[Terminé] La compréhension du cœur

Le fil de confiance, établi par la main tendue qui s’était offerte à son désespoir, a été coupé. Celle qui se sent comme une indésirable en ces lieux, sujet d’un agacement qui n’est point dissimulé par son hôte, aimerait fort bien disparaître derrière la porte de la salle de bain pour ne plus observer le langage corporel du Sorcier, bien moins affable que lors de leur rencontre quelques instants plus tôt.

La sensible jeune femme ne lui fait point face plus longtemps, ébranlée par la fragilité de son jeune âge et par les nombreux rejets déjà encaissés. Un de moins, un de plus, quelle différence après tout ? Détournant le regard et le corps, la rouquine recule comme pour se mettre à l’abri de son courroux étouffé, de l’insatisfaction causée par sa curiosité non assouvie, et demande à partir dans une fuite polie, cordiale et calme ; il lui présente alors ses excuses dans une démarche qu’elle sait sincère, mais qui n’apaise en rien la morsure du rejet ressenti. Le silence retrouvant son écho lourd et pesant dans le couloir, après la disparition de Mozart et de sa flûte désenchantée, le Sorcier mélomane ne ferme pas la voie à son départ, mais lui propose toutefois de reprendre des forces par la nourriture avant de disparaître comme elle le souhaite : d’après surprise, ayant bien du mal à suivre les humeurs du brun, elle fronce légèrement ses sourcils tout en remuant sa langue derrière ses dents, sans encore relever le regard vers lui, perplexe. Le choc, l’épuisement et les nombreuses blessures qui composent son corps — dont celle de la tempe qui continue de saigner, ne l’aident pas vraiment à réfléchir, et elle n’a même pas le temps de lui fournir une réponse qu’ils sont interrompus par l’arrivée de deux individus, dont la simple présence met la jeune femme encore plus mal à l’aise.

En infériorité. Elle est désormais en infériorité et, quand bien même ne sont-ils pas menaçants, l’animal sauvage logé dans son esprit se montre méfiant, grognerait presque pour leur défendre d’approcher. Et lorsque l’inconnu entreprend de la saluer, elle fronce de nouveau ses sourcils en levant un regard interrogateur en sa direction… C’est donc elle le mi-quoi ? Redoutant une fourbe plaisanterie à son égard, elle lance premièrement un regard emplit de reproches à son hôte avant de poser une œillade plus tempérée sur la jeune femme, qui semble tout aussi perdue qu’elle. « Bonsoir. » Marmonne finalement la rouquine avant d’attraper la trousse rouge que le Sorcier lui tend, d’une seule main puisque l’autre tient encore la serviette blanche, mais elle remarque bien les légers spasmes qui parcourent celle de son hôte. Est-ce la nervosité qui le tend ainsi ? Sans l’ombre d’un jugement ou d’un élan moqueur, elle lui lance un regard appuyé avant de se tourner vers celle qui allait panser ses blessures physiques. De toute façon, maintenant, il était trop tard pour faire demi-tour.

Sans donner de véritable réponse au Sorcier, se contentant d’un simple regard lancé en sa direction, Jean recule encore davantage dans la salle de bain comme pour inviter la brune à l’y rejoindre ; prenant place au bord de la baignoire encore parfumée, la rousse essore brièvement ses longs cheveux au-dessus de celle-ci avant de se retourner vers la brune, ne sachant pas tellement comment se mettre. Dans l’attente d’une directive, la petite fille cachée sous les traits de l’adolescente attend, le regard braqué sur son infirmière désignée.

Je suis rouillé. Non pas dans les relations humaines, elles n’ont jamais été mon fort, mais dans mes capacités de médecin. Ne pas remarquer que la tempe saigne est une erreur difficilement pardonnable. Une de plus. Une de plus qui ne le sera pas. Tout comme l’existence de Dominique, quand on y pense, qui ajoute du sel sur les plaies en mettant encore plus mal à l’aise Jean Grey bis. Devrais-je prendre l’habitude d’ainsi l’envoyer à la cave ? Il y passerait sa vie, si c’était le cas. Qu’importe cela, le regard de la jeune femme altérée mentalement est surprise de son attitude et son appellation interrompue… si vous me dites que Dominique a plus de chance de la calmer que moi, c’est moi qui m’en vais et démerdez-vous. Réflexion faites, j’accepterai même qu’un télépathe me le dise sur ce coup-là. Ça éviterait un regard plein de reproches, qui m’en vient à moi… voilà, je suis désagréable avec tout le monde : rien de personnel envers vous, Jean Grey bis.

Présentations et salutations étant faites, j’entreprends de donner un second sens aux salutations. Lorsque je tends la trousse de secours à la tentative de secours, la raison des tremblements de mes mains est des plus visible : elles sont couturées de cicatrices, sur tous les doigts comme sur leurs dos. Tailladées et brisées, voilà ce qu’ont été mes mains. Ce n’est pas à prendre au sens figuratif. Je l’ai accepté, après une période où mon approche des gens était incomparable d’inhospitalité à celle-ci, et je n’ai pas à cacher ces blessures cette fois. Y a-t-il de la nervosité, pour accompagner le tout ? Agacement, surement. Nervosité… à réparer mon erreur ?

Il est trop tard pour faire demi-tour, d’un côté comme de l’autre. Jean Grey bis, si elle veut s’en aller, devra passer par les premiers soins et l’habillage. Cela me laisse le temps d’essayer de changer les choses. Suis-je plus doué quand je me tais ? Cela serait donc la solution…

Grey et Black s’en vont dans la salle de bain, j’en fais de même dans le couloir. Je quitte leurs champs de vision et n’écoute pas si la porte se ferme ou non. Je n’ai pas la moindre réponse sur ce que la mutante veut manger, pour changer dans les tentatives d’interaction avec elle, et m’en vais donc instantanément dans la cuisine. Alors que je regarde le frigo et les divers menus de restaurants à emporter qui s’y trouvent, le futur courtier remonte de la cave sans avoir sorti les mains des poches ou rangé le sourire.

« Lors de vos chirurgies, vous auriez dû leur demander de vous retirer le b… »

A nouveau, il disparait à la cave. Après un souffle d’agacement, je me reconcentre sur les menus.

Ils disparaissent, convoqués ailleurs.

« DOMINIQUE ! »

Il réapparait alors que je me tiens face à lui, en direction de la cave. Il me regarde avec son menton levé et les menus tendus vers moi, paumes vers le bas pour bien me montrer le dos de sa main.

« Ecoute-moi bien trou du cul, l’avertis-je avant qu’il m’interrompe.

- J’allais en parler…

- La gamine est une menace planétaire avec une altération mentale l’ayant faite régresser mentalement et venant de s’envoyer un combat contre, je le crains, la Sorcière Rouge, continues-je en l’ignorant avant de donner un ordre simple : Concentre-toi.

- Je peux retourner à la cave ?

- Non.

- Dommage.

- On est d’accord, lui concède-je sans peine. Maintenant, sans pouvoir la retenir, il faut qu’on trouve un moyen de lui donner envie de rester.

- Vous pouvez la retenir avec la magie, déclare-t-il avec nonchalence en haussant les épaules.

- J’en ai pas l’intention.

- Non mais si elle est attardée…

- A régressée.

- Vous pouvez lui vendre du rêve avec de la magie, continue-t-il avec les mains dans les poches avant d’avancer son visage vers moi. Vous avez déjà été au cirque ?

- Je vous hais…

- Je m’aime pour deux.

- Sans commentaire. »


Si la rousse, qui doit avoir son âge à quelques années près, et Anna partagent quelque chose, c’est leur aisance dans la situation. Après s’être débarrassée des affaires sur la commode de la salle de bain, qui semblent une montagne puisque monsieur Dom’ a tenu à prendre du 36 en marque US malgré la difficulté d’en trouver et l’impossibilité que quelqu’un n’étant pas atteint d’obésité possiblement morbide n’en porte, elle ne sait pas quoi faire de ses mains.

« Je peux, demande-t-elle en les tendant à celle qu’elle vient soignée, une minotaure apparemment même si elle semble pleinement humaine, d’une voix basse. S’il vous plait. »

Anna n’a jamais été la personne la plus à l’aise avec les autres, même avant… tout. Elle a la gorge sèche et crispée rien que d’essayer à s’empêcher d’y penser. Elle sait qu’elle n’y arrivera pas. La difficulté, c’est de trouver la paix à travers les regrets et la tristesse. Elle n’y arrive pas. "Pas encore", lui répète-t-on à Kamar-Taj. "Elle a le temps".

« J’avais commencé des études d’infirmière, avant le Snap, tente-t-elle de rassurer, à défaut d’oser insister, avec une voix qui fait l’effort d’être plus forte que précédemment. Mais, euh… j’ai pas perdu la main… »

Selon les points de vue, le Snap remonte à longtemps. Même le Blip, en fait. Et, qu’en sait-elle réellement qu’elle n’a pas perdue la main ? Elle a pratiqué, certes, même si elle aurait préféré ne pas le faire. Elle a pratiqué et ça n’a rien changé. Sa gorge se serre à nouveau alors qu’elle grimace. Ses épaules tremblent légèrement face à sa tentative de ne pas les baisser.

Sauf qu’entre les épaules et les yeux, il faudra qu’elle baisse quelque chose. Le regard de la créature mythologique aidant, ce sont les seconds qui s’en vont. Et ils emportent son visage. L’enfouirait-elle dans la trousse de secours si elle le pouvait ? Oh, dès qu’elle aurait l’excuse d’un objet à y chercher, elle le ferait. Sans l’excuse, elle n’oserait pas forcément. Elle-même n’en sait rien.

Actuellement, elle n’a pas à le faire. Compresses, coton, antiseptique, pansement, bandages, même un thermomètre sans la notice donc qu’elle évitera d’utiliser, tout est à portée de main. Mains qu’elle a occupées avec la trousse de second mais qu’elle aurait dû laver avant.

« Excusez-moi, dit-elle donc, la voix plus basse encore, avant de poser la trousse de secours sur les habits et de s’en aller se laver les mains avec précipitation. Cela fait, elle se tourne vers la serviette à main puis se retourne vers la minotaure. Je suis prête… et vous ? Vous voulez vous assoir ou vous préférez rester debout ? »

Bon, à part le rebord de la baignoire, il n’y a pas vraiment d’endroits où s’assoir mais c’est trop tard, Anna a demandé. Voilà qui l’amène à grimacer légèrement, cherchant du regard où est-ce que la jeune femme en serviette pourrait s’installer confortablement.

La porte se referme sur la seule présence féminine qui vient lui tenir compagnie dans la salle de bain ; le fait que ce soit une femme est non-négligeable, ayant un pan rassurant  pour la petite fille qu’elle est derrière la chair et les os — surtout que le corps d’adulte qui est le sien est en cet instant nu, à peine protégé par une serviette blanche nouée sous ses aisselles fermement serrées.

Assise au bord de la baignoire qui contient une eau qu’on devine à présent tiède, le Phoenix presse ses lèvres l’une contre l’autre tout en observant la jeune Anna, qui ne lui donne pas vraiment l’impression d’être plus âgée qu’elle, physiquement parlant. Celle-ci, tout aussi à l’aise que son objet d’examination, finit par se rapprocher en tendant ses mains en avant comme une sorte de remédiation-proposition, et la blessée à tout d’abord un mouvement de recul instinctif avant de se radoucir, ses épaules se décrispant et son buste, qui s’était décalé sur le côté comme pour fuir la menace, revient dans l’axe de la jeune Anna, qui s’est entre-temps mise à parler. Des études d’infirmière avant le snap, mais elle a perdu la main ; est-ce qu’elle parle pour se rassurer ou pour rassurer Jean ? Le Phoenix l’écoute sans véritablement trouver de quoi lui répondre, se contentant de la détailler du regard en se fichant quelque peu d’être impoli ; il sent une certaine fragilité derrière les mots qu’elle prononce, de la tristesse aussi, et ces émotions font presque écho aux siennes alors la rousse déglutit avant de prendre enfin la parole, d’une voix qui se veut paisible. « Vous n’avez plus pratiqué depuis ? » Ce n’est pas vraiment rassurant de savoir que celle qui est censée soigner ses plaies ne sait pas comment s’y prendre, mais elle semble tellement penaude que le Phoenix n’ose pas lui faire remarquer.

La jeune femme se détourne finalement pour retourner près du lavabo afin de passer ses mains sous l’eau claire, permettant à la rouquine de jeter une oeillade curieuse vers le matériel de soin qui va servir à panser ses blessures : pas d’aiguille, voilà de quoi la rassurer. Mordillant toutefois le coin de sa lèvre avec une nervosité palpable, Jean resserre davantage ses bras autour de son buste pour être sûre que la serviette est toujours contre son corps, alors que son infirmière revient avec une question qui la laisse, quelques secondes, pantoise. « Euh… Cela dépend peut-être de la blessure que vous voulez examiner en premier ? » Si Anna veut s’occuper de sa blessure à la tempe — qui continue de saigner d’ailleurs, il veut peut-être qu’elle soit assise ? Du moins, c’est ce qu’elle pense mais, comme elle n’est pas infirmière, elle se contente d’attendre le verdict de celle qui tient ce rôle : se levant de la baignoire pour suivre les indications d’Anna, la rousse attend ses recommandations, un air paisible au visage. Lorsqu’elle les reçoit, Jean s’exécute et ne peut s’empêcher de dire, d’une voix hésitante mais néanmoins curieuse : « Le Sorcier avec la cape rouge… Il n’est pas très agréable, je trouve. » Elle critique ouvertement l'homme lui ayant porté secours et lui offrant l'hospitalité mais, comme tous les enfants, elle est ingrate.

Le problème qu’il y a avec des êtres comme Jean Grey, c’est qu’ils sont trop dangereux pour qu’on se contente de les ignorer. Il faut les avoir sous surveillance au pire et sous contrôle au mieux ; même si les termes peuvent paraitre durs. L’un comme l’autre n’implique pas de la dominance ou de la malfaisance : Xavier l’avait sous contrôle en l’ayant dans son école et ses X-Men, en pouvant la guider et l’aider au besoin. Je peux l’avoir sous surveillance ici, ce qui est le plus simple pour l’aider et la guider au besoin, comme dehors. Observer n’est qu’une question de Dimension Miroir tandis qu’intervenir ne nécessite que trente secondes et un portail de téléportation. En somme, je pourrais parfaitement la laisser partir et déléguer la surveillance pour ne réintervenir que s’il se passe quelque chose. Est-ce que je pourrais enfermer Jean Grey bis dans la Dimension Miroir sachant qu’elle a été suffisamment puissante pour créer accidentellement un portail spatio-temporel ? La téléportation, quelle qu’en soit la forme, est le point faible de l’art mystique miroir. C’est donc un probable "non". Est-ce que cela m’empêcherait de la bazarder sur une autre planète ? Du tout.

Ça serait plus simple.

Cependant, la bonne voie est souvent la plus compliquée. Essayer de la faire rester ici pour qu’elle ait un toit, de la nourriture et du temps… cela me semble être la bonne voie. Reste à savoir comment l’emprunter.

Dominique a une solution. Une solution que je déprécie. Une solution qui va me demander des efforts supplémentaires et pas qu’en sociabilité.

Après mon absence de commentaire qui en est un, je me tais et réfléchis à cette solution. Comment la mettre en place. Comment l’exploiter pour que l’altération mentale me donne du temps afin d’en avoir. Ne serait-il pas possible de simplement la laisser galérer dans la rue, avoir faim et froid pour un temps, tout en lui disant que ma porte est ouverte si elle le souhaite ? Ça m’irait bien, comme solution.

Je soupire.

Cela amuse l’Apprenti, qui sait qu’il a gagné.

« Trouvez le repas, délègue-je donc avec lassitude avant de me détourner de lui et de partir en marchant. Et faites en sorte que ça soit plus efficace que la dernière fois. »

Il va falloir que je fasse attention à ce qu’il me ramènera, il serait capable de cracher dedans.


Détailler la salle de bain pose encore plus de question qu’Anna n’ose formuler. Si elle fait le rapport entre le bain et la serviette de bain, elle ne comprend pas pourquoi l’eau est encore là ; laissée là, plus exactement. Les explications ont été sommaires, pour ne pas dire occultes. Le fait de demander à la minotaure supposée si elle veut s’assoir alors qu’elle est déjà assise est une maladresse qu’Anna découvre trop tardivement, comme beaucoup de celles qu’elle peut faire. Y ajouter une trop grande brusquerie avec son geste d’apaisement est d’une logique implacable, d’une évidence innommable. Anna se dirait bien qu’il est sans doute positif qu’elle soit là, puisqu’elle semble moins brute de décoffrage que les autres, mais elle se dit qu’ils sont compétents. Eux.

Heureusement, Jean Grey se reprend suite à sa peur instinctive. Encourageant ? Il n’en faut pas beaucoup. Décourageant ? Cela arrive vite, puisqu’Anna n’est pas convaincante dans le fait qu’elle n’a pas perdu la main. Génial. Comme ça, elles sont deux à ne pas y croire. Logique, également. Si d’autres avaient cru, Anna n’aurait pas tout perdu. Enfin, perdu ce qui lui restait à son retour. Peut-elle réellement parlé de "ce qui lui restait" ? Elle n’en sait rien. Elle n’arrive pas à être lucide sur ce point. Ces points.

« Vous n’avez plus pratiqué depuis ?

- Pas longtemps, pour moi, avance-t-elle en essayant de se rattraper. J’ai disparu pendant cinq ans mais j’ai rien perdu, pendant ce temps-là. »

Est-ce que ça marche ? Est-ce que ça ne marche pas ? Le Snap, les Années Sombres, le Blip… c’est possiblement il y a longtemps tout cela, aussi. Disparaitre et réapparaitre sans réellement le réaliser, découvrir que le monde a continué de tourner et s’est adapté à une population deux fois moins nombreuses. Le retour était-il réellement une bonne chose ? Bien souvent, trop souvent, Anna aimerait ne pas être revenue.

Son interlocutrice lui retourne une question et un choix, amenant Anna à grimacer une excuse muette avant de désigner la tempe ensanglantée du bout du nez. Un coton dans une main, du désinfectant dans l’autre puis sur le coton, et elle est prête à nettoyer la plaie. De son côté, Jean se lève… alors qu’il aurait mieux fallu qu’elle reste assise… et Anna a besoin de courage pour lui dire. Après tout, c’est surement pour l’aider que la rousse s’est levée. C’est fou de considérer combien, en voulant faire quelque chose, on arrive souvent à l’effet inverse.

Nouvelle question, qui prend un peu Anna de court. Jean Grey ne trouve pas le Docteur Strange agréable. Voilà qui fait sourire l’autre.

« Non, en effet, confirme-t-elle à voix basse en espérant que la demeure du Sorcier Suprême ne rapporte pas ses propos. Il parait qu’il était pire avant… mais je sais pas si c’est rassurant ou inquiétant. Pouvez-vous vous rassoir, s’il vous plait ? »

Là, c’est le moment où elle doit parler. Le sujet n’importe pas, c’est juste pour mettre à l’aise l’autre personne. Si elle y arrive bien, elle sera à l’aise aussi. Amen.

« C’était un grand chirurgien, jusqu’à ce qu’il soit blessé. Ses mains. Sa carrière s’est terminée. Il a dilapidé sa fortune pour essayer de récupérer les mains et la carrière. Puis il a été guidé jusqu’à Kamar-Taj. »

Tout en racontant l’histoire, elle tamponne doucement la tempe afin d’en chasser le sang. Le fait qu’il n’ait pas coagulé signifie que la blessure est récente ; est-ce qu’elle s’est faite ici ?

« Je ne sais pas jusqu’où j’ai le droit de vous en parler, avoue honteusement Anna, hésitante. Kamar-Taj est un lieu de guérison, selon ceux qui y vivent. Le Docteur Strange n’a pas récupéré ses mains, ni sa carrière, mais il a découvert qu’il pouvait être autre chose. »

Stephen Strange est un sujet populaire parmi les Novices, ne serait-ce que pour son ascension extrêmement rapide. L’homme a pris neuf mois pour passer de leur rang à celui de Sorcier Suprême, un exploit jusque là non réalisé sachant que la précédente Sorcière Suprême était restée à son poste durant un millénaire apparemment. Elle l’a choisi pour successeur et il a sauvé le monde deux fois en, pour lui et les autres snapés, deux ans. Sachant que sa formation est incluse dans ces mêmes deux années.

« Apparemment, le fait qu’il soit un Avenger est une croyance populaire. Même si beaucoup de ses collègues aimeraient le leur refiler. Néanmoins, il a fait la "stratégie" qui a amené au Snap… et à la défaite de Thanos. »

Bonne ou mauvaise chose ? Anna est du second avis mais se doute qu’elle n’est pas bien placée pour juger. Beaucoup de Maîtres des Arts Mystiques jugent durement le Docteur Strange pour l’abandon de l’Œil d’Agamotto à Thanos et le fait qu’il fasse parti des victimes de sa décision n’est pas une circonstance atténuante pour tous.

« J’ai déjà entendu des Disciples dire qu’il fallait être un connard pour prendre cette décision, répète Anna en insistant autant qu’elle le peut sur le fait qu’elle l’a entendu, pas que c’est son avis. Comme beaucoup, je me demande ce qu’il en serait s’il ne l’avait pas fait. »

Ayant terminé d’éponger suffisamment de sang pour voir la plaie, qui lui semble résulter d’une égratignure probablement faite par une chute ou une projection, Anna fait une pause. Les choses piquent un peu du fait du désinfectant mais ça va augmenter : elle met un coup de spray sur la blessure avant d’aller chercher une compresse stérile.

Anna est aussi maladroite et mal-à-l’aise que Jean, autant en paroles que en geste et, curieusement, cela possède quelque chose de rassurant. Le Sorcier au caractère grognon est aussi inflexible qu’une porte de prison, et ses expressions peu enjouées ne permettent pas à la jeune mutante de se sentir la bienvenue en ces lieux mais, avec la brune, c’est totalement différent. Peut-être est-ce parce que c’est une femme et qu’elle est bien plus proche de son âge mais, dès que la porte de la salle-de-bain s’est refermée derrière le grincheux, la tension qui occupait les membres engourdis du Phoenix a presque disparu.

Presque, parce qu’elle n’est pas tellement rassurée par les capacités de l’infirmière, à en être une justement. Elle n’a plus pratiqué depuis… Les cinq années du Snap, dit-elle. Jean lève légèrement le menton avant de hocher ce dernier de haut en bas dans un geste vague, accompagné par un haussement de sourcils ainsi qu’un sourire, qui fait pâle figure dans le décor. Certes, elle n’a rien perdu pendant les cinq ans mais voilà plus d’un an que les disparus sont revenus… Si elle n’est pas infirmière ici, que fait-elle ? Bien qu’elle aimerait bien connaître la réponse, c’est un tout autre sujet qui rebondi sur ses lèvres, ainsi que dans sa voix : « Je comprends… J’ai disparu pendant cinq ans, moi aussi. » Cela ne constitue pas une information capitale, certes, mais encore une fois, ce sont des petits détails qui apaisent et rassurent la rouquine. D’une certaine façon, peut-être se sent-elle plus proche d’Anna car elles partagent à présent un pan de leurs histoires ? Difficile de décortiquer les nombreuses émotions qui passent dans le coeur de la jeune femme mais, elle décroche son premier vrai sourire à Anna, celui qui creuse des petits sillons autour de ses yeux et qui gonfle ses joues d’une façon tout à fait adorable. Ainsi, elle a l’air d’une véritable enfant.

Et lorsqu’on lui demande de s’asseoir de nouveau, la jeune femme obtempère sans hésiter, prenant juste soin de tenir sa précieuse serviette contre elle, non sans glisser quelques mots dépréciatifs concernant le Sorcier ; Anna devient alors soudainement bavarde, bien qu’elle prévient au préalable qu’elle ne pourra pas trop en dire.

En grimaçant légèrement sous les tapotements du tissu contre sa tempe, Jean tend une oreille très attentive aux confidences qui lui sont faîtes : ainsi, elle découvre un visage inattendu du Sorcier-Grincheux, un portrait qui dépeint un homme brisé, malmené par des tragédies l’ayant conduit sur un chemin, peut-être, tout aussi inattendu et inespéré. Son coeur s’émeut en silence de cette trame de vie déchirée, de renaissance et de héroïsme cachée. Ainsi, il a joué un rôle déterminant dans la lutte contre le Titan Fou… Est-ce que Jean en avait entendu parlé auparavant ? Elle n’est pas sûre. À son retour, elle a dû apprendre tellement de nouvelles choses qu’elle ne s’en souvient pas. « Oh. Je vois. » Mais elle n’est visiblement pas la seule à le critiquer, pas pour les mêmes raisons, certes. Contrairement aux disciples évoqués par Anna, la rousse ne remet pas en question le choix du Sorcier : quand bien même a-t-il permis à Thanos d’accomplir ses desseins, le fait est qu’il a oeuvré pour que tout le monde revienne, et en ce sens, on ne peut que le remercier. « On ne peut pas faire l’unanimité mais, tout de même, il a finalement défait Thanos en permettant à tout le monde de revenir, non ? » Ils semblent ingrats, ces disciples. Presque autant qu’elle.

Finalement, elle se sent presque coupable d’avoir tenu un tel jugement contre le Sorcier. Certes, il n’a fait aucun effort pour dissimuler son agacement vis-à-vis d’elle mais, il semble bien moins détestable, maintenant. Peut-être est-ce parce qu’elle sait qu’il a souffert, lui aussi. Parce qu’il a été brisé, lui aussi. Et parce qu’il s’est battu pour se reconstruire. Lui.

« Arg. » Grimaçant de nouveau, elle fronce l’un de ses sourcils en fermant à moitié son oeil, sa bouche se pinçant sous les picotements brûlants du spray venu désinfecter sa peau ; pendant quelques secondes, elle crispe ses mains sur le rebord de la baignoire, silencieuse pendant un très court moment. « En tous cas, merci… C’est gentil de faire ça. »  D’accord, on a connu mieux comme forme de gratitude. Pressant ses lèvres l’une contre l’autre en se laissant faire, suivant seulement des yeux les gestes de la jeune femme, elle finit par lui demander : « Qu’est-ce que vous faîtes ici, précisément ? »

Je marche, cette fois. Laissant Dominique ouvrir un portail de téléportation pour s’en aller, je prends le temps de marcher. C’est toujours ça de gagné. Si j’arrive trop tôt, je risque de gâcher la guérison de la Novice sur l’altérée mentale. Comment nommer celle-ci, d’ailleurs ? Jean Grey bis ? C’est difficile sans connaitre les tenants et les aboutissants, ou même le simple bordel, de cette histoire. Peut-être que simplement lui demander comment elle veut être appelée… d’un autre côté, cela signifiera lui déclarer que je sais qu’elle n’est pas réellement Jean Grey. Peut-être que cela me placera comme une menace. Ou peut-être pas, puisque je suis prêt à lui tendre la main malgré tout. Je ne connais pas réellement Grey, au-delà de ce qu’elle a été capable de faire – aka la destruction d’Apocalypse et l’ouverture d’un portail spatio-temporel – et de ce qu’elle semble capable de faire – aka affronter la Sorcière Rouge et s’en sortir avec de la fatigue et des égratignures. Certes, il y a la probabilité que Maximoff n’ait pas voulu la tuer ; conscience sur laquelle je mise pour lui laisser le temps de reprendre ses esprits et éviter une intervention qui, à moyen ou long terme, pourrait causer plus de ml que de bien. Néanmoins, il faut être capable de tenir tête à pareil adversaire. Adversaire dont je ne connais pas l’état, d’ailleurs. Peut-être faudrait-il que j’aille m’en enquérir ?

J’ai suffisamment de problèmes pour aujourd’hui.

Marcher me permet de gagner du temps et d’en donner. Je remonte donc le manoir, au premier étage, pour quitter son couloir et me retrouver dans le grand hall avec le non moins grand escalier. J’y soupire sans réellement ralentir mon rythme d’avance, lequel n’est déjà pas à son maximum. Une à une, je gravis les marches.

A défaut d’être convaincante, Anna est encouragée. Le sourire de la rousse la fait sourire elle aussi. De part et d’autre, ce n’est pas le mieux du monde mais c’est équivalent. C’est déjà bien, non ?

L’empathie, c’est ce qui doit manquer avec le Sorcier Suprême. L’empathie, Anna n’en manque pas. Surtout qu’elle a nombre de sujets pour le faire avec Jean : la gêne, le manque de confiance en elle, la mélancolie, le fait d’avoir été Snapée. D’apprendre que son interlocutrice l’a été également laisse la Novice hésitante, ne sachant si elle doit être désolée pour le Snap ou pour le Blip. Dans le doute, dans les doutes, elle n’ajoute rien. Elle acquiesce, néanmoins. Elle comprend, d’une certaine façon, car il ne s’agit pas d’une douleur qui se partage facilement. Parler du Sorcier Suprême, Snapé lui aussi, est plus simple. Plus impersonnel. Cependant, il y a le sourire de Jean.

Il est mieux que le précédent, ce sourire. Il est bien plus complexe, plus accompagné, que le précédent mais il est mieux. Moins forcé. Plus cordial. Plus sincère. Plus enfantin. Voilà qui apporte un peu de baume au cœur, comme aux lèvres, pour l’infirmière ratée.

Bon, il faut qu’elle gâche tout. C’est souvent ainsi, Anna l’a remarqué. Cette fois, au moins, c’est fait exprès. Elle nettoie la plaie puis la désinfecte.

« On ne peut pas faire l’unanimité, répond Jean à l’histoire du Docteur Strange, amenant Anna à acquiescer avec un accord compréhensif, mais, tout de même, il a finalement défait Thanos en permettant à tout le monde de revenir, non ?

- Si, en effet, admet-elle sans difficulté. Apparemment, il aurait usé de l’Œil d’Agamotto pour voir le futur et déterminé que c’était la meilleure solution sur 14 millions et quelques. J’ai pas très bien compris cette partie. »

De ce qui se discute à Kamar-Taj, pas grand monde semble avoir compris cette partie. L’Ancienne, Sorcière Suprême précédente, avait une certaine réputation vis-à-vis de sa capacité de divination. Chose qui pose encore plus de questions qu’elle n’apporte de réponse. A-t-elle formé Kaecilius et les futurs Zélotes en sachant qu’ils la trahiraient et la tueraient ? Si oui, est-ce que c’était pour amener le Docteur Strange à devenir Sorcier Suprême ? Plus important encore, l’ultime question qui revient toujours lorsqu’il s’agit de maîtriser le cours du temps et de l’Histoire, "n’y avait-il pas d’autres moyens" ?

Cette question hante Anna.

La douleur physique de Jean sort la Novice de ses douleurs mentales. Il faut à la jeune femme un effort pour ne pas s’excuser, étouffant un "pard…" de ses lèvres alors que ses yeux témoignent à celui encore ouvert qu’elle est désolée. Les remerciements, faits alors qu’elle est partie chercher la compresse stérile, balaient sa gêne. "C’est gentil de faire ça", elle n’a pas besoin de plus pour être contente d’elle-même. Pour retrouver un peu de ce qui l’animait, autrefois, quand on lui donnait sa chance de faire le métier de ses rêves. Aider les autres à aller mieux.

« Qu’est-ce que vous faites ici, précisément ? »

Ouvrant la compresse, Anna tâche de ne pas trop réfléchir à la question. Néanmoins, le "ici" la perd. Quant au "précisément", il l’enfonce encore plus. Il n’est qu’une réponse adéquate à cette question.

« Euh… »

L’éloquence même. Toujours.

« Ici, précisément… je vous fais les premiers secours, dit-elle avec hésitation, bien consciente que ce n’est pas ce qui lui est demandé mais ne sachant pas trop comment aborder la chose. Le Docteur Strange est venu à Kamar-Taj à la recherche d’une femme pour vous les faire. Il m’a ramenée ici… puis m’a demandé d’aller aider son disciple à vous trouver des vêtements. A deux magiciens, ils avaient pas compris ce qu’était du 36… »

Certes, elle n’a pas tout de suite compris non plus mais elle a pensé à demander si c’était forcément en taille US ou si ça ne pouvait pas être en UK ou UE. C’était UE.

« D’ailleurs, monsieur Dominique a tenu à ce qu’on vous ramène du 36US… ça pourra surement vous faire un parachute, avec un peu de couture… »

Est-ce qu’elle tourne autour du pot ? A ce niveau-là, Anna a plutôt l’impression de faire de la poterie.

« D’ordinaire, je suis à Kamar-Taj, finit-elle par avouer, une fois la compresse posée d’une manière qui laisse Jean avec un gros pansement sur la tempe. Je… j’y apprends à retrouver la paix. L’harmonie. A ne pas… abandonner. »

Trop. C’est juste trop. Les larmes aux coins des yeux, les épaules si basses qu’elle en courbe l’échine, Anna tâche de se reconcentrer.

« Vous avez quoi d’autre, comme blessure ? »

Le Phoenix, d’ordinaire si hermétique aux sentiments d’autrui, se laissait quelque peu attendrir par cette femme qui lui paraissait si fragile, et dont les crevasses internes soulevaient un élan de compassion qui, jusqu’ici, n’avait pas été sa spécialité. Comme tous les enfants, le Phoenix était nombrilisme et faisait toujours passer sa propre douleur avant celle des autres ; rien de malsain à cela, tous les bambins fonctionnent ainsi, et certains adultes le restent d’ailleurs. Mais en cet instant, il sortait de sa coquille égocentrique pour s’ouvrir, un tout petit peu, sur ce bout de femme qui faisait de son mieux pour lui être agréable, et qui s’efforçait de soigner ses plaies. Le moins qu’il puisse faire était d’entendre sa douleur, aussi muette était-elle.

Et plutôt que de parler de leurs douleurs silencieuses, muselées au fond des crevasses invisibles, cachées et terrées sous la peau, elles parlèrent du Docteur Strange, ô combien décrié par certains de ses pairs mais, même Anna reconnaissait l’exploit accompli par le Magicien à la cape rouge. « Si, en effet. Apparemment, il aurait usé de l’Œil d’Agamotto pour voir le futur et déterminé que c’était la meilleure solution sur 14 millions et quelques. J’ai pas très bien compris cette partie. » Plissant légèrement ses paupières, le Phoenix reprend rapidement une figure neutre, pour ne pas gêner le travail d’Anna ; comme elle, il ne semble pas réellement comprendre cette partie, mais retient que c’était la meilleure solution. Un sacrifice qui a permis de reprendre une vie normale, donc. Peut-être que la mauvaise humeur du Docteur était due au fait qu’il subissait une réelle ingratitude de la part de ses congénères ? Cette piste fut sérieusement envisagée par l’enfant qui se cachait derrière l’adolescente.

Mais la question que se posait sans cesse Anna, le Phoenix l’évinçât sans discorde : visiblement, non, il n’y avait pas d’autres moyens. Et pourtant, il en a cherché ! 14 millions même. On ne pouvait guère lui reprocher d’avoir manqué à sa tâche. « J’imagine que s’il y avait eu une autre solution, il l’aurait choisie. » Avait conclu la rouquine, juste avant de grimacer de douleur sous les picotements du soin désinfectant. Mais la sensation désagréable disparut rapidement et la jeune femme, toujours assise et immobile, suivant sa comparse des yeux tout en la questionnant avec curiosité. Tout d’abord, le Phoenix voulait savoir qui elle était et quel était son rôle dans cette drôle de maison mais, ce fut une réponse pour le moins inattendue qui lui fut offerte. Les premiers secours. Oui. Non. Ce n’était pas ça, la question. Heureusement, la jolie Anna finit par offrir une réponse plus conséquente, et bien plus adéquate avec la discussion. Kamar-Taj, le lieu a précédemment été mentionné mais le Phoenix n’y avait pas trop prêté attention, bien plus obnubilé par les ragots à propos du Docteur Strange ; seulement, Anna dit qu’on est venue la chercher pour la ramener ici, ce qui piqua irrémédiablement sa curiosité, une nouvelle fois. « Où est Kamar-Taj ? » Comme tous les enfants, le Phoenix posait beaucoup trop de questions, mais il ne se rendait pas vraiment compte de son indiscrétion. Ou, s’il s’en rendait compte, il s’en moquait totalement.

Le pansement appliqué contre sa tempe nettoyée, qui laissait de nouveau entrevoir son sourcil et le creux de sa paupière, le Phoenix avait levé le menton vers son interlocutrice pour l’écouter attentivement ; retrouver la paix, l’harmonie, ne pas abandonner… Ses cils battirent longuement, un instant songeur. Cela donnait envie. Il rêvait à la fois de vengeance et de paix, tout en sachant très bien qu’il devrait renoncer à l’un pour gagner l’autre. Mais lequel ? « J’aimerais bien visiter cet endroit, mais j’imagine que c’est impossible. » Le Phoenix ne posait pas véritablement de question, et n’attendait guère un traitement de faveur, mais énonçait simplement un fait concret. Cet endroit semblait être un havre de sérénité, un lieu de quiétude pour l’esprit, mais il pressentait qu’il ne pourrait y avoir sa place.

Sous la question d’Anna, le menton de la rouquine s’était baissé machinalement pour inspecter ce qui pouvait l’être : elle avait des hématomes sur les cuisses et les mollets, ainsi que des blessures superficielles sur les bras, mais rien ne nécessitant des soins particuliers. Elle commençait seulement à avoir très mal à la tête, comme un vertige, son esprit tanguait douloureusement… « Euh… Non, je… Je ne crois pas… » Fermant ses lourdes paupières sous sa vue qui se brouille, le Phoenix apporte une main tremblante contre son front en basculas légèrement en avant, faisant probablement une baisse de tension après toutes ces péripéties. « Ça va… » Dit-il d’une voix inconsistante en se laissant lentement tombé au sol, se retrouvant assise sur le carrelage froid qui la fit frissonner sans qu’elle ne s’en rende vraiment compte. Elle avait chaud. Très chaud. Et très froid en même temps. Elle avait tellement besoin de dormir, sa tête était lourde, lourde, lourde…

Jean n’y comprend guère plus qu’elle, Anna le voit bien. N’est-ce pas le propre de l’infini que de toujours avoir une autre solution ? Était-ce le fait que, du point temporel où ils en étaient, il n’y avait plus qu’un nombre limité de futurs possible ? Est-ce que cela importe réellement ?

Qu’est-ce qui importe réellement, de toute façon ?

Se concentrer sur sa tâche. Aussi longtemps qu’on le peut.

Lorsque Jean veut savoir où est Kamar-Taj, Anna hésite. A-t-elle le droit de le dire ? Logiquement, oui. Le monastère n’est pas secret, même si connaitre sa localisation et y aller sont deux périples différents. Durant l’errance de son retour et des découvertes de ses pertes, Anna a été guidées là-bas. Recueillie.

« Katmandu, dit-elle simplement. Il est à Katmandu, au Népal. »

Anna s’attend presque à un "où est le Népal", qu’elle se revoit prononcer l’année dernière ; l’année d’avant le Snap. Voyage humanitaire pour les vacances, en compagnie de Médecin sans Frontières. Elle soupire et se reconcentre, la gratitude envers ceux qui l’aident à se reconstruire n’étant pas assez forte face aux douleurs et tristesses des raisons pour lesquelles elle a besoin d’eux. Parler d’eux est plus facile, comme du fait que les Maîtres des Arts Mystiques soient très bons dans leurs domaines et parfois très couillons dans ce qui ne les concerne pas.

« J’aimerais bien visiter cet endroit, ose Jean avant de s’autocensurer d’une façon beaucoup trop familière à Anna, mais j’imagine que c’est impossible.

- Demandez au Docteur, c’est lui le Sorcier Suprême. »

C’est possible, d’ordinaire. Ceux qui errent dans Katmandu sont observés afin de déterminer s’ils recherchent ou non Kamar-Taj et, si oui, s’ils méritent d’y entrer. Un mérite non pas basé sur leurs valeurs, leurs capacités et leurs exploits, mais leur besoin. Leur besoin d’aide. Leurs mérites, capacités et exploits n’entrent en ligne de compte que lorsqu’il est question de rejoindre les Maîtres des Arts Mystiques, lorsqu’il est question d’atteindre le statu d’Apprenti. Les Novices sont là pour être aidé. Peut-être pour que les échelons supérieurs n’oublient jamais pourquoi ils agissent.

Plus que les doutes et l’absence de connaissance, Anna est rappelée à son devoir par la reconnaissance de symptômes. Alors que Jean examine des hématomes au-dessous de sa serviette, dans le sens sur la partie qui n’est pas couverte par celle-ci, puis sur ses bras qui la tiennent, elle commence à faire un malaise. Anna réagit vite, preuve étant qu’elle garde de vieux réflexes et qu’ils sont affutés par les exercices d’harmonisation lié à l’Eldritch, et récupère le front de sa patiente contre son épaule en la guidant d’une main.

« Ça va…

- D’accord, répond Anna sans malice ni ironie, sentant le glissement de Jean et l’accompagnant. Je vous crois. »

Là, c’est beaucoup plus discutable niveau absence d’ironie. Néanmoins, c’est sensément rassurant. Les frissons ne sont pas bons signes, quand à la conscience vacillante…

« On va vous allonger, d’accord, demande-t-elle plus pour prévenir et pouvoir manipuler que pour réellement avoir de réponse, l’information dont elle a besoin étant autre. Vous êtes-vous cognée la tête ? »

Cela n’arrivera pas ici. Comme on dépose un nourrisson, Anna accompagne Jean jusqu’à ce qu’elle soit complètement couchée sur le sol. Ensuite, elle recule à genou pour passer son bras sous les genoux de l’autre jeune femme. Enfin, elle les pose sur une épaule pour lui maintenir les jambes en l’air. S’il s’agit d’un malaise, cela devrait aider. S’il s’agit d’une commotion, beaucoup moins. Après, le premier reste plus probable du fait des événements et de la fatigue accumulée. Idéalement, il faudrait prendre la tension mais les magiciens, non content de ne pas avoir de magie de soin, n’ont pas non plus le matériel médical adéquat…

En parlant de magicien, d’ailleurs, on toque à la porte.

« Qu’est-ce que tu aimerais faire à Kamar-Taj, demande Anna, pour essayer de garder l’attention et la conscience de Jean. Moi je sais que quand on m’en a parlé, j’ai imaginé Poudlard. C’était pas ça. C’était plus… un monastère népalais. »

L’éloquence, toujours.

« On y apprend l’Art Mystique Eldritch. Parce que, pour des artistes mystiques, la magie est un gros mot. "Les arts mystiques sont similaires aux arts martiaux"… qu’ils disent. "Les tao mandalas se nomment Boucliers des Séraphins"… qu’ils disent. "Parce que les Séraphins l’ont enseigné". D’accord mais ça fait quand même vachement magie, quoi.

- Tout va bien, s’impatiente le Sorcier Suprême de l’autre côté de la porte, à moins qu’il ne s’inquiète ; c’est dur à dire, actuellement.

- Jean, ça va toujours presque ? »

Katmandu. Le nom laisse rêveur, tout comme l’endroit mystérieux qu’on lui attribue. Anna précise que c’est au Népal et comme réponse, la rouquine laisse son sourire s’agrandir car elle le sait déjà, mais imagine fort bien les paysages que la brune a pu admirer. Elle comprend sans mal pourquoi ce lieu est tenu secret, mais ne sait guère comment l’imaginer, lui. Est-ce un endroit fleuri, entouré de jardins et de fontaines ? Est-ce perdu au fin fond de la montagne isolée ? Est-ce, au contraire, au cour d’un village paisible ? Elle ne sait comment se le figurer mais, se fiant aux paroles d’Anna, le Phoenix se laisse porter par un moment de rêverie. Son esprit, étourdi, malmené, épuisé, en a bien besoin, du rêve.

« Demandez au Docteur, c’est lui le Sorcier Suprême. » S’en vraiment s’en rendre compte, la rouquine tord sa bouche en une grimace déjà défaitiste, bien connue des enfants qui s’attendent à une réponse négative. Tout comme le bambin qui sait par avance qu’il n’aura pas tous les jouets du magasin, le Phoenix se doute qu’il est peine perdu de demander au Sorcier Suprême de l’emmener dans un tel endroit. Déjà qu’il ne semble pas le supporter ici ! « Je ne crois pas qu’il accepte… Il semble pressé de se débarrasser de moi. » Comme les autres. La pensée n’est point partagée mais impacte furieusement son expression ; la mine renfrognée, les yeux baissés, la bouche légèrement remuante, l’enfant joue quelques secondes avant ses doigts posés sur ses genoux avant d’inspecter ses bras, sous la question d’Anna.

L’observation minutieuse de ses bras comportant de simples éraflures et blessures sans gravité aurait dû la rassurer mais, plutôt, la jeune fille vacille dans un malaise mêlant frissons et bouffées de chaleur ; essayant de rassurer Anna (ou de se rassurer soi-même), la rousse glisse avec douceur vers le carrelage froid. Elle frissonne à son contact mais n’en dit rien, ne sachant pas très bien si elle s’en réjouit ou s’en morfond. Il fait chaud et il fait froid à la fois… Elle ne sent même pas que ses jambes sont soulevées par son infirmière d’un jour, car sa tête oscille entre la droite et la gauche, sous la douce voix d’Anna. Celle-ci lui parle de Kamar-Taj, maintenant sa conscience à la surface : le contact visuel semble dérisoire tant le regard de Jean est nébuleux mais, elle est là. Et alors que la voix du Sorcier se fait entendre derrière la porte, la rouquine attrape la main de cette présence féminine si agréable et si réconfortante pour lui murmurer, presque dans un soupir suppliant : « Vous n’allez pas me laisser seule, hein ? »

Après quelques minutes, l’opaline reprend des couleurs plus chaleureuses et elle se sent enfin prête à redresser son dos et abaisser ses jambes, bien qu’il reste encore un flottement abattu en son corps, comme une fatigue trop longtemps accumulée qui menaçait de faire plier sa conscience. « Je suis désolée, je me suis sentie… Partir. » Repliant ses jambes contre son torse, elle les entoure de ses bras frêles et appose sa joue contre sa peau, toute recroquevillée sur elle-même. Malgré sa demande, elle devine fort bien que la jolie brune n’a pas l’opportunité de s’éterniser à ses côtés, et qu’elle est attendue ailleurs pour aider, comme elle vient de le faire, ceux qui en ont besoin. C’est pourquoi, en portant un doux sourire aux lèvres, elle lui dit, sans bouger : « Dites lui que j’ai besoin d’un court instant et que j’arrive, s’il vous plaît. » Puis elle rajoute, d’une voix basse juste pour qu’elle puisse l’entendre : « Et merci pour tout, vraiment. »

La grimace au fait de demande au Sorcier Suprême s’étend sur le visage d’Anna, qui comprend la réponse avant même qu’elle soit formulée à haute voix. Jean ne croit pas qu’il accepte. Il semble déjà pressé de se débarrasser d’elle.

« Maître Wong dit que… "il est peut-être facilement ennuyé et frustré par tout le monde autour de lui… mais… il a bon fond". Apparemment, il faut juste creuser. »

Est-ce qu’Anna envisage de préciser que d’autres Maîtres disent qu’il est arrogant et imbuvable ? Ce n’est peut-être pas le plus réconfortant à énoncer… ainsi se tait-elle. Jusqu’à ce qu’elle demande si cela va. Puis tente d’éviter la perte de conscience.

« Vous n’allez pas me laisser seule, hein ?

- Non, assure-t-elle après un instant de réflexion. S’il râle quoi qu’il arrive, lui donner une raison de plus de le faire n’est pas grave non ? »

Ceci est une vraie question. A deux, elles auront peut-être le courage de le faire… ou pas. Dans tous les cas, Anna ne tarde pas à hausser la voix pour répondre.

« Tout va bien Docteur ! On arrive… euh… bientôt ? »

A l’échelle du temps, quelques minutes c’est bientôt n’est-ce pas ? A l’échelle de la porte, pas forcément… mais Anna ne préfère pas y penser. Si le Sorcier Suprême en avait déjà marre, rien ne va s’arranger. Tant qu’il n’empire pas la situation, cela ira. Autant dire que cela risque de ne pas aller. Peut-elle donner des conseils médicaux ? Surement. Osera-t-elle le faire ? Euh…

Lorsque Jean s’excuse, Anna sourit avec bienveillance : ce n’est pas nécessaire. Pas plus que de le dire. L’autre jeune femme n’est pas partie, c’est le principal pour l’une. Quant à la position recroquevillée… elle ne voit pas trop quoi y faire. Elle sait ce que cela veut dire. Elle attend alors.

Elle sourit au sourire.

« On a encore besoin d’un court instant, dit-elle en s’approchant de la porte protectrice. Et, euh… merci pour tout, vraiment. »

Comment cela, c’était à elle qu’il était destiné ?

« Tu as besoin d’aide pour te changer, demande-t-elle en se retournant vers Jean. Ou tu veux juste que je regarde ailleurs le temps que tu le fasses ? »


Pour quelqu’un qui n’a plus l’habitude des portes, j’ai l’impression de passer ma soirée à attendre devant l’une d’entre elle. Une impression, néanmoins. Heureusement. Après avoir toqué de la lame de main, tout en évitant soigneusement que mes doigts n’entrent en contact avec la surface dure et en crispant la mâchoire au désagréable des vibrations, j’attends.

J’attends.

Je finis par interroger. Est-ce que je m’impatiente ? Oui. Est-ce que je m’inquiète ? Aussi. Laisser une Novice seule avec une télépathe altérée psychiquement, même si elle n’était pas aussi puissante que Grey, est un gros risque. Je mise néanmoins sur le Sanctum pour la protéger au besoin. Après tout, le manoir peut téléporter l’une et l’autre des protagonistes à l’envie.

« Tout va bien Docteur ! On arrive… euh… bientôt ? »

Est-ce de l’ironie ou du sarcasme ? Dans l’esprit et dans le ton, ni l’un ni l’autre. Dans les faits… j’inspire profondément pour me retenir de soupirer. J’envisage de ramener le tourne-disque, une chaise et un livre dans le couloir pour attendre. Ayant appris de mon erreur, je ne ramène que la chaise et le livre. Par téléportation, évidemment. Pour que je puisse m’assoir, la Cape se détache de mes épaules et commence à léviter à mon côté.

Elle est légèrement penchée du col vers moi. Elle me fait savoir qu’elle me regarde, même si le concept de regarder comme l’angle de vu ne lui est pas totalement applicable. En vérité, elle me juge. A loisir. Moi, je lis.

Et je fais bien : j’ai le temps de lire deux ou trois pages avant qu’un nouveau bruit ne provienne de la salle de bain.

« On a encore besoin d’un court instant. Et, euh… merci pour tout, vraiment. »

Elle se fout de moi ? S’il est bon de savoir que l’instant précédent était long, ce qu’il était effectivement, qu’il faille encore un court instant et qu’elle me remercie pour tout, "vraiment", me fait me retenir un nom d’oiseau pour les deux jeunes femmes. Je ne prends même pas la peine de leur répondre.

Lorsque la porte finit enfin par daigner s’ouvrir, je me relève tranquillement tout en renvoyant la chaise et le livre à leurs places. La Cape, elle, reste à léviter en me fixant. Si elle a l’intention de se joindre aux festivités cherchant à sacrifier ma patiente, elle va y arriver rapidement.

« Dites, commence la Novice, arrêtant d’ouvrir la porte juste après son visage et l’une de ses mains ; même pas les deux… Est-ce qu’il serait possible d’aller à Kamar-Taj ?

- Une fois que vous en aurez fini ici, oui, réponds-je simplement face à celle qui souhaite rentrer, histoire de savoir où elle en est.

- Non, avec elle. »

Je la regarde en me retenant au mieux de soupirer, ce qui n’est pas totalement efficace, et en étant parfaitement incapable de ne pas être blasé. Parler de Kamar-Taj n’est pas une mauvaise idée en soi, au contraire. Certes, il y a plus de gens pour être possiblement impliqués lors d’une confrontation, chose pouvant être un mal ou un bien fonction du camp dans lequel ils se trouvent (putains de télépathe et de contrôles mentaux). Après, Grey bis est déjà perdue ; qu’elle le soit d’un continent de plus n’est peut-être pas plus problématique que cela. De plus, Wong sera présent et il est plus avancé que moi dans l’Astral… soit plus à même de combattre une influence télépathique. Aller, c’est une bonne idée au final. Reste à la traiter à sa juste valeur.

« Vous lui partagerez un vêtement chaud, ordonne-je donc, récupérant l’Anneau de Téléportation à ma ceinture pour me mettre en position de canalisation. Il ne me semble pas que vous lui ayez acheté de quoi sortir la nuit à 1.400m d’altitude. »

Que cela soit l’ordre ou le fait d’envisager de sortir, la demoiselle semble surprise et n’ose rien répondre. Oui, je sais qu’elle ne sait pas qu’il va falloir émerveiller Jean Grey bis pour qu’elle reste… le fameux plan de Dominique. D’un autre côté, si on l’emmène à l’autre bout de la Terre, est-ce que le spectacle de magie est encore nécessaire ?

Je tourne la main jusqu’à ce que le cercle d’étincelle ouvre le portail entre ici et l’une des salles d’architecture traditionnelle népalaise. Du fait du décalage horaire, la nuit implique que les puits de lumière des plafonds comme les grilles des parois ne soient guères visibles ; à la différence des colonnes sculptées délimitant l’espace de vie du couloir extérieur. Cela se voit aussi au sol, le couloir étant surélevé et de bois tandis que la pièce est carrelée. Enfin, des plafonniers carrés et plats sont présents dans le couloir, montrant qu’on a l’électricité, alors qu’il n’y en a aucun dans la pièce contenant uniquement quelques bancs, chaises et tables basses.

« Et pour votre Apprenti, me demande la Novice alors qu’elle sort pleinement de la chambre et entreprend d’attendre notre protégée partagée.

- Il nous trouvera. »

Ça lui fera les pieds, ou plus exactement l’Anneau de Téléportation, de nous chercher un peu. Il faudra juste que je pense à vérifier que Dom ne se contente pas de s’installer à table et de bouffer en mode "ils finiront bien par arriver" lorsqu’il aura vu le Sanctum vide.

Rabaissant mes mains et me redressant, j’accorde un regard à la Cape qui reste à léviter en l’air. Je regarde ensuite Grey bis sortir de la salle de bain, habillée j’espère, avant de lui tendre une main pour l’inviter à franchir le portail.

« Après vous, dis-je avec sobriété et autant de douceur que j’y parviens ; ce qui est plutôt réussi, pour moi. Evitez de toucher le cercle d’étincelles, il est brulant. »

C’est un conseil et non un avertissement. Le portail ne risque pas de trancher s’il ne se referme pas néanmoins il reste capable de bruler à en cautériser une plaie. Pourtant, on n’a guère l’impression de chaleur quand on le franchit. Enfin, outre la légère différence de température entre le Sanctum et Kamar-Taj.

« Je vais aller chercher des pulls, dis la Novice à Grey bis avant de s’incliner face à moi, me faisant lever les yeux au ciel, puis de s’en aller au pas de course.

- Bienvenue à Kamar-Taj, conclus-je en quittant des yeux Black pour Grey. Souhaitez-vous vous assoir le temps qu’ils reviennent avec vêtements et repas ? »

Vas-y Stephen, tu peux le faire. Idéalement, il faudrait te taire ; ça se passe mieux quand tu te tais.

« C’est elle qui vous a parlé d’ici ou vous connaissiez déjà avant ? »

Faire parler l’autre est un bon moyen de se taire, même si l’information est intéressante en soi. J’accompagne Grey bis jusqu’à l’un des sièges de la pièce ou du couloir, selon sa préférence, tout comme je suis prêt à rester debout en sa compagnie. La Cape, elle, lévite toujours à mon côté mais ne me fixe plus. Qu’elle fasse sa vie, elle peut être un sujet de discussion voire un tour de magie.

Il me suffit de penser cela pour qu’elle revienne se mettre sur mes épaules. Saloperie de Relique.