[Terminé]Un verre au bord du lac

Évidement, Sam compatissait au sort des victimes de l’attentat, mais comme il le disait, c’était dans la nature de l’homme de s’en prendre à ce qui était différent de lui. Il y aurait toujours des personnes malintentionnées, prête à s’en prendre aux autres au nom de l’ami imaginaire qu’il vénérait, que leur idée politiques étaient les seules valables, parce que la différence leur faisait peur, ou par vengeance. La vengeance était une déesse aveugle et avide, exigeant toujours plus. Elle était bien placé pour le savoir, elle qui se trouvait en concurrence directe avec elle dans le coeur de son compagnon.

Lorsque Sam lui demanda si elle connaissait bien Abby, un petit sourire en coin ourla les lèvres de l’infirmière. Elle pensa que Sam, rassuré de voir qu’il n’avait pas été reconnu, et qu’il était au goût de la serveuse s’intéressait à elle en retour. Son sourire se fana quand elle réalisa que le fracas de vaisselle et les maugrément d’Abby n’avait pas eut l’effet de diversion qu’elle avait espéré.  Visiblement, le colloque auquel il avait participé sous l’égide du Professeur Xavier avait aiguisé sa curiosité sur le sujet. Il ne lâcherait pas l’affaire aussi facilement.

Laisser Sam penser qu’Abby était la cause de ses sensations aurait été facile, mais heurtait trop l’intégrité de Lys. Toute fois, elle se voyait mal expliquer à Sam qu’elle en était la cause. Personne, à part Helmut n’était au courant pour son nouveau pouvoir, et quelque chose lui disait que si la télékinésie faisait peur, la télépathie ne manquerait pas de déclencher une franche hostilité. Surtout chez quelqu’un qui ne la maîtrisait pas. L’idée de contacter l’institut Xavier lui traversa l’esprit. Peut être que ça serait une bonne idée de demander de l’aide. Elle la coinça dans un coin de son esprit. Il serait temps d’y repenser plus tard.

« Abby ? Non, je ne peux pas dire que je la connaisse. Tout au plus « bonjour, bonsoir » quand je viens boire un verre ici. » répondit-elle en haussant les épaules avant de jeter un coup d’œil autour d’elle pour regarder les autres clients du dîner.

Elle eut un petit sourire triste lorsqu’il évoquât l’excitation supposé lorsqu’on se découvre des capacités que les autres non pas, et celle d’apprendre à les contrôler, d’en découvrir les limites.

« Tu sais, les mutants, c’est pas écrit sur leur front, et la plupart préfèrent rester discret. Le regard des gens changent quand ils savent, même les proches. ». Elle soupira.

Si elle voulait juguler la curiosité du jeune homme, détourner son attention du pouvoir naissant qu’elle voulait garder pour elle, elle devait lui donner quelque chose. Bien sur, elle aurait pu prétexter un rendez-vous ou une urgence quelconque pour mettre un terme à cette conversation, mais outre le fait qu’elle appréciait sa compagnie, même si elle le trouvait un peu insistant, il pourrait être tenté d’en apprendre plus sur elle pour satisfaire sa curiosité. Elle préférait contrôler les informations qu’il pourrait avoir plutôt que de prendre le risque qu’il aille fouiner. Après tout, en tant qu’Avenger, il avait probablement accès aux dossiers du SHIELD. Même si l’agent qu’elle avait rencontré pendant l’été lui avait assuré que son dossier serait détruit si elle en faisait la demande, elle doutait que la promesse eut été tenue.

« Je ne dirais pas que ça soit excitant. » répondit-elle en jetant un nouveau coup d’œil autour d’elle pour vérifier que personne ne les regardait. « Imagine. Tu vis une vie tranquille et parfaitement normale. Et puis, au moment où tu rentres dans l’adolescence, période déjà compliqué en temps normal, tu découvres en plus que tu es différents, et que souvent, en plus tu ne contrôle rien. » Tout en parlant, elle fit léviter le petit sachet de sucre qu’elle avait laissé à coté de sa tasse pour le faire se poser délicatement à coté de celui de Sam.

« La différence, je sais que tu connais. Tu connais depuis ta naissance. Maintenant, imagine que ta couleurs de peau ne soit apparue qu’après une dizaine d’année d’existence. Trouverais-tu ça excitant ? » demanda-t-elle d’un ton doux.

En principe, quand Azilys commençait à faire voler des objets, ça calmait pas mal les ardeurs de ses interlocuteurs. Mais Sam n’était pas comme ses interlocuteurs habituels. D’ailleurs, elle devait bien admettre que depuis quelques temps, elle ne rencontrait plus grand monde qui soit impressionné par ce genre de facétie. Loin d’être impressionné ou inquiet de ce qu’elle pourrait faire avec un objet moins inoffensif qu’un sachet de sucre, Sam semblait excité par cette découverte, et au lieu de couper court aux questions, sa démonstration lui en attira une nouvelle slave. Lors qu’il parla des pensés parasites, elle sut qu’elle n’aurait pas d’autres choix que de lui mentir. Il était hors de question qu’elle parle de ce pouvoir qu’elle commençait juste à découvrir et qu’elle était loin de maîtriser, avec un quasi-inconnu. Un Avenger qui plus ait. Elle ne doutait pas qu’il soit en relation avec le SHIED. Son pouvoir de télékinésie était connue, elle se savait fiché pour cette raison, mais la télépathie, pour l’instant tout au moins, restait son jardin secret, et elle avait bien l’intention que les choses reste telles quelles.

Sam était curieux, elle pouvait bien lui parler de la télékinésie. Rien qu’avec ce sujet-là, elle devrait pouvoir l’occuper un bon moment. Elle sourit, vaguement attendrit. Le jeune homme lui faisait penser à un gamin le soir de Noël. Agité et impatient.

« Finalement, l’existence des mutants n’est de notoriété publique que depuis peu de temps. Quelques décennies tout au plus. Quand mon pouvoir s’est révélé, j’étais à peine une adolescente, on n’en avait jamais entendu parler. Tu n’as même pas idée à quel point, j’ai pu avoir peur. » Elle baissa un instant son regard et pris une gorgé de sa boisson pour tenter de soulager le nœud qui s’était formé dans sa gorge. « Dans les premiers temps, mes parents ont tenté de me rassurer, en me disant que ça allait finir par passer. Mais dans le même temps, je voyais bien que je leur faisais peur. Il faut dire que vivre avec une adolescente qui, à la première contrariété faisait claquer les portes n’est déjà pas de tout repos, alors une adolescente qui les fait claquer toutes en même temps, sans même les toucher… » Elle eut un petit sourire amer. « Ils m’exhortaient à me contrôler, ils avaient peur du « qu’en dira-t-on », mais je ne maîtrisait rien, et plus j’étais stressée, pire c’était. ça a été une période assez difficile, quelque chose c'est cassé entre nous à ce moment-là. Je sais bien que je ne peux pas leur en vouloir, qu'ils pensait m'aider, mais être punie quand j'avais un accident, ce n'était pas vraiment la bonne méthode. ».

Elle jeta un coup d’oeil à Abby, en train de finir de ramasser les morceaux de faïences à la table d’à coté.

« ça arrive encore, en cas d’émotion fortes, colère, stress, agacement ou tristesse, qu’il m’échappe. La plupart du temps, j’arrive à contrôler les conséquences en détournant les conséquences sur de petits objets. J’avoue que la vaisselle en fait souvent les frais. » répondit-elle, en plantant son regard dans les yeux sombres de son interlocuteur avec un petit sourire, qui disparut quand elle reprit.

« Finalement, quand le « Phénomène mutant » a pris de l’ampleur, et qu’il s’est invité dans l’arène politique, c’est devenu pire. L’être humain n’aime pas ce qu’il ne comprend pas, ça lui fait peur. Et quand il a peur, il cherche à détruire. Tu ne te rappelles peut-être pas, mais à une période, être un mutant était quelque chose de vraiment très mal vu. Nous étions fichés, et nos droits était plus que réduit. Même l’accès au soin n’était plus assuré. » répondit-elle, un pli amer déformant ses lèvres. « Alors, oui, j’avoue que ce n’est pas le genre de chose dont je vais me vanter. » expliqua-t-elle. « Quant à savoir pourquoi je te l’ai montré. Je ne sais pas trop. Il faut croire que tu as une bonne tête… Et puis, tu avais déjà la puce à l’oreille, tu es un Avenger, j’imagine que si tu le décides, il ne te serais pas très compliqué d’avoir accès au dossier que le SHIELD a sur moi. Autant de faire gagner du temps. » répondit-elle en haussant les épaules.

Elle se tourna un instant vers la vitre pour regarder les gens passer sur le trottoir, cherchant comment se débarrasser du sujet des « pensées parasites » qu’il avait évoqué. Elle s’en voulait de n’avoir pas su se retenir. Il faudrait vraiment qu’elle trouve une solution pour apprendre à contrôler ce pouvoir, et vite.

« Pour ce que tu appelles « les pensées parasites », je ne sais pas ce que tu veux dire. Tu contrôles tes pensées en permanences ? Ça t’arrive jamais d’avoir d’un coup une pensé sortie de nulle part qui te traverse l’esprit ou une petite voix dans la tête ? » demanda-t-elle sincèrement surprise. Elle, elle en avait en permanence des pensées baladeuses, elle pouvait être ici en train de discuter avec lui, mais au fond de sa tête, elle pensait aussi à sa journée de travail, à ses projets pour la soirées, et elle même quelques souvenirs de son enfances, réveillés par leur conversation. *Bravo* ricana la petite voix dans sa tête *maintenant, il va croire que tu es dingue.*

HRP:

Le moins qu’on pouvait dire c’était que Sam était idéaliste. Il voulait vraiment croire que les humains pouvaient vivre en harmonies malgré leurs différences, quelle qu’elles soient. Mais même si elle avait tendance à toujours chercher le bon en chacun, à se faire parfois l’avocat du diable, le discours de Sam lui paraissait totalement utopiste. Ils étaient rares les êtres capables de faire passer les autres avant eux, de mettre leur égo de côté. Ce n’était même pas des organisations comme celles qui avaient pris d’assaut le Rabbit Hole qui était les plus dangereuse, non, c’était l’indifférence quotidienne. Bien sûr, la majorité des gens condamnait les brutalités contre ceux qui étaient différents, mais dans l’ensemble, tant qu’ils n’étaient pas personnellement concernés ça ne les tourmentait pas plus que ça.

Elle écoutait le discours enflammé de Sam avec un sourire, tout en buvant son café. Elle trouvait rassurant que le nouveau Capitaine America ait autant de principes. Après tout, s’il y avait bien quelqu’un qui pouvait faire changer les mentalités, c’était bien lui. Elle haussa un sourcil dubitatif lorsqu’il parla du Professeur Xavier, supposant, à tord, qu’elle le connaissait forcément. Finalement, même lui avait des idées préconçues.

« Non, je n’ai pas le plaisir de connaître le Professeur Xavier. Bien sûr, comme tout le monde j’en ai entendu parler, et j’ai lu son nom dans les journaux, mais je n’ai jamais eu l’occasion de le rencontrer. » précisa-t-elle.

En y réfléchissant, peut être que ça pourrait être une bonne idée d’aller voir une de ses conférences ? Peut-être qu’elle pourrait apprendre quelque chose sur son nouveau pouvoir. Mais elle en doutait. De ce qu’elle avait cru comprendre des propos de Sam, les conférence semblait être plus destinées aux non-mutants, pour vulgariser le sujet, rassurer.

A présent Sam lui expliquait qu’il ne consultait pas les fichiers du SHIELD préférant ne pas être influencé pour se faire sa propre opinion sur les gens. Encore une fois elle se sentit sourire. Il était attendrissant et par certain coté elle le trouvait d’une naïveté rafraîchissante. A sa place, elle n’était pas sure qu’elle ne les consulterait pas, quitte à tomber un peu dans la paranoïa. D’un autre coté, elle devait bien reconnaître que depuis quelques mois son instinct semblait avoir perdu de sa fiabilité.

« Oui, tu as raison. Laissons de coté les costumes et les étiquettes. » répondit-elle en reposant sa tasse, avant de planter ses coudes sur la table et de poser son menton sur ses doigts entrelacés pour le regarder attentivement. « A part voler, tu aimes quoi dans la vie ? »

Elle eut l’impression que quelqu’un venait de remettre le son. A nouveau la voix de Sam plu parvenait forte et claire, elle n’avait pas vraiment pris la mesure de cette impression d’être dans une bulle avant que celle-ci n’éclate. Cet étrange expérience la laissa tout à la fois circonspecte et avec une vague sensation de chagrin. En face d’elle, Sam continuait de parler comme si de rien n’était, mais elle devinait dans son regard expressif qu’il avait remarqué sa légère absence. D’ailleurs elle se demanda combien de temps elle était restée dans cet état de distraction, quelques secondes, plusieurs minutes ?

Quoi qu’il en soit, elle avait l’impression que le cœur n’y était plus. Tout en écoutant d’une oreille distraite les anecdotes de Sam sur ses crash lors de sa formation dans le simulateur de vol, elle se demandait si Helmut aussi avait ressentit l’adieu de leur « ami imaginaire » commun, elle lui poserait la question quand elle le verrait… Enfin, si elle y pensait encore. Pour l’heure elle ne savait pas trop où il pouvait se trouver, à quelques rues de chez elle ou a l’autre bout du monde et comme elle avait peur d’avoir à nouveau attiré l’attention du SHIELD sur elle, elle préférait éviter de l’appeler.

Sam l’interpela plus directement, en lui demandant si elle avait entendu parler de cet ornithologue qui avait apprit à voler à une couvée d’oie en leur montrant la voie avec son Deltaplane. Elle n’était pas sure qu’ils parlaient du même, vu qu’il lui semblait qu’après lui, d’autres avait tenté l’expérience, mais elle voyait le principe. Elle hocha la tête, sans chercher à disserter, ni à le couper dans sa lancée. Elle ne put se retenir de sourire lorsqu’il lui raconta sa valse avec un aigle. Elle imaginait assez bien la scène, qu’elle trouvait élégante.

« ça a dû être une expérience fabuleuse. » lui répondit-elle avec une pointe d’admiration dans la voix.

Peu à peu, le Diner se remplissait. Les heures creuses de l’après-midi laissant la place à l’heure de pointe de la sortie des bureaux avoisinants. Plus de monde, plus de bruit, les gens qui se bousculait au comptoir, qui heurtaient leur table en ce croisant dans le passage, le brouhaha des conversations. Une migraine dont elle était coutumière pointa le bout de son nez derrière ses yeux. Elle savait les reconnaître au premier frémissement, et savait qu’il valait mieux ne pas les laisser prendre trop leurs aises au risque de les voir s’installer pour plusieurs heures ou plusieurs jours douloureux. Elle serra un peu les dents. Elle n’avait pas besoin de ça en ce moment.

Elle attrapa au vol une serveuse, qui n’était pas Abby, et qui vu sa fraîcheur apparente et son entrain devait juste commencer son service, passant à coté de leur table avec une cafetière à moitié pleine pour faire remplir son verre, cherchant au fond de son sac un comprimé pendant que la nouvelle jeune femme s’exécutait avec une lenteur suspecte en lançant des regard discrets à Sam. Malgré son inconfort, Lys sourit, amusée.

« Décidément, tu es un vrai tombeur. » le taquina-t-elle en avalant l’anti-migraineux avec son café pour faire glisser. Puis, elle poussa un soupir, et lui offrit un petit sourire désolée. Elle se connaissait, quand la fatigue et la douleur s’en mêlait, elle pouvait devenir peste, perdre sa patience et son sens de la diplomatie, devenir acerbe et cassante, voir carrément vexante. Elle préférait autant que faire se peut, éviter ce genre de situation, surtout avec quelqu’un qu’elle trouvait vraiment sympa qu’elle aurait été désolée de vexer.

« Je suis désolée. Crois bien que j’ai passé un excellent moment en ta compagnie, mais…. » elle fit un mouvement de main pour désigner le monde qui les entourait « Un peu trop de monde, un peu trop de bruit, début de migraine et fatigue, je crois qu’il vaut mieux que je regagne mes pénates avant de devenir de mauvaise compagnie. » Expliqua-t-elle tout en cherchant un papier et un stylo au fond de son sac. « Envoie moi un texto, comme ça j’aurais aussi ton numéro. » demanda-t-elle d’un ton un peu plus directif qu’elle ne l’aurait voulu en notant le sien d’une écriture nerveuse sur le papier. Elle releva les yeux et lui offrit une moue désolée en lui tendant le post-it. « Enfin, si tu es d’accord pour me le donner bien sur. » Puis elle ramassa son sac et se leva avant de le prendre dans ses bras pour une franche accolade. « N’hésite pas à m’appeler si tu cherches quelqu’un pour aller boire un verre quelque part ou faire une balade dans le parc » dit-elle en se relevant « Où si tu as besoin d’une infirmière, mais ça serait une assez mauvaise nouvelle. » Conclut-elle avec un sourire et un clin d’oeil avant de sortir de l’établissement.