Dans une semaine, nos emplois commenceront officiellement même si on a commencé trois jours après notre arrivée. Demain, cela fera une semaine qu’on est arrivées à l’Institution Charles Xavier pour jeunes surdoués et on aura notre premier briefing en compagnie des X-Men. En une semaine, on a fait de notre mieux pour croiser toutes les personnes présentes sur le site et on a commencé à tisser des liens.
Cinq individus ont particulièrement retenu nos attentions. En plus du Directeur Xavier, qui nous a fait pleurer dès l’entretient d’embauche en nous accompagnant sur la découverte des mensonges et faux semblants de notre passé, il y a eu mademoiselle Herrera, qui nous a fait pleurer en nous aidant à conscientiser que l’on est des armes, et madame Darkhölme, qui nous a fait pleurer en refusant d’accepter notre particularité mutante et en nous accusant de refuser qui on est. Si l’on n’avait pas été encore plus mal à la perte de nos sœurs et de notre monde suite au Snap, l’Institut détiendrait le record de mal-être chez nous. D’un autre côté, monsieur Summers nous a fait des cadeaux, en plus de nous charmer et de nous faire visiter, tandis que mademoiselle Grey a été très convaincante lorsqu’elle a fait semblant d’aimer nos cookies. Cela, ajouté au fait que monsieur Xavier et mademoiselle Herrera nous aient accompagnées comme vont continuer de le faire, nous amène à l’optimisme : on ne sait pas ce que l’on est mais on finira par le trouver et il faut juste éviter d’être dans un rayon de 15m de madame Darkhölme pour que l’on soit gentil avec nous. On ne sait pas qui est monsieur Darkhölme mais on veut bien ses conseils pour amadouer l’ancienne mademoiselle Xavier. Pas forcément qu’elle nous apprécie, même si ça nous soulagerait, mais juste qu’elle ne fasse pas la tête pour notre simple existence serait une bonne amélioration.
On a beaucoup de choses à considérer. Beaucoup d’entre elles n’auront pas de solution immédiate et il va falloir qu’on apprenne à vivre avec le doute et l’incertitude. A nouveau. On n’aime pas cela. Du tout. Face à l’insécurité, on sait qu’on a tendance à se refermer sur nous-mêmes et à se blinder pour que l’extérieur ne puisse rien nous infliger. Nos années d’étude en sont témoins, on n’a gardé aucun contact avec toutes les personnes qui nous ont recueillies et accompagnées au Royaume-Unis. Même pour la Mairie de New York, on est conscientes qu’on perdra les contacts avec le temps. On n’oubliera pas, on passera à autre chose. Si l’on veut essayer de se sentir aussi bien que possible à l’Institut, il ne faut pas que l’on fasse cela. Quitte à se perdre nous-mêmes, comme c’est le cas depuis toutes ces révélations, autant essayer de gagner d’autres personnes.
Des amies.
Les premières.
Par similarité, on fonde beaucoup d’espoirs sur Jean Grey. Notre connaissance des problèmes accompagnant sa fugue est limitée et, malgré les immenses curiosités à ce sujet, c’est auprès d’elle qu’on doit en apprendre. On le sait. Néanmoins, qu’elle n’aille pas bien donne une approche. Attention, il ne faut pas s’approcher trop prêt sinon la demoiselle attrape physiquement ! On n’est pas habituées. Mentalement, en revanche, la télépathie et l’âge équivalent plaident en notre faveur comme en la sienne. De plus, elle est gentille comme tout.
Par surprise, on découvre Kali Herrera. Les similarités nous étaient inconnues mais une, fondamentale, est présente. Elle a perdu sa jumelle. Ça complique beaucoup la situation puisqu’elle s’est attachée, émotionnellement parlant, très rapidement à nous ; plus qu’à quiconque, de l’impression qu’on en a. On n’a pas la moindre idée de comment gérer cela mais, apparemment, l’amitié ne se gère pas. On veut bien mais on fait comment du coup ? "Comme ça nous vient". Partage d’activité, donc, qu’on sache les faire ou pas.
C’est avec mademoiselle Herrera qu’on a eu l’idée d’inviter nos potentielles amies à partager notre routine dans la mesure de ce qui leur conviendra. Il faut dire que notre routine est militaire. 6h20, réveil. Ça, c’est plutôt le genre de truc qui se fait chacun chez soi. 6h30, petit déjeuner. Ça, c’est la première invitation de la journée !
La période de vacances n’est pas adéquate pour estimer les horaires des membres de l’Institut. Logiquement, les préparations seront d’environ une heure avant les débuts des cours. Ce qui fait que, à part les lèves tôt comme nous et ceux qui s’y forcent pour éviter la ruée vers l’estomac, on ne devrait croiser personne. Conséquemment, c’est probablement un effort qu’on demande à mesdemoiselles Herrera et Grey de venir ici !
A nos soulagements, on n’a pas été aussi embêtantes que cela envers le cuisinier, un mutant avec vitesse surhumaine qui accompli donc à lui seul le travail monumental de préparer les plats pour tout le monde, en demandant un petit déjeuner anglais. Toasts avec de la confiture, c’est facile à conserver et préparer, œufs au plat et bacon, ça ne s’improvise pas. Les galettes de pommes de terre non plus. Il nous a même proposé un pancake ou un muffin pour accompagner, l’hérétique ! Jus d’orange et thé Earl Grey nous suffisent. Il faut qu’on demande à mademoiselle Grey si l’homonyme est apparenté, d’ailleurs.
Installées à une table proche de l’entrée, on attend les deux autres jeunes femmes. Nos trench-coats gris rayés sont posés sur les dossiers de nos chaises, sur lesquels on appuie nos dos couverts de cols roulés aussi noirs que nos pantalons de yoga et nos baskets. On est prête pour la séance de sport qui suivra le petit déjeuner et on réfléchir à comment convaincre nos camarades de nous suivre.
Si elles ne viennent pas, ce n’est pas grave, assure Phoebe. On peut pas les forcer non plus, assure Céleste. Si, elles sont rousses donc doivent rester dans le champ de vision de Phoebe, assure Mindee.
Aujourd'hui était un grand jour pour elle. Enfin, l'évènement n'était pas en lui-même extrêmement important, mais au niveau de sa vie sociale c'était une petite révolution. Elle allait faire du sport avec des amies.
Sans être forcée. Avec des amies, pas des camarades de classe.
C'est avec une certaine excitation qu'elle sauta du lit pour effectuer des étirements - elle avait besoin de commencer à chauffer ses muscles dès maintenant. Une fois lesdits étirements faits, Kali se changea en ce qu'elle jugea être une tenue de sport appropriée : un pull à col roulé, un t-shirt qui avait vu des jours meilleurs, un jogging et des tennis qui commençaient à montrer des signes d'usure.
Une fois prête, elle se dirigea en direction du réfectoire, arrivant devant le cuisinier une minute après les Cuckoos. Pour elle, un jus d'orange pressé et une pomme suffirait. Elle n'était pas du genre à manger beaucoup le matin et surtout pas à rendre son déjeuner après une course trop intense. De la main qui tenait sa pomme, elle fit un petit signe au trio avant de rejoindre leur table.
- Bonjour, bien dormi ?
Posant sa pomme et son jus sur la table, la jeune mutante fit un signe de la main pour présenter ses vêtements et souligner la similarité avec ceux des Cuckoos.
- Et moi qui croyait mon style unique... fit-elle avec un soupir exagéré.
Elle ne put s'empêcher de penser que même si elles avaient porté les mêmes vêtements qu'elle, le trio resterait bien plus attrayant. Ce n'était pour elle pas une question d'estime de soi - elles étaient juste naturellement plus séduisantes.
- Vous avez des nouvelles de Jean ?
Mentales, évidemment. Grâce au télépotin, Kali avait pu profiter des pouvoirs de télépathie de ses amies pour partager le lien qui les unissaient. C'était une expérience nouvelle pour elle, autant au niveau social que mutant et quelque chose qu'elle adorait. Les ragots étaient très secondaires pour elle : ce qu'elle aimait, c'était de partager sa conscience avec les autres et de voir leurs différentes personnalités à l’œuvre. Bien qu'il lui semblait avoir plus d'affinités avec Mindee, Phoebe et Céleste n'étaient jamais en reste pour la faire rire - et parfois, ce n'était pas à leur dépens ! Jean était... Trop d'adjectifs positifs lui venaient à l'esprit pour qu'elle puisse n'en choisir qu'un. Elle était en tout cas en bonne passe de devenir sa meilleure amie... si ce n'était pas déjà le cas.
Et comme elle commençait à la connaitre, Kali ne doutait pas que c'est elle qui aurait le réveil le plus difficile. Les Cuckoos suivaient un rythme militaire et elle un rythme d'assassin. Jean était la plus normale d'entre elles à ce niveau-là.
Lorgnant le repas anglais des trois soeurs, elle eut un sourire amusé.
- Je ne sais pas comment vous faites pour manger ça avant de courir.
Ce n'était pas le côté anglais qui gênait. Kali avait beau être texane, elle n'était pas du genre patriotique. C'était plutôt la quantité. Il lui aurait suffit d'une de ces galettes de pomme de terre pour devoir faire un arrêt critique au bout de vingt mètres de course.
Si les Cuckoos n'ont pas encore proposé à Kali de faire de la course avec elle, c'est elle qui a cru que l'invitation pour le petit déjeuner s'étendait aussi à la course.
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I need relief, a failure's coming on Just breathe in deep, it's taking far too long I need relief, this weakness carries on Please be a dream, or was it all along?
« Le désir d'amitié est donc précisément un désir d'être compris, sollicité, apprécié pour nous-même. » ( Francesco Alberoni)
Elle avait mis un réveil. Le réveil a sonné. Elle ne l’a pas entendu.
Profondément endormie entre ses deux oreillers, la rousse est victime d’une terrible panne de réveil : ce n’est qu’à la cinquième sonnerie (ou la sixième), qu’elle sursaute en bondissant sur son lit, se rappelant alors du rendez-vous qui avait été pris et qu’elle avait accepté la veille : les yeux encore brouillés par le sommeil, les sourcils froncés et la bouche entrouverte, elle lance un regard anxieux vers la boite hurlante sur sa table de chevet. Elle est en retard. Enfin, pas encore de manière irrespectueuse mais, pas loin. « Mince ! » Lance-t-elle en s’extirpant péniblement de son lit, enfin, en essayant plutôt, car ses pieds s’emmêlent dans la couette et elle tombe de son lit, son menton cognant durement le sol de sa chambre tandis qu’elle pousse un surement de surprise injurieux. « Merde ! » Après une bataille acharnée avec sa couette, Jean se redresse en soufflant de l’air par la bouche pour repousser une mèche de cheveu entravant sa vue, se dirigeant vers la salle de bain pour passer sous la douche, en espérant que cela la réveille.
Une douche, une session d’habillement pour revêtir des vêtements de sport et un passage express devant le miroir pour coiffer ses cheveux en une queue-de-cheval, la rousse descend les escaliers quatre à quatre et rejoint le réfectoire en feignant d’être debout depuis un long moment, bien que la trace d’oreiller sur sa joue, encore bien visible, trahi la vérité. « Coucou ! Bien dormi ? » Elle affiche un sourire qui se veut convaincant, et qui pourrait l’être si on ne s’y attarde pas trop. En attendant la réponse de ses amies, la rousse s’empresse de se faire un thé à la menthe, se servant également un verre de jus de fruits ainsi qu’un bol de céréales mais, encore mal réveillée, elle ne verse pas du lait dans son bol mais bien du jus de fruits, sans même s’en rendre compte. Devant les visages perplexes qui lui font face suite à son geste, Jean fronce légèrement ses sourcils tout en gardant son sourire, ne pouvant s’empêcher de demander : « Bah quoi ? » Est-ce la trace d’oreiller sur sa joue ? La trace rougeâtre sur son menton ? Le fait qu’elle verse du jus d’orange dans son bol de céréales ? Ou les trois en même temps ?*
Emportant son plateau avec elle, la rouquine vient s’asseoir à côté de Kali en soupirant, se retenant de bailler. Oh, elle aurait bien dormi encore quelques heures… « Alors, on fait quoi ce matin ? » Courir, oui, elle sait, mais elle espère peut-être que le programme ait changé et soit devenu on retourne tous dormir jusqu’à 9h ! Prenant sa cuillère, elle la plonge dans son bol de céréales pour l’apporter à ses lèvres, grimaçant aussitôt en baissant le menton sur son petit-déjeuner. « Ça un goût bizarre ! » Pas étonnant quand le lait est orange. Repoussant son bol, la jeune femme adresse un frêle sourire à ses comparses en buvant un peu de son jus de fruits, se disant qu’il est vraiment temps qu’elle se réveille. Pour de bon.
*:
Proposition de réaction : si vos personnages ne le remarquent pas, considérez que ce passage n'existe pas.
THE FIRE FINDS A HOME IN ME ᭸ clipped wings, I was a broken thing, had a voice but I could not sing. there's a scream inside that we are frightened,we hold on so tight, we cannot deny, eats us alive, oh it eats us alive. there's a scream inside that we are frightened, I’ll shout it out like a bird set free.
Mademoiselle Herrera ne tarde pas à nous rejoindre et on penche toutes trois nos têtes sur le côté. Changer nos angles de vue et d’audition sur elle ne change pas le fait qu’elle n’a pas de plateau, seulement une pomme et un verre. Lorsqu’elle nous fait coucou de la pomme, et de la main qui la tient, on relève nos trois visages pour lui sourire et acquiescer.
« Bonjour, bien dormi ?
- Bien et vous ? »
Céleste a fait un rêve humide, râle Phoebe. Vous étiez humides aussi, râle Céleste. Phoebe est frustrée par l’absence de rousse, ricane Mindee. C’est faux. C’est pas faux. C’est donc vrai !
Mademoiselle croyait son style unique, voilà qui nous fait le détailler en nous répartissant les parties. A gauche, elle se recule pour regarder les pieds. Au milieu, elle regarde le buste. A droite, elle regarde le pantalon en se relevant légèrement. Ses chaussures sont aussi abîmées, certes, mais elle a un jogging là où l’on préfère la force découpée du legging et, comme on aime respirer malgré tout, on va sur un pantalon de yoga. Après, le haut et les chaussures sont en effet similaires.
« On le dira à personne, hasarde celle du milieu pour essayer de rebondir sur la blague, attirant un regard de celle de droite qui ne trouve pas ça drôle tandis que celle de gauche acquiesce.
- Vous avez des nouvelles de Jean, demande mademoiselle Herrera, nous amenant à nous répartir les tâches : la plus proche de la porte tourne le regard vers celle-ci tandis que la plus éloignée illumine son regard de l’énergie bleuté alors qu’elle libère l’électrolocalisation télépathique et que celle du milieu répond avec le sourire.
- Elle arrive. »
Il n’est pas besoin d’être connectée à son esprit pour reconnaitre sa présence psychique, laquelle s’approche de nous rapidement. Et entre dans l’instant. Si les styles de mademoiselle Herrera et de nous-mêmes se ressemblent un peu, mademoiselle Grey y ajoute une pointe de maquillage directement en provenance de son oreiller qui la rend véritablement unique.
« Coucou ! Bien dormi ?
- Bien et vous ? »
Céleste a fait un rêve humide, râle Phoebe. Vous étiez humides aussi, râle Céleste. Phoebe est frustrée par l’absence de rousse, ricane Mindee. Attendez… Une… Seconde… On… Radote… Non ?
Si mademoiselle Grey a la sourire volontaire de la personne espérant se faire excuser, nos propres visages expriment une seconde de doute. Tandis que celle de droite, la ferme Mindee, suit des yeux la nouvelle arrivée, les deux autres en reviennent à la première rousse arrivée.
« Je ne sais pas comment vous faites pour manger ça avant de courir.
- Et bien, commence-t-on à trois d’une même intonation et expression perplexe, même si l’une ne regarde pas notre interlocutrice, avec des couverts, non ? »
Deux tartines avec de la confiture d’abricot, la ferme Mindee, un œuf au plat, deux tranches de bacon, une galette de pomme de terre, un verre de jus d’orange et un thé par personne, on a connu mieux. Et pire. Après, en comparaison d’une pomme, c’est sûr que ça fait beaucoup. Pour nous, la pomme fait peu. Quand au troisième menu…
« Bah quoi ?
- Nous sommes en pleine comparaison des menus, déclare celle de droite, sa voix légèrement plus sèche que les autres sans pour autant être sèche présentement.
- Quantitativement, reprend celle de gauche, tournant la tête de manière à être entendue de mesdemoiselles Grey comme Herrera malgré qu’elle parle légèrement moins fort que les deux autres, avant que celle du milieu ne conclue avec le sourire, parlant plus fort que les deux autres.
- C’est diversifié. »
Après une pause pour écouter l’avis de mademoiselle Herrera, qui doit être aussi interrogative que nous sur les manières de mademoiselle Grey mais pour des raisons différentes, la dernière arrive est la première à se projeter dans l’avenir.
« Alors, on fait quoi ce matin ?
- S’il fait beau, footing de 10km, commence celle de gauche en acquiesçant d’un "je vous suis".
- S’il pleut, jogging de 10km, continue celle du milieu en acquiesçant d’un "je vous trolle… parce que je vous trolle pas".
- Je refuse de terminer cette blague, conclue celle de droite en regardant les deux autres avec dédains, gâchant brièvement le plaisir de celle du milieu tandis que celle de gauche n’en a vraisemblablement pas grand-chose à faire.
- Ça un goût bizarre, reprend mademoiselle Grey, ayant profité de nos réponses pour goûter ce qu’on trouvait bizarre à quatre avant elle.
- Ça doit être le mélange, suppose celle de gauche avec perplexité.
- C’est l’humour de Mindee, soupire celle de droite avec sarcasme. C’est malheureusement normal.
- Je peux gouter, demande celle du milieu en avançant le nez et ignorant superbement la précédente.
- Qu’est-ce que je disais... »
Celle de gauche hausse les épaules en regardant tour à tour les deux à sa droite et les deux en face, là où celle de droite juge fermement celle du milieu qui est déjà prête à y aller avec la cuillère ; la sienne, il ne faut pas exagérer.
- Ah oui, conclue celle du milieu après avoir gouté et fait grimacer les deux autres, c’est pas bon. »
T’as fait ça juste pour nous faire chier. C’est vraimentrop’injuste. Ne me remerciez pas, c’est un plaisir de faire partager !
***
Lundi 29 Juillet – 07 : 10 A.M.
On a montré à mademoiselle Herrera comment manger avec des couverts, tout en convenant que la pomme peut s’en passer. Certes, on ne le ferait pas parce qu’on ne joue pas avec la nourriture, n’est-ce pas Mindee, mais on accepte sans difficulté que d’autres le fassent. Désormais, il est temps de montrer comment on court après avoir mangé !
Nos trench-coats sont déposés à l’entrée de l’Institut, servant de marque de notre point de départ puisqu’il ne pleut pas aujourd’hui.
« Bon, commence celle de droite, prenant la tête de notre trio et donc la place de celle du milieu en mettant les mains sur les cuisses et en regardant mesdemoiselles Herrera et Grey. D’ordinaire c’est 50 à 45 minutes la course de 10km. Sauf marche-course de 40min, où là c’est 8km.
- 50min pour 10km ou 40min pour 8km, intervient celle du milieu, passée à droite, en faisant semblant de chuchoter, c’est 12km/h. »
Mindee, la ferme. Mindee, elle va nous faire accélérer… Je suis la loi de l’emmerdement maximum. Du verbe être. Du verbe suivre. Les deux me vont.
« Nous ne savons pas votre vitesse de course, continue celle du centre en croisant les bras, mais si vous n’arrivez pas à suivre on ralenti. »
Mindee, la ferme. Mindee, la ferme. Même pour Céleste ? Non. Pas pour toi non plus. Vous avez vu, je l’ai pas dit à haute voix.
« S’il y a besoin qu’on vous ramène, on vous ramènera en vous portant, assure-t-on à trois avec un sourire se voulant rassurant. Allez, on s’échauffe. »
La qualité de son sommeil devenait meilleure avec le temps. Elle faisait toujours des crises d'insomnie, mais dans l'ensemble ses nuits étaient plus reposantes.
Sa plaisanterie donna lieu à une inspection visuelle qui lui arracha un petit sourire. Elles étaient mignonnes quand elles faisaient ce genre de choses à trois quand une aurait clairement suffit. Mais une Cuckoo rit à sa blague, l'autre opina et la dernière désapprouva. Une victoire, donc.
L'arrivée de Jean fut fracassante. Mais plus dans le sens où l'on aurait dit qu'elle venait juste de rentrer dans une porte en tenant son coussin devant elle. Tâchant de ne pas laisser son amusement transparaitre, Kali se contenta de lui répondre un succinct :
- Bien aussi.
Kali ne savait pas ce à quoi elle s'attendait quand elle avait demandé aux Cuckoos comment elle faisait pour avaler un déjeuner complet juste avant de courir; une chose est sûre, la jeune mutante ne s'attendait pas à se faire troller.
Un air blasé sur le visage, elle foudroya du regard chaque soeur une par une, ne gratifiant pas leur remarque d'une réponse. Fort heureusement pour ces dernières, Jean ne s'était toujours pas réveillée et se préparait un cocktail des plus étranges.
Elle écouta les remarques des trois soeurs, pas vraiment sûre de la marche à suivre. Devait-elle dire à Jean que le mélange qu'elle était en train de faire était probablement passible de mort dans un autre pays ? Vu le ton de cette dernière, elle allait s'abstenir.
- Chacun ses euh... préparatifs, j'imagine.
Laconique, mais elle ne désirait pas s'attirer les foudres d'une Jean mal réveillée. Si la légende était vrai, elle risquait d'y laisser les plumes qu'elle n'avait pas.
Cette dernière enchaîna d'ailleurs sur la suite du programme - ce qui l'intéressait au plus haut point. L'idée d'un footing ou d'un jogging était excitante, mais un air déçu s'afficha sur le visage de Kali, puisque, encore une fois, la blague lui échappait. Elle espéra un court instant que quelqu'un lui expliquerait, puis son attention fut absorbée par Jean qui décida enfin de goûter ses céréales. Pas bon ? C'était une façon de le dire, oui. Elle rendit son sourire à Jean, alors que Mindee décidait elle aussi de goûter ce mélange improvisé. Devant les trois têtes dégoûtées, elle ne put s'empêcher de lâcher un :
- Je crois que je vais passer mon tour. Vos visages me disent ce que j'ai besoin de savoir.
Plus tard, lorsque les Cuckoos décidèrent de manger leur oeufs au plat, une pichenette télékinésique vint dévier leurs fourchettes pour les envoyer - sans trop de violence non plus - sur le nez de leurs propriétaires. Vengeance.
***
Kali s'étirait avant la course, écoutant attentivement ce que les Cuckoos avaient à dire. Les valeurs données ne lui parlait pas vraiment - quand elle voulait courir, elle courait - mais elle opina néanmoins du chef devant l'exposé de Phoebe.
- Je ne connais pas ma propre vitesse de course mais je devrais pouvoir vous suivre sans trop de soucis.
Elle n'était pas là en train de se vanter : si sa force physique était dans le négatif, son endurance était au-dessus de la moyenne. Continuant son étirement, elle leva sa jambe bien droite, la mettant derrière sa tête et s'appuyant sur l'épaule de Mindee pour ne pas tomber.
La présentation finie, Kali prit la parole, avec deux questions à l'esprit :
- Vous préférez communiquer à voix haute ou télépathiquement ? Les deux ne me dérangent pas, même si j'aurais besoin d'une invitation de votre part. Ou plutôt que vous vous invitiez.
Elle changea de jambe d'un mouvement fluide, comme si de rien était.
- Et vous courez dans quelle formation ? Simplement pour éviter de se téléscoper.
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« Le désir d'amitié est donc précisément un désir d'être compris, sollicité, apprécié pour nous-même. » ( Francesco Alberoni)
La réponse favorable de ses amies lui avait arraché un sourire sincèrement jovial, car elle ne pouvait que se réjouir de savoir que Kali, dont les nuits au caractère agité ne lui étaient point un secret, retrouvait le repos qu’elle méritait. Elle, n’avait pas pris la peine de surenchérir avec un « moi aussi » car elle pensait que la large trace d’oreiller sur sa joue la trahissait déjà suffisamment ; combien de temps ça met pour s’estomper, cette chose ?! Elle avait bien envie de frotter sa joue mais craignait d’attirer davantage l’attention sur cet aveu de panne de réveil. Elle était, indiscutablement, debout depuis peu de temps. Qu’importe, ses quatre comparses étaient suffisamment polies pour ne pas lui faire remarquer — mais à leur place, elle ne s’en serait pas gênée !
N’écoutant les échanges malicieux que d’une oreille distraite, presque aussi distraite que la main ayant versé le jus de fruits dans les céréales, elle s’était rappliquée à leur table en lançant un énergique : « De quoi vous parlez ? » N’ayant même pas compris le sous-entendu de ses amies. Les petits-déjeuner sont diversifiés ? La jeune femme jette une oeillade aux divers plateaux tout en conservant un certain sourire innocent, qui ne fragilisait en rien ses certitudes : elle ne voyait toujours pas le problème, mais ça allait venir. Et puis, il y avait autre chose qui l’intéressait bien plus que les contenus des bols… le programme de la journée. S’il fait beau, footing de 10km. S’il pleut, jogging de 10km. Laissant échapper un sourire aussi peu convaincant que convaincu, car elle avait une furieuse envie de retourner lézarder dans son lit douillet et moelleux, la rousse avait froncé ses sourcils avant de se hasarder à une question qui annonçait déjà son manque de motivation et d’endurance pour la suite : « J’imagine que l’option ‘’promenade tranquille dans le parc’’ n’est pas au programme ? » Évidemment que non. Les blondinettes n’avaient pas besoin de lui répondre. Et cette perspective laissa un goût amer sur la langue, presque autant que le mélange jus-d’oranges-dans-les-céréales. Mindee pouvait en témoigner, elle en connaissait le goût et l’avait même partagé à ses soeurs : ce qui, de nouveau, avait fait sourire la rouquine. Pas pour longtemps cependant.
**
Imitant les mouvements de sa comparse, Jean entreprend l’étirement ordonné par le coach du jour : c’est peut-être la partie la plus agréable car, au moins, elle ne s’éloigne pas trop de sa position. Peut-être que, pour le premier jour, elle peut juste s’en tenir à l’échauffement ?!
Prenant appui contre le tronc d’un arbre en se disant que, peut-être, on allait oublier sa présence, Le Phoenix avait plié son genou en attrapant sa chaussure dans son dos, répétant le geste de nombreuses fois tout en observant ses amies, sans rien dire. Sa vitesse de course ? Euh… « Je pense que je vais perdre mon souffle rapidement, alors la télépathie c’est bien… » Arquant l’un de ses sourcils en penchant son menton sur le côté, Jean avait observé la position de Kali, dont la souplesse la surprendrait toujours. Il fallait vraiment l’inscrire à des compétitions, celle-là. Détournant le regard, la rouquine s’était finalement assise dans l’herbe, le dos appuyé contre le tronc de son arbre-cachette. « Vous savez j’me dis que j’vais vous ralentir, il vaut peut-être mieux que j’attende ici ! » Qui ne tente rien n’a rien, non ?
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Pendant qu’on radote sur le bien dormi, mademoiselle Herrera confirme. Lorsqu’on répond à sa demande sur notre nourriture, elle tente de nous foudroyer du regard. Tente, car celle de droite ne la regarde pas.
Mindee, la ferme. Mindee, s’il te plait. Bon d’accord, je ne joue pas la blonde plus longtemps.
Considérant que "chacun ses euh… préparatifs, j’imagine", on se rend compte que mademoiselle Grey fait plus peur à mademoiselle Herrera que Phoebe ! On n’est absolument pas d’accord sur comment on doit le prendre. Phoebe s’interroge sur un défi. Céleste s’interroge sur le fait que mademoiselle Grey ait plus de répondant que ce qu’elle semble avoir. Mindee rappelle que Mademoiselle aime les contacts physiques. Phoebe abandonne. Céleste abandonne. Mindee se cacherait bien mais c’est trop tard.
Contrairement aux instincts trolls de Mindee sur lesquels mademoiselle Herrera rebondit !
Oui, nos visages confirment, râle Phoebe. Merci Mindee, râle Céleste. Tout le déplaisir est partagé, s’enjoue Mindee.
Et déplaisir il y a : il suffit de regarder mademoiselle Grey. Elle imagine que l’option "promenade tranquille dans le parc" n’est pas au programme…
« Et bien, commence celle de gauche en regardant celle de droite.
- Disons que, continue celle du milieu en regardant celle de droite.
- C’est pas un entrainement si c’est tranquille, conclu celle de droite en soutenant tout les regards. Il faut travailler l’endurance, n’est-ce pas ? »
A-t-on vexé une mademoiselle Grey qui a plus de répondant qu’elle en a l’air ? Dans tous les cas, notre repas est perturbé d’une attaque d’œufs aux plats ! Triplement atteintes, on est toutes choquées au point de s’interrompre, de demander de nous excuser puis de fuir la table rapidement afin d’aller se nettoyer.
Parfait, premier petit déjeuner entre amies et on foire tout, s’énerve Phoebe. En plus on a laissé nos plateaux et nos amies en plan, s’attriste Céleste. J’espère qu’elles ne nous en veuillent pas vraiment, s’inquiète Mindee.
***
Mademoiselle Herrera ne connait pas sa propre vitesse et mademoiselle Grey a l’air de partir pour perdre connaissance. On sent qu’elles n’ont pas l’habitude de courir sur des tapis avec des électrodes ; quoi que pour la première… on va éviter d’en parler. On est unanimes sur la décision. C’est un bon souvenir le tapis de course : qu’il fasse beau, pleuve ou neige, c’est toujours aussi agréable de courir dessus. Et on ne perd pas, ni ne gagne pas selon le sens, de temps lorsqu’il vente !
« Ça marche, confirme-t-on à trois d’un acquiescement, lorsque mademoiselle Herrera nous dit qu’elle "devrait pouvoir nous suivre sans trop de soucis", avant que celle de droite ne puisse retenir un : Ça coure, même ! »
Mindee, la ferme, impose Phoebe. Elle n’a pas tort, remarque Céleste. Tu vois, souligne Mindee. Oui : toute est de la faute de Céleste. C’est-vraimentrop’injuste… Oui !
Avec une parfaite synchronicité, on commence nos échauffements par les étirements et les mouvements dynamiques des principales articulations : pieds, chevilles, genoux, hanches, dos, épaules, bras, coudes, poignets et nuque. A quoi servent les derniers ? Si on tombe ! Comme l’a prouvé l’attaque au plat, le ridicule ne tue pas mais il amoche bien donc on préfère limiter les dégâts en cas de chute. Puis ce sont des échauffements automatiques, aussi.
Et ils ne sont pas au niveau de ceux de mademoiselle Herrera.
Vous croyez qu’elle s’aide de sa télékinésie ? Vous croyez que ça fait mal ? Vous croyez qu’avec sa télékinésie et la douleur on y arrive ?
On n’est pas les seules à regarder Mademoiselle avec des billes surprises vis-à-vis de sa souplesse. Mademoiselle Grey, participante dangereuse au niveau de la télékinésie faisant semblant de ne pas en mener large face au reste, ne s’en sort pas mieux que nous avec son tronc d’arbre.
« Vous préférez communiquer à voix haute ou télépathiquement, demande la maitresse de la souplesse, qu’aucune des deux options ne dérange même si elle n’a pas accès à la seconde, avec un trait d’humour qui nous fait sourire toutes les trois.
- Je pense que je vais perdre mon souffle rapidement, alors la télépathie c’est bien, considère la maitresse des œufs au plat, ce qui est sans doute cohérent avec le surnom de Phénix, en attirant des regards moins épatés et plus compatissants.
- Télépathie cela sera, confirme-t-on à trois, ayant l’habitude de le faire au point qu’on n’aurait rien proposé de notre côté. C’est nous qui nous invitons.
- Et vous courez dans quelle formation ? Simplement pour éviter de se télescoper.
- Ligne ou fer-de-lance, répond-t-on avant que celle de gauche ne précise, au cas où, ce qui est en triangle.
- Ça dépend si on saoule Phoebe, en fait, précise celle de droite comme si de rien était, histoire de favoriser cette position.
- Vous savez j’me dis que j’vais vous ralentir, s’effraie mademoiselle Grey en nous faisant hésiter quand à la réponse pour éviter toute chute "accidentelle", il vaut peut-être mieux que j’attende ici ! »
On la laisse ici pour éviter de nouveaux incidents ? On la laisse ici pour pas la forcer ? On la laisse ici parce qu’elle le demande ? On la laisse ici, donc. Avec la télépathie, elle se sentira pas seule. De toute façon, quand les cours auront commencé, mademoiselle Grey ne sera plus ici pour courir avec nous mais sur la route pour aller en cours. C’est pas faux. C’est donc vrai. Et mademoiselle Herrera ?
« On ne vous forcera à rien, mademoiselle Grey, assure celle de gauche.
- Si vous ne voulez pas essayer, n’essayez pas, confirme celle du centre. Mademoiselle Herrera…
- Serez-vous également scolarisée sur New York à la rentrée prochaine ? »
On a toujours prévu d’essayer de faire d’autres activités que la course, ne serait-ce que parce qu’il y a d’autres horaires que l’on peut partager. Cela étant, c’est bien aussi de savoir jusqu’à quand elles vont se dérouler.
« Prêtes, demande celle du centre, tant pour la course que la télépathie, avant de canaliser l’énergie bleutée dans nos yeux et commençant à trottiner rapidement dès que la réponse est obtenue. C’est parti. »
Il parait qu’il y en a qui se vident la tête quand ils courent. Phoebe aimerait bien. Céleste n’aimerait pas. Mindee s’assure que ça ne soit jamais le cas !
(Question primordiale : vous a-t-on déjà parlé du télépotin ?)
Devant la fuite précipitée des Cuckoos, Kali ne put s'empêcher de ressentir une pointe de culpabilité. Avait-elle poussé la blague trop loin ? Toujours appuyée sur l'épaule de Mindee, elle murmura rapidement à son oreille un :
- Désolée pour les œufs.
La réaction des filles devant ses étirements lui fit ressentir une fierté que même elle jugea mal placée - c'était son pouvoir, rien de plus. Ce qui n'était pas de la télépathie, par contre et c'est avec un hochement de tête approbateur qu'elle accepta d'être l'hôte de cette session. Une question important demeurait néanmoins : arriverait-elle à réfléchir avec une Jean qui allait probablement jurer comme un charretier ? Au pire, elle laisserait les Cuckoos faire la discussion - c'est bien ce qu'elle faisait la plupart du temps de toute façon.
Fer de lance ? Ce serait parfait pour elle. Calée entre les trois coucous, elle n'aurait plus qu'à suivre leur rythme et pourrait se concentrer tranquillement sur ses pensées. C'était aussi l'occasion pour elle de glisser une pointe d'humour en rebondissant sur les propos de Mindee :
- Il y a-t-il vraiment une instance où ce n'est pas le cas ?
Son sourire espiègle se transforma en petit rire devant les propos de Jean. Il était évident pour elle que personne n'allait forcer la rousse à courir et que l'important était de passer un bon moment entre amies. Elle opina donc du chef devant la réponse des Cuckoos avant de se tourner vers elles avec un sourcil haussé par la confusion. N'avaient-elles pas lu son dossier ?
- Il me reste une année de lycée à l'institut. Et je n'ai pas la moindre idée de ce que je vais faire après donc... je reste ici pour l'instant.
Étrange. Elle s'abstint de commentaire mais n'en pensa pas moins. Quel âge lui donnaient donc les trois sœurs pour estimer qu'elle puisse être à l'université ? Les répercussions de cette déclaration en apparence anodine ne lui venaient pour l'instant pas à l'esprit.
La question d'une de ses comparses blondes la ramena à la réalité.
- Prête !
Et au trot, elle leur emboita le pas. Se caler sur leur vitesse fut moins complexe que ce qu'elle aurait imaginé - c'était comme une filature avant un assassinat. Un "Désolée." mental retentit dans son crâne, la pensée lui ayant échappé.
Heureusement pour elle, les Stepford avaient un autre sujet bien plus juteux en tête. Le télépotin.
Avec un petit rire intérieur, Kali répondit :
- Au moins deux fois par jour. Parfois même dans ma tête.
De par leur différence de taille, les foulées que Kali devaient faire étaient plus grandes, mais la vitesse restait acceptable. Elle était cependant à peu près sûre qu'elle n'échapperait pas à une Phoebe lui courant après. Pourquoi Phoebe ? Les deux autres savaient pourquoi. Question de flemmardise.
- Quel est donc le sujet du jour ? Et Jean, tu es bien sur ton tronc ?
I need relief, a failure's coming on Just breathe in deep, it's taking far too long I need relief, this weakness carries on Please be a dream, or was it all along?
« Le désir d'amitié est donc précisément un désir d'être compris, sollicité, apprécié pour nous-même. » ( Francesco Alberoni)
Bien que la remarque humoristique de Mindee ne provoque pas l’effet escompté, Jean, bon public, lui lance un sourire complice sous l’élan d’une certaine charité ; bah quoi, elle n’était pas si mal, sa blague ! La rousse aurait même pu la poursuivre avec un ça gambade mais elle s’abstient.
Elle conserve son énergie pour un échauffement qui, même s’il n’est pas du niveau de Kali, lui demande une grande énergie. Il faut dire que pour elle, là, c’est déjà du sport. La main appuyée contre le tronc d’un arbre, dos à ses amies, elle s’étire en commençant par les chevilles, puis les genoux, puis… Puis ça suffit pour courir, non ? Non. Elle voit les blondinettes qui s’activent dans des mouvements de hanches alors, un peu maladroitement, elle imite ce qu’elles font avec une grimace incertaine au visage ; heureusement qu’il y a son fidèle ami-tronc-d’arbre-solide pour l’appuyer sinon, elle se serait déjà cassé la figure. C’est dangereux, le sport ! « Pourquoi on s’échauffe les coudes alors qu’on court avec nos jambes ? » Râle-t-elle dans un élan boudeur qui rend son visage enfantin.
Miss-Je-Peux-Enrouler-Mes-Jambes-Autour-De-Ma-Nuque évoque les modalités d’échange, et c’est le moment où Jean décide d’abandonner le combat des échauffements pour une posture plus agréable : assise sur l’herbe humide, contre son fidèle centenaire. Puisqu’elle va être aphone en moins de temps qu’il ne faut pour le dire — ou probablement en apnée aussi mais ça c’est une autre histoire, #TeamPointDeCôté, télépathie ce sera. Enfin une bonne nouvelle qui n’est pas suffisante pour arracher un sourire aux lèvres de la rousse : les genoux pliés, les bras enroulés autour de ces derniers, elle ressemble à une petite malheureuse. On pourrait presque croire qu’on la conduit à l’échafaud.
La main appuyée dans sa paume, elle observe ses amis en arquant l’un de ses sourcils lorsqu’elle entend les blondinettes dirent qu’elles courent en fer-de-lance ; c’est quoi ça encore, une parade militaire ? Ah non, un triangle… C’est le moment adéquat pour annoncer qu’il est sans doute préférable qu’elle reste dans les parages pour surveiller son fidèle ami l’arbre, toujours lui, mais la réaction de ses comparses la fait un peu culpabiliser… Évidemment qu’elle n’est pas obligée mais, elle craint de leur faire de la peine en restant sous l’arbre (il faut vraiment lui trouver un nom, à celui-là).
Écoutant leurs échanges avec une attention distraite, la rousse se lève dans un soupir lorsque le départ est donné : sans grand élan joyeux, la jeune femme ramène ses coudes près de ses hanches et entame quelques foulées tranquille, en essayant de surveiller sa respiration. (JE NE SUIS PAS SUR MON TRONC JE SUIS DERRIÈRE VOUS) Clame-t-elle intérieurement d’une voix bougonne en se disant que, vraiment, le sport, c’est l’horreur. Dire qu’elle court comme ça, sans élégance et au prix d’un effort incroyable, pour que ses amies ne s’en rendent même pas compte. Comme dirait Céleste, c’est-vraimentrop’injuste…
THE FIRE FINDS A HOME IN ME ᭸ clipped wings, I was a broken thing, had a voice but I could not sing. there's a scream inside that we are frightened,we hold on so tight, we cannot deny, eats us alive, oh it eats us alive. there's a scream inside that we are frightened, I’ll shout it out like a bird set free.
Désolée pour les œufs, s’excuse une Kali qui s’appuie sur celle de droite et interrompt par la même nos trois échauffements sous le désagréable du contact physique qu’elle aurait pu avoir la décence d’avoir sur un arbre, elle aussi.
C’est… Donc… Elle…
Après la surprise face à la souplesse, c’est trois dépréciations qui passent dans nos regards. Et de la crainte pour accompagner le malaise du contact physique. Mademoiselle Grey est donc aussi innocente qu’elle y parait, à l’inverse de mademoiselle Herrera.
C’est. Dument. Noté.
Et en plus elle ose plaisanter que Phoebe est saoulée tout le temps !
D’un autre côté, considère Phoebe en fixant les deux autres. D’un autre côté, considère Céleste en baissant les yeux. D’un autre côté, considère Mindee en haussant les sourcils. On ne répond pas. Sinon on va encore être humiliées. On baisse la tête et on serre les fesses.
La conversation passe à autre chose tandis que l’échauffement continue.
A l’amusement de mademoiselle Herrera se succède un acquiescement puis une surprise. On s’est trompées sur son âge ! Tout est la faute de Mindee, sur ce coup-là. Il est vrai que, si l’on a 22 ans et va sur nos 23, mademoiselle Herrera a 16 et va sur ses 17 tandis que mademoiselle Grey a 19 et va sur ses 20. On fait actuellement deux fautes professionnelles. De plus, si la seconde sort du cadre étudiant pour entrer dans le cadre résident et qu’il nous est donc possible d’avoir une relation différente avec elle, la première est pleinement sous les responsabilités de deux d’entre nous. On a surement été détournées par l’expérience partagée et les chaos émotionnels qui l’ont accompagnée ; sachant qu’on se sait très douées pour ne pas voir ce qu’on ne souhaite pas voir. Les incohérences. L’Arme XIV. C’est douloureux et on préfère ne pas y penser. Mieux vaut se concentrer sur les preuves de la crise d’adolescence de mademoiselle Herrera, incluant son terrorisme culinaire.
A la question de mademoiselle Grey sur l’échauffement des coudes, on hésite à trois à répondre que c’est pour si mademoiselle Herrera nous fait tomber. Afin d’éviter de favoriser les probabilités qu’elle le fait, cependant, on ne dit rien. On hausse six épaules. Mademoiselle semble avoir l’intention de rester ici, c’est une bonne protection contre la télékinésie, mais on n’est pas dans son cas ! Mademoiselle Grey fait la malheureuse afin d’échapper au danger, nous non. Peut-être qu’on lui remontera le moral en disant qu’on s’est faites avoir par son expression et qu’elle a le droit de ne pas venir ?
C’est tenté et le départ fini par se faire. Mademoiselle Herrera est prête ainsi l’on y va, yeux illuminés de nos connexions à son esprit. Qu’elle trouve le fait de nous suivre moins complexe qu’anticipé est une bonne chose. Qu’elle ait une "déformation professionnelle" sur l’assassinat ne nécessite pas d’excuse. On sait. Sa conscience raisonne en les nôtres ainsi sait-on plus que ce qu’elle ne l’imagine. S’il fallait également faire une déformation professionnelle face à une tueuse, on pourrait lui dire qu’elle nous appartient à présent. Cependant, on a beaucoup plus important à dire.
(Question primordiale : vous a-t-on déjà parlé du télépotin ?)
(Au moins deux fois par jour. Parfois même dans ma tête.)
D’un autre côté, on a la permission. D’un autre côté, on a prévenu. D’un autre côté, elle est pas télépathe. Evidemment qu’elle ne m’échapperait pas si je lui courais après. Tu prendrais vraiment la peine de courir ? On ne court pas dans les couloirs !
(Quel est donc le sujet du jour ? Et Jean, tu es bien sur ton tronc ?)
(JE NE SUIS PAS SUR MON TRONC JE SUIS DERRIÈRE VOUS.)
Ça crie fort dans la tête à mademoiselle Herrera ! C’est bougon, oui, mais au moins ce n’est pas malheureux.
(Et bien, puisque c’est comme ça, je vais courir avec mademoiselle Grey. Voilà !)
(Le sujet du jour c’est le partage de vos connaissances sur qui fait quoi à l’Institut. En une semaine, on a eu des pistes mais pas beaucoup de très concret.)
(Phoebe est toujours attirée par la rousseur.)
(Il y a une rousse dans chaque groupe, crétine.)
(Personnellement, si vous avez des potins romantiques, je suis preneuse.)
(Est-ce que ça…)
(LA FERME.)
(NON.)
(D’accord.)
Si tu parles de ton plan à la con pour séparer Jean et Scott afin de me caser avec Scott, c’est toi qui vas devoir courir Irma ! Oui en plus ça ne se fait pas à une amie et ça nuirait à la source première qu’elle représente sur sa propre histoire. Nan mais vous avez raison, en plus ça serait incohérent avec ce que je raconte : c’est avec Phoebe qu’il faut que je case Jean, parce que rousseur.
Celle qui coure à droite de mademoiselle Herrera commence à accélérer alors que celle qui avait ralenti pour marcher rapidement à côté de mademoiselle Grey recommence à courir. Quant à celle qui coure à gauche de mademoiselle Herrera, elle continue normalement.
(Désolée mademoiselle Grey, faut que je me fasse une voyante.)
(Mesdemoiselles, allons, concentrez-vous sur le plus important : les potins.)
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