[Terminé] Ça fait une paye !

4 juin 2024 (calendrier terrien)

Ça faisait plus de deux semaines que j’étais sorti maintenant. Les Terriens appellent ça « être en conditionnelle ». En gros, j’avais un chaperon que je devais appeler régulièrement pour prouver que je ne m’étais pas fait la malle et que je ne faisais pas de conneries. Ah on était loin de la sécurité de Nova ! En même temps, les Terriens semblaient avoir bien moins de problèmes de criminalité, j’imagine que ça les rendait plus souples.

Enfin bon, à défaut, leur planète était assez chouette : c’était marrant de se balader dans les rues, sentant l’air à peine pollué de cette ville qu’ils appelaient New York. C’était drôle de passer à côté de toutes ces nénettes en jupe qui agrippaient soudainement les plis, de peur que je regarde en dessous. J’avais envie de leur dire que non seulement j’avais vu, mais qu’il n’y avait rien d’extraordinaire à voir.

Sur le trajet, un type qui se prenait pour le roi du monde gara sa caisse à quelques centimètres de moi. Je m’en serais foutu s’il ne m’avait pas regardé de haut, comme si je lui étais inférieur. Je vous dis pas la gueule qu’il va faire quand les gaz d’échappement vont bousiller son moteur. Un petit mouchoir dans le pot d’échappement, ni vu, ni connu.

Malgré ça, j’étais de bonne humeur aujourd’hui. J’avais rendez-vous avec le destin. Enfin, plutôt avec un vieil ami, même s’il n’était pas au courant. Deux jours plus tôt, j’avais vu son vaisseau passer par-dessus Brooklyn, alors que je cherchais des informations concernant son lieu d’habitation actuel. Je ne crois pas qu’il y ait beaucoup d’autres vaisseaux comme ça dans le secteur, c’est pour ça que j’étais certain que c’était le sien. Après ça, il m’avait suffi de suivre sa trace sur les réseaux sociaux. C’était assez incroyable tout ce que les terriens pouvaient prendre en photo au mépris total du danger.

Il m’avait fallu quand même une bonne journée pour trouver sa localisation exacte. Et il était malin, bien caché dans un bosquet. Il avait même posé des pièges autour, j’avais dû faire une reconnaissance pour les repérer. Du bon travail, il s’était amélioré. Par contre, je devrais faire attention à son pote-arbre, il avait l’air dangereux celui-là. Sûr, il sait s’entourer le Rocket.

Aujourd’hui, c’était le jour où je me montrais. Je m’étais pris deux canettes de coca pour l’occasion, bordel j’adore ce truc ! Histoire de pas lui faire trop peur, j’avais repris ma salopette renforcée que j’utilisais à l’époque. Je me demandais ce qu’il penserait. Après tout, il devait me croire mort depuis un moment. Est-ce que je devais jouer les revenants, genre fantôme vengeur ? Naaan, il a toujours eu du mal avec mes blagues, je vais y aller soft pour le moment.

Arrivé à proximité de son repaire, je faisais rapidement le tour pour m’assurer de ne pas être vu. Ventre-à-terre, sortant la tête par intermittences, la mini-reconnaissance fut assez rapide. Je savais que Rocket était dedans : je l’avais vu faire ses courses un peu plus tôt. C’était assez comique à voir d’ailleurs. Prudemment, je me glissais en zigzagant entre les pièges qu’il avait posé. Je vérifiais toujours où je posais mes pattes, au cas où un piège aurait échappé à mon attention. Mais ce ne fut pas le cas : j’étais à présent devant le sas du vaisseau, sans même une alarme de déclenchée. Content de voir que je n’avais rien perdu, et armé d’un grand sourire, je frappais à la porte.

@Rocket Raccoon

Wep, c’était exactement la réaction à laquelle je m’attendais. Quoiqu’en fait, je crois que je m’attendais même à ce qu’il tire. J’avais pu suivre tout le bordel que la Sorcière Rouge avait faite au Jour des Héros, pas étonnant qu’il soit sur les dents. Par réflexe, je m’étais jeté sur le côté pour éviter le tir qui ne venait pas. Pas question de me faire flinguer après des années à le chercher.

Pour ce qui était du reste, il n’avait pas vraiment changé. Toujours nerveux, toujours habillé avec ce qui passe, et surtout toujours avec un flingue quelque part. Histoire de l’amadouer un peu, je levais mes pattes avant avec un sourire qui dévoilait toutes mes dents, mon « sourire charmeur ».

« Wohooo, mollo mon pote, je me suis fait assez roussir le poil ces dernières années, ça met du temps à repousser tout ça tu sais ! Tu ferais bien de poser ce truc avant de blesser quelqu’un, tu crois pas ? »

Oooookaaaay, Rocket avait complètement fondu un fusible. V’là qu’il tirait en l’air, sur le sol, qu’il me criait dessus. Je m’étais pas attendu à des retrouvailles larmoyantes, mais j’avoue que celle-là, je ne l’avais pas vu venir. Et peut-être parce que je m’inquiétais pour lui, ou que je m’étais affaibli au contact des terriens, mais je ne vis même pas les branches de son arbre de compagnie m’attraper avant de me secouer dans tous les sens.

D’instinct, je sortais mon arme. Avant de me rendre compte que j’en avais pas. C’est donc comme un idiot que je me retrouvais à pointer mes doigts sur l’arbre vivant qui n’en avait, et je peux le comprendre, rien à cirer.

« La-la-la-lâche moi s’pèce de-de-de-de fougère ambulante ! » criais-je péniblement pendant que je me faisais secouer comme le derrière d’une strip-teaseuse. « Je-je-je suis pas un hochet ! »

Ce fut finalement Rocket qui mit fin à mon supplice. Bordel, je savais que je devais me méfier de la tronche d’écorce, mais maintenant, je savais que je ne baisserais plus jamais ma garde en sa présence. Je titubais encore quand Rocket commença à changer complètement de ton et à me poser des questions. Bizarrement, j’étais plus trop dans l’ambiance là.

« EuuuEUuuh deux minutes », répondis-je alors que j’essayais de chasser les étoiles qui venaient s’inviter dans mon champ de vision, « on se calme okay ! … Oh putain j’suis pas bien. »

Pas bien, c’était rien de le dire. J’étais habitué aux sensations fortes, mais en général, j’avais le temps de me préparer avant. Là, je venais de me faire passer dans une centrifugeuse façon écolo sans préavis, j’avais un peu de mal à garder mes tripes à leur place.

La vache, l’isolation l’avait pas rendu aimable le Rocket. J’étais persuadé qu’il était pas aussi à cran avant. Remarquez, c’était y a longtemps, j’ai peut-être embelli le tableau. Toujours était-il que j’entrais dans le vaisseau, mais cette fois en guettant tout piège ou la présence d’une autre bestiole que ce « Groot ». Une fois, pas deux.

À peine je m’étais posé qu’il commençait déjà avec ses questions. Bon, il avait pas tout à fait tort, ça faisait quoi ? 10 ans ? 15 ? Je crois qu’il n’avait jamais vraiment compris que je n’étais pas aussi costaud que lui. Qu’est-ce qu’il croyait, que j’étais sorti tout pimpant du vaisseau en flammes, en respirant le vide spatial comme si c’était de l’oxygène. Manquerais plus que-

« Woh woh woh attend voir, qu’est-ce que Lylla vient faire là-dedans ? »

Il venait de me faire une crise de jalousie là, non ? Après tout ce temps, il s’était pas encore remis de cette histoire ? Et pourquoi il me demandait d’abord ? C’était ma réplique ! À moins que… Je frappais mon front avec ma patte, je n’en croyais pas mes oreilles. Non, il ne pouvait pas avoir été aussi bête…

Sérieusement ? Après tout ce temps il était encore là-dessus ? Je savais que Rocket était du genre rancunier, mais là, ça dépassait toutes mes prévisions. J’avoue qu’un court instant, je me demandais si ça avait été une si bonne idée que ça de lui courir après pendant toutes ces années. Mais bon, ptêt juste aussi que je lui rappelais de mauvais souvenirs. Ouais, ça devais être ça. Mais il allait pas s’en tirer à bon compte pour autant l’asticot.

« Alors, primo » dis-je en marquant le comptage avec mes doigts, « pour revenir d’entre les morts, il faut être mort, et j’suis vivant, désolé de te décevoir. Deuzio, tu m’as piqué ma réplique, c’est MOI qui vous ai laissé de l’air, j’ai jamais eu d’intentions sérieuses avec Lylla. Et troizio : si j’ai bien compris ton baraguinage, t’es en train de me dire que t’as pas cherché la capsule de Lylla ?! J’l’avais éjectée juste avant toi, banane ! »

Paye le héros tiens. Merde, cette déception. Je m’attendais pas à ce qu’il n’ait même pas la présence d’esprit de chercher si Lylla avait pu s’en sortir. Ça voulait dire que la pauvre avait dû se démerder toute seule pour survivre. Si elle était encore en vie. Sacrifiez-vous pour les amis, tiens. J’imagine qu’elle non plus ne serait pas ravie de me revoir.