La scène qui se jouait sous mes yeux étaient assez impressionnantes et à ne rien y comprendre. Rapidement, Stephen se plaça à mes côtés, mais j’ignorai si c’était pour me protéger ou pour m’empêcher d’aller lui rentrer dans le lard. Remarque des deux possibilités découlaient de la protection dans un sens s’en était presque mignon. Mais je n’étais pas le genre à me laisser amadouer par ce genre de chose.
Menteuse.
Stupide conscience.
Ce à quoi j’assistais, me laissais sans un mot. Un geste de ta part, puis tout change, tu parles seul, et tu t’adresse à quelque chose que visiblement seul toi vois. Je ne fais pas de remarque concernant les formes des métamorphes. Mais je comprends que tu as une petite rancœur envers eux. Et encore j’ignore que ton amour pour les télépathes dépasse celui des métamorphes.
J’assiste impuissante à une scène qui se déroule sous mes yeux dans l’invisible. Je reste muette, et sourde aux quelconque de la chose qui se trouve dans la pièce. J’observe en silence, mes yeux passant du sorcier suprême, dont, je crois que je ne mesure pas bien la puissance, puis vers l’autre créature de la pièce.
Mes lèvres se pressent lorsque tu reviens enfin vers moi, me suggérant de manière à me faire comprendre que je n’avais pas trop le choix, de partir de la pièce pour te laisser faire ce que tu avais à faire. Mes yeux se plissent alors que j’entrouvre les lèvres mais j’abandonne ma réponse en cours de route. Ce n’est pas le moment de jouer les provocatrices Raven pas maintenant. Ce moment tu semblais l’attendre, tu étais venu à Hawaï pour cela d’ailleurs. Je n’allais t’en priver sous prétexte que je n’appréciais pas de jouer la femme soumise, obéissante qui devait aller se préparer et se faire belle pendant que l’homme gérait les problèmes.
Soit belle et tais toi.
J’hochais lentement la tête sans répondre, quelques pas en arrière je saisissais ma valise, la prenant contre moi pour aller m’enfermer dans la salle de bain. A peine à l’intérieur, je glissais le loquet pour m’y enfermer, sachant très bien que de toute façon tu trouverais une manière de rentrer. C’était juste pour te montrer que je n’irai pas entrouvrir la porte pour t’observer en plein conseil de … guerre ? diplomatique ? Je ne comprenais pas vraiment tout mais peut importait.
La douche allumée, je mutais pour être nue, et allais me glisser en dessous, histoire de retirer le sel de ma peau. Je réfléchissais à ce que j’avais dans ma valise, a ce que je pourrais mettre, mais je n’arrivais pas à me concentrer, mon esprit allait sans cesse vers toi….
"Have you ever looked at a tiger and thought you ought to cover it up? You are an exquisite creature, Raven. All your life the world has tried to tame you. It’s time for you to be free."
Tes yeux se plissent alors que tu entrouvres les lèvres puis tu abandonnes ta réplique. Merci de me simplifier la vie, Raven. Tu hoches la tête et je t’imite. Tu récupères ta valise pour sortir de la pièce et je me détourne pour refaire face à l’esprit désincarné.
Je plisse les yeux et le fixe, immobile et silencieux au point d’entendre le bruit de la douche, en attendant qu’il se calme.
Il ne le fait pas.
Cela m’agace rapidement alors j’augmente la pression : un nouveau portail de téléportation, vers le sommet du volcan, puis une projection de brume lumineuse de soulever le corps inconscient. Le choix n’est pas mien et la Kupua a intérêt de se rappeler que les volcans passent plus de temps endormis qu’actifs.
L’esprit désincarné finit par admettre sa défaite. Sa seconde défaite, techniquement, mais je m’abstiens de le dire pour ne pas devoir recommencer tout cela.
« Je ne vous demande pas votre parole, dis-je simplement, blasé. Nous avons un marché et, si vous n’en tenez pas votre part, je n’en ferais pas de même. »
J’ai réussi à obtenir un marché de Dormammu, ce n’est pas une Kupua qui m’impressionnera ou m’arnaquera sur ce point. Effectivement, il est fort probable que je ne suis pas la réutiliser désormais que j’ai dévoilé la projection astrale : l’autre ne me laissera plus approcher suffisamment. J’ai d’autres capacités en réserve. D’un geste de mains, je ramène l’esprit dans le corps et considère celui-ci une fois qu’il a repris conscience.
« A toute à l’heure, déclare-je avec une fausse amabilité en désignant d’une main couturée de cicatrices le portail étincelants, je suppose. »
Le portail se referme après la créature et j’ai le temps de souffler un peu. Je me retourne vers la porte, fermée, et tâche de me rappeler que je ne suis pas au Sanctum de New York : les portes closes doivent avoir une valeur ici. Chez moi aussi elles en ont une, à titre indicatif. Respectons-le.
Puisqu’une écoute silencieuse permet de savoir que l’eau coule toujours, j’en reviens à mon éternelle posture de canalisation d’un portail. Les étincelles s’écartent sur ma chambre, à New York, et je franchis le pas. Les étincelles se referment derrière moi.
La douche est rapide et le choix de la tenue encore plus, ainsi me faut-il peut être dix ou douze minutes pour revenir à Hawaï sur ce qui va être la dernière partie de cette journée.
S’il fallait résumer les choses en un concept, il s’agirait de "trop habillé". C’est vite fait, considérant l’implication de la convocation, mais c’est probablement inadéquat. Ayant été abonné à l’inadéquat tout l’après-midi, c’est donc plutôt cohérent.
Chaussures de ville. Oui. Pantalon de toile noir. Oui. Chemise blanche. Oui. Cravate. Oui. Gilet. Oui. Veston. Oui. Mouchoir… la Cape, ici !
Apprêté comme à un mariage, qui ne serait évidemment pas le mien, je reviens vers toi pour le restaurant qui conclura notre journée ensemble. Une part de ce qui s’y est passé est limpide, pour moi : j’ai tâché de bosser. L’autre moitié, en revanche, me semble obscure. Que s’est-il passé entre nous, Raven ?
Le sais-tu seulement ou es-tu ignorante également ?
Mon temps passé sous la douche est relativement court. Relativement je dis bien car tout dépend du point de vue. Et de mon côté je n’arrive pas vraiment à me concentrer. J’hésite entre réfléchir à ce que je pourrais mettre pour après, ou bien ne pas m’embêter avec cela, car il y a de très fortes chances que tu ne sois plus là lorsque j’ouvrirais cette fichue porte de salle de bain dans laquelle tu m’as sommé de disparaitre.
Oh dieu que je détestais les ordres. Et pourtant je n’avais pas vraiment le choix. Il fallait que je sois docile et obéissante même si cela me coutait prodigieusement. J’ignorai tout de ce qui pouvait se passer derrière la porte, et ma légendaire curiosité devait faire preuve de grand self contrôle pour ne pas se laisser emporter.
Tachant de ne pas trop y penser, bien que cela fut impossible, mon corps et mes cheveux furent débarrassés de l’odeur de sel pour laisser place à une touche suave de vanille, une des odeurs que je préférais au monde.
D’un coup de main, je retirais la buée du miroir pour m’observer. Je fis relativement rapidement sécher mes cheveux, et je leur ajoutais un peu de longueur pour me retrouver avec une crinière blonde d’un côté. Maquillage j’optais pour une coloration nude de mes lèvres et juste une extension de cils, le tout made in Raven. J’ajoutais à tout cela, des vraies, cette fois ci, boucle d’oreilles pendantes avec une énorme pierre précieuse, un saphir vert du Sri-Lanka, entouré par de l’or blanc et des petits saphirs blancs. Je n’achetais pas souvent de bijoux, et d’ailleurs je n’avais rien dépensé pour ceux-là. C’était … un cadeau que l’on m’avait fait.
Quant à la tenue. Je sortis plusieurs robes de ma valise, hésitant longuement. Il aurait fallut être stupide pour ne pas voir que visiblement tu appréciais les poitrines féminines. J’avais quelques robes qui laissait apparaitre généreusement mes seins mais, j’optais pour un autre modèle, noir, qui jouait sur la transparence du tissu , les épaules dénudées, parsemées de grains de beauté.
Une fois satisfaite de ma tenue, je passais des chaussures à talons ouvertes avec quatre sangles partant de mes orteils à un peu plus haut que mes chevilles. Regard rapide dans le miroir. Ca allait. J’étais même jolie. Le côté rebondie de mon ventre était presque invisible grâce à la transparence et la légèreté du tissu. Je mutais pour faire apparaitre une reproduction identique, sans pouvoirs magiques, de la fameuse bague du sorcier surpeme, puis sortais de la salle de bain.
Vide. La chambre était vide.
Mes yeux se ferment un instant alors que je lâche un soupir. Tu avais certainement du aller vaincre le mal ou je ne sais quoi d’autres encore ailleurs. Je le savais, je m’y attendais. Un petit haussement d’épaule en soupirant à nouveau, je retournais dans la salle de bain. J’ hésitais à me changer. Non. Tant pis. J’irai seule. Après tout j’étais venue seule en vacances. La solitude était ma compagne depuis toujours, j’en avais l’habitude. Et c’était elle que j’étais venue retrouver sur cette île après tout.
La valise dans les bras, je sortais de la salle de bain pour prendre enfin le temps de la vider et de déposer toutes mes affaires là où elles devraient être que, je te vis, debout, dans ma chambre. D’une élégance sans nom. Cela changeait de ta tenue d’Adam, ou du fameux maillot de bain avec des Phoenix. La surprise se lu sur mon visage, aussi bien par ta tenue que par ta présence. Je redoutais d’un coup de ne pas être assez bien habillée pour t’accompagner. On aurait dit que tu étais le témoin d’un mariage, voir même le marié lui-même.
- Stephen … Tu es très élégant.
Dis-je en posant ma valise sur un des fauteuils de ma suite, alors que je me rapprochais de toi, posant une main sur ton bras, pour venir déposer un petit baiser sur ta joue. Comme l’aurait fait, je suppose, toute fille de ce monde, relativement bien éduquée.
"Have you ever looked at a tiger and thought you ought to cover it up? You are an exquisite creature, Raven. All your life the world has tried to tame you. It’s time for you to be free."
Je t’interromps alors que tu vides ta valise. Soit, je suis en retard. D’un autre côté, je suis coiffé. Rareté s’il en est, d’autant que je ne parviens pas à le faire correctement avec mes mains en général. De ton côté, tes cheveux sont plus longs. Ta robe est faite de lanières entrelacées, toutes noires et couvrant plus ou moins le tulle qui les relie entre elles. Avec les petites fioritures au niveau de tes épaules et celles de la jupe, je me dis que tu ressembles à un bonbon. Et que je ne vais certainement pas le dire à l’oral considérant le sous-entendu que cela accompagne. Plutôt que d’en rester à cette pensée, d’ailleurs, je me permets… je me concentre sur… un doute quant à ton arrivée ou ton départ. Es-tu arrivée aujourd’hui que ta valise soit encore faite ? Ou l’as-tu refaite suite à mon départ ? La signification serait grandement différente.
Quelle qu’elle soit, elle est hors de portée. Tout comme ton doute. Que se passe-t-il dans ta tête, Raven ? Pourquoi cette soudaine… crainte ?
« Stephen, commences-tu avant que ta voix ne reste en suspens, me laissant envisager de te répondre "oui ?". Tu es très élégant.
- Et totalement en hors sujet pour un diner en restaurant de bord de mer, ajoute-je avec une autodérision sarcastique mais pas ironique. De ton côté, tu es charmante et dans le sujet. Sont-ce deux couleurs de cheveux différentes ? »
C’est une vraie question. Les différents blonds et le châtain clair n’ont jamais été une grande évidence pour moi, au point que j’ai considéré l’une des Novices de Kamar-Taj à qui j’ai fait appel pour prodiguer les premiers soins au Phénix comme châtain foncée alors qu’elle serait brune. Les cheveux noirs, c’est plus simple. Roux aussi.
Délestée de ta valise, c’est vers moi que tu viens.
Une main sur mon bras, que je regarde. Un baiser sur ma joue, que je ressens.
Cela me surprend d’abord mais je me permets un petit sourire lorsque tu cesses d’être sur la pointe des pieds et que je tourne mon visage vers le tien. Est-ce que ne faire aucun commentaire est un commentaire en soit ? Surement. Néanmoins, je me contente de te regarder en silence avec les sourcils relevés et le petit sourire. Tout me semble dit.
Après plusieurs secondes de ce dialogue silencieux, je m’écarte pour m’en aller t’ouvrir la porte. Je n’ai pas oublié ta préférence pour la marche à la téléportation et je la respecte. C’est avec cette prise de recul que je remarque un nouveau détail qui m’a échappé : l’Anneau de Téléportation. Nouvelle surprise, puisque je suis absolument sûr d’avoir le mien avec moi du fait de ses utilisations précédentes, puis je suppose qu’il s’agit d’une imitation. Impressionnante, d’ailleurs. Un compliment que je ne fais pas garder pour moi. Je te tends une main de manière à accueillir la tienne dans sa paume et à pouvoir détailler l’artefact dont tu ignores probablement beaucoup de choses.
« J’ignore ce qui m’impressionne le plus, avoue-je sans peine, restant figé sur la double bague. La qualité de l’imitation ou le fait que tu sois parvenue à la faire après une ou deux observations. »
Je ne suis pas certain qu’il pourrait avoir le même effet canalisateur qu’un véritable Anneau de Téléportation mais je suis curieux. Cependant, je m’abstiens d’exprimer cette curiosité actuellement. Le moins de magie possible, à défaut qu’il n’y en ait pas du tout. Relâchant ta main afin de pouvoir fermer ta porte, je réalise que je n’ai même pas songé à mettre de gants. Je ne cache pas mes cicatrices. Je ne pense pas à cacher mes cicatrices.
Porte close voire verrouillée, nous nous retrouvons tous les deux dans le couloir de l’hôtel. Tant de portes sur cet axe du temps. Tant de possibilités dont on ne connaitra qu’une unique. Me plaçant à ton côté, je te tends le bras pour que tu puisses le crocheter. Puis j’avance en ta compagnie. Ce qui est mieux, sachant que je ne suis pas certain d’où on va.
Arrivés au restaurant et à la table, je me permets de te tenir la chaise pour que tu t’assois et de te la pousser pour que tu t’installes. C’est bientôt la fin, je le sais, et je ne précipite pas les choses. Sauf une.
Lorsque je suis assis à mon tour, avancé sur mon siège et ayant commandé notre premier et dernier repas, je prends une inspiration.
« Raven, je dois t’avouer que si je pense savoir ce qui s’est passé aujourd’hui, je m’interroge sur demain. »
Je parle gravement mais je parle doucement également. Je suis en paix avec ce qui est arrivé, pour ne pas dire que je suis légèrement enjoué et pleinement reconnaissant d’avoir pu m’ouvrir à toi, tout comme je suis en paix avec ce qui peut arriver et ce qui n’arrivera pas. Ne sachant pas réellement ce que je veux, je n’ai pas de préférence assumée. Cependant, je souhaite savoir ce qu’il en est de ton côté.
« Nous sommes deux personnes émotionnellement, disons, chaotiques dans leurs vies, suppose-je sans mal, considérant que je me connais et que tu es une femme enceinte seule qui a couché avec un quasi-inconnu. Restent à savoir ce que nous sommes l’un pour l’autre. Ce que nous aimerions être. »
Je te regarde avec tranquillité et je parle avec douceur. Je m’attends à ce que tu ne saches pas plus que moi et à ce qu’on s’en retourne. Je m’attends à ce que tu ne saches pas plus que moi et qu’on se revoit. Je m’attends à ce que tu saches et que se soit blessant. Je m’attends à ce que tu saches et que ce soit réjouissant. Je m’attends à tant de choses que s’en devient inutile. Ai-je une crainte par rapport à ta réponse ? Oui. C’est l’un des moments où j’aimerait encore posséder la Pierre du Temps, pour pouvoir tout recommencer si l’issue ne me plaie pas. Cependant, je suis également heureux de ne pas l’avoir : cette décision est nôtre et la négation est prioritaire. Il n’y a pas de bonne réponse.
Il y a ta réponse. Il y a la mienne. La mienne est floue. Quid de la tienne ?
« Où en es-tu, Raven, et où souhaites-tu aller ? »
Dis-je tout simplement alors que je glissais une main dans mes cheveux pour voir la couleur que je leur avait fait prendre avec un petit sourire amusé au bout des lèvres.
- Ce sont des reflets, de différentes nuances de blonds, plus ou moins clairs. C’est comme ça que mes cheveux étaient lorsque j’étais petite, avant que … Mon gène mutant ne s’active.
J’haussais les épaules en pinçant mes lèvres, j’avais encore une image de moi petite dans la tête, même si elle s’effaçait surement un peu plus chaque année. Je refusais de trop penser à cette époque. Cela me blessait beaucoup trop. En théorie le gène X ne s’active que lors de l’adolescence ou d’un évènement traumatisant, le mien avait juste pris quelques années d’avance, signant la fin de mon enfance un peu trop prématurément.
- J’ai juste un très bon sens de l’observation. Disons que je maitrise l’art de la copie depuis de nombreuses années.
Ma main, saisie, je la laisse libre dans la tienne pour que tu regardes comme tu le désires l’imitation de ta bague, qui semble visiblement t’impressionner, ce qui me flatte légèrement. Tu sembles avoir oublié que je l’ai porté un moment, et eu en main, ce qui m’a laissé le temps discrètement de l’analyser et d’en saisir les moindres aspects. Le souvenir étant frais dans ma tête cela n’en était que plus facile. Ma langue se tire là peine pour t’indiquer avec malice que tu n’es pas le seul à pouvoir faire une sorte de … magie avec tes mains. Bien que ma reproduction soit totalement dépourvue de magie, du moins, je ne me pose même pas la question.
Puis, nous marchons tranquillement jusqu’au restaurant de l’hôtel. Le long des lattes de mon bungalow privatif face à la mer, puis dans le couloir pour nous rendre au restaurant. Tu as tout de même de la chance, je suis dans un hôtel luxueux, et personne ne s’offusque vraiment de voir quelqu’un en costume.
Mon bras abandonne le tient et je m’installe à ma chaise en te remerciant pour ce geste de galanterie auquel je ne m’attendais guère.
Rapidement un serveur vient prendre nos commandes, et je te sens te tendre sur ta chaise. Mes sourcils se froncent alors que je ne comprends pas vraiment ce qu’il t’arrive, mais bien vite, mes doutes s’éclaircissent. Je sais de quoi tu vas parler. Et le fait que tu abordes le sujet m’étonne. C’était toi qui avait donné les règles du jeu. Je n’avais fait qu’accepter ces dernières pour jouer.
- 24h00. Tu nous avais donné 24h Stephen. J’essaye de profiter au maximum de ce temps qui nous ai donné car je sais qu’après tu devras retourner sauver le monde.
Ta voix est grave, et je sens que l’instant aussi, je dois peser mes mots. Car je sais qu’ils ont la même importance pour toi que pour moi, et que certainement à ce que l’expression célèbre affirme, « Les écrits restent, les paroles s’envolent. » nous étions dorénavant dans une ère ou l’inverse était tout aussi vrai et important. Du moins de mon point de vue.
Personne chaotique dans leurs vies, je grimace tristement même si je sais pertinemment que c’est tout à fait vrai. Enceinte, j’avais couché avec toi dans l’océan alors que je ne te connaissais pas vraiment. Une de mes mains se porte à ma boucle d’oreilles, que je tripote un instant avant de te répondre espérant que ma réponse ne te blesserait pas.
- Je … Je suis à la dérive. Dans une phase où je n’ose plus affronter mon propre regard sur moi-même car la situation dans laquelle je suis….
Discrètement, je pointe mon ventre arrondi, avec une petite grimace.
- Est complexe. Et ces dernières heures que nous avons passé ensemble, m’ont tellement fait du bien Stephen. Tu n’imagines pas à quel point. Tu m’as aimé comme je suis réellement. Bleue, aux yeux jaunes et aux cheveux rouges, la peau couverte par endroit d’écailles. Avant toi …
Je me tais subitement alors que le serveur vient déposer sur nos tables en nous représentant les différents plats que nous avions commandé ainsi que nos boissons, je le remercie d’un petit sourire, alors que j’attends qu’il s’éloigne pour reprendre la parole.
- Avant toi, j’avais seulement connu un seul homme avec qui j’étais bleue dans les années 60. Je n’avais pas peur de ton regard, ni de ce que tu pouvais penser, car tu t’es aussi mis à nu devant moi, alors que nous ne nous connaissions pas. Nous ne savions presque rien l’un sur l’autre. Et c’est … ce … ce lien soudain et impensable qui fait que je ne me suis pas sentie vulnérable dans tes bras. Alors merci pour ce moment de paix que tu m’as accordé. Pour ce temps que tu m’accordes en ce moment.
Mes yeux virent aux jaunes, seulement la prunelle, que je viens poser dans les tiennes comme si j’y cherchais des réponses. Mon cœur me dicterait de prendre ta main, mais je ne le fais pas, craignant que ce geste ne te plaise pas, je laisse la mienne sur la table.
"Have you ever looked at a tiger and thought you ought to cover it up? You are an exquisite creature, Raven. All your life the world has tried to tame you. It’s time for you to be free."
Des reflets, différentes nuances de blonds. Les nuances d’un passé précédant l’apparition de ta mutation. Je pince les lèvres. Je t’aurais pensée née ainsi, même si cela aurait effectivement réduit tes chances de survie. Que tu ais été sous une apparence "humaine" puis ais changé, sans doute suite à un trauma, a doublé la blessure. Je ne sais pas quoi dire autre que ce pincement de lèvres désolé. J’acquiesce simplement. Sobrement. Sombrement. Si j’imagine sans peine, ou plutôt avec peine, le rejet que ta forme bleue a dû causer… je n’ai aucune idée de ce qui l’a amenée à apparaitre. Néanmoins, tu as été rejetée lorsque tu avais le plus besoin de soutien.
Hausse les épaules, Raven. Pince les lèvres toi aussi.
Je récupère ta main. Je récupère ton attention. Cette seconde accompagne la mienne dans un regard à la première et tu m’expliques. Un très bon sens de l’observation ? Je soulève des sourcils entendus et te regarde avec ce même air. Une nouvelle curiosité te concernant : jusqu’où s’étend ta mémoire ? Serais-tu apte à enregistrer les souvenirs à mon instar ? Cela serait moins impressionnant que l’imitation mais apprécié tout de même. La mémoire eidétique est un talent rare. Précieux également. Inutile de te le demander pour l’instant. Tu me tires la langue et cela me laisse plus dubitatif. Je te regarde avec les sourcils relevés jusqu’à ce que tu sois satisfaite de toi, tâchant de ne pas montrer ma propre satisfaction au fait que tu ais des idées plus positives que précédemment. Lorsque tu es prête, nous y allons.
Suis-je perdu dans le complexe de plages et d’hôtel ? Légèrement. J’espère juste que cela ne se voit pas. Il faut dire que marcher au lieu de se téléporter, c’est tout de même le meilleur moyen de se perdre sur le chemin.
Grâce à toi, nous arrivons à bon port dans l’espace. C’est donc à moi qu’il nous revient de le faire dans le temps.
Tu sais que je vais encore être rabat-joie. Je suis prévisible sur ce point. Tout comme je sais que si j’hésite trop longtemps, tu vas avoir peur. Je ne le fais pas. Notre entente silencieuse t’atteint néanmoins.
24h… non, je n’avais pas donné 24h. J’avais donné une journée. Elle se termine. Ceci est la dernière scène. J’y fais face par choix. Tu y fais face par courage. Je comprends que tu aimerais gagner du temps mais ce n’est pas possible.
Te voir grimacer me déplait mais je l’accepte. Tout comme mes mots te déplaisent mais tu les acceptes. Tu en reconnais la vérité. Elle t’amène à toucher les bijoux que tu portes et j’en déduis leur implication dans une précédente relation. Un précédent amour. Sans doute un précédent abandon.
Tu es à la dérive, Raven. Je reste immobile en t’observant. En t’écoutant. Tu es dans une phase où tu te fuis pour fuir la situation dans laquelle tu te trouves. Enceinte.
Peut-être que je n’imagine pas à quel point ces dernières heures t’ont fait du bien. Néanmoins, j’ai une idée puisqu’elles ont été libératrices également pour moi. Tu as appris, en partie, des choses que personne ne sait.
Je t’ai aimée comme tu es réellement, oui. Tu peux être n’importe qui mais c’est donc d’autant plus dur d’être toi-même… surtout considérant les traumas qui doivent y être liés. Combien, avant moi, ont fui lorsqu’ils ont découvert ? Combien, avant moi, as-tu trompé de crainte qu’ils ne te rejettent comme tu étais vraiment ? N’était-ce pas le meilleur moyen de les faire fuir, justement ? Je ne vais pas considérer que le commun serait capable d’outrepasser ton apparence mutante. Néanmoins, j’ose espérer que les personnes avec qui tu te donnes sont capables de le faire.
Un seul homme. Je soupire et m’adosse contre mon siège avant de pincer les lèvres. Nouveaux traumas. Je suis désolé. Depuis les années 60… même si cela ne représente que 15 ou 20 ans pour toi considérant la disparition dans les années 80, cela fait beaucoup. Un tiers à la moitié de ma vie.
C’est bien que tu n’ais pas eu peur de mon regard. C’est bien que tu n’ais pas eu peur de ce que je pouvais penser ; surtout qu’à un moment, je ne pensais plus trop. Je me suis mis à nu devant toi, oui. Au sens propre comme au figuré. Difficile de te demander de faire ce que je ne pouvais pas faire moi-même. Au sens figurer cette fois. Je préfère ne rien dire sur le fait que nous ne nous connaissions pas. Point valide, suivant.
« Et c’est… ce… ce lien soudain et impensable qui fait que je ne me suis pas sentie vulnérable dans tes bras, me dis-tu, m’amenant à sourire et à me réavancer sur mon siège pour me pencher vers toi. Alors merci pour ce moment de paix que tu m’as accordé. Pour ce temps que tu m’accordes en ce moment. »
Mon sourire s’agrandit un peu à tes yeux jaunes. Aux vraies fenêtres de ton âme.
« Je ne te l’ai pas accordé. Nous l’avons partagé. »
Juste histoire d’être d’accord sur les notions.
« Le temps est quelque chose dont je suis prisonnier d’une manière légèrement différente de tout le monde, avoue-je, sans pour autant avoir l’intention de l’expliquer plus que je ne l’ai déjà fait. Merci de m’avoir permis d’en profiter. Merci de m’avoir, en ce lieu soudain et impensable, permis d’être vulnérable. »
Chacun sa recherche. La complémentarité et l’harmonie qui en résultent est néanmoins agréable. Pour moi, en tout cas.
« Je suis désolé qu’une journée n’équivaille pas à 24h, dis-je avec sincérité et un léger abaissement des épaules. J’espère que tu es aussi heureuse que moi que la journée ce soit passée… ainsi. A quelques détails prêts. »
C’était chaotique, à beaucoup d’égard, mais je pense qu’on se souviendra des meilleurs moments. Sauf si nos mémoires sont similaires et qu’on retient beaucoup de choses, sans même parler d’user de la mémoire photographique, auquel cas on se souviendra aussi de l’Emmerdeuse. Elle a eu son rôle positif, néanmoins. Je sais le reconnaitre. En silence, de préférence.
« Nos devoirs… Ta grossesse… Ton acceptation de toi… Mon acceptation de moi… »
Je soupire avant de finir le listing des problèmes et des difficultés car, même avec un sommaire, on risque d’en avoir pour long.
« Merci pour m’avoir… "aidé" à faire la parenthèse. Et heureux qu’elle soit partagée. Profitons-en encore un peu avant qu’elle ne se referme. »
Le repas sera bon, je n’en ai aucun doute, et j’espère simplement qu’il sera fini avant que le soleil ne se couche. J’aimerai regarder ce moment en ta compagnie, Raven.
J’aimerai aussi savoir pourquoi le serveur nous dépose l’emballage rouge et blanc de biscuits enrobés de chocolat. Etant bien incapable d’ouvrir ses ouvertures "faciles" et n’étant même pas sûr que le sachet en aie, je me contente de regarder cela avec perplexité en tachant de ne pas faire de déformation professionnelle sur la chose qui nous l’a apporter comme encas.
Le temps. Si précieux surtout dans les moments comme celui-là. Il fallait en profiter et le chérir. Le soleil allait s’effacer et disparaitre. Et toi aussi. Bientôt. Que pouvais-je bien faire pour le retenir et faire en sorte que le sablier du destin s’égrène un peu moins vite. Juste un peu moins vite. Je ne demandais pas grand-chose. « Encore un soir, encore une heure, encore une larme de bonheur, une faveur, comme une fleur, un souffle… » Une erreur ? Peut-être pour certain, mais pas pour moi. « Un peu de nous, un rien du tout. Pour tout se dire encore ou bien se taire en regards. Juste un report, à peine encore, je sais, il est tard. C'est pas grand chose, rien qu'une pause. Que le temps, les horloges se reposent. Et caresser, juste un baiser. Un baiser. » que mes lèvres viennent déposer sur une de tes mains prise précieusement sur la table sans aucune hésitation cette fois.
Une surprise. Que je regarde, puis saisis, abandonnant ta main avec douceur sur la table déballant les biscuits chocolatés sans te quitter des yeux une seconde.
- Have a break.
Mes mains cassent en deux la friandise au même moment que les mots franchissent la barrière de mes lèvres.
- Have a Kit Kat.
Ajoutais-je en croquant dans ma moitié, un grand sourire aux lèvres. Mon choix avait été fait. Profiter de ce … break avec toi.
"Aloha" furent les derniers mots que je prononcerais ce soir là, sur la plage face au coucher de soleil alors que tu disparaitrais dans un cercle de lumière annonçant l'obscurité.
"Have you ever looked at a tiger and thought you ought to cover it up? You are an exquisite creature, Raven. All your life the world has tried to tame you. It’s time for you to be free."
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