[Terminé]Un verre au bord du lac

Les yeux perdus dans le vide devant son casier ouvert, Azilys repensait à Sam, à leur rencontre et à l’audace dont elle avait fait preuve, et qui lui rappelait une autre rencontre, moins d’un an plus tôt. Elle n’avait plus repensé à sa rencontre avec Clint Barton depuis des mois. Il faut dire que pas mal d’eau avait coulé sous les ponts depuis. Elle sourit en repensant à son attitude à se moment là, au T-shirt qu’elle lui avait prêté et qui lui avait servit de prétexte pour lui arracher un rendez-vous après son service. Elle secoua la tête, finissant de ranger sa blouse dans son casier et de mettre la dernière touche à sa toilette de civile. Elle avait l’impression que cet évènement avait eu lieu des siècles plus tôt, pourtant elle en gardait un souvenir vaguement humiliant. Il avait vraiment du la prendre pour une allumeuse, et elle devait reconnaître qu’il n’avait pas forcément tord.

Un souvenir plus drôle lui revint. Un raton-laveur cavalant dans l’allée devant le banc où ils étaient installés, portant dans ses bras un rat vêtu d’une robe de bal. Curieusement, elle ne s’en était pas rappelé quand elle avait récupéré Rocket dans le fossé quelques semaines plus tôt. Ceci étant dit, même si le souvenir lui était revenu, elle n’aurait probablement pas eu l’audace de lui en parler. Le pauvre, il déjà tellement malheureux de s’être trouvé dans cet état dans sa baignoire, ça aurait été vraiment déplacé de sa part de lui avouer qu’elle avait été témoin de cette scène.

D’habitude, elle se changeait assez vite et ne traînait pas après son service, c’était le meilleur moyens de se faire coincer pour enquiller un second service pour remplacer quelqu’un au pied levé. Mais là, elle aurai presque souhaité avoir cette bonne excuse pour planter un lapin à Sam.

Finalement, elle se secoua. Après tout, si elle lui avait proposé de le revoir, c’est parce qu’elle en avait eu envie, en tout bien tout honneur. Elle s’était sentie à l’aise avec lui, l’impression que malgré leurs différences, ils se comprenaient.

Elle claqua la porte de son casier et quitta l’hôpital, resserrant son manteau autour d’elle. Même si la journée était clémente pour la saison, laissant un pâle soleil briller sur la ville, l’hiver marquait son territoire en giflant les piétons d’un vent glacial.

Juste avant d’entrer dans le parc, elle s’arrêta à un stand pour acheter un chocolat chaud et un cornet de marrons grillés. Savourant la chaleur des emballage qui réchauffaient ses doigts, elle prit la direction du lac. Elle n’avait pas précisé d’endroit particulier, mais elle se doutait que Sam, s’il venait, ne l’attendrait pas de l’autre coté de l’étendu d’eau.

Après une courbe de l’allée, elle l’aperçu et ralentit ses pas, jusqu’à s’immobiliser. A nouveau le doute l’assaillait, ou plutôt une certitude. La certitude qu’elle allait se mettre dans une situations plus que délicate. Quelle idée de vouloir faire ami-ami avec un Avenger, l’héritier de Capitain América, quand on était la compagne de celui qui avait fait exploser leur fragile unité tout en faisant exploser les Nations Unis ? Quand Helmut l’apprendrait, il serait furieux, ou pire, ne le serait pas. Et Sam ? Que penserait-il ? Comment pourrait-il ne pas voir dans sa démarche une ruse ? Comment pourrait-il penser que malgré les inclinaisons de son cœur, elle ne cautionnait pas les actions de Zemo ?

Elle tourna les talons. Et se retrouva, sans savoir comment, près du banc où le jeune homme attendait en sirotant une boisson chaude tout en admirant le paysage. Après tout, elle avait fait la connaissance, sans l’avoir voulu, d’agents du SHIELD, de sorciers, d’Avengers, d’anciens dieux. Au moins, là c’était elle qui avait choisit de le revoir.

« Un marron ? » demanda-t-elle en lui tendant le cornet, tout en s’asseyant à coté de lui.

Sam piocha une châtaigne grillée dans le cornet en la remerciant. S’en suivit quelques instant de silence vaguement gênant. De ses silences qui s’installent entre deux personnes qui se demandent se qu’elles font là, qui se disent qu’elles n’auraient peut être pas du venir. Elle sentait le regard de Sam sur elle, il était en train de se dire qu’elle était jolie. Elle espérait qu’il ne s’était pas fait des idées et qu’il ne serait pas déçu quand ils se quitteraient bon amis, ou pas.

A une certaine époque elle ne se posait pas de question. Quand elle lançait ou acceptait une invitation c’était parce qu’elle même avait une idée derrière la tête. Il lui était arrivé quelque fois de se retrouver face à une personne qui n’avait pas vu la malice, mais c’était plutôt rare. Elle se sentait un peu embarrassée tout à coup. Pour se donner une contenance, elle piocha une nouvelle châtaigne, la faisant sauter d’une main à l’autre pour ne pas se brûler le bout des doigts tout en la décortiquant avant de souffler dessus.

Elle se demandait si elle devait dire quelque chose, peut être mettre les choses au clair, préciser qu’il y avait quelqu’un dans sa vie, pour qu’il ne se fasse pas d’idées, et qu’il puisse décider de rester ou de partir en toute connaissance de causes. C’était une situation qui lui était définitivement très inhabituelle et très inconfortable.

Finalement, se fut lui rompit le silence. Elle eut un petit sourire. Serai-il déçu s’il savait ce qu’elle était, s’il qui elle était ? Serait-il capable de voir sa personnalité propre ou juste ce que tout le monde imaginait de la part d’une femme capable d’aimer ce qu’ils appelaient un monstre. Elle espérait qu’elle n’aurait jamais à le savoir.

« J’avoue que je n’étais pas sure de le faire non plus. » dit-elle « Moi aussi il y a longtemps que je ne suis pas sortie. Depuis quelques mois, j’avoue que je me suis un peu renfermée. » Elle baissa les yeux sur le cornet entre ses doigts. « Il faut dire que les deux dernières fois où j’ai eu envie de sortir et de faire la fête, ça s’est un peu mal terminée. Du coup, maintenant, je… » Elle s’interrompit un instant et déglutit avec l’impression qu’une main invisiblement lui serrait la trachée de l’intérieur avant de reprendre. « A l’époque je sortais beaucoup, j’avais beaucoup de connaissances et de relations, à défaut de vrais amis. Mais c’était avant. » Elle haussa les épaules comme pour dire que ce n’était pas bien grave, même si le geste sonnait plus comme celui de quelqu’un de désabusé.

Elle secoua la tête, et décida de partir sur quelque chose de plus drôle.

« Au printemps dernier, j’ai rencontré un de vos collègues. » Commença-t-elle avec un petit sourire amusé. « Lui aussi a accepté de boire un café avec moi à Central Park. Nous étions assis sur un bac un peu plus loin là-bas » expliqua-t-elle en désignant une allée latérale « Nous avons été témoins d’une scène particulièrement drôle. » Elle tourna un visage éclairé d’un sourire amusé. « Imaginez un peu. Nous étions là, à discuter tranquillement lorsque nous avons vu passer un raton-laveur portant dans ses bras un espèce de rat en robe de bal. » Elle pouffa de rire à ce souvenir avant de reprendre « Et je vous promet, nous n’avions rien bu ni rien fumé. »

Elle rit lorsqu’il lui avoua avoir pensé à Rocket, mais qu’il l’imaginait assez mal dans ce genre de situation, avant de lui faire part de sa curiosité concernant l’Avenger qu’elle avait rencontré ce jour-là. Elle eu un petit sourire triste en y repensant. Clairement, Barton l’avait prise pour une allumeuse. A cette époque-là, elle n’hésitait pas à se montrer un peu entreprenante. Elle aimait bien jouer de son charme sur les messieurs, même si certains le prenait assez mal.

Tout en grignotant un marron, elle sourit en repensant à la scène qui les avait tout les deux figés sur le banc, et à leur incrédulité. Heureusement qu’il lui avait confirmé avoir bien vu la même chose qu’elle, sinon, elle aurait parfaitement pu penser qu’elle était victime d’hallucinations.

« Et bien, si, justement. C’était bien Rocket » répondit-elle en riant à nouveau. « J’avoue que je ne l’avais pas reconnu. Il faut dire aussi qu’à l’époque je ne l’avais jamais vu que dans les journaux, alors voilà, et que ce n’était pas du tout le genre de personnage que j’aurais imaginé voir ici, surtout dans cette situation » Elle sourit à nouveau. Bon, entre-temps, elle l’avait vu dans une situation bien plus embarrassante, mais bien moins drôle. Mais ça, elle le gardait pour elle. Rocket ne s’était probablement pas vanté de sa rencontre avec la rouquine, et encore moins des circonstances.

« J’étais avec Monsieur Barton. C’est lui qui l’a reconnu. Si j’avais été seule, j’aurais probablement pensé que j’étais en train de faire une crise psychotique. » Conclut-elle en rigolant. Avant de se tourner vers son voisin de banc. « Et vous alors, Monsieur Wilson. Comment va se bras finalement ? »

« Oui, bien sûr. » répondit-elle avec un sourire joyeux en tendant le cornet de marrons vers Sam avant de reprendre.

« Oh, on ne peut pas dire que je connaisse Clint. Je ne l’ai rencontré que cette fois là. Il avait accompagné un jeune homme qui s’était fait agressé dans la rue. Nous nous sommes revus plus tard pour que je lui rende les effets personnels qu’il avait laissé à l’hôpital en repartant. » répondit-elle en haussant un peu les épaules. « C’était le hasard, je ne vois pas passer tout les patients de l’hôpital. »

Elle resta pensive un instant. Il était vrai que par rapport à la majorité de la population, elle avait eu l’occasion de rencontrer pas mal de monde, dans les deux camps. Strange et Loki restant les visites qui l’avaient le plus marquée. Ce n’était pas tout les jours, dieu merci, qu’un étranger se matérialisait dans votre salon. Mais, ce n’était pas le genre de rencontre qu’elle envisageait de relater à Sam.

Même si elle se sentait bien en sa présence, qu’au fond d’elle, son instinct lui disait que c’était quelqu’un de fiable, ou plutôt, justement parce qu’au fond d’elle même elle savait que c’était quelqu’un de fiable, elle n’avait pas très envie de l’informer de ses fréquentations peu recommandables.

« Oui, ce genre de blessure prend parfois un peu de temps pour se rétablir complètement. » Dit-elle en hochant la tête. « Je ne suis pas médecin, mais en temps qu’infirmière, je vois passer les gens, je vois leur évolution. » Elle baissa un peu les yeux avant de reprendre « Et puis, j’avoue, à une période sombre de notre histoire récente, il m’est arrivé d’outrepasser un peu mes fonctions. Parfois, dans certains dispensaires, faute de médecin, une infirmière c’était mieux que rien. » confia-t-elle.

Elle pris une gorgé de sa boisson qui avait tiédi avant de tourner vers son compagnon de banc un visage à l’expression malicieuse et curieuse.

« C’est comment ? » demanda-t-elle, avant de se reprendre « Je veux dire voler, comme un oiseau, c’est comment ? »

Sam répondit à sa question en mâchouillant son marron. Elle trouva sa réponse un peu triste. Il avait perdu l’enchantement des premières fois, remplacé, avec l’habitude, par des considérations pratiques, et les responsabilité professionnelle. Finalement, pour lui, le fait de voler était devenu un moyen de transport comme les autres. Il volait pour rejoindre pour faire son taf, comme d’autres prenaient le métro ou leur voiture. L’habitude et la routine usaient tout, même les choses les plus extraordinaires.

Finalement, c’était comme en amour. Même les passions les plus brûlantes n’y résistaient pas, s’usant inexorablement au contact du quotidien et de ses contingences matérielles. Elle baissa un peu les yeux et pinça les lèvres en réalisant que, pourtant, elle aimerait bien pouvoir goûter un peu à cette tranquille fadeur avec son insaisissable compagnon. Elle devait bien reconnaître que la passion pouvait être épuisante.

Le ton de la voix de Sam lui demandant pourquoi elle lui posait cette question la sorti de ses rêveries. Elle haussa les épaules d’un air désinvolte.

« Simple curiosité. » répondit-elle en prenant un marron.