, on souhaite que tu finisses par nous détester. Ainsi, peut-être, te remettras-tu du fait qu’on t’aime d’amitié et non d’amour.
L’ascenseur s’ouvre. On tourne nos regards vers lui et vous, Monsieur. On se redresse, bras le long du corps. Un costume, là aussi.
« Bonjour mesdemoiselles.
- Bonjour, répond-t-on par réflexe à trois, avant d’hésiter sur le terme à employer… Professeur. »
Un sourire bienveillant. Réussir à ne pas être contaminé par les maux des âmes des autres. On a eu cette discussion. Tout comme on se souvient que vous avez dit à mademoiselle Yukio qu’il vous arrivait de ressentir involontairement les émotions des gens. C’est sans doute le cas, actuellement. On est désolées, Professeur. On est désolées, Charles.
Si l’on veut vous suivre ? Non, on ne veut pas. On le fera. Ça doit être fait. On attend nos tours, après Kali et avant Jean comme madame Darkhölme, puis on le fait. On avance. On se met côte à côte, serrées à trois et dos contre la paroi.
On ferme les yeux.
Le temps que les portes se ferment. Le temps que l’ascenseur descende. Le temps que les portes s’ouvrent.
Puis on sort. Puis on avance dans ces couloirs réconfortants. Epurés. Froids.
On sait où l’on va mais on suit. On se souvient où l’on va mais on suit.
Lorsqu’on est dans la salle de briefing, la "salle de guerre" dont le nom seul nous dérange, on se dirige vers la table ronde. Elle a la même technologie de présentation holographique que le X-Jet, on se souvient. Cependant, on ne la maitrise pas. On n’y a pas accès.
Alors on dépose notre feuille. Alors on déroule notre feuille. Alors on montre ce qui nous évitera d’avoir à utiliser notre télépathie pour partager nos informations.
Difficile de savoir si l’on perd du temps ou si l’on prend du temps. Aisé de savoir pourquoi l’on a fait cela. Ne pas retourner dans la tête de Raven. Ne pas lui imposer cela.
Notre dessin représente le World. Ce que l’on en sait. Ce dont on se souvient.
En haut à droite, une représentation des murs du domaine. Annotée. 6m de haut. Couronnés de tessons de verre et de fils barbelés. Disposant de caméras intégrées, vers l’extérieur et l’intérieur.
Ensuite, selon le sens du regard, une vue d’au-dessus. Annotée également. Le cercle qui sépare la forêt de Sherwood du World lui-même. 100m entre les murs et l’extérieur du bâtiment rond. 100m gazonnés mais dénués de toute broussaille ou fourré. 100m uniquement traversés par une route débouchant sur un petit parking. 100m accompagné de trois mots. Périmètre de tir.
« Nous n’avons jamais vu le World en mode défensif effectif, avoue-t-on à trois, puisque la seule véritable alerte que l’on y a vécues était le jour du Snap. Cependant les angles de tir depuis le bâtiment sont parfaitement dégagés sur tout le périmètre depuis les murs. On suppose le verre blindé. »
Encore après, le dessin d’hommes en armes. Gillet pare-balles, pistolets à impulsion électrique et à munitions solides à la ceinture. Fusils d’assaut au côté avec les mentions "munitions spéciales", "munitions en diamant" et "probabilité d’équipements supplémentaires pour la défense des lieux".
« Les sections sont de dix hommes. Elles peuvent se répartir par trois ou par deux au sein des pièces du complexe. On ignore combien il y a d’employés en tout, armés ou non. »
On attarde un peu trop longtemps nos regards sur le dessin anonyme d’agents de sécurité qui, à l’époque, nous ont valu notre surnom de Stepford. Combien d’années pour qu’ils commencent à moins nous craindre ? Combien de secondes pour qu’ils comprennent qu’ils avaient eu tort ? A quel point ce sentiment se rapproche-t-il de celui de Charles après les attentats ? Peut-on éviter les morts, contrairement à ceux que les X-Men ont fait à Alkali Lake ? Ce n’est pas une mission X-Men… néanmoins on n’est pas sûrs que ça suffira. A nous de réussir à assurer la non-violence. Par la force s’il le faut.
Le reste du dessin présente de grands ronds détaillés. Un par étage. Le World est un dôme d’au moins six niveaux. Trois étages, au moins deux sous-sols et le rez-de-chaussée.
Le premier niveau est à moitié dessiné. L’accueil est une petite pièce contenant un bureau en demi-cercle au fond, face aux doubles portes d’entrée, et deux portes latérales. Au-delà de la porte de droite et sur toute la moitié du complexe qu’elle concerne, c’est vide.
« Les portes sont coupe-feu. A l’époque, on s’est échappées avant qu’elles ne se ferment. On n’a jamais exploré la partie droite du complexe. »
La partie gauche, en revanche, est dessinée. Les deux premières pièces s’accompagnent des mots "intendance" et "bureau de sécurité", le second étant tourné vers l’extérieur du bâtiment. Ensuite viennent la salle de jeu, extérieur, et la salle de bain, intérieur, puis la cantine, extérieur, et l’infirmerie, intérieur, ainsi que la salle d’atelier et le local sportif. Certains de ces lieux ont déjà leur portrait dans nos chambres, toujours dessinés dos à la vitre et à l’extérieur du complexe. Finalement, au bout, il y a un nouveau bureau de sécurité qui fait face à une cage d’escalier et un ascenseur.
« On a grandi dans la partie gauche… principalement. »
Si le rez-de-chaussée est à moitié dessiné, le premier étage est encore plus parcellaire. De l’escalier et de l’ascenseur part un couloir principal qui traverse le bâtiment jusqu’à une pièce aussi large que l’accueil et intitulée "Bureau de « Père »". Autour de l’artère est annoté "nombreux couloirs perpendiculaires menant à des salles inconnues".
« Les rares fois où nous sommes allées à l’étage, c’était escortées et soit pour voir Père soit pour étudier nos pouvoirs en laboratoire. On suppose qu’il s’agit de l’étage de recherche. »
On ne s’est jamais posée la question. C’était normal de vivre ainsi, pour nous. On n’avait jamais rien connu d’autre. Après notre départ, on s’est dit que c’était parce que notre Monde était spécial. Après tout, il voulait faire de nous des agents d’élite afin que l’on protège l’Humanité sans avoir à nous sacrifier comme "Mère" l’avait fait. L’abîme est là, dans nos cœurs, entre nos seins. Il croit autant qu’on ne croit plus.
« On n’est jamais allées au second ni au troisième, déclare-t-on, absentes. On ignore ce qui peut s’y trouver. »
Reste donc un cercle. Un niveau. Le premier sous-sol.
Le couloir qui part de l’ascenseur est relativement court. Les premières pièces sont deux bureaux de sécurité. Ensuite vient une double-porte accompagnée du mot "blindée". Au-delà, dix chambres. Seule une est dessinée, avec ses cinq lits reliés au niveau de la tête. Il s’agit de la quatrième.
« On… nous n’avons jamais été au-delà du premier sous-sols. Nous ignorons combien d’autres existent. Ou ce qu’ils contiennent. »
On apporte tant de maux pour si peu d’informations. On se sent inutiles. Incompétentes. Inférieures. On devrait pouvoir faire mieux. Être à la hauteur.
« Un assaut violent comme contre Alkali Lake est fortement déconseillé. Si… si Sophie et Esmé sont toujours là-bas, on… nous… nous pourrons parlementer à travers elles. »
Comme si on allait en être capable. Rien que parler d’elles nous est difficile. Rien que parler d’elles nous amène à croiser les bras pour celle du centre, C2 rouge, s’enserrer le bras droit de la main gauche pour celle de droite, C5 bleu, et appuyer ses mains l’une contre l’autre pour celle de gauche, C3 vert.
Comme un insecte mourant, notre dessin s’est rétracté sur lui-même dès qu’on l’a lâché. On n’aurait pas dû l’enrouler. Le plier aurait été plus approprié. Nouvelle erreur. On serre nos mâchoires à cette constatation. On aimerait trouver du soulagement à l’idée qu’on peut les retrouver pour les perdre, histoire de subir ce que l’on a infligé à Kali, mais on chasse rapidement ce genre de pensée. Pour pouvoir aider notre amie, il faut qu’on soit en état. Pour être en état, il faut qu’on s’en tienne à nos objectifs.
« On… nous souhaiterions qu’elles nous accompagnent. Qu’elles reviennent avec nous. Cependant, nous sommes lucides. Apprendre la vérité est plus important. »
Comment peut-on dire cela, interroge Céleste avec écœurement. En étant lucides, insiste Phoebe avec amertume. On ne se dispute pas, implore Mindee avec crainte.
« Obéissez à la voix intérieure - elle nous commande de donner de nous-mêmes et d'aider les autres. Tant que nous avons la capacité de donner, nous sommes vivants. » (K. Douglas)
Le frêle sourire, papillon aux ailes entaillées qui continue de voler, communique d’une bouche à l’autre pour fendre les lèvres avec plus ou moins de sûreté : le sentiment de réconfort est fragile et certain à la fois. Tout comme l’espoir. La journée allait être longue, mais le pire dans cette morose pensée était le fait qu’elle n’avait même pas encore commencé. Et la rousse ne préférait même pas songer à la façon dont elle allait finir. « Bonjour. Jean. » Le sourire de Jean se déplace vers la femme enceinte qui vient s’installer à ses côtés, et à laquelle elle vole une petite gâche avec plaisir ; la faim ne la tenaille pas mais, puisque c’est Raven qui lui offre, elle ne peut le refuser. Le malaise entre les trois blondinettes et Raven est plus que palpable mais, s’y étant accoutumée, le Phoenix ne le remarque même plus.
Bien vite, le petit monde convié à la mission est rassemblé devant l’ascenseur : Raven, Kali — dont l’état préoccupant ne pouvait être ignoré, et Charles, arrivent les uns après les autres, signal implicite que la mission allait commencer. Véritablement. Adressant un sourire à Charles, car le sien apparaissait comme bienveillant et encourageant malgré la gravité de la situation, Jean se redresse lorsqu’il leur demande de le suivre au second sous-sol. Premier élan des battements de son coeur ; ce n’est point de la peur, mais de l’appréhension. « Et si… » tourne en boucle dans sa tête, avec tous les scénarios macabres en vedette, mais il fallait qu’elle fasse taire ses inquiétudes. Raven lui avait dit pendant leurs séances d’entraînement : elle est le seul maître à bord, ce ne sont pas ses émotions qui doivent la diriger.
Prenant une légère distance avec le groupe dans l’ascenseur, la mutante sort son téléphone portable de sa poche : le petit emoji de chat qui apparaît dans une conversation lui provoque un sourire suave, mais il s’efface rapidement. L’instant la rattrape, elle ne peut l’oublier. En rangeant son téléphone dans sa poche, elle lance un regard hésitant envers les Cuckoos, mais ne sachant comment les rassurer ou les aider, elle préfère garder le silence. Parfois, c’est ce qu’il y a de mieux à faire.
Les portes de l’ascenseur s’ouvrent, et tous se dirigent naturellement vers la grande table ronde, à laquelle la rouquine prend place, non sans avoir avant tiré la chaise à côté d’elle pour Raven, puis pour Kali de l’autre côté, même si celle-ci ne semble pas vraiment vouloir se mêler, aujourd’hui. Les Cuckoos prennent alors la parole, les regards rivés vers elles ; Jean écoute attentivement les paroles de ses amies, tout en s’imprégnant mentalement des schémas présentés. Des caméras, des angles de tirs, des fils barbelés, carrément… Comment se fait-il qu’ils n’aient jamais entendu parler d’un endroit pareil ? Elle ravale difficilement sa salive et, ne sachant que faire de ses mains, elle les dépose sur la table en soupirant discrètement. Pas de pensées parasites. Pas de pensées parasites. On reste concentrée.
Ce qu’elle note, principalement, c’est que le lieu est assurément bien gardé, ainsi que bien défendu et que, pour ne pas changer de l’ordinaire, ils seront bien moins nombreux. Pas de quoi faciliter les choses, cependant, puisque Charles et Raven sont présents, elle se dit que tout ira bien ; inconsciemment, elle adresse un regard à chacun d’eux avant de reporter toute son attention sur les trois soeurs, qui poursuivent leur explication lié au terrain. Les informations sont nombreuses et, couplées au stress qu’elle éprouve, la rousse n’est pas certaine de tout retenir mais elle le garde pour elle, car ce n’est pas le moment de s’étendre sur le sujet.
Vient ensuite l’évocation de Sophie et Esmé… Elle ressent presque la pointe de tristesse qui vient éclore en leur coeur à la simple évocation de leurs prénoms et, dans un élan doucereux, leur adresse un sourire plein de tendresse, et aussi de promesses. Va-t-elle pouvoir les tenir, ces promesses ? Elle l’espère, et il est bien doux d’y croire. Elles reviendront avec vous, avec nous, a-t-elle envie de leur dire, mais elle ne connait que trop bien le poids des mots pour s’aventurer à pareilles affirmations. Il faut y croire. Toujours.
Sous la dernière question posée par les Cuckoos, Jean se retourne machinalement vers Raven puisque celle-ci est, d’ordinaire, la leader de leur groupe. A-t-elle des questions à poser, des directives à donner ? Jean attend la réaction de son mentor en mordillant nerveusement l'intérieur de sa joue droite, ayant un peu de mal à organiser ses pensées pour l'instant.
THE FIRE FINDS A HOME IN ME ᭸ clipped wings, I was a broken thing, had a voice but I could not sing. there's a scream inside that we are frightened,we hold on so tight, we cannot deny, eats us alive, oh it eats us alive. there's a scream inside that we are frightened, I’ll shout it out like a bird set free.
Jean partagea un peu de mon petit déjeuner. Kali se joint à nous. Ma pouliche n’avait pas du tout le punch habituel que je pouvais lui connaitre. Son état m’inquiétait mais je ne dis rien. Charles, si elle n’était pas apte, n’aurait jamais voulu qu’elle prenne le risque de venir. En parlant du loup, ce dernier roula vers nous. Un petit mouvement de tête me fit lui dire bonjour. Une fois debout je tapais légèrement sur ma poitrine et mon ventre pour faire tomber les dernières miettes présentes. Je ne dis rien de plus. Moins je parlais en la présence des copier-coller moins elles pourraient …. Je ne savais même pas quoi à vrai dire.
La descente me paru interminable. Peut-etre parce que nous étions beaucoup trop dans l’ascenseur. Peut-être parce que je n’avais aucune envie d’être là.
Le paquet une fois vide je l’abandonnais dans une des poubelles présentes sur le trajet qui nous conduisait de l’ascenseur à la salle de briefing. Heureusement j’avais chargé le jet de nourriture si j’avais une petite faim pendant le vol. Au vue des têtes de tous les autres autour de moi, je devais bien être la seule à penser à manger.
Jean, adorable comme toujours, me tira une chaise et je m’installais confortablement, droite comme un i, j’écoutais.
Le briefing est long. Ou du moins il me le parait. Mais peut-être que c’est tout simplement car je n’arrive pas à m’investir dans cette mission. Je suis déjà présente c’est presque miracle. Cependant je prête une oreille attentive à toutes les instructions données par les photocopies bien que leur pique concernant Alkali Lake ne passe pas inaperçue, et est suivi d'un regard encore plus froid à chaque fois. Des dangers, il allait y en avoir. Pénétrer dans la base ne serait pas facile. S’y repérer non plus.
- Je ne souhaite avoir d’informations télépathiques de votre part qu’en cas d’extrême urgence.
Enonçais-je en plantant mes yeux tour à tour, dans ceux des trois blondes, puis je me tournais vers Charles et Jean, en secouant négativement la tête. Ils ignoraient la raison de mes différents avec les triplettes et cela importait peu.
- Charles, Jean, vous pourrez me contacter sans problème.
En sous-entendus, « Bande de petites pestes n’approchaient pas mon cerveau sauf en cas d’urgence vitale sinon …. ». Le message était clair non ? Jean était tournée vers moi, elle attendait surement que je rajoute quelque chose de plus.
Je décidais alors de me lever à ce moment là pour prendre les différentes feuilles présentées devant nous. Petite pile en main, je les laissais retombées sur la tranche pour bien les aligner.
- L’IA du X-Jet va reconstituer les plans sous format numérique en 3D. Nous pourrons les étudier plus en détails lorsque nous volerons.
Je n’avais pas grand-chose à dire, je n’étais pas présente ici pour une mission X-Men, je n’avais rien de plus à rajouter, je n’étais pas celle aux commandes. Mais d’ailleurs qui l’étaient ? Les blondinettes ? Charles ? Les feuilles en main je les calais contre mon ventre qui était plus que proéminant mais cela ne m’empêcherait pas de me battre comme une tigresse.
- Je vais au jet, rendez-vous dans 10 min pour le décollage.
Et, en pivotant sur mes talons, je tournais le dos à tout le monde pour quitter la pièce. Je me dirigeais, seule, rapidement vers le hangar sous-terrain où reposait notre véhicule volant élaboré par Hank, puis, après un tour visuel rapide de l’appareil je m’installais à bord pour commencer à paramétrer l’IA pour les dessins. J’en profitais également pour régler quelques détails. Porte du jet ouverte, passerelle baissée vous pouviez tous vous installer.
De mon côté j’étais déjà au poste de pilotage, prête à nous emmener à bon port.
lumos maxima
Undisclosed
desires
"Have you ever looked at a tiger and thought you ought to cover it up? You are an exquisite creature, Raven. All your life the world has tried to tame you. It’s time for you to be free."
Mais le sien ne quittait pas celui des portes de l'ascenseur. Son corps ne trahit aucune de ses émotions - seulement un mouvement de côté quand elles s'ouvrirent enfin pour révéler le professeur Xavier. A son salut, elle se contenta d'un laconique : "Bonjour."
Kali ne se voulait pas insultante. Mais lors d'une mission, le nombre de mots utilisés devait être réduit à l'essentiel. Rendre chaque communication efficace.
Efficace. Elle le serait.
Suivant le mouvement de foule et l'invitation du professeur, Kali entra dans l'ascenseur, son esprit notant que c'était pour elle une première de visiter le second sous-sol. Ce qui aurait dû être un moment excitant pour elle fut noyé dans un océan d'indifférence. La mission. Se concentrer.
Plus facile à dire qu'à faire.
Ses yeux s'attardèrent sur le visage des Cuckoos avant qu'elle ne se retourne, dos à elle, proche de Céleste. Elle aurait presque pu ressentir leur anxiété, leur détresse. Leurs yeux fermés et son placement dans l'ascenseur lui offrirent une opportunité qu'elle savait unique. Feintant de simplement mettre ses mains dans son dos dans une posture très droite, Kali usa de sa proximité avec la Cuckoo pour caresser de son pouce l'index de cette dernière. Le geste ne se voulait pas romantique - elle désirait seulement leur apporter un peu de soutien avant de se concentrer totalement sur la mission. Cela faisait mal. Mais la souffrance était nécessaire - pour elles.
Puis, les portes s'ouvrirent et la Kali capable d'empathie disparut.
Elle suivit le professeur, gardant ses deux yeux sur la chaise roulante pour ne pas lui rentrer dedans lors de son inévitable arrêt. Le chemin jusqu'à la salle de guerre fut court, en contraste avec le long exposé effectué par les Cuckoos. L'ex-assassin absorba autant d'informations que possible, prenant note du système de défense important.
Le mur n'est pas un problème. Le périmètre de tir, en revanche... Même de nuit, elle n'aurait eu aucune chance d'y arriver seule. Et même une fois à l'intérieur, il leur faudrait faire preuve de vivacité d'esprit et d'improvisation pour s'en sortir.
Raven la sortit de ses réflexions avec ses directives sur la télépathie. Immature. C'était le premier mot qui lui venait à l'esprit, mais elle préféra se taire, ne prenant la parole que lorsque sa mentor fit mine de partir :
- Quelle est notre approche ? Essaie-t-on d'utiliser votre nom pour rentrer dans le complexe ? Sous un prétexte honnête ou non ? Si ce n'est pas le cas, pourrions-nous forcer un garde à désactiver certains systèmes de sécurité pour nous donner un avantage ?
Sa voix exprimait sa concentration : Neutre, presque robotique et au débit rapide mais mesuré.
- Si vos sœurs s'avèrent hostiles, quelle est la procédure à suivre ?
Probablement courir. Il n'y avait pas grand chose qu'elle pourrait faire du haut de son frêle mètre cinquante-deux si une Sophie ou Esmé en diamant décidait de la transformer en pancake.
Une fois les directives données et les réponses à ses questions apportées, Kali se dirigea en direction du jet, s'installant à sa place en réussissant cette fois-ci à mettre sa ceinture sans trop batailler avec. Elle apprenait vite.
Kali effectua un dernier check-up mental et physique, vérifiant avec sa télékinésie que ses couteaux étaient bien présents et collés contre sa peau, tandis que des petits échauffements lui permirent de se rendre compte que son corps était plus que prêt à rentrer au cœur de l'action. Servir Hydra ne lui avait pas manqué. Mais effectuer une mission, même de sauvetage était suffisant pour faire monter lentement mais sûrement son adrénaline.
I need relief, a failure's coming on Just breathe in deep, it's taking far too long I need relief, this weakness carries on Please be a dream, or was it all along?
Pas un mot ne fut prononcé dans l'ascenseur. La peine désolée des Cuckoos, l'appréhension de Jean, le négativisme colérique de Raven, la sobriété pragmatique de Kali, tous ces états d'esprits incitaient au silence. De son côté, le professeur Xavier craignait que l'équipe ne soit pas assez soudée et trop impliquée émotionnellement pour être efficace. Il ne pouvait qu'espérer qu'une fois au cœur de l'action, ces demoiselles parviennent à avancer ensemble vers leur périlleux objectif.
Une fois dans la salle de guerre, les trois sœurs prirent la parole pour présenter le World, plan dessiné à l'appui. Charles l'observa et écouta la présentation tout en la couplant mentalement avec ce qu'il avait lui-même pu observer. Le facteur humain n'était pas inquiétant, avec cinq télépathes ils pouvaient aisément avancer sans que personne ne remarque leur présence. En revanche, les systèmes de sécurité étaient un problème, entre les nombreuses caméras et les détecteurs de mouvement, sans compter le système pour déclencher du gaz en cas d'attaque de la base… On pouvait tromper un esprit humain, mais pas une machine. D'où le matériel de Hank, qui espérons-le serait efficace - mais préviendrait d'une intrusion. Quelle que soit la manière de procéder, ils ne pourraient pas passer longtemps inaperçus.
Le professeur ferait part de ses réflexions à la fin du briefing. Il aurait pu compléter les informations des sœurs, mais il ne voulait pas noyer le groupe sous une avalanche de détails qui n'étaient pas importants pour le moment. Il ne voulait pas non plus leur faire peur ou les scandaliser en parlant des activités du World. Ils n'y allaient pas pour cela. Pas tout à fait. Pas dans un premier temps. En revanche, il hocha vivement la tête lorsque les trois sœurs présentes préconisèrent d'éviter l'assaut violent. L'approche diplomatique était la moins risquée. Lorsqu'elles évoquèrent leurs deux autres sœurs, Charles se permit alors de confirmer, sans donner d'explications sur ses connaissances :
« Elles sont toujours là-bas. Votre père aussi. »
Néanmoins, au-delà des retrouvailles avec leurs sœurs manquantes qu'elles espéraient autant qu'elles les redoutaient, elles voulaient surtout "apprendre la vérité". Vaste programme. Dangereux programme. Mais ils seraient tous là pour les y aider. Lorsqu'enfin elles demandèrent s'il y avait des questions ou des directives, Charles s'apprêta à prendre le relais, mais il s'en abstint en voyant que Jean tournait le regard vers Raven. Celle-ci ne les aida malheureusement pas, bien au contraire.
Le télépathe comprenait la réaction de sa sœur, il en connaissait les raisons. Il y aurait néanmoins eu d'autres points à aborder avant que Raven ne parte vers le jet. Kali se montra bien plus professionnelle, en demandant quelle approche devrait être adoptée. Mais évoquer plus avant leur stratégie alors qu'un membre de l'équipe manquait à l'appel ne plaisait pas à Charles. Certes, elle s'était isolée d'elle-même. Mais elle faisait partie de l'équipe, que cela lui plaise ou non.
« Nous continuerons cette conversation durant le vol. Ainsi tous auront les mêmes informations. »
Ils n'avaient plus qu'à se diriger vers le jet et embarquer pour le voyage. Mais avant cela, Charles retint Kali quelques instants, pour lui tendre un sac de course en tissu. A l'intérieur se trouvait une combinaison, similaire à celles de Jean et Raven, que Hank avait confectionnée selon les mesures de Kali. Certes, la jeune femme ne faisait pas officiellement partie des X-Men, mais elle venait sur le terrain avec eux, et le costume offrait une protection plus avancée que sa tenue de sport.
« Le professeur Mc Coy l'a fabriquée pour toi. Je t'invite à l'enfiler avant de partir. Tu peux garder tes habits par-dessus si tu le souhaites. Considère cette tenue comme une protection supplémentaire. »
Il lui sourit et tira sur sa propre chemise, la laissant voir un bout de sa combinaison qu'il portait lui-même en dessous de ses vêtements. Puis il alla prendre place dans le jet, aux côtés de sa sœur qui pilotait, naturellement. Il relança alors la conversation, car ils étaient loin, bien loin d'avoir tout mis au point :
« Bien, à présent que nous sommes tous en place, nous pouvons reprendre. Nous avons le temps du trajet pour mettre au point notre stratégie d'équipe. Phoebe, Mindee, Céleste, quelle approche préconisez-vous ? »
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