[Terminé] SPACESHIP !

Ni Rocket ni Groot, selon le premier, ne se sont jamais demandés de savoir si le second avait mal aux branches ou aux racines… normal. Il n’y a que moi pour me demander de telles choses ! Il n’y a aussi que moi pour me demander comment Groot fonctionne et s’il s’agit, cellulairement, d’un animal ou d’un végétal. Ou d’un hybride. Ou d’un truc qui ressemble pas un hasard évolutif mais qui n’a rien à voir ; un peu comme Rocket, quand on y pense. Rocket Raccoon qui ressemble à un raton-laveur, j’ai pas tilté jusque là mais y’a matière à poser des questions. Soit il vient de la Terre et il a été lourdement modifié, soit il existe une planète dans l’univers avec des raton-laveurs humanoïdes. La seconde hypothèse est la plus probable mais il faudra que je pense à demander.

Heureusement, je n’ai pas un millier de truc à penser…

Ou de conneries à dire. Après, elles font un poil mouche ! Inutile de m’installer dans les toilettes, je prendrais la place ! Quant à l’embarra… le ridicule ne tue pas, même s’il amoche bien, et ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort donc le ridicule nous rend plus fort ! CQFD.

« Gardez bien le sachet et tout ira pour le mieux. »

CQFF : Ce Qu’il Fallait Faire. Je le fais.

CQFC : Ce Qu’il Fallait Comprendre. Je le fais pas.

Les capacités de réaction de Rocket m’impressionnent, lorsqu’il m’explique ce qui s’est passé. J’étais persuadée qu’on avait évité un truc durant le saut mais, non, c’est à son arrivée qu’un astéroïde a voulu se la jouer terraformation dans nos tronches. Si j’avais été au volant… on aurait pu nommer l’astéroïde Bucky. Pas vu pas pris, en théorie. Pas vu bien pris, en pratique : le Winter Shaker, je l’avais pas vu avant le contact !

« Pour ce que vois appeler les amortisseurs, c'est le rôle des stabilisateurs qui équilibrant les forces, mais c'est surtout des techniques de pilotage avancé. »

J’ignore la tête que fait Enzo mais elle doit pas être loin de la mienne : WTFF ? Autant je comprends le principe d’équilibrage des forces, peut-être par répartition, pour éviter que l’accélération nous fasse passer à l’état gazeux, autant que ça soit des techniques de pilotage… WTFF ?! Comment ? Soit c’est un truc que le cerveau et le corps humain ne sont pas capables de percevoir car on ne transmet pas les données assez vite, et vu la vitesse dont on parle chaque seconde doit sembler très longue pour Rocket, soit Rocket frime un petit peu niveau pilotage.

« On apprend à compenser les contraintes en jouant sur la puissance des réacteurs. Vos appareils terriens seraient désintégrés en moins de deux avec de telles conditions.

- Nous aussi, ne puis-je m’empêcher de lâcher, incapable de savoir comment jouer des réacteurs permet de passer à des dizaines et des centaines de fois la vitesse du son en une seconde sans en mourir. Le corps humain supporte bien un ou deux G mais au-delà de la demi-douzaine, sans entrainement, c’est mort. Et à la dizaine, c’est nous qui le sommes ; morts. »

Et là, je suis pas capable de calculer de tête les centaines de millier de G impliqués par les accélérations et les décélérations. En tout cas, c’est pas une armure Stark qui pourrait faire cela ; or elle resterait probablement meilleure que les Quinjet, qui doivent être les véhicules les plus avancés sur Terre. Après, peut-être que le SHIELD a pu les améliorer via les technologies de Rocket, comme avec les technologies Stark avant lui. Personnellement, c’est surtout la source d’énergie qui m’intéresse puisque c’est ce qui résoudrait le plus de difficultés humaines ; quand bien même Stark et les réacteurs ARC sont déjà passés par là.

Accrochée à mon sac à vomi pour l’heure inutile, je regarde les planètes défiler à des vitesses inimaginables autour de nous en me demandant si je rappelle ma volonté d’aller sur Vénus ou si le fait d’en discuter me suffira : après tout, la technologie qui permet d’y aller m’intéresse plus que d’y mettre le pied, vu que personne ne le saurait ou ne me croirait et que j’ai pas de quoi rendre l’expérience enrichissante pour la Science ou l’Humanité. Et en parlant de résistance, j’ai une autre curiosité qui me vient au museau.

« De votre côté, vous seriez capables d’y résister, demande-je à Rocket. Et, au risque d’être raciste une fois encore, j’ai quelques curiosités vous concernant. On a une espèce qui vous ressemble sur Terre, appelée Raccoon dans certaines langues d’ailleurs… vous avez un lien ou pas du tout ? »

C’est pas la manière la plus fine que j’ai de poser la question mais au moins est-elle posée. Je pense pas être la première à lui faire remarquer la familiarité et je suis sincère dans mon doute : je ne vise à rabaisser personne et place Rocket avant le Raccoon, non l’inverse, tout en demandant, non en comparant ou insinuant. J’espère que ça va passer. Très franchement, je ne serais pas étonnée qu’il soit un humain mutant hybride raton-laveur. Si je ne suis pas certaine qu’il serait plus résistant qu’un humain non hybridé, je ne doute pas que cela lui apporterait des sens améliorés, particulièrement celui du touché qui peut être extrêmement important dans la mécanique, et une agilité surhumaine. Cela expliquerait aussi la petite taille : pourquoi les hybridations devraient toujours n’avoir que des avantages et jamais d’inconvénients, sous réserve que ça ne puisse pas être tourné à l’avantage de Rocket également. Être plus petit et plus agile, c’est plutôt un bon combo ! L’absence d’épigénétique volontaire, comme chez Luke Hunt, est plus dommageable socialement. Beaucoup plus.

Quand, à la question "Comment vous faites pour accélérer sans nous désintégrer ?" vient la réponse "Je vous montre.", j’ai un petit temps de latence avant un "hein ?" plus qu’à-propos ! Pire, le temps de passer de "hein" à "deux", mes deux deux et moi-même sommes au fond de nos sièges suite à une accélération dont j’ignore le niveau puisqu’elle fait subir plus de contrecoup que celle pour aller dans le trou-de-ver ! Est-ce qu’on peut avoir le mal du ver ? Du dossier au harnais, il a changé de rythme ! Du dossier au harnais, j’ai volé ! Couiné, aussi. Les cotes fêlées une semaine plus tôt me font voir des étoiles et pas celles que Rocket voulait me montrer. Pliée en deux, je broie le sachet dans mes mains et ferme les yeux tout en essayant de fermer la bouche dont les lèvres sont retroussées en une grimace de douleur. Je ne respire plus pendant plusieurs secondes, puis je me déplie dans mon siège pour m’adosser sur les os qui n’ont pas été endommagés. J’ai pris un coup de pâleur et tâche de chasser les points lumineux en clignant des yeux. Certes, ma question sur son affiliation n’était pas fine mais bazar c’était pas fin non plus ce coup-là. Cela gâche le contentement d’un Nathan qui a apprécié l’attraction malgré beaucoup de bleus et inquiète un Enzo dont la jambe comme les points de sutures n’ont pas dû trop morfler. Il n’y a rien à faire pour mes cotes, juste attendre qu’elles se réparent en leur foutant la paix. Raté.

Je dois avouer que, du coup, j’ai beaucoup moins d’empathie vis-à-vis du fait sur lequel Rocket ironise ; les parallèles entre les raton-laveurs et le fait qu’il leur ressemble et porte leur nom en anglais, Raccoon. Il ne sait pas s’il y a un lien entre lui et l’espèce. "Tout ce dont il se souvient" c’est d’un premier réveil sur une table d’opération, je passe de la douleur à une surprise douloureuse. "Tout ce dont il se souvient" c’est qu’il préférerait ne pas s’en souvenir, je passe d’une surprise douloureuse à une tristesse douloureuse. Puis la peur et la bile commencent à remonter. J’espère de tout cœur que Rocket Raccoon provient d’une espèce d’animaux anthropomorphe car, considérant les parties humaines de son anatomie, s’il est réellement un raton-laveur modifié… à vue d’œil, toute la cage thoracique et tous les membres y sont passés, sauf la queue. Cela signifierait que la colonne vertébrale est d’origine, tout comme le crâne et quelques autres parties ; pieds et mains, surement. Mais le reste. Oh le reste…

« C'est pas le sujet de conversation le plus joyeux, ni le plus ragoûtant, dit-il sèchement, n’aimant pas parler du sujet et cela ce comprend tellement facilement. Si vous vous posiez la question, alors non, je ne suis pas né comme ça.

- Implants cybernétiques ou… »

Je n’arrive pas à prononcer la suite mais j’imagine avec trop de détails le désossement d’un enfant pour procurer le "matériel" nécessaire à remplacer les os et les muscles de Rocket. Sur tout son torse. Sur tout ses membres. J’ai envie de vomir et c’est pas d’excitation. Même l’alternative, les implants cybernétiques, signifieraient qu’il est plus machine qu’os.

« Il me semble qu'elle vous intéressait, reprend-t-il peu après en changeant d’attitude pour reprendre celle d’auparavant, m’amenant à me concentrer dehors pour voir Vénus, alors si vous voulez un arrêt, c'est maintenant. »

Je prends une inspiration désagréable pour répondre.

« Merci beaucoup Rocket, m’interrompt Nathan, qui parle depuis mon dos et que je ne vois donc pas puisqu’il est hors de question de m’appuyer contre le harnais actuellement, mais ça ne serait pas raisonnable. Une autre fois, si vous êtes d’accord ? »

Enzo se retourne vers moi pour s’assurer que j’ai compris le message et faire suivre à Nathan son accord silencieux, puisque c’est à Rocket de décider. Normal, tout cela n’est possible que grâce à lui. A sa gentillesse. Serait-ce vrai, les personnes les plus gentilles sont souvent celles qui ont le plus souffert ? J’en soupire même si l’idée fait sens, intellectuellement. Après, pour une question de survie, pas forcément. Est-ce là le trajet de vie, l’évolution de vie, de Rocket Raccoon ? Cela expliquerait qu’il ait commencé comme mercenaire avant de devenir un héros. Cela expliquerait qu’il ait commencé comme un dur à cuir avant de devenir… qui il est à présent. Plein de bonne volonté et de gentillesse.

« Je suis désolée, dis-je tout simplement en le regardant lui. Votre cœur et mes côtes… un parton la balle au centre ? »

Après une seconde d’hésitation, je me demande s’il ne faudrait pas préciser que c’est une proposition de trêve par égalité, pas de remise en jeu pour surenchérir. Après, je pense qu’il le sait. Maintenant que je sais, de mon côté, j’ai envie de lui faire un câlin. Pas parce qu’il ressemble à une peluche, il ne faut pas croire j’approcherai pas d’un raton-laveur sauvage ! Mais parce que je suis peut-être l’une des rares personnes à pouvoir l’imaginer comme il se voit, lorsqu’il se regarde vraiment. Qu’importe la combinaison de pilote. Je comprends qu’il ne veuille pas se souvenir. Je comprends qu’il préférerait ne pas savoir. Je préfèrerais ne pas savoir non plus. Heureusement pour moi, je ne me souviens pas…

« C'est pas le sujet de conversation le plus joyeux, ni le plus ragoûtant, dit-il sèchement, n’aimant pas parler du sujet et cela se comprend tellement facilement. Si vous vous posiez la question, alors non, je ne suis pas né comme ça.

- Implants cybernétiques ou… »

Je n’arrive pas à prononcer la suite mais j’imagine avec trop de détails le désossement d’un enfant pour procurer le "matériel" nécessaire à remplacer les os et les muscles de Rocket. Sur tout son torse. Sur tous ses membres. J’ai envie de vomir et c’est pas d’excitation. Même l’alternative, les implants cybernétiques, signifieraient qu’il est plus machine qu’os.

« Implants cybernétiques et manipulations génétiques. Je ne viens pas d'un monde enchanté ou les animaux portent des vêtements et parlent comme dans vos Dessins animés. C'est par ces modifications corporelles que je peux piloter un vaisseau, manier des armes ou juste vous soutenir à bout de bras comme tout à l'heure. »

Probablement né en laboratoire, s’il y a les manipulations génétiques. C’est plus facile in-vitro, surtout si l’on veut que l’individu survive, même s’il existe de nombreux exemple de transformations par ce biais sur des individus totalement développés ; Steven Rogers et les supersoldats, notamment. J’ai pas la force de répondre.

Cela permet d’en passer à Vénus, où c’est Nathan qui s’en charge. Qui décline la proposition. Enzo vient en renfort pour s’assurer que j’obtempère. Impossible de retenir un sourire à la réponse de Rocket, cependant : "rien d’intéressant de toute façon. Elle est juste belle à voir de loin". Naaaaaan, la Science ! Pleins de découvertes à faire, avec le bon matériel et les bonnes connaissances ; double sens. Mais pas ce soir. Ni cette fois. Peut-être une prochaine ? On verra. Le trait d’humour ne saurait totalement m’éloigner de ma volonté de m’excuser après de Rocket.

« Vous ne pouviez pas savoir, et moi, je ne pouvais pas savoir non plus pour vos côtes. On est quittes. »

Je souris doucement. Oui, nous ne pouvions pas savoir et il n’y avait pas de malice dans les demandes. Et oui, on est quittes : pas de remise en jeu ! D’où que je me taise, sans doute. J’en doute. Enfin Bref.

Le reste du vol, je le regarde en planant. La douleur reflux petit à petit jusqu’à atteindre la barrière de la différence morphologique entre Mantis et moi, même si c’est plus désagréable que douloureux. Heureusement. Il faut souffrir pour être belle et être belle pour se taire donc on souffre en silence… je me suis toujours faite troller pour ce mélange d’expression mais je le trouve totalement pertinent, dans mon impertinence.

Sur les cinq rencontres faites avec des surhumains depuis le début de ce mois-ci, ce qui en fait une tous les deux jours et donc beaucoup trop, celle-ci est la meilleure. Pas uniquement parce que je n’ai pas eu à craindre pour ma vie, comme dans trois d’entre elles, ou que c’est la première que je fais volontairement… mais aussi parce que c’est celle où j’ai fait le plus de découvertes. Rocket tout d’abord, merci ma Chance que Peter Quill n’ait pas été là. Certes, j’ai bluffé pour la rencontre et, du coup, ça m’a permise de la faire sans la mérité mais on n’a pas ce qu’on mérite de toute façon. Le Milano ensuite, après tout je venais pour lui à la base même si je repars avec moins de réponses et plus de vêtements que ce que j’avais imaginé. L’espace après, sans que je puisse être réellement au mieux pour l’apprécier car je n’ai pas le calme d’esprit pour le faire et qu’il me terrorise légèrement, mine de rien. Le cosplay encore après ; nan, sans rire, je crois que je vais recommencer à l’occasion ! C’est probablement de très mauvais goût mais pourquoi pas Wanda Maximoff ? Version gentille… Mieux vaut-il sans doute garder cette pensée, et cette idée, pour moi. C’est sans doute pas une blague, même de mauvais goût, pour Rocket. Rocket qui est aussi la dernière découverte du soir ; car, oui, il compte double. Il a deux visages.

« Avez-vous un numéro et pourrais-je l’avoir si oui ? »

Je demande cela sans trop forcer sur la voix et la traduction, exprimant la pensée comme elle me vient. Adossée au possible dans le siège, encore légèrement shootée par les antidouleurs naturels, je profite calmement du retour tout en sachant que je signerais bien pour un autre tour et que j’aimerais revoir Rocket. Groot aussi, puisqu’il s’est rapidement retrouvé à faire parti du décor la pauvre plante verte. Enfin Bref…

Je ne comprends pas de suite que l’on fait un tour de lune. Elle se contente de défiler au-dessus de nos têtes, astre continental et constellé aux nuances de gris et d’argenté, mais sa taille est telle que la différence se fait réellement quand la Terre disparait. Avec la gravité artificielle, le haut et le bas deviennent indifférents à ceux de l’extérieur. Cet extérieur effrayant par son immensité, dans l’espace comme dans le temps, mais qui peut être sublime. Je pense que je dessinerai la lune, plus que les étoiles. Je pense que je dessinerai Rocket également ; et que je le colorierais.

Tout est calme à présent et la navette finit par suivre cette trajectoire, elle aussi. Elle se calme, s’arrêtant ; autant qu’il est possible de le faire dans un univers en mouvement constant, où chacun chute vers plus lourd que lui avec suffisamment de vélocité pour ne jamais le rencontrer… en général.

« Si ça vous dit de planer au sens littéral, finit-il par dire, me faisant comprendre que je n’aurai pas son numéro mais attirant mon regard à lui alors qu’il s’envole au-dessus de son siège, vous pouvez vous détacher. J'ai désactivé la gravité artificielle. Ça sert à rien, mais c'est marrant. »

Je rigole légèrement : si c’est marrant, cela sert à se marrer !

« Testons ! »

Mon regard passe du raton-volant à Enzo, qui a tôt fait de se détacher et de pousser sur ses pieds pour léviter à son tour. Ses doigts s’en vont faire des traces d’enfants à l’intérieur de la vitre, alors qu’il freine son approche de celle-ci et entreprend de se déplacer en pesanteur. Puis c’est Nathan qui s’approche, attrapant mon appui tête et pivotant à l’horizontal. Nos yeux se croisent en un échange silencieux et, finalement, je défais mon propre harnais. Sac à vomi dans une main et téléphone dans l’autre, je me mets doucement debout pour décoller avec cette même douceur. La natation aide pour se positionner ainsi dans l’espace même si les sensations sont extrêmement différentes. Je pourrais comparer cela avec de la chute libre mais ce n’est pas le cas : il n’y a aucun vent. Peut-être est-ce les anti-douleurs et l’état second qu’ils ont créé, peut-être est-ce la contemplation apaisante de la lune et le mouvement minimal de la navette, sans doute est-ce un mélange de tout cela mais, pour autant j’avais de la difficulté à me concentrer sur mes sens à l’aller, je plane.

De la main avec le sac cartonné, je lève à mon tour le pouce vers Rocket qui est comme un raton dans la machine à laver. Je souris de toutes mes dents. Je lui souris de toutes mes dents.

Je baisse la tête lorsqu’elle s’approche du plafond mais ce dernier continue de s’approcher alors j’y mets la main. Et l’avant-bras. Et la pochette. Oh, la belle trace sur le carreau. Toujours relativement droite, j’imite un Enzo qui a poussé sur ses bras et s’est remis droit pour essayer d’avoir les pieds à terre. Face à lui, j’ai le désavantage des talons hauts. Heureusement, atterrir sur les pointes se fait et s’accompagne d’une main. Pauvre sac à vomi, son existence est bien ingrate.

Nathan, s’amusant, vient essayer de s’assoir à mon côté. Essayer étant important car il a la position qui continue de s’en aller vers l’avant et vers Rocket. Déplier ses jambes est tout ce dont mon ami a besoin pour changer sa trajectoire mais il s’amuse et ne le fait donc pas avant d’avoir atteint sa cible : un Enzo qui le voit venir et le repousse donc.

« Si quand j’avance, tu m’recules, comment veux-tu, chantonne le militaire alors qu’il est revenu en position assise à repartir à sa place, me faisant pouffer d’amusement.

- T’es con, diagnostique un Enzo qui s’est retrouvé dos à la vitre avec cette histoire.

- La connerie, parce que je le vaux bien. »

Rocket intervient de nouveau et, de nous tous, c’est bien Nathan qui a le plus de facilité à suivre les ordres du chef et à retourner sur son siège.

« Lu, dernière chance pour la quiche la plus rapide de l’univers !

- Non merci, dis-je alors qu’il me faut me retourner pour essayer de viser mon siège dans mon saut au ralenti avant que l’accélération ne nous ramène sur Terre.

- Fais-là ou sois-là, c’est ton choix. »

Sac à vomi à nouveau broyé sur l’accoudoir, j’arrive à me repositionner pour m’assoir. Enzo l’a manifestement fait avant moi, s’étant déjà retourné, et Rocket est l’expert ainsi nous a-t-il tous largement devancés. Il nous regarde en attendant qu’on soit prêt et, quand je le suis, je le lui dis.

« C’est bon pour nous, acquiesce-je avec un grand sourire, m’accrochant comme je le peux aux accoudoir pour essayer d’être déjà collée à mon siège lorsque la gravité artificielle s’en charge. Dites, vous pensez que ça a réveillé Groot ? »

Pas forcément la désactivation, je l’imagine bien dormir en l’air, mais plutôt la réactivation, c’est une manière science-fictionnelle de tomber du lit ! Est-ce que cela compte comme se vautrer comme une quiche végétarienne ? Je ne demande pas. Parallèlement, cependant, je suis curieuse de savoir s’il peut avoir des hématomes ou pas ; logiquement non, c’est un végétal, mais il semble se nourrir comme un humain. Petit, était-il planté dans du terreau à transformer le CO2 dégagé par les autres Gardiens de la Galaxie en biomasse à l’instar d’une plante ? Cela signifierait que c’est littéralement sa famille qui lui permet de vivre et aurait une certaine poésie. Après, s’il mange, peut-être devait-il être nourrit comme n’importe qui. Il faudra que je l’étudie.

Une autre fois.

L’entrée dans l’atmosphère auréole les vitres du cockpit de flammes et c’est un spectacle auquel je suis sensible ; parfois un peu trop, probablement. Le feu est fascinant. Ephémère aussi. C’est une question de secondes, comme toujours, avant qu’on ne décélère pour ne pas pulvériser les vitres de NYC alors qu’on s’en vient à notre point de départ. Le parc n’a pas bougé, la cité qui ne dort jamais ne s’est pas arrêtée. Cependant, je les découvre du ciel. Une petite constellation rapprochée et besogneuse par opposition à celles lentes et distantes de l’espace. C’est à cette comparaison que je me dis que les panoramiques offerts par Rocket étaient vraiment exceptionnels, en réalité. Il me faudra du temps pour tous digérer. Les souvenirs sont néanmoins là. Et la vidéo du départ aussi, se terminant glorieusement dans ma quiche…

Niveau gloire pour en terminer, me relever est assez dur le temps que je retrouve mon équilibre puis le sac à vomi s’en va dans ma pochette. Oui, ceci aussi est un souvenir ! Même s’il est probablement d’origine terrienne, c’est un sac spatial. Est-ce que je pourrais le faire dédicacer ?

Je réfléchis à ma connerie alors que Nathan descend le premier et qu’Enzo attend à mon côté. Quand vient mon tour, je lui refile la pochette avant de mettre mes deux mains sur mes flancs en une posture de Mantis-Woman.

« Ma vieille ennemie : l’échelle. »

Bon, à dire vrai, c’est pas forcément celle-là mais il y a une raison pourquoi le plus costaud de la bande passe le premier : si je tombe, il me rattrape. Sinon, ça fait des problèmes. Comme au canyoning. J’aurai pas eu l’occasion de raconter l’anecdote, on verra une autre fois.

Comme si c’était suffisamment facile de descendre une échelle en talons hauts, aka sur la pointe des pieds avec des chaussures pas faites pour ça, j’ai l’autre empafé de Jo qui m’éteint la lumière !

« Jo, râle-je en faisant une pause prudente, si je me quiche je te tarte. D’ailleurs, c’est le même moule.

- Je te vois, t’inquiète pas. »

Est-ce que je prends le risque d’essayer de lui mettre un coup de talon en descendant ? Totalement ! Je le rate, il me choppe la cheville, je me sens conne.

« Et maintenant ?

- Je descends ! »

Après m’être pendue de toute la longueur de mes bras, je le laisse m’attraper par les hanches et me poser par terre. Ensuite, je me retourne alors que Rocket m’explique une situation qui, comme je n’aurais pas pu le deviner précédemment, rajoute de la gloire pour terminer.

Des lucioles commencent à illuminer la pièce à vivre, petites étoiles tranquilles et à portée de mains cette fois. Laissant Enzo se démerder pour descendre avec mes affaires, j’avance avec la bouche entrouverte de surprise et les lèvres étirées de joie. C’est magnifique. Le grand jeu de Groot est magnifique.

« C’est réciproque, réponds-je à l’histoire du nouveau fan. J’adore… »

Puisque mes mains sont libres, je peux les tendre vers les je-ne-sais-quoi bioluminescents qui volètent autour de nous. Quand on cherche à attraper des choses aussi légères, le secret est de ne pas essayer de les attraper justement : le mouvement d’air les ferait s’enfuir. A la place, les mains en coupe, j’attends que le truc y atterrisse de lui-même.

« C’est magnifique. »

Je ferme cinq doigts sur la petite graine puis j’hésite une seconde, me demandant un instant si je ne viens pas de me faire éjaculer dessus version extraterrestre. Un haussement d’épaule et de sourcil plus tard, je me contente de sourire et de garder le truc dans ma main tout en offrant mon plus beau sourire à Groot.

« Moi aussi je suis fan, lui dis-je, sincère, avant de me tourner vers Rocket. De vous deux. »

Lorsqu’Enzo me la tend, je récupère ma pochette et y dépose la petite graine avant d’en sortir une boite métallique tenant dans la paume de la main. Avec l’ongle, j’en fais sauter le couvercle puis en sors une carte de visite que je tends à Groot.

« Contacte-moi, je tâcherai de vous trouvez des places pour mon spectacle. »

Je ponctue ma promesse et ma seconde tentative d’obtention d’un numéro d’un clin d’œil avant de ranger ma pochette. Ce n’est qu’après cela, ce qui signifie tout de même que je prends mon temps, que je rejoins tout le monde au sommet de la rampe qui m’amènera hors d’ici.

Tenue de Mantis plus veste de tailleur sur moi et pochette entre mes mains, je reste la plus éloignée de la sortie et j’essaie d’être la plus souriante même si c’est difficile.

« Vous pensez que mes vêtements sont propres, demande-je avec une idée derrière la tête et pas ailleurs. Si non, c’est pas grave : vous avez mon numéro, je récupère le votre et on se recontacte pour faire l’échange. »

Recommander un bustier et un pantalon est bien moins cher qu’une tenue de Mantis et le numéro de Rocket Raccoon donc je suis parfaitement prête à faire ce sacrifice pour y gagner. Après, je suis encore plus prête à récupérer mes affaires et me barrer avec celles d’autrui, c’est encore mieux ! Sans compter qu’il y a deux niveaux : celles que j’ai sur moi et celles que j’ai bien l’intention d’avoir… ce qui me fait penser.

« Est-ce que je peux avoir vos autographes, tous les deux, poursuis-je en fouillant ma pochette pour en sortir le maltraité sac à vomi et un stylo à bille couleur amarante. Juste ici, pour le souvenir ! »

Enzo prend une grande inspiration pour ne pas trop montrer qu’il est désespéré et Nathan se marre en se croisant les bras. Oui, parfaitement : je veux tenter de repartir avec mes fringues, celles d’une super-héroïne, la signature de deux autres super-héros et leurs numéros persos ! Ey, on ne bluff jamais assez : après tout, tout ce qui est arrivé ce soir provient d’un bluff donc je peux encore essayer.

Le dicton veut que "plus c’est gros, plus ça passe" or le théorème du hamster signale que "si la tête passe, tout passe" alors j’y fonce tête baissée et la première : ça paaaaaaaaaasse !

Le "Non, pas de quiche, merci d'avance" de Rocket est dit en retard puisque je l’ai déjà fait ! Cependant, je le pense très fort mais ne le dis pas. A l’inverse, le Gardien de la Galaxie suppose que son homologue viendra nous rejoindre s’il a été réveillé par la chute… chose qu’il ne fait pas afin de nous faire une surprise à tomber par terre !

Cette soirée est définitivement la super-rencontre la meilleure de toute ma vie jusqu’ici ; et elle risque de le rester très longtemps, considérant le niveau. Mieux encore, tout le monde l’a appréciée. Même Rocket et Groot, qui ne nous ont pas seulement accompagnés et guidés mais ont également profité de nos présences. Le chat-rme, babies ! Faire rougir une plante verte, c’est fait ! Faire ronronner un raton-laveur, c’est presque fait ! Obtenir leurs numéros sur un post-it de l’espace, YES !

Je tâche de ne pas sauter sur place lorsque Rocket me le tend, ce qui est une réussite aidée par mon instinct de survie : talons hauts et côtes fêlées. Néanmoins, je suis aux Archanges ; ben oui, j’étais déjà aux Anges avant. De mémoire, après je serais aux Puissances. Puis les chœurs m’échappent mais je ne pense pas chanter jusque-là…

« Le deuxième est pour nous joindre dans l'espace avec le communicateur, déclare Rocket, me surprenant quand aux implications de retransmission liées comme à l’honneur qui est fait : le BLUFF les gens ! Ca peut servir. »

Je m’apprête à le remercier mais je n’en ai pas le temps que Groot se présente à nouveau avec sa faute de langue.

« Oui, on ira au spectacle, lui répond l’autre gardien, me faisant comprendre que c’est peut-être pas une faute de langue mais une langue étrangère, il faudra juste trouver une date.

- Je s'appel Groooot !

- Du lundi au vendredi, de 20h à 21h30, à la Brooklyn Academy of Music… le spectacle, pas le fait que tu t’appelles Groot. »

Je fais un clin d’œil au concerné, consciente qu’il ne disait pas cela mais plaisantant dessus tout de même.

« Sinon, donnez-moi un samedi ou un dimanche et je vous fais le spectacle en VIP ! »

Laissant l’arbuste aux Puissances et les deux deux en contre-bas, j’attends un instant que Rocket me ramène une énième réussite de ce soir : mes vêtements ! Réussite pour la quiche, selon Nathan, mais surtout pour le fait de repartir avec toutes mes affaires et celles d’autrui, selon moi. Principe de base : ce qui est à moi est à moi, ce qui est aux autres est négociable. J’ai négocié comme une cheffe.

« Les voilà, il n'y a plus une seule trace, me dit Rocket en me tendant mes vêtements avant de m’accompagner rejoindre Nathan et Enzo à la rampe.

- Meerci, dis-je au Gardien de la Lingerie après avoir collé le post-it sur ma pochette pour récupérer celle-ci et de suivre le premier afin d’en trouver un second : et meerci. »

Cette fois, c’est Nathan qui est remercié et pour porter mes vêtements ! Ben oui, j’ai déjà ma pochette, c’est suffisant, et j’ai un sac à vomi à faire dédicacer. On est "la tête et les jambes" donc comme je suis une tête de mule lui c’est ma mule à moi. Logique. On dit aussi comme cul et chemise mais je ne vais pas extrapoler sur celle-là. Enfin Bref, dédicace de l’espace.

« Euh, commence un Rocket à qui je fais mes plus beaux yeux de biche, et pas ceux hypnotisés par les phares d’une voiture même si je fais face à une lumière, oui, d'accord, pas de problème. »

Après les Puissances, c’est quoi déjà ? Les Trônes ? Nan, ils sont de troisième cercle. Peut-être les Dominations. Toujours est-il qu’on commence à être vachement haut dans la hiérarchie céleste. D’ailleurs, on a quitté le premier cercle, qui s’occupent de la Terre, pour aller vers le second, qui s’attache à l’univers ; logique considérant notre épopée ! Restera encore le troisième, qui s’attache à Dieu. Trônes, Chérubins et Séraphins ; eux je me souviens. Ils sont super-weird. Et ils existent probablement considérant qu’on n’a plus le droit d’être athée…

La récupération du meilleur sac à vomi du monde, voire de l’univers considérant que pas grand monde doit accorder de la valeur à ce genre d’objet, me tire de ma dérive mentale et me fait grandement sourire : d’abord pour les autographes, ensuite pour celui de Groot qui ressemble à une fleur. Il m’en fait une, de fleur, dans deux sens du terme du coup ! Du coup d’ailleurs, son écriture est florale ? Je veux apprendre à écrire. Et à parler.

« Meerci, souris-je aux deux Gardiens avec de les regarder tour à tour. Une dernière question : Groot, pour parler ta langue, je dois dire "je s’appel Groot" ou "je s’appel Lucky" ? »

C’est d’une importance capitale pour savoir si Groot c’est son nom ou son espèce !

Une fois la réponse obtenue, je me baisse pour faire la bise aux deux compères. Un dernier sourire enfantin, avec les dents du haut dévoilées et soulignées par la lèvre du bas, puis je descends finalement sur la rampe. Je me retourne pour les regarder une fois sur le plancher des newyorkais, puisqu’ils n’ont pas de vache ici, et fais un coucou de mon sac à vomi collector. De part et d’autre de moi, Nathan salut de deux doigts sur son front et Enzo d’un signe de tête.

Puis la rampe se ferme. Et je lâche un "iiiiiiiiii" de contentement en sautillant sur place à mon tour, bras repliés contre mon torse en bonne fan-girl. Puis, sous les regards blasés de ma paire de deux, je reprends contenance et m’éloigne de vaisseau à la tête du trio.

J’ai le sourire jusqu’aux oreilles et fais de mon mieux pour ne pas avoir les mains au niveau, me devant d’être félinement digne lorsque je passe à portée d’observation depuis le cockpit. Dans cette ligne de mire, je me tourne un instant pour voir s’il n’y aurait pas deux Gardiens perchés à m’observer partir... puis je m'en vais avec un grand sourire.

Best Night Ever.