La bibliothèque de Kamar-Taj grouille d’une vie à la fois pressée et fatiguée. Personne n’y a apporté à manger ou à boire alors que tout le monde aurait dû. J’ignore combien de temps s’est écoulé depuis qu’on m’a averti de l’affaire et combien de ce temps on a passé à étudier les grimoires à la recherche d’informations sur cette nouvelle énergie. A l’origine, on était deux à chercher : Maître Hamir et moi. Puis, lorsqu’il s’est avéré clair que les livres dont les intitulés pouvant correspondre à notre problème n'en traitaient pas, on a convoqué d’autres maitres pour nous aider par l’extrapolation des informations en notre possession plus que par la recherche ; même s’il y en a eu plusieurs pour exprimer le fatidique "cela me rappelle quelque chose" et déranger un nouveau livre. L’effort est aussi méritoire que futile. Si l’utilisation de l’énergie a des effets d’apparence similaire à d’autres déjà identifiés par les Maîtres des Arts Mystiques et que l’énergie elle-même provient d’Helheim, l’un des Neuf Royaumes, notre ordre n’a jamais rien documenté de tel. Un nouveau livre à écrire, en plus de celui en cours sur les Célestes. Voilà qui permettra à mon écriture de médecin de passer à la postérité !
Un cercle étincelant s’ouvre dans la bibliothèque, attirant toutes nos attentions alors que je soupire en sachant pour qui il est et en ayant une forte impression de déjà-vu. Le visage sévère de Maître Minoru, gardienne du Sanctum d’Hong Kong et ayant été appelée sur cette affaire moins parce qu’elle a prouvé son inutilité à protéger le Darkhold dans sa demeure que parce qu’elle a les faveurs du Bâton de l’Unité, une Relique capable d’invoquer n’importe quel sort ou incantation même si son porteur ne les connait pas, apparait à travers l’anneau de lumière qui devient suffisamment grand pour qu’un y traverse.
« Maître Strange, me dit-elle alors que je termine mon soupire et n’ai donc pas la possibilité de le répéter malgré l’envie, ils arrivent. »
Ne pas lui rappeler qu’elle a la même coiffure que la Reine des Neiges, de Disney, afin de savoir si elle a eu le temps de voir le film depuis la dernière fois.
« Maître Hamir, si vous mettez la main sur quelque chose, dis-je avec un sourire sarcastique tant parce qu’il est improbable que l’on trouve une magie que le Bâton de l’Unité a peut-être dupliquée mais qui nous reste inconnue que parce que ledit Hamir est manchot, m’ayant témoigné en son temps que l’on pouvait canaliser l’énergie lumineuse même sans geste des mains précis, dites-le moi. »
Le visage de sage oriental, avec sa longue barbe droite, ses lunettes rondes et son chignon, acquiesce avec sa sobriété habituelle. Même si j’ai été l’Apprenti de Karl Mordo avant d’accéder au rang de Disciple et que j’ai toujours bénéficié de cours particuliers auprès de l’Ancienne, ayant mis neuf mois pour apprendre ce que d’autres peuvent mettre des années, Hamir m’a légèrement accompagné lorsque j’étais un novice. Pour lui, et je ne puis lui donner tort, il est intéressant que des gens emplis de doutes et tourmentés par leurs blessures puissent réévaluer leur situation face à une personne qu’ils peuvent considérer de prime abord comme un "infirme". Après, il parle très peu au point que j’ignore toujours si cette histoire qu’il soit le père de Wong ou non est vraie. Un jour, je le saurais.
Pas aujourd’hui.
Franchissant le portail de téléportation de Maître Mironu, je traverse en un instant la capitale du Nepal d’un petit village du Nebraska, aux Etats-Unis d’Amérique. Merna. 363 habitants d’après Google et le recensement de 2010, dernier en date et surement plus fiable que celui de 2019 considérant l’implication du Snap. Une cinquantaine de pâtés de maisons perdus au milieu de carrés de champs dont chacun doit être aussi large que ledit village où les agriculteurs vivent. Le dernier événement d’importance à être arrivé ici est en 2002, lorsqu’une controverse s’est créée conséquemment à l’apparition d’un cratère formé par le vent et l’érosion à quelques kilomètres à l’ouest du village ; cratère dénommé Bartak Depression par le propriétaire des lieux où il est apparu, monsieur Bartak, jusqu’à ce qu’un professeur de géologie venu analyser les causes de son apparition le nomme officiellement Cratère de Merna. Oui, pour faire une controverse de cela il faut vraiment n’avoir pas grand-chose à faire de ses journées. Je serais bien satisfait de ne pas avoir à parler à la populace locale mais elle fait partie du problème.
La masse noire des trois centaines et demi s’amasse contre la lumière solidifiée d’un quadrilatère qui isole Merna depuis les rails à l’est jusqu’à la Sud-Est Street à l’ouest et depuis la West Sommer Avenu au nord à la East Old Highway 2 au sud. Le seul maintient de cette construction d’énergie requiert une trentaine de Maîtres des Arts Mystiques, soit un tous les cent mètres environ, et la plupart ont les tuniques et les robes cramoisies des Apprentis même si nombreux de leurs maîtres, les Disciples reconnaissables à leurs tuniques et robes personnalisées donc dépareillées, sont régulièrement présents lorsqu’ils n’ont pas mieux à faire ; théoriser sur la nature de l’enchantement dans la bibliothèque de Kamar-Taj, pour ne pas le nommer. Maître Minoru a le commandement en mon absence, chose d’autant plus amusante qu’elle faisait partie de ceux à appuyer mon retour à la fonction de Sorcier Suprême lorsque Wong a voulu abdiquer pour me le retransmettre. Cela va devenir un running-gag : quand le dernier arrivé parmi les Disciples du Sorcier Suprême n’est pas là, ses pairs plus anciens prennent le relai. Trêve de politique interne aux Maîtres des Arts Mystiques, cependant, je viens me placer face aux invités dont le Quinjet approche.
Ce n’était qu’une question de temps avant que le SHIELD ne localise la poussée d’énergie émise par notre bouclier et ne vienne voir de quoi il en retourne. Mes deux rencontres précédentes avec des agents ont été suffisamment cordiales pour me motiver à continuer d’essayer de nouer une relation, au-delà du simple bon sens qui me dit que leur juridiction légale sur les affaires extraordinaires peut être utile à nos compétences et réciproquement. L’idée de mobiliser une partie des Maîtres des Arts Mystiques pour proposer au SHIELD une section spécialisée dans l’investigation magique m’est déjà venue mais nous sommes loin d’avoir un tel degré de confiance et les doubles allégeances leur poseront autant problème qu’à moi – surtout considérant que je ne fais déjà pas l’unanimité chez les miens.
Comme on peut s’y attendre, je fais parti des tuniques et des robes personnalisées. Tout comme mes bottes sanglées et mon pantalon de toile, ma robe est d’un bleu royal qui contraste avec le rouge profond de la Cape de Lévitation qui repose sur mes épaules, bien que la doublure intérieure de celle-ci soit de carreaux imprimés. Les deux fermoirs en or avec incrustation de rubis renvoient à l’Œil d’Agamotto qui pend sur mon torse, symbole des Maîtres des Arts Mystiques et autrefois cachette de la Pierre du Temps même si je m’attends parfaitement à ce qu’il possède d’autres secrets, comme à l’Anneau de Téléportation, double-bague dont la partie supérieure est plate et qui est attaché à l’une des sept ceintures qui maintiennent la robe citée précédemment fermée sur ma tunique en denim dont les manches sont sanglées sur mes avant-bras par des bandes d’un tissu bleu royal et d’un cuir analogue à mes ceintures.
La Cape comme les mèches frontales de mes cheveux bruns grisonnant aux tempes s’agitent avec le vent alors que j’avance dans la partie verdoyante du parking arboré à l’est des railles de chemins de fer et au sud de l’Est Center Avenue. Derrière moi, en plus de la trentenaire chinoise au bâton terminé par un cercle runique et d’une dizaine de Maîtres des Arts Mystiques en tenue cramoisie ou personnalisée occupés à la méditation à l’ombre des arbres, se trouvent les railles suscités puis les silos à grain haut d’une quinzaine de mètres pour les plus petits et d’une trentaine pour les plus grands. Au sud, plusieurs hangars contiennent les camions qui chargent et acheminent les grains jusqu’ici en attendant que les trains s’en viennent les récupérer pour les transporter à travers l’Etats. Plus problématique encore, au pied de ces colossales structures métalliques s’amasse une foule d’ombres dont les coups réguliers et répétés font bien comprendre qu’elle n’apprécie nullement notre barrière de lumière.
Mains couturées de cicatrices le long du corps, je fixe de mon visage aux pommettes pointues et de mon regard perçant aux yeux hétérochromes l’appareil du SHIELD qui devrait avoir largement de quoi se poser sur le parking herbeux voir sur les étendues sablonneuses qui se trouvent au-dessous et au-delà.
« Laissez-moi parler avec eux, répète-je une nouvelle fois à Maître Minoru, conscient qu’elle a déjà respecté mon souhait de venir me chercher au moindre signe d’apparition du SHIELD ou des Avengers. Merci. »
Elle acquiesce et s’éloigne, s’en allant vers la haie d’arbres au nord et les autres Maîtres des Arts Mystiques qui s’y reposent.
Je me permets de préciser que comme je joue sur cette mission, je n'ai en tant qu'admin que très peu d'informations sur celle-ci, afin de me garder la surprise ^^
Le Fléau de Merna
Stephen, Clint et Emy
J'avais mon accréditation de niveau 8 depuis une petite dizaine de jours, et à vrai dire je n'avais pas encore constaté de grands changements. Fury m'y préparait depuis plusieurs mois, en m'envoyant sur des missions complexes, en me confiant plus de responsabilités. Mais depuis mon retour de vacances, en dehors de l'entraînement hebdomadaire des nouvelles recrues qui était devenu habituel, la lecture de dossiers sensibles, et une rencontre diplomatique atypique à New York, je n'avais rien fait de particulier… Jusqu'à aujourd'hui.
Le colonel m'avait contacté en tout début d'après-midi, pour m'envoyer en mission au Nebraska. Dans un petit bled paumé en plein cœur de l'état, un pic d'énergie parfaitement inhabituel avait été détecté. Les images satellites nous avaient révélé l'apparition d'une barrière de lumière qui entourait le village de Merna, et qui n'avait absolument rien de naturel. Sans que cela soit alarmant, il valait mieux aller vérifier directement sur place.
J'étais en charge de l'opération. Fury me conseilla de monter une petite équipe, l'idée n'étant pas de foncer dans le tas mais de comprendre la situation. Je choisis donc trois agents de la section scientifique et analyse, ainsi qu'une agent de terrain pour m'épauler, à qui je fus ravi d'annoncer qu'elle allait enfin pouvoir repartir en mission : Emy Carthew.
La pauvre avait vécu six années d'isolement dans la cellule médicale du S.H.I.E.L.D. suite à un traumatisme qui lui avait totalement fait perdre les pédales. Je ne l'avais découvert que récemment et n'avais malheureusement pas pu l'aider beaucoup à ce moment-là, trop occupé avec la traque de Wanda. Mais j'étais heureux d'être celui qui allait la ramener sur le terrain. Après tout, j'avais été son instructeur lors de son arrivée au S.H.I.E.L.D., alors la boucle était bouclée.
On n'avait pas grand chose à faire en amont, il fallait se rendre sur place et improviser. C'était tout à fait dans mes cordes ce genre de plan, et j'avais confiance en Emy. Merna était à trois heures d'avion, moitié moins en jet. Après nous être équipés de nos tenues de combat, puisqu'on ne savait pas sur quoi on allait tomber, et avoir embarqué tout le matos pour les scientifiques, je me mis aux commandes du Quinjet et emmenai mon équipe jusqu'aux abords du village.
Les images captées purent alors être plus précises… On put ainsi noter qu'il y avait plus de trois-cents personnes à l'intérieur, pour la grande majorité agglutinées contre les barrières, et une quarantaine à l'extérieur, essentiellement réparties tout autour du village. Les images caméra, en zoomant, permirent de comprendre un peu mieux ce qui se passait : ces barrières protectrices étaient maintenues par des hommes et des femmes portant des tenues colorées et atypiques que je reconnus, et je localisai d'ailleurs le modèle de référence : docteur Strange et sa clique de magiciens.
« Bon, je connais l'gars qui est à l'origine de ces barrières… Mais j'sais pas si ça doit être un soulagement ou une source d'inquiétude. »
Je retirai le mode furtif de l'appareil pour qu'ils puissent nous voir arriver et posai le Quinjet dans l'herbe non loin de Strange. Il aurait été tentant de se poser directement dans le village et d'agir par nous-mêmes, vu que les barrières formaient des murs mais pas un toit, mais les magiciens n'étaient sûrement pas là sans raison, et il valait mieux d'abord passer par eux. J'ordonnai aux trois scientifiques de rester à bord pour le moment et demandai à Emy de venir avec moi. Discussion d'abord, analyse de la situation, puis on passerait à l'action. Si nécessaire. Une fois au sol, je marchai donc aux côtés d'Emy, en direction de Strange qui visiblement nous attendait.
« Docteur Strange… »
Je l'abordai sobrement et le saluai d'un simple signe de la tête. J'étais en mission officielle, et si j'appréciais l'homme, j'ignorais ce que le magicien avait prévu et s'il allait accepter de collaborer avec le S.H.I.E.L.D.. Je me devais néanmoins de me montrer diplomate et de ne pas paraître trop sur la défensive.
« Je vous présente l'agent Carthew. J'ai aussi trois analystes dans le jet qui attendent mes instructions. Vous pouvez m'expliquer c'qui s'passe ici ? »
J'avais parfaitement conscience qu'en posant la question ainsi, je m'exposais au risque qu'il me réponde que non, il ne pouvait pas m'expliquer. Mais je me voyais mal lui donner un ordre, je préférais opter pour la manière douce dans un première temps. Après tout, nous n'étions que cinq face à quarante. Il vaudrait mieux pour nous qu'ils nous perçoivent comme des alliés.
Emy venait de boucler son sac qui contenait pas mal de choses : ses vêtements, ses tenues d’agent du S.H.I.E.L.D et quelques autres babioles donc elle avait besoin. Parce que oui, Emy Carthew allait reprendre les missions. Personne ne le lui avait dit, mais Clint Barton l’emmenait avec lui dans sa prochaine mission qui se déroulait dans le Nebraska. Emy n’avait pas cru ses yeux et ses oreilles lorsqu’on lui avait annoncé qu’elle pouvait reprendre les missions. Bien sûr, comme dit à Charles Xavier, il fallait qu’elle reprenne les missions avec quelqu’un de confiance et c’était tout trouver. Son ancien instructeur était l’une des personnes qui étaient revenus dans sa tête lorsqu’il serait temps de reprendre les missions. Il y avait aussi Aaron Smith, mais pour le moment, les deux agents ne s’étaient pas revus. La jeune femme se sentait contente de reprendre les missions, mais d’un autre coté, elle n’était pas rassurée : Après avoir passer six ans écartée des missions, est-ce que ses réflexes allaient revenir comme avant ? Elle avait repris les différents entrainements et elle s’en était pas trop mal sortie, mais qu’est-ce que ce serait sur la réalité du terrain ? Il ne fallait pas que Emy se laisse submerger avec ses émotions. Elle avait une mission à honorer et elle allait le faire.
Après avoir pris soin de rassurer son chien sur le fait qu’elle partait quelques jours, mais que les voisins les plus proches allaient sans doute passer, Emy finit par partir de chez elle et rejoindre un parking pour se garer avant de monter dans l’héliport dans l’optique d’avoir ses ordres de mission. Emy était contente de reprendre les missions avec Clint parce qu’il savait ce qu’elle allait et surtout, il connaissait son pouvoir. Du moins, il connaissait son pouvoir d’avant. Maintenant, elle arrivait toujours à ressentir les émotions et les sentiments des autres, mais elle était aussi capable de retirer la douleur à une personne blessée. Elle s’en était rendue compte lorsqu’elle avait été là pour un petit garçon dans Central Park qui était tombé d’un arbre et s’était cassé le bras. La jeune femme avait tenu sa main le temps que les ambulanciers arrivent et elle s’était rendu compte qu’elle prenait la douleur du jeune garçon. Ce dernier s’en était aperçu aussi parce qu’il lui disait qu’il n’avait plus mal, que ça allait passer, mais Emy lui avait demandé d’attendre quand même. Elle avait été perturbé parce qu’elle ressentait la douleur du jeune homme en elle maintenant… Mais la sensation était partie au bout de quelques heures. Depuis, Emy n’avait pas osé utiliser de nouveau ce pouvoir, enfaite, elle n’en avait pas eu l’occasion. Bref, la jeune femme s’attendait à tout dans cette mission…
Emy était aux cotés de Clint dans le jet, en tenue de combat. Le trajet allait être plus rapide qu’en avion. En plus, ils allaient pouvoir commencer à analyser ces barrières qui étaient maintenant autour de la ville de Merna. Emy ne connaissait pas le Docteur Strange personnellement, elle en avait entendu parler comme tout le monde, mais elle n’avait pas eu l’occasion de travailler avec lui. Lorsque Clint lui dit qu’il connaissait le gars à l’origine des barrières, Emy le regarda du coin de l’oeil parce qu’il avait quand même dit qu’il ne savait pas si c’était un soulagement ou une source d’inquiétude. La jeune femme regarda la manoeuvre d’attérisage avant de dire :
« En tous les cas, ces barrières sont très puissantes, je n’arrive même pas à ressentir ce que les gens à l’intérieur de la ville ressentent. Il y a trop d’interférences… »
Et ce n’était pas faute d’essayer. Emy avait levé sa barrière mentale pour essayer, mais tout ce qu’elle ressentait actuellement, c’était les efforts de concentration des différentes personnes autour de la ville. Elle décida de ne pas y prêter attention et remonta le bouclier autour d’elle. Ce n’était pas le moment de déraper. Elle descendit du jet derrière Clint avant de le suivre vers Docteur Strange. Emy salua l’homme d’un signe de tête, sans prendre la parole. De toute façon, Clint avait déjà fait les présentations. La jeune femme tourna la tête vers le dôme d’énergie, cherchant à comprendre comment autant de personnes pouvaient maintenant ce bouclier autour de cette ville… Et surtout, qu’est-ce qui se passait dans cette ville ? Emy ressentait comme une espèce d’animosité entre les deux hommes en face d’elle, mais décida de ne rien dire. Après tout, elle était là pour épauler Clint et se refaire sur une mission… L’agent réajusta son équipement qui se trouvait sur les hanches, en attendant la réponse du magicien…
L’atterrissage du Quinjet fait plus de vent encore que celui qui m’agitait mèches et Cape, néanmoins je me tiens droit face à lui. Ou plutôt derrière lui, puisque son ouverture se fait par l’arrière. Voilà qui m’amène à constater que je connais plus ou moins les deux agents qui descendent de la large rampe. C’est peut-être la première bonne nouvelle de cette longue journée.
Je ne saurais pas dire si l’Agent du SHIELD et Avenger Clint Barton est en tenue de l’un ou de l’autre, cependant sa tenue proche du corps est faite pour l’intervention et aussi sobre qu’appropriée. S’il est légèrement plus petit que moi, et probablement moins large d’épaules, je ne doute pas que sa force et son agilité me soient grandement supérieures. De plus, tout aussi désuet qu’il puisse sembler dans notre monde, il a su user de son arc face à des extra-terrestres, des androïdes et même des Avengers. Sans doute pourra-t-il aujourd’hui ajouter une nouvelle catégorie de cibles à son palmarès, même si cela serait contreproductif.
A son côté se tient une jeune femme qu’il me semble avoir déjà croisée suite à l’incident de la Bibliothèque Butler de l’Université Columbia, sur lequel je n’ai pas envie de m’attarder. Elle aussi a une tenue de combat et j’ignore tout autant si ses capacités seront appropriées ; je n’en doute pas, sans quoi elle ne serait pas là. C’est peut-être d’ailleurs son introduction aux affaires magiques qui l’a faite être sélectionnée pour cette mission-ci, ses capacités de diplomaties étant bien pensées me concernant mais moins utiles vis-à-vis de ce que je vais leur apprendre.
« Docteur Strange, dit-il avec un sobre salut du visage.
- Agent Barton.
- Je vous présente l'agent Carthew. J'ai aussi trois analystes dans le jet qui attendent mes instructions. Vous pouvez m'expliquer c'qui s'passe ici ?
- Agent Carthew, réponds-je avec le même ton. J’ai actuellement une cinquantaine de Maîtres des Arts Mystiques qui cherchent à comprendre, Agents. Néanmoins, je vais vous partager ce que je sais. »
J’étais prêt à me prendre la tête avec cette rencontre, tout comme je m’attendais à un conflit de juridiction lors de l’affaire de Columbia, ainsi suis-je pleinement satisfait des interlocuteurs que j’ai en face de moi. Cela ne chassera pas l’agacement d’avoir passé plus de douze heures à ne pas avancer sur la situation mais être le moins désagréable possible devrait s’en trouver facilité. Normalement. Sans rien ajouter, donc, je tourne les talons en attendant que les deux agents qui m’intéressent me suivent et se retrouvent dans la même situation face aux trois agents qui ne m’intéressent pas : à ne pas savoir quoi en faire. Je ne les blâme pas de les avoir amenés, même si deux protecteurs pour trois analystes me semble un étrange ratio, mais je ne m’attends pas à ce que leurs agents en déduisent plus que les miens sur la situation. Quoi que mener l’enquête à l’ancienne ait ses avantages, leurs yeux sont surement plus affutés que les miens malgré mes meilleurs efforts.
Sortant du parking par l’ouest, j’entreprends de franchir le talus herbeux avant de surplomber les trois chemins de fer qui longent Merna puis le quatrième qui s’arrête sous les silos à grain ; lequel est actuellement occupé par les Maîtres des Arts Mystiques qui maintiennent cette partie de la barrière.
« Durant la nuit, nos observateurs ont perçu une élévation des énergies magiques provenant de ce village. Un Disciple et son Apprenti sont allés voir de quoi il s’agissait et n’ont pas tardé à réclamer du renfort. »
La buttée gravie, j’entreprends de redescendre avec mes deux invités pour aller franchir les rails ensuite et m’approcher de mes collègues, de leur barrière, des silos et des ombres qui s’amassent aux pieds de ces derniers pour taper régulièrement contre celle-ci.
« L’escarmouche qui s’en est suivie a été… problématique… par un aspect horrifique que vous allez pouvoir constater. Du fait, on a préféré isoler le village le temps de chercher à comprendre. »
J’ai vu beaucoup de choses depuis que j’ai rejoint les Maîtres des Arts Mystiques. Pour ne pas dire avant de les rejoindre, considérant que l’Ancienne a décidé de me projeter à travers les Dimensions pour me faire croire à leur existence. Expéditif et efficace, j’approuve totalement à présent. A l’époque, elle m’a surtout jeté dehors comme un mal propre. Histoire de diminuer un peu mon égo, sans doute.
« La magie provient d’Helheim, l’un des Neuf Royaumes d’Yggdrasil. C’est comme Asgard, en désolé et décomposé. D’après mes informations, Odin y avait enfermé la déesse de la mort que Thor a tué un peu avant la Guerre d’Infinité. »
Wong, de par sa tâche première de bibliothécaire de Kamar-Taj, ne s’est pas contenté de former la plus grande alliance d’individus dotés de pouvoirs durant les Années Sombres. Il a également recueilli et consigné, ou fait recueillir et consigner parce que les Apprentis sont souvent traités comme des stagiaires, les savoirs apportés par les survivants Asgardiens immigrants sur Terre. D’où la participation de la dernière Valkyrie et des restes de l’armée Asgardienne à la bataille contre le second Thanos.
« Néanmoins, le sortilège nous est inconnu. Cependant, même si cela ressemble à des zombies, que cela agit comme des zombies et que cela sent comme des zombies, je vous dis que cela n’en est pas. »
J’énonce cela comme on énonce un fait : avec froideur voire indifférence. En vérité, j’aurai préféré que cela soit des zombies ; de nature magique, du moins. Les zombies, les Maîtres des Arts Mystiques en ont déjà croisés… voire créés, je pense, pour ceux qui fraient avec certaines dimensions et certaines entités. Nonobstant, on saurait comment les arrêter. Là, on a des pistes mais elles ne sont pas concluantes.
Ayant franchi les voies de chemin de fer, je ralentis le pas alors que mon regard fixe la barrière lumineuse qui peine à cacher les silhouettes derrière. Les ombres que l’on perçoit de loin cèdent place aux images qui se trouvent de l’autre côté, d’autant plus éclairées qu’elles touchent une source de lumière à l’instar de mes doigts lorsque je crée un tao-mandala dans le creux de ma main. Heureusement, les cadavres sont suffisamment frais pour ne pas avoir trop décomposés malgré la chaleur de la saison et l’odeur qu’ils dégagent. Cela étant, certains portent des traces de combat, notamment d’impact d’énergies, de boucliers et de lames. Ceux-là sont peut-être les plus horribles car, si les autres pourraient être humains s’il n’y avait pas cette attitude à la fois absente et pourtant incroyablement synchrone entre les individus, les individus que l’on a entrepris de repousser par la violence se sont amalgamés les uns aux autres. Ici, deux morts-vivants partiellement carbonisés se sont réunis en des siamois parfaitement coordonnés. Là, les coups de fouets, d’épées et de boucliers ont sectionné des parties de corps qui sont allés se coller sur une autre entité là où les vêtements de nuit ne la couvraient pas ; ce qui, avec le nombre d’individus dormant nus, laisse énormément de peau désormais violacée visible.
« Nous les avons nommés "Amalgames"… et n’avons pour l’instant pas réussit à déterminer comment les guérir ou les détruire. Ni comment ils ont été transformés. »
Haut comme deux hommes voire deux et demi, le plus gros d’entre eux et composé d’une bonne demi-douzaine de personnes aléatoirement fusionnées ensemble. Je suis incapable de dire combien de jambes et de bras sont nécessaires à le maintenir debout mais son tronc laisse échapper des torses terminés de têtes et de membres qui s’abattent avec un rythme étonnamment rapide sur la barrière.
Beaucoup trop de gorges se plaignent face à notre mur, une myriade de plaintes désolées s’échappant de la marée humaine alors que je prends une inspiration nasale aussi courte que possible pour m’épargner l’odeur qui mélange la putréfaction et le sucré.
« Ils sont connectés, sur le Plan Astral. Ce qui signifie que non seulement ils sont toujours conscients mais qu’ils ont une intelligence collective. Malheureusement, ils ne sont pas disposés à discuter. »
Croisant les bras sur mon torse tout en réfugiant mes mains couvertes de cicatrices entre les deux, je fais un pas de côté pour fixer les agents du SHIELD.
« Nous organisons régulièrement des téléportations à l’intérieur afin de chercher des indices… cependant ils réagissent assez vite et nous n’avons pas réellement d’enquêteurs professionnels dans nos rangs. »
NdA:
Si vous avez des questions ou souhaitez utiliser de vos capacités pour tenter de détruire des choses sur des détails que je n'ai pas abordé, signalez-le moi et je me ferais un plaisir de vous répondre
The Doctor Strange
Clint Barton Avenger Agent du S.H.I.E.L.D. Niveau 8
Petite précision pour notre empathe : il n'y a pas d'animosité entre les deux hommes, Clint apprécie Strange, c'est plutôt de la prudence et une légère appréhension – il marche un peu sur des œufs face à autant de magiciens ^^
Le Fléau de Merna
Stephen, Clint et Emy
Une cinquantaine de « maîtres des arts mystiques »... rien que ça. Le terme était quand même pompeux et inutilement compliqué, mais je l'intégrai sans broncher. S'il préférait ça à sorcier ou magicien, après tout, je pouvais bien faire un effort de langage. D'autant plus qu'il acceptait de nous dire ce qu'il savait sur ce mystérieux phénomène. Je le suivis donc lorsqu'il tourna les talons, me doutant bien qu'Emy m’emboîterait le pas.
Il nous amena au plus près de la barrière, là où les silhouettes des villageois s'agglutinaient. Qu'Emy ne puisse pas percevoir leurs émotions m'inquiétait quelque peu. Peut-être qu'en étant plus près, elle capterait quelque chose. Elle le ferait peut-être d'elle-même et ne manquerait pas de me tenir au courant, mais je préférais attendre que Strange nous explique ce qu'il en était avant de lui demander de réessayer.
Après m'être vaguement demandé ce que pouvait être la différence entre un disciple et un apprenti, car pour moi ces deux termes désignaient la même chose, je haussai un sourcil interrogateur lorsqu'il évoqua des énergies magiques venant d'Helheim, un monde ressemblant à Asgard en version pourrie et morbide. Ni Thor ni Lùthien ni Malady ne m'avaient parlé de ce royaume, je n'avais donc aucune info dessus, mais ça ne paraissait pas très engageant.
Je m'arrêtai de marcher quelques instants lorsque Strange prononça le mot « zombie » dans le plus grand des calmes. Sérieusement ? Il nous montra ces fameux zombies-non-zombies, et je compris bien ce qu'il voulait dire. La vision avait de quoi secouer, surtout les versions fusionnées entre plusieurs cadavres. Mon regard allait de ces monstrueux malheureux à Emy, afin de m'assurer qu'elle tenait le choc devant ce tableau digne d'un film d'horreur. Pour ma part, je tâchai de garder la tête froide, d'essayer à la fois de rester pragmatique et de garder l'esprit ouvert sur ces nouvelles bizarreries.
« Vous pensez vraiment qu'on pourra les guérir... »
Ce n'était pas vraiment une question, plus une réflexion pessimiste que je formulai à haute voix en voyant le « champion des zombies », véritable amas de corps en morceaux putrides. Leurs lamentations et les odeurs qui émanaient d'eux à travers la barrière magique étaient difficilement supportables. La mine sombre, j'observai cela tout en réfléchissant. S'ils étaient connectés collectivement, il devait bien y avoir quelqu'un qui tirait les ficelles. Quel genre de malade avait bien pu provoquer cela ? Et surtout, dans quel but ?
Lorsque Strange précisa qu'ils n'avaient pas d'enquêteurs professionnels dans leurs rangs, j'interprétai cette remarque comme une perche à demi tendue. J'acquiesçai d'un signe de tête et portai aussitôt la main à mon oreillette pour contacter le reste de l'équipe restée dans le Quinjet et balancer mes premières instructions.
« Okay les gars, envoyez les drones, je veux un balayage complet de la zone, analyse biométrique, thermique, tout c'que vous voulez mais je veux des données. Trueman, trouve-moi tout ce que tu peux dénicher comme infos sur Helheim et envoie-moi les docs sur mon PDA. »
Ce genre de dossiers confidentiels ne lui seraient probablement pas accessibles à la lecture, mais à moi si. Quelques instants plus tard, plusieurs drones passèrent au-dessus de nos têtes pour aller survoler le village à la récolte d'informations. Ils avaient de quoi s'occuper pour un petit moment avec tout ça. En attendant, je me tournai vers ma partenaire et lui demandai enfin, jugeant que c'était le moment de retenter le coup :
« Tu peux réessayer de capter quelque chose ? »
Si mon ton avait été autoritaire et affirmé avec l'équipe technique, ma voix s'était adoucie en m'adressant à Emy. Je savais combien elle avait été fragile, je ne voulais pas la pousser à faire quelque chose qui pourrait la faire replonger. Mais en même temps, si elle n'essayait pas, elle ne pourrait pas non plus reprendre confiance en elle et en ses capacités.
Pour une première mission depuis longtemps, Emy sentait que ça n’allait pas être facile du tout. Déjà, par la présence de ces maîtres des arts mystiques. Elle n’avait pas beaucoup d’informations sur ces personnes qui maîtrisaient ses arts, mais elle savait que c’était une puissance énorme. La jeune femme avait salué le plus grand d’entres eux, le Docteur Strange, avant de l’écouter leur expliquer ce qui se passait dans ce petit village. Si Emy n’avait pas ressenti les émotions des personnes à l’intérieur du dôme, c’était peut-être parce qu’elle était trop loin. Plus ils s’approchaient, plus elle ressentait quelque chose, mais la jeune femme refusait pour le moment de lever son bouclier mental. Elle voulait écouter les explications du maitre des airs mystiques. Emy se concentra sur le Docteur Strange qui leur disait que les énergies venaient d’Helheim, un monde semblable à Asgard, mais en version des enfers. Emy regarda Clint qui ne semblait pas avoir d’informations sur ce monde, ce qui était bizarre d’ailleurs. Le mot Zombie fut prononcé et la jeune femme se tourna de nouveau vers le Docteur, le regard légèrement écarquiller. Il était sérieux là ? Puis, il leur montra. C’était une vision d’horreur. Certains cadavres avaient fusionnées ensemble et ces créatures étaient affreuses. Ce n’était pas la peur qui vient à Emy, mais du dégout et un sentiment de ne pas pouvoir faire grand chose. Elle sentit le regard de Clint sur elle, mais elle s’efforçait de rester impassible. Les guérir ? Est-ce que cela allait être possible ? Elle n’en était pas certaine, mais Strange semblait penser le contraire… Jusqu’à ce qu’elle voit le plus gros des zombies. Elle faillit faire un pas en arrière lorsque l’odeur et les lamentations lui parvinrent. C’était affreux… Emy avait plissé le nez pour essayer de ne pas sentir les odeurs. Est-ce qu’une personne saine d’esprit pouvait créer ce genre de trucs ? Elle n’en était pas certaine.
Emy sursauta légèrement lorsque la voix de Clint lui parvient dans son oreillette pour demander l’assistance des scientifiques restés dans le Quinjet. Elle n’avait pas entendu le fait que Strange n’avait pas d’enquêteurs, mais elle comprit que c’était au tour du S.H.I.E.L.D de rentrer en scène. Clint demanda tout un tas de chose ainsi que des informations sur le monde d’Helheim. Emy avait croisé les bras en regard les différentes créatures derrière la barrière. Elle entendit les drones passés au dessus de leurs têtes. Elle regarda Clint lorsqu’il se tourna vers elle lui demanda doucement si elle pouvait réessayer de capter quelque chose. La jeune femme ne savait pas si elle se sentait prête, mais si elle ne tentait pas, elle ne pourrait jamais se remettre en selle. Elle hocha doucement la tête à l’affirmative et s’approcha un peu plus de la barrière sans la toucher. Les odeurs étaient de plus en plus forte. Elle ferma les yeux et baissa son bouclier mental. Si au départ, elle ne ressentait rien de particulier autre que les émotions et sentiments de Strange et Clint derrière elle, Emy finit par étendre son pouvoir devant elle. Elle essaya de se concentrer pour garder son rayon d’action devant elle et non autour d’elle. C’était une nouvelle technique qu’elle avait apprise toute seule. Elle ressentait la présence des créatures zombies, ces dernières semblaient être vider de sentiments. En fait, c’était comme si elles ne ressentaient rien. Emy fronça les sourcils sous la concentration. Elle devait se déplacer un peu, il lui semblait qu’elle captait quelqu’un qui était douloureux…
Emy se déplaça légèrement sur la droite, tendit ses bras devant elle, ne touchant pas la barrière, mais c’était tout juste. La douleur qu’elle ressentait semblait de plus en plus présente jusqu’au moment où elle explosa complètement devant elle. Emy sursauta et fit un pas en arrière avant de se rendre compte qu’il y avait une de ces créatures zombies, regroupant plusieurs corps, fut devant elle. Emy pencha légèrement la tête sur le coté et tendit la main devant elle. La créature en fit de même, comme captiver… Emy vit cette espèce de ligne noire venir à sa main et se glisser dans ses veines. C’était comme lorsqu’elle avait prit la douleur de ce petit garçon dans Central Park. La douleur se matérialisait par la couleur noire qui se glissait en elle. Elle mit fin brusquement au contact, chancelant. Elle se tourna brusquement vers Strange et lui dit :
« Elles souffrent ! Ces créatures, ces personnes… je ne sais même pas comment les appeler. Elles sont en souffrance… Je ne ressens pas leurs sentiments ou émotions, mais elles souffrent. Comme si elles n’étaient plus vivantes, mais ce n’est pas le cas… Des zombies en soi… »
Emy se tourna vers Clint, puis leva les yeux vers le ciel. Elle espérait que les scientifiques trouvent ce qui se passaient… Au fond d’Emy, la douleur de la créature continuait de lui faire mal, mais elle serra les dents. Ce n’était pas le moment de perdre le contact avec la réalité…
"Zombie". C’est le premier mot qui semble réellement choquer même si je continue ma marche, de mon côté, là où je crois entendre quelques pas s’interrompre alors que l’esprit se choque. J’ai des explications à faire et je les fais, aux agents de digérer les choses à leurs rythmes. Chez l’Agent Barton, cela passe par une question qui n’est ponctuée d’aucune interrogation : si je pense vraiment qu’on pourra les guérir. Chez l’agent Carthew, cela passe par le silence et conséquemment mon ignorance de sa réaction.
Lorsque je me retourne enfin vers eux, j’ai tout loisir de contempler les visages de sérieux écœuré mais concentré des deux agents ; même si Barton pourrait avoir d’autres émotions, n’ayant pas perdu sa grande maîtrise de ses expressions, et que je préfère partir du principe que Carthew aussi est capable de me cacher des choses. Le bref acquiescement de Barton me fait m’abstenir de sourire, appréciateur de cette capacité à communiquer sans avoir à tout expliciter, et je regarde celui que je suppose être le chef d’équipe savoir quoi faire ; chose qui amène sa collègue à sursauter. Malgré son impassibilité de façade, l’agent Carthew est donc sous tension. Compréhensible. Problématique, peut-être. Je n’ai pas le temps d’y réfléchir que l’appel aux drones est fait.
Je tourne la tête vers le ciel au-dessus d’où nous venons en comprenant que ma vision de l’enquête à l’ancienne est effectivement ancienne ; et que les Maîtres des Arts Mystiques sont encore plus dépassés que je ne le croyais. Sur le plan de l’investigation et des technologies affiliées, évidemment. Balayage complet de la zone, on a pu le faire. Analyse biométrique, non. Analyse thermique, non plus. Il y a sans doute une utilisation analytique de la lumière qui nous aurait permis de scanner la zone et d’en faire une illusion holographique manipulable mais elle n’aurait surement pas eu autant de données que ce que vont rapporter les drones. Et personne n'y a pensé.
« Si vous possédez une copie du Livre d’Yggdrasil, me permets-je d’ajouter sobrement pour aider, il y a un passage le concernant. Néanmoins, il a subi une censure plus pertinente que les Edda. »
Le Livre d’Yggdrasil contient l’Histoire d’Asgard et des Neuf Royaumes telle que réécrite par Odin après la conquête de ceux-ci. Ainsi, les passages préfigurant le règne de feu le père de Thor sont assez fidèles même s’ils peuvent amener à des théories. L’acquisition du Tesseract afin de sauver la planète de la destruction résultant en la capitale et son éperon rocheux survivants mais pas le reste me laisse particulièrement perplexe et je suppose, une fois encore, les Célestes impliqués. C’est après cette quête qu’ils ont pu créer le Bifröst et voyager facilement entre les Neuf Royaumes, là où ils devaient s’en remettre aux nexus dimensionnels liés à Yggdrasil. Tout cela pour dire que si le Livre d’Yggdrasil est une bonne source d’informations et que la Terre en avait déjà une copie avant que les Asgardiens n’y émigrent en 2018, puisque le Crâne Rouge et l’Hydra en possédaient un exemplaire qui leur a permis de trouver la cachette du Tesseract. Celui de la Bibliothèque de Kamar-Taj a été mis à jour pendant les Années Sombres et je l’ai entièrement lu.
Le bruit des hélices des drones me sort de mon aparté mental et je suis les appareils de reconnaissance alors qu’ils franchissent la barrière de lumière jaune-orangée. Les amalgames les perçoivent également, le plus grand d’entre eux levant une partie de ses têtes tout en continuant de frapper alors que les autres s’arrêtent un instant pour regarder. La voix de l’Agent Barton me ramène à lui et à son ailier, qui a croisé les bras également, alors qu’il lui demande si elle veut "réessayer de capter quelque chose". Je plisse les yeux en déduisant qu’elle dispose de perceptions extra-sensorielles ou d’autres pouvoirs de détection psychique ; pas de télépathe, s’il vous plait. Encore qu’ils pourraient être utile vis-à-vis de l’observation de l’Astral. Putain de télépathes.
Pivotant sur moi-même sans décroiser ma posture d’attente fermée, je suis de l’attention l’agente qui s’approche entre les autres Maitres des Arts Mystiques. Ils lui accordent un regard avant de retourner à leur canalisation. Avec ma voix raisonnant derrière eux, ils ont eu tout loisir de comprendre que j’étais encore en train de n’en faire qu’à ma tête ; mauvaise nouvelle pour leurs nerfs, bonne nouvelle pour le monde. Encore que les novices n’ont de moi que ma réputation, ainsi est-il improbable que je leur tape autant sur le système qu’à leurs maitres. Trêve d’égocentrisme cependant, l’agent Carthew use de ses capacités et, de dos, je n’y vois pas grand-chose. Ce que j’aperçois, en revanche, c’est la petite portion d’amalgames qui entreprend de suivre les drones, sans pour autant qu’aucun mot n’ait été échangé entre eux.
Mes yeux reviennent immédiatement à l’agent Carthew lorsqu’elle bouge, tendant les bras vers la barrière. Elle pourrait la toucher, ayant alors une sensation de chaleur légèrement supérieure à celle ambiante et une dureté dépendant de la force de canalisation du Maître des Arts Mystiques mais suffisante à soutenir les coups répétés des créatures, mais ne le fait pas. Au début. Lorsqu’un des amalgames et elle-même jouent à Tarzan et Jane avec leurs mains, une sorte de brève ligne noire va de la créature à l’agent en ignorant purement et simplement la barrière de lumière.
Je prends une garde de combat agrémentée de mon Anneau de Téléportation sur ma main gauche, la plus avancée, afin d’être prêt à expédier l’agente à l’intérieur de la zone de quarantaine si elle manifeste le moindre signe de corruption. Son brusque revirement vers moi ne me fait pas vaciller, yeux toujours aussi plissés que le visage est concentré, et j’écoute ses paroles avec méfiance.
Le diagnostique me fait pincer les lèvres.
Elles souffrent.
"Ces créatures, ces personnes", l’agent Carthew ne sait pas comment les appeler… je baisse un peu les bras et les épaules en levant légèrement les yeux au ciel. Pas de sentiments ou d’émotions mais la sensation physique de la souffrance. "Comme si elles n’étaient plus vivantes, mais ce n’est pas le cas".
« Qu’était-ce que l’énergie noire, demande-je froidement en créant un portail de téléportation. Si vous avez absorbé ce qui les a transformés, vous pourriez subir le même sort. »
Le cercle étincelant s’élargie jusqu’à dévoiler le parking et les arbres où méditent les Maîtres des Arts Mystiques au repos.
« Maître Minoru, dis-je à la concernée qui se redresse immédiatement en prenant appui sur le Bâton de l’Unité, scanez-la.
- Il n’y a bien que lorsque vous congédiez les gens que vous êtes poli, fait impassiblement remarquer la gardienne du Sanctum d’Hong Kong en franchissant le cercle étincelant avant de placer l’extrémité de sa relique, une sorte de loupe, entre elle et l’agent Carthew. Permettez. »
Alors que la relique focalise une lentille d’énergie mouvante blanche dans son cercle de tête, j’abaisse mes membres pour qu’ils reviennent le long de mon corps et repense à ce qui s’est passé juste avant. Si j’aurais pensé l’inverse de ce qui a été diagnostiqué par l’agent Carthew, à savoir que les amalgames n’aient plus un système nerveux actifs mais toujours des émotions et des sentiments puisqu’ils conservent leurs esprits, je suppose à présent qu’ils soient effectivement plus vivants que morts : ils ont été altérés par une énergie mortifère qui les maintient actifs, comme dans le cas de morts-vivants classiques, mais elle ne les a pas réellement tués. Au contraire : dès qu’ils sont blessés, elle les "soigne" en les amalgamant pour qu’ils puissent continuer de "vivre" ? Cela serait aussi tordu que malsain mais pas impossible.
« Pour l’appellation, reprends-je histoire de ne pas rester sur l’expression de ma méfiance et l’éventuelle inquiétude chez les agents du SHIELD, vous pouvez les nommer amalgames. Les zombies sont plus aisés à neutraliser.
- Et c’est lui qui a eu l’idée du nom, ajoute avec sarcasme Maître Minoru tandis qu’elle observe l’agent Carthew à travers le Bâton de l’Unité, alors forcément il aimerait ne pas être le seul à l’utiliser…
- Vous l’utilisez également, lui fais-je remarquer l’air de rien afin de continuer la joute verbale l’air de rien, justement, tout en jetant un œil aux maîtres ayant interrompu leurs méditations pour regarder ce qui se passait à travers le portail ; chose les amenant à reprendre leurs méditations avec entrain et à me faire sourire.
- Je les nomme "saloperies", souligne-t-elle alors que l’énergie se dissipe à l’intérieur de son bâton et qu’elle ramène celui-ci à son côté. C’est bon agent, vous n’êtes pas infectée. »
Soupirant aussi discrètement que je le peux face aux deux sujets, je me tourne vers l’Agent Barton.
« Les drônes ? »
Informations:
Survoler Merna c’est survoler une cinquantaine de blocs d’habitations alignés selon cette grille sur laquelle sont construites les villes des Etats-Unis. Chaque bloc semble contenir trois habitations, chacune de plusieurs bâtiments avec jardin le plus souvent arboré. A première vue, ou de loin, tout semble normal à l’exception de l’absence d’activité humaine ; ainsi que les infatigables coureurs amalgamés qui tâchent de suivre les drones depuis le sol. Cela facilite grandement les analyses biométriques et thermiques, dévoilant qu’ils ne possèdent plus de fonctions vitales et n’émettent plus de chaleur corporelle ; au contraire, ils sont plus froids que la température ambiante et donc détectables ainsi. Prélever un échantillon biologique nécessite cependant de venir à portée des créatures qui semblent plutôt volontaires pour attraper un drone ; ainsi la manœuvre doit-elle obtenir confirmation avant de sacrifier un ou plusieurs drones dans un essai de biopsie violente.
Parallèlement, l’observation en détails des lieux apportent d’autres éléments. Les poubelles ont été renversées et éventrées, dénotant avec l’ordre et la normalité présents dans le reste du village. De plus, quelques jardins voient les restes de cadavres de chiens, de chats et de chevaux girent après avoir été totalement dévorés. Quelques bâtiments, dont la station-service et le terrain de camping au Sud-Ouest de la ville, disposent de lumières allumées. Les autres sont toutes éteintes.
Pour les informations possédées par le SHIELD sur Helheim, ou Hel, est qu’il s’agit d’une région de Niflheim ; l’un des Neuf Royaumes interconnectés par le nexus cosmique d’Yggdrasil. Il s’agit d’un monde de brumes, de glace et de froid, qui est comparable à l’enfer : c’est le lieu de résidence où les esprits des morts errent s’ils n’ont pas pu être accueilli dans le Valhalla d’Odin (Asgard) ou la Valhöll de Freyja (Vanaheim). Si des images de Niflheim ont pu être enregistrées durant la Convergence de 2013, aucune expédition n’y a été menée et il peut être difficile, aux vues des données disponibles, de faire la différence entre Niflheim et Jotunheim ; moyennant la rencontre avec les Géants des Glaces qui peuplent le second. Il n’y a aucune forme de vie, ou de mort-vivant, connue sur Niflheim. Le seul habitant connu de Niflheim et d’Hel était Hela, la déesse de la mort emprisonnée dans le plus grand secret par Odin. Les épées obsidiennes qu’elle créait étaient faites de matérialisation d’énergie provenant d’Asgard, non de Niflheim ; bien que cela suggère que, en plus des énergies cosmiques communes à Yggdrasil, chaque Royaume ait sa propre énergie. Selon la théorie où les Pierres d’Infinité auraient été liées aux Neuf Royaume, Niflheim était le premier candidat pour trouver la Pierre de l’Ame. Cette théorie s’est avérée fausse.
The Doctor Strange
Clint Barton Avenger Agent du S.H.I.E.L.D. Niveau 8
Je levai de nouveau un sourcil interrogateur lorsque le magicien, pardon, le "maître des arts mystiques", évoqua le livre d'Yggdrasil et une histoire de censure et d'Edda. Yggdrasil, c'était pas le grand arbre sur lequel reposaient les différents mondes, selon la mythologie nordique ? Est-ce que ce terme-là était utilisé par les Asgardiens et autres peuples assimilés pour désigner l'ensemble des neuf royaumes ? Par contre, le terme Edda ne me disait rien du tout. Je transmis les infos sur le bouquin à nos analystes sans parler du passage sur la censure.
J'adressai à Emy un sourire d'encouragement lorsqu'elle acquiesça à ma demande. Je l'observai s'avancer vers la barrière et se concentrer. Je ne la lâchai pas du regard, prêt à réagir si jamais elle se sentait mal. Elle se déplaça de quelques pas, comme si elle cherchait à mieux capter un signal distant, puis elle sursauta soudainement et fit un pas en arrière. Songeant alors que cette attitude devait paraître bien obscure pour Strange, je pris quelques instants pour lui expliquer rapidement, sans quitter Emy des yeux :
« Elle est empathe, elle peut percevoir les émotions des gens, et leurs souffrances. »
Elle tendit la main vers l'un des amalgames, qui en fit de même de l'autre côté de la barrière, dans un remake de Tarzan et Jane façon Sam Raimi. Je plissai les yeux et grimaçai, pas vraiment ravi à l'idée qu'elle puisse toucher une de ces créatures. Heureusement qu'il y avait la barrière entre elles et nous… Ah merde, ou pas. C'était quoi cette énergie noire qui venait de passer dans le bras d'Emy ?! Je me crispai immédiatement et ma tension fut accentuée par la réaction de Strange qui se plaça en position de combat. Ses paroles ne me rassurèrent pas, mais alors, pas du tout.
La mine sévère, le regard inquiet, j'observai tour à tour Strange et Emy, songeant à ce qui se passait dans les films de zombies quand un humain se faisait infecter. L'idée de devoir tuer Emy ne m'enchantait absolument pas. C'était son retour sur le terrain aujourd'hui, elle était sous ma responsabilité, si elle se mettait en danger c'était à cause de moi.
Dents et poings serrés, je regardai l'une des collègues de Strange traverser un portail de téléportation et scanner Emy à l'aide d'une grande loupe magique. A ce stade, plus rien ne m'étonnait. Pendant ce temps Strange reprit la parole, pour discuter sereinement de terminologie. Qu'est-ce que j'en avais à foutre, franchement, de la meilleure façon d'appeler ces bestioles ?! Si je n'avais pas été en charge de la mission, je me serais permis une réflexion bien sentie… Mais je pris sur moi et fermai ma gueule, attendant le verdict.
Lorsque Maître Minoru annonça qu'Emy n'était pas infectée, je poussai un soupir de soulagement et fis quelques pas en tournant sur moi-même pour décharger la tension accumulée. Je me ressaisis rapidement et portai mon attention sur mon PDA après que Strange m'ait demandé des nouvelles des drones. Je pris quelques instants pour analyser les informations qui me parvenaient avant d'expliquer :
« Les amalgames ne dégagent pas de chaleur corporelle. Aucune activité vitale détectée. Pourtant ils bougent, certains courent, même. Y'a des cadavres d'animaux, ils ont été dévorés. Les poubelles sont renversées ou éventrées. Y'a quelques lumières dans les zones publiques, mais les habitations sont dans le noir. Ca va prendre du temps pour une fouille plus approfondie, et les amalgames essaient de chopper les drones, du coup c'est pas simple de les approcher. »
Je donnai néanmoins des instructions pour répartir les drones dans la ville, en garder un en surveillance aérienne et envoyer les autres pénétrer dans les bâtiments si possible, en commençant par les zones où il y avait de la lumière.
« Ma première théorie serait qu'un être issu d'Helheim ait fait mumuse avec une magie de son monde pour transformer tous les villageois. Si c'est ça, le magicien doit encore être dans le coin. Vous avez parlé d'énergie magique, vous auriez moyen d'avoir une détection plus précise, de nous localiser l'épicentre du phénomène ? »
Emy ne se mettait pas en danger, enfin, pas totalement. Elle ressentait les émotions des gens et leurs sentiments, elle devait être plus proche pour comprendre ce qui se passait. La jeune femme s’avança vers la barrière. Clint avait confiance en elle, elle devait tout faire pour se faire confiance à nouveau. Ce n’était qu’une formalité. La jeune femme s’approcha donc de la barrière et regarda les amalgames. Elle ne savait pas pourquoi, mais elle n’aimait pas ce mot… Zombie non plus. Elle essaya de ressentir ce que ces créatures ressentaient, mais c’était comme s’ils n’avaient pas de sentiments… Elle ressentait par contre très bien les sentiments des gens autour d’elle, Clint et Strange en premier. Puis, une douleur. Quelqu’un ou quelque chose souffrait. Elle se rapprocha de la barrière et tendit la main. L’une des créatures était devant elle et Emy ressentait sa douleur, sa souffrance. La jeune femme vit la douleur se matérialisé et se glisser en elle sous la couleur noire. Elle sursauta et lâcha le contact, laissant la créature partir de son coté. Elle se retourna vers Strange qui s’était approché, Emy lui lança que les créatures souffraient. Ignorant ses paroles, Strange lui demanda ce qu’était l’énergie noire, car si elle avait absorbé ce qu’ils les avaient transformé, elle devait subir le même sort. La jeune femme fronça les sourcils et lui dit :
« Je n’ai absorbé que sa douleur, pas son âme. Je ne suis pas infectée… »
Elle se tourna vers Clint qui semblait être tendu au possible. Elle savait déjà ce qu’il pensait : Si elle était infectée, il allait devoir la tuer et il n’en avait pas envie du tout. Emy se tourna vers une autre femme qui arriva avec un espece de bâton. On devait la scanner. Sans doute pour savoir si elle n’était pas infectée. La femme qui venait d’apparaitre, Maitre Minoru, lui demanda la permission de la scanner, Emy hocha doucement la tête pour lui donner la permission. Strange lui dit alors qu’Emy pouvait appeler les créatures amalgames. Il s’était sans doute rendu compte qu'elle avait eu du mal à les nommer tout à l’heure. Elle ne dit rien, se contentant de regarder Maitre Minoru devant elle. Cette dernière lui dit alors que c’était Strange qui avait eu l’idée du nom et qu’il aimerait ne pas être le seul à l’utiliser. Emy eut un petit sourire avant de rigoler légèrement quand la femme rajouta qu’elle les appelait Saloperies. C’était sans doute plus aisé de les appeler comme ça. Puis, elle lui dit qu’elle n’était pas infectée. Elle ressentit le soulagement de Clint près d’elle. Elle se tourna vers lui pendant qu’il faisait les cents pas et expliquait que les amalgames n’avaient pas de chaleur corporelle. Aucune énergie vitale détecté. Emy fronça les sourcils et regarda le balai de mouvements de ces créatures. Comment est-ce possible ? Clint continua en disant qu’il y avait des cadavres d’animaux, dévorés. Donc, les amalgames avaient besoin de chairs pour vivre… Emy croisa les bras contre sa poitrine en continuant d’écouter son partenaire. Elle ressentait comme une douleur froide en elle, conséquence de l’absorption de la douleur de l’amalgame. Elle savait que cela allait durer quelques minutes à quelques heures. Elle devait serrer les dents, elle perdit un peu le cours de la discussion au passage. Elle regarda Clint qui venait de demander à Strange s’il avait un moyen de détection plus précis pour localiser l’épicentre du phénomène. En attendant la réponse de Strange, Emy s’approcha de Clint et lui dit :
« Si un être issu d’Helheim fait de la magie, on doit pouvoir le ressentir. Je veux dire, je pense que je peux ressentir ses efforts. Il m’est déjà arrivé de ressentir les sentiments et émotions d’une personne qui était concentré sur autre chose, comme de la méditation. Si cet être fait de la magie, il n’est pas dépourvu de sentiments. Au contraire, il peut être stressé, enthousiasme, anxieux… S’il est dans les parages, je peux le trouver… A condition qu’il ne maintienne pas une barrière autour de lui… »
Emy serra les dents un peu plus à l’approche d’une autre crampe. Bon sang, elle n’avait prit qu’une petite partie de la douleur de cet amalgame, mais la douleur était immense. Est-ce que c’était la conséquence du regroupement des corps sur lui ? Peut-être. Elle ferma les yeux pendant quelques secondes pour se concentrer de nouveau avant de se tourner vers Strange et lui demander :
« Simple question : Lorsque vous utilisez votre magie, que ressentez vous en sentiments ou émotions ? Je pense que si quelqu’un ou quelque chose utilise la magie issu d’Helheim, je peux le localiser. Je peux essayer du moins. »
Elle ne voulait pas rester inactive, cela lui était de penser à la douleur des amalgames. Elle espérait vraiment qu’ils puissent les sauver…
L’Agent Barton m’explique que sa seconde est empathe, une capacité à percevoir l’Astral légèrement moins puissante que la télépathie dans les données avec lesquelles elle interagit mais pas forcément moins étendue. Reste à savoir si que quelqu’un rentre dans mon cœur pour savoir ce qui s’y passe au lieu de le faire dans mon cerveau va me poser plus de problème. Percevoir les émotions et les sensations des gens est intéressant, notamment si cela ne se limite pas aux seuls gens "conscients" comme la télépathie mais s’applique aussi aux animaux et, présentement, aux morts-vivants.
C’est le cas.
Ça s’accompagne d’un problème. Un problème que Carthew ne veut pas reconnaitre : "que sa douleur, pas son âme" ? Encore heureux ! Même si, à la réflexion, l’âme a peut-être déjà été volée. Quoi qu’il en soit, ses créatures sont liées psychiquement et une transmission psychique est possible. De plus, je préfère m’en remettre aux Maîtres des Arts Mystiques pour me parler de magie ; et à moi-même pour me parler de quoi que ce soit mais c’est une autre histoire. Notre situation actuelle est plus préoccupante que mon égo mais Minoru finit par y apporter une fin ; et une bonne fin. Mes bras s’abaissent et j’accorde enfin un regard à un Agent Barton encore plus tendu que moi, pour des raisons qui me semblent évidentes. Je suis partagé entre le renouveau de l’exploration psychique et la prohibition de celle-ci mais ce n’est pas à moi d’en décider. Être plus prudent me parait la moindre des choses cependant je dois miser sur le professionnalisme et la compétence de tous les partis impliqués, plutôt que d’essayer de tout contrôler. C’est compliqué.
L’Agent Barton le vit également et le gère par la marche comme la recherche d’informations. L’entendre parler des "amalgames" me fait sourire intérieurement et je tâche de maintenir un visage sérieux un instant avant de me rappeler que la pointe de contentement doit être aisément perceptible par l’empathe… Sans commentaires.
Aucune chaleur corporelle, ils ne sont donc pas réellement vivant. Aucune activité vitale, j’ai donc raison. Ils bougent, ils courent, ce ne sont pas des morts-vivants zombifiés. Ils mangent, ils cherchent à se nourrir, c’est quand même bien dans le thème. Quelques lumières dans les zones publiques, automatiques surement, tandis que les zones privées sont éteintes.
« Ma première théorie serait qu'un être issu d'Helheim ait fait mumuse avec une magie de son monde pour transformer tous les villageois, énonce l’Agent Barton alors que je me tourne complètement pour le fixer, les bras le long du corps et le portail étincelant attendant une Maître Minoru qui s’invite dans l’exposé. Si c'est ça, le magicien doit encore être dans le coin. Vous avez parlé d'énergie magique, vous auriez moyen d'avoir une détection plus précise, de nous localiser l'épicentre du phénomène ?
- Il est en eux, expose la gardienne du Sanctuaire d’Hong Kong, m’amenant à tourner des sourcils relevés vers elle puisque c’était ma réplique. Chacune de ces saloperies canalise l’énergie d’Helheim.
- D’un point de vue technique, les amalgames sont les magiciens. »
J’avance d’un pas en recommençant à regarder les deux agents.
« Néanmoins, le fait qu’ils soient psychiquement liés n’excluent pas que l’entité ou le magicien ne soit pas présent, assure-je.
- Si un être issu d’Helheim fait de la magie, poursuit l’agent Carthew, on doit pouvoir le ressentir. »
J’écoute son exposé avec attention, cherchant à en apprendre le maximum malgré le fait que l’empathe ignore un paramètre important : le temps. Les amalgames et les Maîtres des Arts Mystiques s’affrontent depuis ce matin. Cela étant, l’histoire de la barrière est peut-être la clé pour que le plan fonctionne. Reste à savoir ce qu’il en coûtera à l’agente, qui semble déjà peiner suite à son transfert précédent. A elle de connaitre ses limites, néanmoins.
« Simple question : Lorsque vous utilisez votre magie, que ressentez-vous en sentiments ou émotions ? Je pense que si quelqu’un ou quelque chose utilise la magie issu d’Helheim, je peux le localiser. Je peux essayer du moins.
- Cela varie avec l’énergie, réponds-je en acquiesçant, mais oui. Sensations, primairement, qui déclenchent des sentiments. »
Manipuler la lumière donne une sensation chaleureuse autour de nous comme à travers nous et cela m’amène à avoir l’impression d’équilibre et d’appartenance. De faire parti d’un tout. La Dimension Miroir, par contre, est plus froide ; c’est un reflet et une géométrie spatiale différente, même s’il me traverse et m’obéit également. Je dirais qu’il y a plus une notion de contrôler sur le tout que de son appartenance. La Dimension Astrale, en revanche, est encore plus étrange ; mais c’est un monde auquel l’empathe appartient également.
« Considérant que les amalgames ont été détectés ce matin, le responsable n’est probablement plus là physiquement. Cependant, pensez-vous pouvoir le ressentir à travers eux ? Avec un risque modéré, de préférence. »
Les amalgames ont des sensations, comme la douleur, mais plus de sentiments ; peut-être parce que leur cerveau n’est plus capable d’en produire ou peut-être parce qu’ils sont soumis à une volonté extérieure. Impossible de savoir s’ils pensent, actuellement, mais peut-être pense-t-on et ressent-on, puisque le sentiment est une pensée instantanée, pour eux. Cela expliquerait le lien psychique… mais impliquerait que le responsable ait également des capacités télépathiques suffisamment pointues. Est-ce envisageable que son esprit possède l’un des amalgames ?
Involontairement, mes yeux se tournent vers le plus gros d’entre eux. J’inspire profondément et son odeur pestilentielle s’engouffre profondément en moi.
Informations:
Il est possible pour les drones d’entrer en cassant des fenêtres ou par d’éventuelles cheminées, néanmoins les amalgames arrivent rapidement aux rez-de-chaussée. Aux étages, les lits sont défaits et les affaires le plus souvent bien rangées. Il n’y a aucune trace de lutte ou de violence, exception faites d’endroits où le cadavre d’un animal de compagnie repose dans un lieu témoignant qu’il ait tenté de s’enfuir. Aucune arme à feu n’a été sortie de ses rangements. Aucun être humain ne compte parmi les choses dévorées. Cependant, à bien étudier les lieux où il y a des lumières, il s’agit généralement de travailleurs nocturnes ou de gens se couchant très tard ou commençant très tôt.
Il est possible d’entrer en contact empathique avec les amalgames à la recherche de leur maître. S’ils n’ont en effet aucun sentiment pour l’instant, ceux-ci sont contrôlables psychiquement. Les sensations sont celles d’êtres vivants, ils possèdent donc tous les sens ainsi que les influx nerveux (douleur, plaisir, etc.) et quelque chose au-dessous. Ils sont en harmonie entre eux et c’est justement cette chose qui les maintient en ainsi. Se concentrer sur cette chose peut amener à percevoir un froid extrêmement profond, tant physique que psychologique : un détachement total de ce qui se passe, qui n’est cependant pas indifférent, mais également une sensation glacée. Comme une main congelée qui enserrerait un poignet pour le guider, créant une légère brûlure cryogénique ce faisant. Enfin, il y a un instant de surprise suite au contact d’Emy puis une curiosité très intéressée.
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