[Terminé] SPACESHIP !

Un vaisseau spatial.

Pendant des mois, il y avait eu un vaisseau spatial dans un parc de Brooklyn. Lequel ? J’en sais rien. Pourtant, j’ai envoyé Enzo chercher. Après, ça ne servait à rien puisqu’il n’y était plus depuis juillet, le vaisseau pas Enzo. Mi-juillet ou fin-juillet, les dates changeaient selon les témoins ; comme le nom du parc en question. Mon agent s’est bien pris la tête à mener l’enquête sur cette affaire. Heureusement, il a pu apprendre plusieurs informations sur les habitants dudit vaisseau : trois-quatre extraterrestres, un raton-laveur et un humain en guise de chef. Humanity First ! Suis-je raciste en disant cela ? Si oui, je suis raciste correctement, puisque les extraterrestres ne sont pas de mon espèce, là où entre humains ça devrait s’appeler de l’ethnisme ; la théorie des races étant scientifiquement prouvée fausse. Parler de racisme c’est donc donner raison aux racistes, de mon point de vue. Point de vue qui, actuellement, désir surtout trouver le vaisseau spatial. Je me doute que le SHIELD a déjà voulu le démonter pour en extraire les technologies mais je suis pas de l’organisation et je n’ai pas peur de demander poliment à un Avenger s’il pourrait me faire visiter sa demeure. Avec un sourire et un décolleté, oui, ça aide.

Assise de travers sur le fauteuil dos au coffret du frigo, j’use du miroir qui se trouve au fond du séjour pour finir de me maquiller. Crème teintée en lieu et place de fond de teint pour unifier le mien, de teint, eye-liner sur les paupières supérieures, mascara pour allonger et recourber les cils, baume à lèvres et gloss pour faire briller les lèvres… une recette pour un visage naturel équilibré axant légèrement sur les lèvres et les yeux ; soit ce qui me permet de sourire et d’être pleinement expressive. Pour aller avec cela, ainsi que mon plan de demander poliment à un Avenger, j’ai revêtu ma robe fourreau blanche fendue, dévoilant donc ma cuisse gauche là où elle dissimule la droite jusqu’au genou, dont le décolleté est sans manche, étant maintenue aux épaules pas deux bretelles. Avec la longue pochette à main assortie, j’irradie donc de pureté et d’innocence tout en mettant en avant ma silhouette et mes courbes. Afin de compléter cela, j’ai choisi des escarpins à bouts pointus, à talons aiguilles six centimètres et à bracelet de chevilles, dont le gris ajoute une touche de calme et de douceur que je pourrais transformer en tristesse et solitude avec la bonne moue et l’insistance visuelle sur mes pieds. Alors que la LM ralentie, je pince mes lèvres pour terminer d’appliquer le gloss et me souris dans le miroir, penchant la tête de contentement alors que mes longs cheveux roux glissent vers mon dos pour épouser la forme de mes épaules et encadrer ma gorge. De la main gauche, puisque la droite tient encore le gloss, je ramène une mèche vers l’avant et l’entoure du bout du doigt. Le détail y est. Ainsi, je délaisse le miroir pour me tourner vers la table devant mon siège et replace la dernière touche de maquillage au sein de l’équipée se trouvant dans ma pochette.

De l’autre côté du plan de travail se trouve le coude de Nathan, vêtu d’un costume gris, et son avant-bras musclé remonte jusqu’à la main dont il se sert pour clore ses lèvres d’un index replié et soutenir sa joue d’un pouce étendu. Sa pilosité de trois jours, barbe et chevelure châtain aussi longues l’une que l’autre, encadrent son visage gentil dont les yeux bleus expriment une réflexion inquiète et amusée.

« T’inquiète pas, lui dis-je avec un sourire en refermant ma pochette. On a fait pire. »

Bien que ses lèvres soient cachées, son sourire se voit dans ses yeux comme sur ses joues. Amusé plus qu’inquiet, cette fois. Abandonnant sa position, Nathan s’adosse au siège, perpendiculaire à la table, puis croise les bras sur sa chemise bleutée, sa veste étant ouverte. Son regard et son visage, eux, ne me quittent pas.

« T’as aussi fait mieux, niveau plan, souligne-t-il, me rappelant que le mien est un peu léger par rapport à la situation. Après, il est suffisamment con pour marcher… ou te faire poirauter un bon moment devant l’entrée.

- L’un n’empêche pas l’autre… mais je suppose que tu préfères la partie où je suis ridicule ?

- Tellement, assure-t-il avec un sourire grandissant, que je partage pleinement.

- Je maintiens que si je réussis à rentrer dans une base de super-héros gardée par des hommes d’une agence de sécurité internationale avec cette excuse, ça me fera un haut fait.

- T’as choisi le décolleté pour ça.

- Si les infos d’Enzo sont vraies, ça aidera, dis-je en lui faisant un clin d’œil.

- Et si elles le sont pas c’est Enzo qui devra t’aider, me répond-t-il avec son propre clin d’œil. Heureusement, il n’est pas loin.

- Je t’avais dit que c’était du génie de prendre son avocat en chauffeur.

- Et je t’avais dit que Nathan ne va pas défoncer le bus comme il l’a fait de ses voitures, il ne va pas assez vite, intervient le concerné qui nous entend depuis l’habitacle de la LM, plusieurs mètres plus loin, en levant la voix pour qu’elle porte.

- Nathan ou le bus ?

- Le bus.

- S’il, Nathan, ne le conduit pas, le bus, il ne peut pas le défoncer, confirme-je en me levant de mon siège pour entreprendre de marcher vers l’avant, haussant le ton à mon tour. On est d’accord, arrête d’insister.

- Ouais, arrête d’insister, m’appuie Nathan en tournant le visage vers l’avant du bus. Je suis bien à vous regarder faire. »

Dans le siège conducteur, Enzo est vêtu d’un costume noir sur lequel tombent ses cheveux bruns et sous lequel apparait sa chemise blanche. Ses yeux marrons ne quittent pas la route, même lorsque j’ai suffisamment remonté l’allée du bus pour pénétrer dans l’habitacle à mon tour. M’installant sur le siège passager, plus petit que le conducteur et surplombant l’escalier en L, je regarde Enzo de profil. Son nez et sa mâchoire semblent encore plus marqués sous cet angle, tandis que sa chevelure brune lui tombe jusqu’aux épaule et que sa barbe de trois jours lui encadre une petite bouche aux lèvres fines.

« Tu es sûre que tu ne veux pas que je t’accompagne ?

- Yep, confirme avec un acquiescement souriant que mon ami ne peut pas voir puisqu’il est concentré sur la conduite. A chaque fois qu’on est dans la configuration où tu m’accompagnes et Jo glande, ça se termine avec toi parterre et moi qui doit improviser une solution pour m’en sortir le temps que l’autre arrive après la bataille.

- C’est ça la subtilité, intervient ledit autre depuis l’arrière. Quand c’est Enzo qu’est en réserve c’est moi te sauve les miches. Tu te souviens du canyoning ?

- On ne parle pas du canyoning !

- J’aurais tellement voulu être là.

- Moi je m’en serais bien passée…

- Tu m’étonnes… mais on en rigole bien maintenant.

- Surtout toi.

- C’est ça un vrai mec, dit-il avec une fierté surjouée mais bien réelle.

- Mon héros, dis-je avec exagération mais sans ironie.  

- D’ailleurs, quand c’est qu’on respecte les stéréotypes de film et qu’on couche ensemble ?

- Le jour où t’auras fait ce que j’ai proposé au resto de Montmartre.

- Tu sais pas ce que tu rates.

- Une fondue à la viande.

- J’ai manqué tellement de trucs. »

On pouffe tous les trois, nettement plus détendu que quelques minutes plus tôt. Néanmoins, la tension remonte légèrement à la vue des clôtures militaires du domaine de l’Avengers Facility. Impossible de s’en approcher réellement et sans être détecté, même sans bus blanc de douze mètres de long, ce qui n’est de toute façon pas l’objectif pour la seconde partie. Enzo se gare donc tandis que je me relève, prenant une inspiration.

« I’m the Lucky One, me rappelle-je à voix basse pour m’encourager.

- And I’m your advocate. »

Le sourire blagueur d’Enzo me fait sourire également. Il appuie ensuite pour que la porte passager s’ouvre et que je puisse descendre par le petit escalier du bus. Je sens mon stress monter et ne cherche pas à le gérer car le sentiment est logique vis-à-vis des deux situations : la réelle et celle de mon plan.

Après avoir avancé devant les grilles à la recherche d’une caméra de sécurité, chose aisée à trouver, j’entreprends de sourire à celle-ci, un sourire stressé et intimidé mais excité également, puis agite la main gauche au niveau de mon épaule en un "coucou" qui épaule mes sentiments précédents.

« Euh… boujour, demande-je à la caméra, m’approchant suffisamment pour être en contreplongée de celle-ci et avoir l’air plus petite. Je… je suis le Date de Peter. Quill. On s’est rencontrés à Brooklyn et, euh… il m’a dit de le retrouver ici. »

Ma main cesse son geste pour s’en venir me masser la nuque alors que je fixe la caméra, malaisée. D’après les témoignages recueillis par Enzo, Peter Quill, aka Star Lord, est non seulement le capitaine du vaisseau spatial mais a plusieurs fois été vu en compagne de plusieurs femmes. Ce qui donne de la crédibilité à mon mensonge. Même s’il est percé à jour, j’anticipe qu’un homme ainsi intéressé réfléchisse suffisamment avec son pénis pour m’accorder une entrevue. J’ai confiance ne ma Chance pour que les événements tournent en ma faveur, quitte à avoir un gros retour derrière. Je me demande d’ailleurs quel coup de chance m’a valu le retour durant le canyoning mais je ne devrais pas tomber au fond du trou cette fois. Pas deux fois.

« Je suis désolée du retard, reprends-je en baissant les yeux, penaude. On s’est perdus en venant. »

« Quill ne donne pas de rencard ici, surtout à des civiles! Et même si c'était le cas, il vous a posé un lapin car il n'est pas là ! »

J’ai connu des caméras indésirables mais, sans être plus désagréable que ces prédécesseurs, celle-ci me surprend particulièrement. Ainsi n’ai-je donc pas à jouer le sentiment, juste à l’exprimer, et je me décompose par palier. Si je me doute que "Quill", ne donne pas de rencard ici, me fait traiter de "civile" comme si cela signifie que j’étais une paysanne me fait tout drôle ; néanmoins, il y a beaucoup à en dire sur la mentalité possiblement militariste et certainement différenciatrice entre les "civils" et les "héros" de la caméra. "Et même si c’était le cas" m’offre une pointe d’espoir sur laquelle s’écrase un talon méprisant lorsqu’il est question de m’avoir posé un lapin : il n’est pas là. Mes épaules se baissent alors que ma main reste accrochée à ma nuque, que mon regard se fait fuyant puisqu’on me dispute et que mon expression devient déconfite. J’ai fait tout cela pour rien, actuellement, et j’en prends pleinement conscience.

Le truc c’est que ça problème a sa solution.

« Il… euh… Il vous a embêté à vous demander de dire cela ? »

J’hausse un peu les épaules à cette question que j’accompagne de mon regard, sincère.

« Ça sonne comme ce genre d’excuse… mais je sais pas ce qui serait le pire… qu’il veuille pas me jeter lui-même ou qu’il ne m’accorde aussi peu d’importance qu’il ait vraiment fait… ce que vous dites. »

La question est vraie : c’est quoi le plus sale, demander à un pote ravi d’être impliqué d’envoyer bouler quelqu’un à notre place ou de n’avoir tellement peu de considération pour ledit quelqu’un qu’on l’oublie purement et simplement ? Evidemment, ma thèse part du principe que la caméra est sincère et que Peter Quill n’est effectivement pas là. Je pense m’en sortir dans les deux cas, néanmoins, tout en tâchant de me rappeler que mes efforts sont probablement vains, histoire de rester sur la pente de la déception.

« Bon… ben je suppose que je ne suis qu’une de plus… »

La partie interne de mes sourcils remonte alors qu’ils se rapprochent et s’abaissent. Les coins de mes lèvres et mes épaules aussi s’abaissent. Finalement, c’est mon regard qui se perd sur mes pieds.

« Une… "civile" ? C’est ça ? Pas l’intérêt d’une héroïne, sans doute. Je comprends. Excusez-moi de vous avoir dérangé. »

J’aime beaucoup les formulations des excuses. "Excusez-moi" ou "je m’excuse" ne veulent pas du tout dire la même chose, il suffit de remplacer par "pardon" pour comprendre. Présentement, d’ainsi impliquer mon interlocuteur me laisse l’espoir de l’accrocher ; tout mon dialogue ayant été une transition le concernant. Est-ce que cela va marcher ?

Fixant la caméra avec la sincérité de mes excuses et d’une compréhension intellectuellement juste mais émotionnellement blessante, surtout pour quelqu’un comme moi, je laisse quelques instants s’écouler avant de me retourner pour commencer à rebrousser chemin.

Mon regard accroche celui d’Enzo, descendu du camion pour me surveiller d’un air dubitatif, puis celui de Nathan, assis sur les marches de celui-ci. Son regard a lui semble entre le déçu et le blasé, une main s’en allant dans sa veste à la recherche de son portefeuille. Je le demanderais bien s’ils ont sérieusement pris un pari mais je sais qu’ils ont pris un pari et sérieusement ! Dire que je toucherai même pas de commission dessus alors qu’ils gagneront forcément grâce à moi… les ingrats.

M’arrêtant dans ma marche, j’hésite un instant à donner mon numéro – chose stupide puisque Peter Quill l’aurait déjà s’il m’a dit de venir ici – ou l’information comme quoi il peut me recontacter – chose doublement stupide car il ne peut pas et que cela offrirait une occasion à la caméra de déléguer cette affaire à son propriétaire légitime, qu’il soit là ou pas. Donc je laisse simplement la personne derrière la caméra assumer ou non d’être l’intermédiaire de "Quill" dans son rejet d’autrui.

Dans mon dos, la porte s’ouvre et je me retourne en n’ayant à feindre ni l’espoir que cela représente ni la surprise qui lui succède, à la vue de la personne qui s’en vient rapidement à mon encontre. Le raton-laveur de l’espace. Cela n’en reste pas moins une personne, juste surprenante. Agacée, aussi, je fais parfois cet effet-là aux gens. Souvent ? Possible, mais pas tant que ça. J’espère. En tout cas, malgré son sentiment premier, il se montre aussi obligeant qu’il y parvient. Alors qu’il s’approche, je m’accroupie afin d’avoir mon visage au niveau du sien et de nous traiter en égaux. C’est peut-être une progression, d’une part pour moi puisqu’en tant que "civile" j’étais inférieure et peut-être pour lui, également, car il n’aura pas à me regarder d’au-dessous. Je suis totalement incapable d’évaluer son profil morphopsychologique et les indications de classe sociale et de culture que m’apporte son physique et ses habits, car il n’est pas humain dans l’apparence et il ne porte pas des habits d’une culture que je connaisse donc je suis limitée à l’aspect utilitaire et non symbolique, mais s’il a besoin de créer une opposition dénigrante entre "civil" et "héros", c’est peut-être parce qu’il est habitué à ce qu’on le regarde de haut. A cause de son physique, possiblement d’animal anthropomorphe mais surtout de sa taille. La plupart des gens doit le regarder de haut, sans même y penser. J’y pense. Je m’adapte. Accroupie. Face à face. D’égal à égal.

Mes lèvres se plissent d’un petit sourire désolé lorsque la morale est faite : "C’est privé". Surement même plus que cela. Comme la Zone 51, ce n’est pas car on en connait l’emplacement géographique qu’on a le droit d’y jouer les touristes. D’ailleurs, si c’était le cas, je n’aurais pas besoin de mentir pour le faire, jouer les touristes.

La seconde partie de la synthèse dissertée aborde l’aspect émotionnel. L’extraterrestre cherche à me rassurer sans pour autant me mentir et perd son agacement comme son effort un instant face à quelque chose de plus personnel. Quoi qu’il soit animal, son visage est suffisamment anthropomorphe pour avoir des expressions bien humaines et me laisser anticiper que les émotions de base et les expressions liées soient effectivement universelles ; puisque même un extraterrestre les possède. Un extraterrestre plus humanoïde qu’une plante, certes, mais tout de même. La colère revient, surpassant l’impatience, mais traduit autant que la tristesse qu’elle dissimule. L’extraterrestre se sent seul, peut-être envieux des "exploits amoureux" de son collègue. En plus de las de ses conneries, évidemment.

« Troisièmement, ce n'est pas une question d'intérêt mais une règle : vous êtes à l'entrée d'un lieu interdit au public et je ne suis pas habilité à vous laisser entrer sans autorisation, autorisation que je ne peux pas obtenir dans l'immédiat. Je suis résident, mais sans pouvoir décisionnel sur qui peut entrer ici ou non. »

Je perds mon sourire mais acquiesce doucement. Je comprends. Tout comme je comprends la position de celui que je suppose être Rocket Raccoon, tout simplement parce qu’il l’a marqué sur le physique. Il n’est pas capitaine et pourtant c’est lui qui tient la barre : aucune autorité mais obligé d’en faire preuve car celui qui est sensé la détenir l’utilise à mauvais escient. Malgré leur petit nombre, la dynamique de groupe des Gardiens de la Galaxie semble complexe.

Je cligne lentement des yeux lorsqu’il est question que je doive partir, en confiance. Mon interlocuteur final parlera à mon interlocuteur demandé et fera même un geste pour moi. Un geste gentil.

« Merci, lui dis-je doucement. En même temps, avec le portrait que vous m’en dressez, je ne suis pas certaine que ça soit une bonne idée d’insister sur cette histoire. »

Une pause, alors que je ramène ma pochette blanche dans le creux de mes cuisses et de mon ventre pour me libérer les deux mains.

« Je suppose que nous avions une définition différente de "me montrer son vaisseau", lui et moi. »

Je ponctue ma phrase avec un ricanement de gêne et détourne un instant les yeux avant de soupirer, consciente que c’est avec ce commentaire que les deux enjeux de ma visite ce jouent. Puis je reviens sur mon interlocuteur et lui souris tout en lui tendant les deux mains.

« Merci pour votre gentillesse, déclare-je, sincère considérant les efforts qu’il a fourni pour une personne qu’il n’avait vraiment pas envie de voir et espérant pouvoir lui serrer la patte ; chose qui me verra poser doucement ma seconde main sur la sienne et les agiter avec la douceur de la gratitude. Et je ne vous embêterai pas plus. »

J’espère avoir l’occasion de faire cette poignée, même si elle est assez traitresse me concernant pour qui sait la lire, mais, que je l’ai ou que je ne l’ai pas, je ponctue ma déclaration avec une salutation de la tête. Je récupère ensuite ma pochette puis me relève, avant d’entreprendre de tourner les talons et d’obtempérer moyennant une certaine lenteur.

Je ne peux m’empêcher de sourire à voir mon interlocuteur défendre son ami, qu’importe combien ce dernier peut l’agacer. "Quill est quelqu’un de bien", malgré leurs difficultés à s’entendre ; difficultés impliquantes qu’ils parlent plus fort pour s’entendre, chose qui signifie qu’ils crient. Cependant, crier n’empêche pas d’aimer et ce n’est pas un problème ; sauf s’il y a violence conjugale, auquel car le problème est autre. "Pour tout me dire", Rocket Raccoon s’étonne que Quill m’ait donné rendez-vous car il a le cœur en peine de son dernier amour ; je pourrais rebondir comme précédemment, concluant que je suis une passade, un essaie de remplacement ou un bouche-trou, mais je ne le fais pas. Peut-être que cela amènerait Rocket à avoir de l’empathie ou accroitrait sa défense de Quill, entre autres choses, mais surtout cela serait exploiter la peine de quelqu’un d’autre et je ne veux pas le faire. Si j’avais su, je n’aurais probablement pas employé le stratagème que j’ai utilisé pour essayer de m’approcher des Gardiens de la Galaxie. J’aurai surement utilisé la terreur que m’inspire Luke Hunt et leur précédente association pour une recherche de compréhension bien moins mensongère et innocente. Je sais qu’il est impossible de ne pas causer de peine et de souffrance, lorsque l’on vit, mais je me refuse à exploiter celles-ci.

La suspicion qui nait chez Rocket crée un danger dont je suis la seule responsable, à deux niveaux. Pour avoir voulu cette rencontre et pour l’avoir menée comme je l’ai menée. Car je la mène, indiscutablement. Je comprends comment fonctionne le système pour le faire marcher à mon avantage. Sachant que la suspicion apporte un nouvel élément.

« Vous voulez dire que les yeux de biche et le décolleté plongeant, c'était dans le seul but de voire notre vaisseau ? »

Euh… Miaou ?

« Et bien je regrette, mais si Quill aurait pu, a une certaine époque, être réceptif à ce type de méthode, ce n'est pas mon cas. »

La gêne précédente diminue au recentrage vers Rocket Raccoon. C’était Peter Quill que je visais puisque ma compréhension de son système de fonctionnement date vraisemblablement d’une "certaine époque". Plus important encore…

« Si c'est le vaisseau qui vous intéresse, c'était inutile de faire autant de chichi, il suffisait de le demander tout simplement. »

Par la Saint Patoche et le jeu de mots qui va avec, sérieusement ?!

Sourcils relevés et mâchoire ouverte, je suis aussi surprise qu’interdite. C’est… j’ai pas les mots et pas vraiment les pensées non plus… litière, les Gardiens de la Galaxie font dans le tourisme spatial ? Le genre qui représente pas 4,5 tonnes de CO2 par passager, soit plus de deux fois les émissions autorisée par l’Accord de Paris pour une personne sur une année, ou 638ans de conduite pour une voiture faisant 15.000km/an pour l’entièreté d’un vol d’une trentaine de minutes ?

Monsieur Rocket Raccoon est renfrogné alors que moi je suis décomposée. Je n’arrive même pas à lui répondre que, en effet, lorsqu’il était question de voir le vaisseau j’avais totalement été intéressée par le vaisseau spatial et n’avait à aucun moment pensé au vaisseau sanguin puisque je joue pour l’autre équipe… ce qui n’est pas plus mal, en fait, sinon mon histoire commencerait à suivre le théorème du gruyère. Plus il y a de gruyère et plus il y a de trous or plus il y a de trous et moins il y a de gruyère ainsi plus il y a de gruyère et moins il y a de gruyère…

« Si vous êtes libre ce soir, rendez-vous au point le plus boisé de Central Park. Et que ce soit bien clair entre nous : cela n'est pas un date. »

Toujours accroupie avec ma pochette sur les cuisses, les choses s’enchainent au point d’interrompre mon intention et ma pensée. Je reste donc là, interdite à fixer Rocket Raccoon avec des grands yeux de biche, ceux-là même de celle qui traverse la route et est hypnotisée par les phrases de la voiture qui lui fonce dessus. Je tâche de me reprendre avant le crash et de me recomposer avant de me décomposer définitivement. Tout cela commence par une grande inspiration buccale et quelques clignements d’yeux.

« Pardon, euh… »

Et bien, c’est rare qu’une négociation me fasse cet effet-là ! Oui, bon, je suis la seule au courant de la négociation, ce qui facilite quand même vachement le fait de la remporter puisque l’autre n’essaie pas de le faire, et je l’ai pas vraiment menée à bien, j’ai juste eu un coup de Chance comme toujours. Merci ma Chance !

« Je travaille de soirée mais, euh, pas ce soir je crois. Puis sinon je finis vers 23h, donc je peux me rendre là-bas vers minuit. Et comme c’est pas un date c’est pas impoli de le proposer à pas d’heure dans un endroit… »

J’allais dire craignos, car Central Park à de telles heures ça doit pas être un endroit sécurisé pour qu’une jeune femme s’y balade seule, et j’hésite avec flippant, parce que les forêts de nuit et sans éclairage public ça devient vite folklorique au point que se faire suivre par un hérisson amène à lui faire la causette alors même qu’on est sobre. Après j’ai un Nathan en guise de garde du corps, faut bien qu’il serve ! D’ailleurs, selon la période de repousse, il fait un peu hérisson aussi. Ce qui est dans le thème avec raton-laveur. Ce qui m’amène à fixer monsieur Rocket Raccoon avec un sourire aussi content que gêné. Ma main droite s’en revient à ma nuque alors que je penche la tête sur la gauche, dévoilant mes dents du haut en un sourire d’enfant.

« Enfin Bref, c’est d’accord. »

Une pause, alors que je continue de le fixer. Il ne m’a pas donné sa main pour qu’on échange une poignée et je ne la redemande pas.

« Merci pour tout. »

J’ai envie de lui faire la bise mais je m’en abstiens. S’il n’a pas accepté la poignée de main, je préfère éviter toute familiarité plus avancée ; même motivée par la gratitude. Je récupère donc ma pochette, comme prévu auparavant, et me relève avant de tourner les talons et de m’en aller. Néanmoins, après quelques pas, je me retourne vers monsieur Rocket Raccoon pour lui sourire à nouveau.

« A ce soir. »

Lorsque c’est ma paire de deux que je fixe avec ce même sourire de gamine qui vient de rencontrer le Père Noël, Enzo et Nathan me fixent tous les deux, le second ayant son portefeuille en main.

« Ce soir. Minuit. Central Park. SPACESHIP. »

Non, je ne couine pas comme une fangirl. Bon, d’accord, si un peu. Mais je n’ai pas le recroquevillement de bras et le petit air enfantin qui vont avec. Bon, d’accord, j’ai le second. Mais vu de dos et de loin, je dois rester digne. Mes deux amis me regardent avec les sourcils levés puis se retournent l’un vers l’autre.

« D’après les termes employés, commence Enzo avec une satisfaction d’autant plus importante qu’il peut me mettre un vent, j’ai gagné : ils ne l’ont pas laissée entrer.

- Ils ne l’ont pas laissée entrer dans la base mais ils vont la laisser entrer dans le vaisseau, réplique Nathan, n’ayant pas l’intention de se laisser faire, donc, j’ai gagné.

- Les enfants, vous vous disputerez sur le trajet du retour. Aller, zou !

- On lui dit qu’on n’a pas prévu de piquenique pour elle ?

- T’aurais dû le prévoir, c’est toi qui avait parié qu’elle entrerait pas.

- Tu admets donc que j’ai gagné, c’est bien.

- Non, arrête d’essayer de m’arnaquer.

- Et vous arrêtez de parier avec l’argent que je vous donne. Je l’ai gagné et j’ai gagné, donc zou ! »


Sous le coup de l’excitation, il y a pas mal de trucs auxquels je n’ai pas pensé. Genre "est-ce que la promesse n’était pas faite pour se débarrasser de moi et que j’allais attendre en vain ?"… je ne pense pas car Rocket m’a semblé sincère dans sa gentillesse et son envie de ne pas me laisser broyer du noir. "Est-ce que Rocket va venir avec le vaisseau et Peter Quill ?"… là se serait m’empêtrer encore une fois dans mon mensonge mais bon je m’estime capable de retomber sur mes pattes sans m’en péter une et quand même réussir à les trainer dans le vaisseau. "C’est où la partie la plus boisée d’une forêt ?"… alors euh… Kamoulox ?

Tandis que Nathan et Enzo argumentaient à l’avant, enfin Enzo conduisait et argumentait pendant que Nathan commentait et essayait de contre-argumenter – contre un avocat, un militaire n’a aucune chance tant qu’il ne dégaine pas son arme –, j’ai passé le chemin nous séparant du piquenique de midi à chercher la partie la plus boisée de Central Park sur Google Maps. North Woods, tout au nord, était plutôt un bon candidat ; avec Great Hill comme terrain d’atterrissage pour le vaisseau, voir North Meadow s’il était trop gros pour la colline suscitée. Après, l’une et l’autre ferment à 1 heure du matin… comment ça ? Pour les nombreuses attractions je veux bien mais le parc en lui-même, il a des horaires de fermeture ?! Une fois l’information confirmée, Central Park étant ouvert de 6h du matin à 1h du matin, j’en suis revenue à ma recherche du "coin le plus boisé de Central Park". Du fait de l’absence des deux clairières fermant à une heure du matin, The Ramble est plus densément boisé que North Woods. Pas de quoi y poser un vaisseau, sauf si on va jusqu’à Cedar Hill ; chose qui m’a fait imaginer un hamburger et réclamer cela pour le piquenique. Enfin, tout au sud de Central Park, ce qui doit faire au centre et en bas, Hallett Nature Sanctuary est un bon candidat également : pas de place où se poser et pleins d’espèces animales à emmerder ! Plus de 270 espèces d’oiseaux et de 14 espèces de mammifères, pour ce que j’ai trouvé sur internet. Et j’ai pas trop cherché, il se faisait faim.

J’ai pas eu mon hamburger. "C’est bien de me rappeler que je ne peux pas avoir tout ce que je veux", a déclaré Enzo. Du coup je l’ai traité d’avocat périmé. Il m’a remercié de prouver son point : je ne voulais pas d’avocat périmé, n’est-ce pas ? Argumenter avec lui est un enfer ! Et comme c’est lui qui conduisait… Après, ma mauvaise foi m’a fait dire que c’était de la faute d’un Nathan qui refusait de m’appuyer contre un Enzo face auquel il avait déjà perdu son propre argumentaire ! Si, j’ai accepté de perdre mais j’ai fait de mon mieux pour que personne ne le sache. Que j’avais accepté. Je suis bonne perdante avec de la mauvaise foi donc je ressemble beaucoup à une mauvaise perdante. Autant dire que, non contente d’avoir eu sandwich fait par Nathan comme tout le monde, la faune locale incluse, j’ai été très contente d’embêter tout le monde, la faune locale exclue. Dans la joie et la bonne humeur jusqu’à ce que Nathan me redemande les horaires et le lieu du rendez-vous.

« Donc non seulement tu m’as fait perdre un pari mais en plus tu vas être capable de mettre un lapin parce que t’es une cruche ?

- Je n’ai pas l’intention de mettre un lapin à un raton-laveur ! A la limite de lui en offrir un… c’est omnivore mais ça mange quoi un raton-laveur ? A part les poubelles, je veux dire ?

- Entre ce que tu veux et ce que tu as, c’est justement le point précédent. »

Objection, votre honneur ! Comment ça, "objection rejetée" ? Mais mêle-toi de ce qui te regarde Enzo ! Comment ça, "la majorité s’est prononcée" ? On n’est pas en démocratie, les cons n’ont pas raison parce qu’ils sont plus nombreux que le reste ! "Non, la preuve, je suis toute seule"… joli ! Heureusement, je ne le reconnaitrais pas. Enfin, ça m’avance pas vraiment sur mon problème cette histoire. Réussir à obtenir le ticket pour visiter un vaisseau spatial et pas trouver ledit vaisseau spatial, c’est tellement un truc qui me ressemble… mais c’est pas grave, à dire n’importe quoi j’ai trouvé quoi faire pour que tout ne finisse pas comme tel ! La cruche met de l’eau dans son vin ! Je sais, c’est pas la bonne expression mais tant qu’au moins une personne sur Terre a compris l’idée, cela me va. Et comme je me suis comprise, mon critère est rempli. Comme la cruche !


On a perdu du temps à vouloir laisser la Lucky Mobile au Centerpark Central Park (ce qui est dur à dire, en plus) West Garage, au croisement de la Central Park West et de la 106e Street West, mais évidemment mon bus était trop haut pour le garage souterrain. Du coup on a squatté trois places de voitures devant les bornes Tesla avant de tracer jusqu’à Great Hill, une colline verdoyante bordée d’arbres et laissant la vue sur le centre-ville de New York, au nord de Central Park. A défaut de savoir si North Woods est vraiment la zone la plus boisée dudit parc, j’ai craqué un bâton de détresse rouge et le tiens en l’air. J’en suis à me demander si ça ne serait pas classe de tenir ma pochette noire contre moi en mode statue de la liberté à lunettes quand Nathan intervient.

« Tu vois, c’est mieux quand tu ne regardes pas l’explosion.

- Hein, de quoi, ai-je commencé à dire en me tournant vers lui, avant de me rappeler. Ah, ça. Moi je fais pas exploser quelque chose sans voir ce que ça donne. »

Nathan est toujours vêtu de son costume gris du jour, de même qu’Enzo avec son noir à chemise blanche. Je suis la seule à m’être changée, même si Enzo porte un petit sac en papier contenant quelques cadeaux. Le blanc se retrouve sur le pantalon de toile, lequel couvre des sandales à talons, tandis que le noir contraste tant via la pochette et les Weon Glasses déjà évoquées que par la veste de tailleur et le bustier à balconnets, sans bretelle, au décolleté en T et aux motifs géométriques. Mes cheveux sont rabattus vers l’avant, cette fois, descendant jusqu’au bustier en couvrant la veste.

« Enzo, t’en pense quoi toi ?

- Ça valait le coup de te faire exploser la gueule pour pas regarder les fruits de ton don de toi ?

- Plus jamais je vous aide à voler des feux d’artifices parce qu’on est trop jeunes pour les acheter…

- Comme si t’avais besoin de ça pour te faire exploser pendant que Lu s’en sort.

- Comme si t’avais besoin de ça pour te faire exploser pendant que Jo fait autre chose.

- Votre sollicitude me touche toujours autant. »

On est trois pelos au milieu d’une colline ovale d’une cinquantaine de mètres de large pour une centaine de mètres de long, éclairés par un bâton de détresse incandescent et les lampadaires qui longent la promenade bétonnée tout autour. On est trois pelos au milieu du site d’atterrissage le plus probable au sein de la zone boisée qui occupe tout le nord de Central Park, à espérer que notre petite lumière rouge soit une assurance à ce qu’on ne se soit pas trompé parce que la petite lumière rousse que je suis fait de la surtension et qu’il lui arrive donc de ne pas avoir la lumière à tous les étages par panne d’électricité…

« I’m the Lucky One… »

Mon murmure est pour moi-même alors que je parcoure le ciel de New York City, éclairé presque comme un plein jour du fait des nombreux immeubles et des innombrables lumières, à la recherche du vaisseau spatial et du raton-pilote.

"C’est juste un vaisseau", qu’il a dit Rocket Raccoon. C’est… JUSTE… un… VAISSEAU. Je suis d’accord avec la moitié de la phrase, donc. La moyenne. Je n’en ai pas trop fait sur le coup, parce que cela m’a été demandé, mais quand je vois JUSTE le VAISSEAU arriver, dans le ciel semi-nocturne de la Ville qui ne Dort Jamais, je me demande si je ne suis pas en train de rêver. C’est PAS JUSTE un VAISSEAU. Aller, je fais un geste pour Rocket et j’accepte les trois quarts de sa proposition : C’EST UN VAISSEAU !

C’est. Un. VAISSEAU !

C’est une sorte d’aéronef orange et bleue, puisque la Terre est bleue comme une orange, doté de quatre ailes à réacteurs verticaux d’une technologie qui m’est inconnue mais que j’assimile d’instinct à des répulseurs – ce qui est stupide lorsqu’il est question d’aller dans le vide spatial – mais qui n’en sont pas. Le nez forme une pyramide s’élargissant sur une silhouette élancée d’où s’échappent les deux ailes précédentes, décrites auparavant parce qu’elles brillent avec leurs réacteurs, et au-dessus duquel j’aperçois, alors que le VAISSEAU tourne autour de la zone pour s’y poser, la cabine de pilotage. A l’arrière, il me semble y avoir quatre autres réacteurs, toujours semblables à ceux produits par Stark Industries pour le compte des aéronefs du SHIELD, ainsi qu’un autre qui doit être le principal et d’une puissance sans commune mesure avec ce qu’on trouve sur Terre ; expliquant d’ailleurs son inactivité présente. D’avoir observé son extérieur, je comprends son aérodynamisme et sa méthode de manœuvrabilité ; laquelle est plus avancée que la plupart de nos transports. Là où les avions ont l’axe horizontal, avant-arrière, avec la possibilité pour certains modèles militaires d’avoir le vertical, haut-bas, le VAISSEAU possède les deux avec des réacteurs d’aile permettant le vertical tandis que les réacteurs de queue s’occupent des deux, semblant aussi mobiles que les plumes de queue d’un oiseau, avec un supplémentaire pour apporter une puissance supplémentaire possiblement équivalente à celles d’étoiles entières ! Nan, j’ai toujours aucune idée, ou plutôt deux-trois idées mais aucune confirmation, de comment leurs réacteurs leur permettent de contourner le second axe de réponse d’Hart au paradoxe de Fermi. Avec le Réacteur Arc, Tony Stark a rendu la course à l’énergie obsolète : on dispose désormais d’une énergie propre et illimitée dont le principal problème est l’interdiction de monopole d’une entreprise dans un secteur d’activité ; et, probablement, le nombre de réacteurs arc qui seront nécessaires à ce que tout le monde puisse s’alimenter en énergie avec eux. L’énergie est illimitée dans le temps, pas dans la quantité. D’ailleurs, est-on toujours capable de créer des petits bijoux maintenant que leur inventeur est mort ? Je rêverai de mettre la main sur l’un d’entre eux mais c’est hors sujet… d’autant que le VAISSEAU spatial doit disposer de sa propre source d’énergie, probablement capable de fournir bien plus qu’un Arc.

Le vol stationnaire que prend le VAISSEAU une fois suffisamment proche de nous est assez décoiffant et j’ai le cœur qui bat à toute vitesse ; chose qui lui arrive trop régulièrement actuellement mais c’est l’une des premières fois où c’est par excitation et non terreur ! C’est pas JUSTE un VAISSEAU, c’est un VAISSEAU ; un vrai, fonctionnel, comme l’Humanité rêve d’en faire depuis plus d’un siècle et n’arrivera pas à en faire avant des siècles voire des millénaires… si on ne dépiaute pas celui-là pour comprendre comment il marche et qu’on n’en fait pas des copies dans la décennie qui vient. A l’échelle de l’évolution de notre espèce, arrêter la domination de Loki lors de la Bataille de New York était moins significatif que de faire la découverte de la technologie Arc ; même s’il valait mieux l’arrêter, je ne dis pas le contraire. De même, les Gardiens de la Galaxie tiennent entre leurs mains le potentiel d’une nouvelle révolution technologique ! Et la promesse d’intégrer la Terre à une éventuelle Communauté Galactique mais ça me concerne beaucoup moins, je suis pas diplomate et je fais déjà trop de rencontres du troisième Slime qui me font croire que je vais mourir.

Je souris bêtement comme une enfant qui vient de découvrir que le Père Noël existe et qu’au lieu d’être un gros bonhomme barbu dans un supermarché c’est un raton-laveur en combi qui n’a pas de traineau volant mais un VAISSEAU ! Sourcils remontés, paupières tendues, joues remontées, lèvres étirées et mâchoire ouverte, je vis ma meilleure vie et vois ma meilleure vie ! Hiiiiiiiiiiii !

La douceur avec laquelle le VAISSEAU se pose est étonnante et je crois que je n’en ai pas autant lorsque je tends à Nathan le flambeau histoire qu’il reprenne le flambeau dans les deux sens du terme. "Toi, tien, sinon tu vas le chercher parterre" serait un bon sous-titre de mon action puisque je ne le regarde absolument pas alors que je lui tends le pétard. Je pense que la chaleur de celui-ci attire l’attention de mon garde du corps avant que je ne lui explose la chemise. Il récupère donc le truc qu’il tient là alors que lui-même n’en revient pas. Même Enzo, qui maitrise pourtant la pokerface de façon professionnelle, est décomposé comme une sculpture en chocolat qui vient de découvrir la douceur d’un feu de cheminée. Il y a néanmoins une profonde tristesse dans son regard. Néanmoins, je ne le vois pas puisque je ne saurais détacher les yeux du VAISSEAU.

De la passerelle, qui me semble située à l’arrière du VAISSEAU, sortent Rocket Raccoon et la plante verte ; laquelle est plus grande que lui, même si elle ne doit pas encore faire ma taille. Enfin, je dis "plante verte" parce que c’est ainsi qu’Enzo m’en a parlé d’après les témoignages. Je vois clairement qu’il s’agit d’un végétal anthropomorphe. Ce que ça change ? La taille de mon intelligence et l’aspect "insultant" qu’il peut y avoir avec des termes simplificateurs ! Bon, au moins, pas de Peter Quill et de moment gênant à l’horizon. Ni sur la passerelle d’embarquement.

« Et bien, le voici, s’exclame Rocket Raccoon en guise d’accueil, action que je fais de mon côté en tenant ma pochette à deux mains pour éviter de trop fangirliser alors même que je fais varier mon poids d’une jambe à l’autre et inversement à cause de l’excitation. Je vous présente le Milano. Si vous voulez bien me suivre ? »

Un instant de surprise silencieuse.

« Tous les trois ? »

Nan, c’est pas que j’ai pas envie de partager. Au contraire, ça me convient pleinement de partager cette expérience d’une vie avec les deux hommes qui partagent déjà la mienne mais j’avais pas négocier cela et… j’allais penser que je ne voudrais pas abuser mais c’est totalement faux. J’abuserai autant que j’y arriverais !

Ce qui me fait me reprendre un peu précipitamment, d’ailleurs, pour aller faire les présentations.

« Monsieur Raccoon, voici Jonathan Shepard. Mon garde du corps.

- Monsieur, acquiesce le concerné, toujours impressionné et tenant son flambeau rouge en main le temps qu’il s’éteigne.

- Et Enzo Lombardi. Mon avocat.

- Enchanté, assure le concerné en détachant son regard du VAISSEAU pour saluer l’équipage d’un léger mouvement de la tête et du buste.

- Donne ça moi, souffle-je en récupérant le petit sac en papier avant de me retourner vers les Gardiens de la Galaxie et de faire un pas vers eux. Les garçons, voici monsieur Raccoon, qui a eu l’immense amabilité de cette rencontre, et… »

Et je n’ai pas été présentée à l’autre ce qui fait que je commence à pédaler dans mon cerveau afin de trouver son identité. Evidemment, cet après-midi j’ai fait plus de recherches sur le régime alimentaire des ratons laveurs et sur Central Park que sur les Gardiens de la Galaxie… Tant va la cruche à Lucky qu’à la fin elle vomi… Enfin Bref !

Réavançant pour ne pas rester sur une maladresse, je m’approche des deux Gardiens en leur tendant le sac à présents.

« C’est pour vous remercier. Saucisson de sanglier, c’est du cochon sauvage, terrine de cerf, c’est une sorte de pâté de cervidé, et génépi, c’est un alcool de plante et de sucre… »

Ma voix se meurt alors que mon regard passe de Rocket à son ami végétal. Oh, la boulette…