[Terminé] Bande de filles

Mademoiselle Grey a peur de se ridiculiser avec un défilé. Compréhensible. On ne la forcera pas. Cela étant, mademoiselle Herrera a la solution : l’absence de désir de se donner en spectacle n’empêche pas de le faire avec indifférence pour ses amies ! Les rôles se répartissent donc et ce n’est point Phoebe qui se prête à l’exercice en première mais bien mademoiselle Herrera, laissant mademoiselle Grey énoncer son propre rôle avec enthousiasme. Debout à son côté, on attend donc la présentation des tenues en résistant à la curiosité d’aller regarder ce qu’il se passe dans la tête de mademoiselle Herrera.

Sachant que la première tenue, le combiné short-débardeur-tennis, est pleinement dans le thème de l’indifférence. On regarde cela à trois avec une certaine perplexité, debout non loin de mademoiselle Grey et espérant qu’elle aura des réflexions meilleures que les nôtres. Ce qu’elle semble avoir, ne serait-ce que par son sourire. De notre côté…

"Il faut bien commencer quelque part" alors autant commencer par ce qu’on met déjà, note Phoebe. C’est une technique aussi prudente que quelconque mais au moins c’est franc dans la participation, note Céleste. Non contente de ne pas risquer un claquage de cheville, elle ne risque pas de le faire avec le goût non plus, note Mindee.

« Il fera bientôt trop froid pour mettre un short mais, j’approuve.

- Des valeurs sûres, déclare-t-on à trois. Cela ira bien dans votre garde-robe. »

La seconde tenue de mademoiselle Herrera est un peu plus osée : le jean est moulant, la chemise est légèrement transparente. On regarde cela avec les lèvres plissées et les têtes penchées sur le côté, échangeant des regards entre nous.

Nan mais on retrouve bien mademoiselle dans les baskets. C’est bien les baskets. Y’a vraiment que dans les baskets. C’est plus une tenue de drague que de ville ça nan ? Cela me semble logique oui. Ah bah c’est sûr que c’est pas le genre de tenue que tu mets sans arrière-pensée. Sauf quant il s’agit de Mademoiselle Herrera. C’est pas faux. C’est donc vrai.

« Wouah, s’exclame une mademoiselle Grey aussi surprise que nous mais pas dans le même sens. Cette tenue te va vraiment bien. »

Mademoiselle conclut par un acquiescement assuré avant de se tourner vers nous pour un regard complice qui nous fait sérieusement douter de la démarche à suivre.

- Alors, commence celle du centre sans savoir comment aborder la chose.

- Cela vous va bien oui, convient celle de gauche sans savoir comment aborder la chose mais en réussissant à ne pas trop sourire à une connerie à venir.

- Mais c’est peut-être légèrement indécent pour la vie de tous les jours, continue celle de droite en abordant la chose sans subtilité.

- Slime ça va, transparent on y réfléchit, mais les deux ensembles, conclue-t-on à trois, n’est-ce pas ? »

"Coin", comme dirait le canard face à ce genre de situation. Rien d’autre à ajouter.

Lorsqu’arrive la troisième tenue, on se dit toutes trois que c’est comme avec une blague : la troisième fois c’est la chute. Une chute qui risque d’être littérale mais qui nous laisse surprise d’abord, puisque l’expression est bien plus naturelle que le vêtement sur mademoiselle Herrera. La robe de soirée est incontestablement un classique. L’expression "j’en ai mare je vais tomber autant dans votre estime que sur le sol" qui s’affiche sur son visage aussi va être un classique. Classique que mademoiselle Grey apprécie pleinement, se retenant de rire alors que l’on alterne nos regards de chouettes éveillées en plein jour entre les protagonistes de cette histoire, nous incluses.

« J'ai l'air d'un enfant qui vient de voler la robe de soirée et les talons de sa mère…

- Tiens-toi droite pour voir ?

- Ça ne change pas réellement l’impression, convient-on à trois, mais on est aussi sur un mélange des styles qui… »

Vos gueules. D’accord. C’est mieux.

« Alors, disons que la robe met en valeur vos cicatrices, grimace celle de droite.

- Que les talons vous laissent branlante, grimace celle du centre.

- Et que le tout donne l’impression qu’on vous a forcé à un déguisement, grimace celle de gauche.

- Short, débardeur et basket, conclut-on à trois, c’est bien. »

Toujours finir sur du positif. Ou ce qui s’en rapproche le plus…

Mademoiselle Grey est la seconde à vouloir s’élancer et on la regarde faire avant d’accueillir mademoiselle Herrera à sa place avec de petits sourires désolés.

La première tenue nous amène à trois acquiescements. On en a des comme cela alors on approuve. Même si la fermeture éclaire sur le devant peut laisser un peu perplexe. Au moins c’est simple, accordé et digne. Enfin, "digne". Avec la bonne démarche. Mademoiselle Grey s’en sort presque bien et promet qu’elle ne triche pas pour cela. Les mains en prévention de chute étaient un indice.

« Vous en pensez quoi ?

- C’est bien, assure-t-on à trois.
 
- Les couleurs sont unies et entrainent un contraste avec votre chevelure et vos escarpins, commence celle du centre.

- Contraste qui se retrouve entre les deux matières mais ne jure pas, continue celle de droite avant que celle de gauche ne conclut :

- C’est passe partout et distingué, nous approuvons. »

Pour la seconde tenue, la surprise et la perplexité reviennent tour à tour en s’accompagnement des panchements de tête et des échanges de regards.

Non mais au moins elle a suivi nos conseils sur les motifs vichy… Par contre sur le choix entre le moulant et le transparent. Ah nan mais c’est sûr que là elle a les deux en un. Et un peu devant tout le monde. Oui. Je ne pensais pas ça d’elle !

« Zut, conclut Mademoiselle après examen dans le miroir. J’aimais bien.

- Sans doute qu’un bon nombre d’adolescents de l’Institut aussi allaient bien aimer, approuve avec amusement celle de gauche, toujours contente d’avance.

- Mais on se retrouve avec le même souci que pour la seconde tenue de mademoiselle Herrera, souligne celle de droite en croisant les bras.

- Après, allier le distingué du col roulé au… délicat… du transparent doit pouvoir se faire, concède celle du centre. Dans certaines circonstances équivalentes à celles de la chemise transparente précédente. »

Mesdemoiselles ne voulant pas passer l’ayant fait, c’est à notre tour et c’est celle de droite qui y va en première. Tout d’abord, sa tenue allie un jeans de base avec nos ballerines de balades et un chemisier rosé qui évite à la légèreté du tissu d’être transparent quand il n’y a pas de foncé dessous.

« L’association avec le jeans est juste horrible, exprime à haute voix les deux autres afin de partager leurs avis déjà donnés mentalement avec nos deux amies.

- Tu peux pas faire pêche en haut et jeans en bas, explicite celle du centre, sans compter le semi-transparent et le bien épais.

- Et si les renforts au buste évitent le transparent, au buste toujours, explicite celle de gauche, au moindre coup de vent on va en voir encore plus qu’on en voit déjà.

- Trop plus trop, s’harmonisent les deux, c’est deux fois trop. »

Je vous emmerde. On sait, t’arrête pas de le penser. D’ailleurs, tu pensais à quoi ? Pas à vous emmerder, ça c’est ton rôle Mindee. C’est vrai qu’elle en a une gratinée. Héhé.

La gratinée passe en deuxième et le démontre.

« Si le ridicule tuait, Irma, soupire celle de droite qui était saoulée avant même que sa sœur de sorte de la cabine, tu serais morte.

- Nan mais c’est sûr que rien ne va là, approuve celle du centre. Déjà on n’achète pas des vêtements déjà élimés et qu’est-ce qu’on pensait des vêtements transparents ?

- Alors, cher public, comme vous pourrez le constater, commence l’ancienne de gauche en soupirant et joignant les mains devant son ventre. La partie transparente n’empêche pas de cacher l’intimité à l’instar d’une brassière. De plus, le limage du jeans offre du blanc pour contraster avec le noir. Pour un date, cela me semble à la fois jeuns et séducteur.

- Pour nous faire chier aussi, confirme celle de droite, convaincue.

- Pour un date, répète celle du centre, non convaincue. Ou pour du téléphone rose. »

C’est avec un éclat de rire que l’incriminée s’en va se changer, suivie de prêt par celle du centre qui prend une autre cabine ainsi que cher en attendant qu’on puisse le dire à haute voix.

Lorsqu’elle ressort, c’est avec une robe rouge à poids blancs. Et c’est tout.

« Alors, si tu recommences avec tes histoires de rouge c’est romantique, commence les deux autres avant que celle de droite ne se tourne vers celle de gauche.

- Et toi tes histoires de rousse et moi…

- On te réexplique tout devant tout le monde, explicitent-elles ensemble, l’interruption n’ayant pas gêné le moins du monde celle de gauche. Maintenant, il est vrai que c’est plutôt bien. C’est pour l’été mais cela fait habiller sans trop compliqué. On approuve. »

Alors que celle du centre s’en retourne à sa cabine, celle de droite part pour son second tour. Elle en revient avec une robe noir soyeuse aux épaulettes de tulle et au décolleté faussement transparent.

« Ça cache bien qu’on n’a pas de seins et c’est une utilisation cohérente du transparent, considèrent les deux autres, mais les marques de couture au niveau du buste et les scratchs au niveau des épaules c’est juste mort. »

M’en fout, j’en ai une mieux à l’Institut. Heureusement, vu le niveau. Promis, je te l’emprunte le jour où je vais faire un speed dating ! Irma, va chier ! C’est pas glamour. Comme la robe proposée par Phoebe !

« Bon, reprend celle de gauche en se levant pour aller se changer avec sa seconde trouvaille, je dédicace celle-ci à mademoiselle Herrera. »

Comment vexer quelqu’un en une leçon. Euh, c’est pas faux. Mais nan, c’est parce que le ridicule ne tue pas et qu’on est là pour se marrer !

Se marrer, cette fois, prend la forme d’un haut semi-transparent noir et d’un short noir aussi. En d’autres mots…

« Entre le haut qui donne l’impression qu’un voilage de rideau a voulu se rendre portable dans la bonne société, commence les deux commentatrices, et le bas qui partait pour être une jupe mais a changé de genre au dernière moment…

- Non hein, demande celle du centre à celle de droite.

- Non, du tout, confirme celle de droite à celle du centre.

- Héhé, ricane celle qui prend la pause avant de repartir.

Pour le second tour de celle du milieu, c’est avec un haut noir simple à décolleté raisonnable et une jupe bleue à fleur qu’elle se présente au jury.

« Céleste, Céleste, au nom de Phoebe et moi-même…

- Non, juste au sein.

- Comme je le disais donc, on trouve que tu es trop timide sur l’exploration des tenues. C’est pas drôle.

- Continue donc comme ça, on avancera peut-être. »

Somme toutes, s’il fallait retenir un enseignement de l’impact sur notre méthode de sélection de vêtements en compagnie de personnes extérieures à nous-mêmes, c’est :
Pour Mindee, l’occasion de troller trois fois : une fois au choix du vêtement en rayon, une fois à l’essayage du vêtement en cabine et une fois devant témoin.
Pour Céleste, un délai non négligeable mais l’un des rares moments où "blâmer Mindee" devient plus probable que l’habituel "blâmer Céleste" puisqu’elle va sur les mêmes tenues qu’elle fait habituellement.
Pour Phoebe, l’occasion de zyeuter des rousses.