[Terminé] SPACESHIP !

« J'ai déjà pas une trogne qui inspire confiance, ça serait le gros lot si en plus j'avais l'air chtarbé. »

Malgré la lourdeur de la situation, impossible de ne pas sourire à cette déclaration. L’aveu est moins drôle mais tout aussi vrai, touchant du doigt le problème avec Luke Hunt : même s’il ne compte pas le faire, il le fera par absence de maitrise de lui-même. L’explication qui s’en suit concernant Rocket ne l’éloigne que plus de celui avec qui il se comparait précédemment, à mes yeux. Une question de survie, pas de morale, encore. Cependant, désormais que Rocket a la morale, n’a plus besoin d’être criminel pour survivre, il ne pourrait plus retourner en arrière. C’est une différence fondamentale entre eux.

Assise à son côté après ma décision, je pense que c’est un point commun entre nous. Je ne pourrais plus retourner en arrière, moi non plus. C’est pour cela que je n’ai jamais franchi le pas. Une fois qu’une chose est créée, une fois qu’une idée est matérialisée, la détruire ne suffit pas à la faire disparaitre. Elle est et sera.

"Ce n’est pas pour autant qu’il faut abandonner ce pourquoi je me bats"… lorsque Rocket me dit cela, je marque une pause sur mon écriture. Mon carnet. Donner de l’émerveillement aux gens. C’est ce pourquoi je me bats. J’agis. Nous sommes donc en accord. Je ne sais pas si "le monde a besoin de gens comme moi" car "comme moi" entretient actuellement une polysémie confuse dans mon esprit. Vraisemblablement, il s’agit de non-combattants. Le monde a besoin de non-combattants. Finalement, c’est cette histoire de ne pas devenir une combattante qui me fait retourner dans mon imaginaire. Je n’ai pas l’intention d’être une combattante. J’ai l’intention de comprendre les règles du combat et de les exploiter. C’est cela qui me rend dangereuse : je comprends comment cela fonctionne et je l’utilise. Je n’appartiens pas à la classe sociale dominée, j’appartiens à la dominante. Mettre en place des systèmes pour arriver à ce que l’on souhaite, pas essayer d’agir directement. Comme avec les revenus : je fais un spectacle de deux mois qui me rapporte 170.000$. Si je faisais cela réellement pour l’argent, je le ferais durer plus longtemps. Non, je fais cela parce que j’ai envie. Les revenus du travail sont insignifiants et sont là pour assoir une dominance. En deux mois, mes revenus du capital me rapportent littéralement dix fois plus. 1.700.000$. Entrer dans le combat, c’est pas pour devenir une combattante. Entrer dans le combat, c’est pour qu’on combatte pour moi. Pour que le combat combatte pour moi.

Pas question de risquer ma vie. Ni celles de Nathan ou d’Enzo.

« La vérité, c'est que les vilains foutent le bazar, et nous, on nettoie derrière après leur avoir botté les fesses, en se prenant des coups.

- Je suis militaire, répond Nathan avec compréhension avant de se reprendre. J’étais. Je comprends. »

On a eu cette discussion avec Nathan plusieurs fois. L’idéal chevaleresque est très présent chez les militaires, les policiers et les pompiers ; entre autres. Pas chez tous, non, mais tout de même. Cependant, beaucoup de gens qui reconnaissent voire vantent la valeur de ces valeurs iront sans difficulté cracher sur ceux qui les possèdent réellement et agissent pour elles. Ceux-là pourront également idéaliser des figures, comme les chevaliers historiques, qui ne possédaient pas du tout ces valeurs réellement voire se considérer comme eux-mêmes défenseurs desdites valeurs car ils sont dans la critique de l’autre, comme si cette action équivalait à toutes les actions faites dans le cadre des valeurs. C’est un biais cognitif aussi impressionnant que déprimant, lorsqu’on regarde à quel point il peut être prédominant dans la vie de certains. C’est aussi un piège dans lequel je redoute de tomber.

Le silence, lui, tombe.

Je travaille mieux en silence. Oh, le silence absolu est aussi rare que dérangeant mais n’avoir pour seule compagnie que de légers bruits environnants est utile à l’esprit, je trouve. La natation est bien pour cela, elle permet de s’isoler dans une bulle éloignée de tout le reste. J’ai piqué à Einstein l’habitude d’aller nager lorsque je bloque sur quelque chose, attendant que les idées viennent à moi plutôt que de leur courir après. Peut-être qu’un jour, quelqu’un considérera qu’il m’a piqué l’idée d’avoir de bonnes idées sur les toilettes ; mais je suis persuadée que c’est déjà le cas de beaucoup de monde, puisqu’on est tranquille sur les toilettes. Généralement.

Néanmoins, le silence d’aujourd’hui est morne et je n’en veux pas à Enzo de le défoncer. Nathan tente de surenchérir mais c’est Rocket qui réussit le mieux : pas touche aux commandes, c’est son vaisseau à lui ! Enzo incline la tête avec le sourire, déjà très content que sa proposition soit acceptée et n’ayant pas eu l’ambition de demander autant… ou pas : il sait négocier et il sait que dans la négociation on demande toujours plus que ce que l’on veut réellement. Ainsi, si on l’obtient, on a du bonus et, si on ne l’obtient pas, on a une marge de renoncement avant d’en arriver à ce que l’on veut vraiment. Notre minimum d’acceptation.

Alors qu’Enzo est le premier à se lever pour le tourisme spatial, Groot tente de le rejoindre pour finir dans un échec à tomber par terre. Littéralement. La plante verte a abusé de l’alcool de plante verte et démontré qu’elle en tient bien plus, anatomiquement parlant, d’un animal que d’une réelle plante. Remarquez, je pourrais parfaitement me satisfaire du Marvel World Success : saouler un végétal. C’est scientifiquement impossible, d’où que cela soit un Succès du Monde Merveilleux ! Comment ça, pour ceux qui me connaissent, c’est pas étonnant ?!

Observant Rocket descendre à son tour de sa chaise avec plus d’adresse et moins de joie, j’hésite sur la conduite à tenir. Un échange de regards avec Enzo puis Nathan m’apprend qu’ils sont au même niveau que moi, avec supplément que le second doit probablement se dire qu’il vient de gagner son concours avant même de l’avoir lancé ! Si, c’est un petit sourire en coin que je vois sur ses lèvres ! C’est pas que de la gêne ça monsieur !

Ainsi laisse-t-on le gardé jouer les gardes du corps de son garde du corps et aller le border, à moins qu’il ne s’agisse de la border, puisque le corps découvre pourquoi tout à l’heure ils ont abordé l’avertissement sur l’alcool. Lorsque le bruit d’une ceinture de sécurité raisonne faiblement face à nos attentions curieuses, Nathan pouffe et, une fois qu’il a attiré mon regard, lèves deux fois les sourcils en me fixant. Je lui souris et mime d’une main que je tapote une tête, ce à quoi il me répond en passant l’une de ses mains sous la table. Cette fois, Enzo croise les bras en levant les yeux au ciel tandis que je raccroche mon stylo avant d’aller chercher le couteau à saucisson et de le planter dans ce dernier. Lucky 0 ; Nathan -1.

« Je reviens, déclare Rocket en repassant rapidement, nous faisant tous nous taire et jouer les innocents malgré des sourires revenus, il va falloir une invention de très haute technologie pour notre ami !

- Vous avez de quoi automatiquement désaouler quelqu’un ? »

Non, Nathan n’est pas intéressé. Il est INTERESSE.

Enzo cherche quelque chose à rajouter mais ne semble rien trouvé ainsi regarde-t-il la situation évoluer sans lui sans faire de commentaire. Néanmoins, de le voir mettre les mains dans les poches me fait savoir qu’il attend à présent ; c’est une habitude que j’ai prise de lui, c’est plus ouvert que croiser les bras.

Lorsque Rocket revient avec un simple sac à déchet, Enzo et moi ne pouvons retenir un double pouffement alors que Nathan tombe des nues et est déçu. Pas de cuite illimitée pour lui ! Ni pour Groot.

« On va faire un tour mon grand, si tu pouvais éviter de nous repeindre les murs, ça serait adorable, lui déclare le Gardien de la Galaxie, suffisamment fort pour qu’on entende même si tout doit aisément s’entendre dans un espace aussi confiné que le Milano. Tu as le sac pour ça.

- Annoncé compte double, rappelle Nathan.

- Sachant que tu, renchaine-je en rangeant mon carnet dans ma pochette.

- Si "je s’appelle Groot" mais qu’il fait une "Lucky", va-t-on avoir un problème de nom, m’interrompt Enzo, exagérant son expression de réflexion.

- Euh… déjà c’est pas faire une Lucky. Moi c’était d’excitation et il n’y a que ma mère qui m’aie faite. Sachant qu’elle m’a pas finie. »

Je grille la réplique de Nathan avec un brio qui le fait ricaner puis Rocket, qui a probablement entendu toute notre consternant questionnement, revient pour nous guider jusqu’au cockpit. L’échelle donc. Les talons toujours. Bon, c’est comme avec l’alcool : la montée ça va, c’est la redescente qui est plus compliquée.

Une fois dans le cockpit, on est invités à s’installer où l’on veut… le problème étant qu’il n’y a que deux places devant et que Rocket va en prendre une. L’instant de Far West entre Enzo et moi n’a pas de musique mais un Nathan qui tente de se la jouer tumbleweed pour passer entre nous avant de se raviser avec amusement. Après un nouveau regard à mon avocat, je lui fais signe de la main d’aller s’installer à l’avant et il accepte avec un sourire communicatif. Pour ma part, je m’en vais sur le troisième siège, au milieu de la pièce, tandis que notre dernier tapote le siège pour m’indiquer les harnais de sécurité avant d’aller prendre place au fond.

Avec précipitation, je sors mon téléphone portable pour commencer à immortaliser le moment, commençant par celui qui nous l’offre ; le moment à immortaliser, pas mon téléphone portable.

Qu’importe l’avis du publique, Rocket ne se considère pas comme un héros. Si je ne le blâmerais pas de ne pas être en accord avec une masse bien souvent anonyme et en désaccord avec elle-même, puisqu’une partie le nomme héros tandis qu’une autre le houspille pour ses actions que d’une troisième doit même faire les deux, il faudrait voir ce qu’il définit comme un héros. Héroïsme de fait ou héroïsme de valeur ? Evidemment, la philosophie s’arrête là où les relations publiques commencent et ce sont ces dernières qui décident réellement, la première n’étant qu’aide afin d’avoir des arguments. Le Gardien de la Galaxie n’en est pas là, néanmoins. Il en est sur du personnel, de l’émotionnel, peut-être une dette. Aider des amis qui l’ont recueilli durant les Années Sombres, alors qu’il n’avait plus rien. Même s’il a retrouvé le vaisseau, où est la famille à l’exception de Groot ? N’est-elle pas plus, au final, chez les Avengers que les Gardiens de la Galaxie ? Rocket n’aurait-il pas à gagner à rejoindre ceux-ci, puisqu’il a reconstruit sa vie avec eux et qu’il reste sur Terre plutôt qu’à parcourir la galaxie ?

Il a survécu au Snap, contrairement à eux, et a donc subit la malédiction du Blip. J’en ai un peu parlé dans mon spectacle biographique, édulcorant et me concentrant sur mon admiration des maudits sans les nommer ainsi. Pour les gens qui ont vécu le Snap, comme moi, la disparition de cinq ans n’a durée qu’une seconde et l’impact sur nos vies a impliqué qu’on doive les reconstruire avec l’aide des autres. Pour ceux qui n’ont pas vécu le Snap, comme Rocket, les Années Sombres les ont amenés à faire le deuil des morts et à reconstruire leurs vies en conséquence. Le Blip a donc à nouveau détruit leurs vies et les a amenés à devoir y réintégrer les fantômes ressuscités dont ils avaient dû accepter le départ, le tout en mettant en danger la vie qu’ils se sont reconstruis durant cinq ans sur des niveaux de logement, de travail et de loisir également : puisque beaucoup ont pris la place de gens disparu. Voilà pourquoi je remercie ma Chance d’avoir été Snapée. Je n’ai qu’une reconstruction à faire et je suis le fantôme. Voilà pourquoi je plains ceux qui n’ont pas été Snapé. En une demi-douzaine d’années, ils ont dit adieu à leur vie quotidienne deux fois. Thanos avait tort, c’est aisé à prouver. Cependant, les Avengers n’avaient-ils pas également tort de ne pas accepter la défaite ? De ne pas faire le deuil et aller de l’avant ? La mort fait partie de la vie, pourtant. Toute chose a une fin. L’accepter est dur mais nécessaire.

Il y a du positif à cela : le moment de déprime généralisée de ces considérations a également une fin. Sachant que la suite est prometteuse. Rocket s’immortalise dans ce qu’il offre, content d’être ainsi mis en valeur.

« On va faire simple, explique-t-il après s’être installé et avoir congédié un écran tactile sur lequel il a dû insérer les codes de lancement, un petit tour du système solaire. »

Mes sourcils remontent alors que mes paupières et mes mâchoires s’ouvrent d’une surprise qui n’a pas le temps d’évoluer en joie.

« Si une planète vous intéresse, j'ai des combinaisons à l'arrière, on pourra faire quelques pas dessus au retour. »

Enzo tourne son visage vers moi et il n’en mène pas plus large, sachant que les choses s’aggravent encore de mon côté. Je vais devoir demander un sac en plastique. Vite.

« Wait a minute, dis-je en me détournant de l’écran de mon téléphone. Vous avez des combinaisons capable de résister au climat de Vénus ? Sérieusement ? »

A tort ou à raison, j’ai retenue la planète nommée d’après la déesse de l’amour et des emmerdes comme la plus inhospitalière du système solaire. Champ magnétique bien plus faible mais atmosphère bien plus dense composée à 96% de dioxyde de carbone et avec une pression de surface équivalente à celle de 900m de profondeur dans les océans terrestres, c’est déjà pas mal. Maintenant on y ajoute des températures avoisinant les 500°C en moyenne à la surface et des nuages d’acide sulfurique formant une couche opaque au point qu’il soit impossible d’observer la surface depuis l’orbite… si la déesse Vénus est un nid à problème, ce n’est rien comparé à la létalité de la planète ! Du coup, une combinaison capable de résister à son atmosphère doit faire un costume super-héroïque en elle-même. Il faut que j’étudie cela. Et que je sois la première femme à poser le pied dessus. Vénus, pas la combinaison ! Encore que les deux seront peut-être vrai. Cependant, sans technologies de recueil de données et approbations des organisations spatiales, cela serait, d’une part, non reconnu dans l’Histoire et, d’autre part, pas aussi utile que cela pourrait l’être. Et… respire.

Inspirer par le nez, souffler par la bouche.

Par tous les seins, ce qui n’est pas une faute, et ma Chance comme celles de toutes les personnes que je connais, on a décollé sans que j’ai mon sac à vomi ! La douceur de l’envol est incomparable avec celle d’un avion ou d’un hélicoptère… cependant c’est l’accélération qui est le plus fascinant ! L’existence d’amortisseurs inertiels sur Terre est obligée, sinon les armures Ironman tueraient leurs utilisateurs au moindre changement brutal de direction en vol, mais les détails de la technologie sont inconnus. Le plus probable est un champ énergétique qui absorbe ou redirige l’énergie de l’inertie pour éviter au corps de la subir, qui expliquerait également qu’il ne subisse pas la pression due à l’accélération ; rapidement mortelle, elle aussi, mais plus facilement gérable grâce à la durée. De ne quasiment pas ressentir l’accélération nécessaire à passer en quelques secondes aux 40.320km/h de la vitesse de libération, soit quasiment 33 fois la vitesse du son, implique une capacité à absorber des forces… est-ce seulement possible de détruire ce vaisseau avec un tel bouclier ?

Inspirer par le nez, inspirer par le nez, inspirer par le nez, expirer par la bouche, ne pas expirer tout court.

« Et voici la lune ! »

La distance moyenne entre la Terre et la Lune est pratiquement de 400.000km, ce qui signifie qu’on est probablement à plus de dix fois, peut-être même cent fois, la vitesse de libération. Tout se passe tellement vite, au-dehors comme dans mon esprit, que je n’arrive plus vraiment à suivre ce qui se passe. Je n’ai qu’une seule certitude.

Je vais vomir.

« Attention, on approche d'un saut. Vous vous souvenez quand on a parlé des déplacements en hyperespace ? »

Euh… non ?

Cette fois, même les amortisseurs inertiels ne sont pas capables de totalement nous prémunir de la poussée de l’accélération alors qu’on quitte brièvement l’espace en trois dimensions pour se téléporter de manière exotique via la dimension de l’hyperespace, où les vitesses dépassant celles de la lumière sont plus facilement atteignables et évite de créer des trous noirs… néanmoins, considérant qu’une telle accélération ne nous a pas désintégrer, je continue de considérer que les amortisseurs inertiels du vaisseau sont la technologie la plus résistante de l’univers.

Même avec leur aide, je ne le suis pas autant.

Pliée en deux, je me dis qu’il va falloir nettoyer mon vomi avant qu’il ne coule dans les grilles qui se trouvent sous mes pieds et ceux des deux sièges de pilotage… à moins qu’elles ne soient faites pour ça. C’est une technologie utile, ça, l’évacuation du vomi… heureusement, avec le harnais de sécurité, mon vomi a à descendre le bas de mon bustier, tout mon entrejambe, le siège sur lequel il repose et son pied à lui avant d’atteindre le sol.

« Et nous voici dans la galaxie Andromède. »

On n’est plus dans le Yop ?

« Je propose de faire demi-tour ici, je voulais juste vous montrer ce qu'était un "saut". »

Expirer par la bouche. Expirer par la bouche. Expirer par la bouche. Inspirer par la bouche. Ne pas expirer tout court.

« Ça s'apparente un peu à ce que vous appelez sur Terre les trous de vers, sauf qu'ici, ce phénomène reproduit artificiellement est suffisamment maitrisé et stable pour servir couramment au transport spatial. »

Du coup, c’est par une dimension hyperspatiale ou la maitrise du vide qu’on s’est téléportés ?

La main de Nathan, que je n’ai pas entendu se lever, se pose sur mon épaule. Ma tête étant basse, l’effort de lever les yeux vers l’immensité d’étoiles que je n’aurai jamais dû voir sous cet angle étant déjà suffisamment difficile, je n’arrive pas à voir le visage de mon ami. Néanmoins, le simple fait qu’il soit debout montre qu’il tolère beaucoup mieux que moi. Grace au reflet dans la vitre du cockpit, je peux voir qu’Enzo est aussi secoué que moi, totalement décomposé mais d’une manière beaucoup plus propre ; chose qui est, somme toute, facile.

J’aimerai dire que Rocket Raccoon a les moyens d’être bien plus qu’un héros, qu’il a les moyens de changer le monde au-delà de ce que Tony Stark a fait, juste au sein de ce vaisseau. J’aimerai dire combien c’est puissant et perturbant. Combien c’est magnifique et terrifiant, tant le panorama que la compréhension de ce qui se cache autour de nous. J’aimerai beaucoup de chose mais à part une bouche sèche et puante, haletante histoire d’aggraver les choses, je ne suis capable de rien.

Pas les mots. Pas la force. Pas…

« C’est con, quelques secondes plus tôt et t’aurais fait la quiche la plus rapide de l’univers, ricane Nathan avant de me contourner, s’en allant vers Rocket. Avant que je puisse admirer avec vous, puis-je savoir où sont les serpillères ? Sinon, j’utiliserai son pantalon… »

Meow, j’ai salopé ma tenue préférée… mais positivons, au moins, j’ai raté mon téléphone.

« Bien sûr, on est sensé pouvoir survivre n'importe où en attendant d'être rapatriés en cas de crash du vaisseau. »

Suis-je la seule à trouver la perspective de destruction d’un vaisseau possédant un tel bouclier, capable de résister à des accélérations inimaginables, terrifiant ? C’est presqu’aussi terrifiant de se dire qu’on peut survivre quelques heures au milieu du vide. S’il y a bien une chose que je n’ai pas envie de faire, c’est attendre au milieu du vide spatial en ayant le temps de réfléchir au fait que, planète ou pas, il y a probablement des années-lumière entre moi et la forme de vie technologiquement avancée la plus proche. L’espace, ou plus exactement le vide spatial, crée un sentiment de claustrophobie chez moi : l’étendue est telle et tellement vide qu’on est prisonnier d’elle, où qu’on aille, quoi qu’on fasse. Une raison de vomir de plus.

Si je ne peux pas voir par-dessus mon corps aussi plié que le harnais de sécurité le lui permet pour croiser les yeux de Nathan, je vois clairement Rocket se retourner sur l’un des sièges devant moi pour s’énerver et s’attrister. J’en baisse les yeux, honteuse.

"I came. I saw. I made it awkward." Histoire de rendre à Jules ce qui appartient à César alors que je crains de me faire appeler comme le premier, Jules, les deux premières phrases sont du second, César. La troisième, c’est 100% moi.

« Pourquoi ? Je dirais… comique de répétition, tâche-je d’hasarder en espérant faire rire, relevant les yeux mais baissant les épaules et amenant ma seconde main pour éteindre la vidéo. Double sens… voilà… voilà… »

Est-ce que ça va aller ? Mes vêtements et ma volonté de plaire sont plus endommagés que moi, je dirais. Et comme j’ai déjà dit, j’espère que ça donne une petite indication. Très petite, certes, mais tout de même. S’il vous plait.

« La serpillère, c'est dans le placard à balais à côté du coin cuisine... on va laisser le vaisseau en vol stationnaire le temps de nettoyer tout ça. »

Ils utilisent encore des balais et des serpillères ?! Moi qui aie toujours adorée les droïdes souris de Star Wars, les Droïde MSE-6 si je me souviens bien, je suis une peu déçue ; pas autant que décevante.

« Je vais te chercher ça, me dit Nathan.

- Tu peux le faire s’il te plait, réponds-je avec la lassitude d’une personne qui vient d’atteindre la seconde étape du "jamais 203".

- Je suis pas ta mère, je vais pas nettoyer derrière toi.

- Justement, tu lui ressemblerais moins si tu le faisais plutôt que de me dire de le faire…

- Pas faux ça. »

Enzo, s’étant également retourné pour constater la scène, se pare d’un sourire puisqu’il connait également ma mère. Nathan, lui, s’éloigne pour s’en retourner à l’étage, au pont, à la pièce, au je-sais-pas-quoi du dessous afin d’y trouver le coin cuisine et la serpillière. J’en souffle de soulagement, déjà bien déconfite de ma galère.

Alors que Rocket s’en va également, je reste attachée à mon siège à regarder avec deux hébètements le panorama que le Gardien de la Galaxie voulait nous montrer. C’est vertigineux. Effrayant. Sublime.

« Andromède, murmure Enzo en se retournant à son tour. J’aimerai dire qu’on est les premiers êtres humains à venir… mais c’est improbable.

- On ne peut plus être les premiers à grand-chose, soupire-je là où j’avais eu l’espoir d’être la première femme sur Vénus. Sauf si c’est filmé.

- Tu penses que le SHIELD a dépiauté le vaisseau pour permettre à l’Humanité d’avancer ?

- Je pense qu’ils l’ont fait… mais pas pour ça.

- Nous ne sommes pas prêts à aller dans l’espace ? Dommage, ils ont l’air aussi cons que nous là-haut.

- Ils ont l’air aussi humains. »

On se tait tout les deux face à la portée de cette déclaration. Il n’y a pas que du négatif dans l’humanité. Cependant, les hauts sont aussi hauts que les bas sont bas : la noblesse et l’horreur s’équilibrent. S’aventurer dans l’espace, c’est faire face à d’autres êtres qui sont soit comme nous, donc dangereux, soit si différents de nous qu’on ne peut pas les conceptualiser, donc dangereux. L’allégorie du chasseur : si deux chasseurs explorant une forêt dans l’objectif d’y survivre et de s’y épanouir se croisent, la première chose qu’ils verront dans l’autre sera le danger potentiel qu’il apporte. Pire, ne pas se montrer dangereux soi-même s’est donner du temps à l’autre de l’être. Evidemment, les Gardiens de la Galaxie pourraient servir d’ambassadeurs et de tuteurs… cependant, de qui ? La Terre elle-même est trop divisée, trop immature, pour réellement entrer dans la cour des grands au niveau de la géopolitique. Même les Gardiens de la Galaxie, s’ils les avaient rencontrés dans d’autres circonstances que face à une menace commune, auraient probablement été considérés comme une menace par les Avengers… pour peu qu’ils ne se soient pas déjà tapés dessus.

Lorsque Nathan et Rocket reviennent, chose que je constate par les bruits de l’échelle puis l’arrivée de mon ami dans mon champ de vision, j’entreprends de détacher le harnais de sécurité. Je pousse les bretelles de mes mains afin de les maintenir éloignées de mon vomi puis entreprend de me lever, non sans avoir tendue une main à Nathan qui l’accueille d’une serpillière. L’équilibré aidé de bonne mauvaise grâce, j’hésite à me séparer de mes talons mais me contente de m’accrocher à ma pochette, dans laquelle est retourné le téléphone.

Rocket prend le relai pour me soutenir et sa force m’étonne, j’ai encore suffisamment de lucidité pour le constater ; ainsi que le fait qu’il fasse possiblement cinquante centimètres de moins que moi, sans les talons, et m’enserre la taille plus qu’autre chose. Face à l’échelle, les épaules toujours basses et le courage guère plus haut, je tends ma pochette à mon soutien le temps que je franchisse les barreaux. Cela se passe à la vitesse prévue, c’est-à-dire que je ne finis pas sur le postérieur.

Arrivée en bas, je tends les bras. Je tiens debout par moi-même et m’accroche à une pochette que je n’abandonnerai pas même quand c’est un pompier qui me soulève pour me sortir des décombres ; c’est du déjà fait, d’ailleurs. Puis je découvre la salle d’eau en me demandant combien de litres leur réservoir d’eau contient et s’ils ont un réservoir d’eaux grises ou s’ils recyclent… sans savoir ce que je préfèrerai. Enfin, si : le réservoir d’eaux grises.

« Je crains fort que vous ne deviez choisir entre les vêtements de Mantis et ceux de Gamora le temps qu'on lave les vôtres. A voir laquelle des deux se rapproche le plus de votre taille. A moins qu'il reste une combinaison de rechange de Nebula quelque part.

- Mon premier cosplay de super-héroïne, avec les fringues d’une vraie, souris-je à Rocket avec amusement avant que seule reste la gratitude sur mes lèvres plissées. Merci. »

Dans la petite salle d’eau, je constate à mon reflet que je ne suis effectivement pas loin de la serpillère, vestimentairement parlant. Mon visage se ferme alors que je contiens une frustration grandissante, jusqu’à ce que je parvienne enfin à me donner ce droit à l’erreur. C’est dur mais c’est fait, puisque je n’ai pas fait exprès de vomir. Et puis il faut voir le bon côté des choses : mes vêtements sont nettoyables, donc pas perdus, et je m’assure l’occasion de recroiser Rocket Raccoon voire d’autres Gardiens de la Galaxie en me barrant avec les fringues d’une de leurs membres !

J’ai le temps de me nettoyer le menton et de recommencer la routine de spray buccal et de patch dentaire nettoyant, ainsi que de pousser un grand soupire, avant que Rocket ne revienne. Comme il le fait avec une serviette de bain, je constate une nouvelle fois qu’il n’y a pas tellement d’avance technologique sur ce point-là également et, ensuite, je comprends qu’il s’attend à une douche complète. Ah… euh… comme ça ? Heureusement que c’est pas un date car ça irait loin le premier soir. J’envisage de remercier dans le second sens du terme, notamment avec l’argument que jamais 203 vis-à-vis du vomi, mais je m’en abstiens. Face à tant de gentillesse, on l’accepte en souriant. Et on cherche le verrou de la salle d’eau.

Puis on se rappelle qu’il risque d’y avoir des problèmes de manipulation de la douche parce que "comment que ça fonctionne ?" et autre "le bouton là il fait quoi ?"… Du coup, je prends le courage qu’il me reste, je lui colle aux basques ma curiosité et vers l’infini et la douche froide. C’est fascinant quand même, le fait que lorsqu’on ignore comment fonctionne la douche chez quelqu’un, on découvre toujours la froide avant la brulante. Heureusement, je suis intelligente : ouvrir ce que je suppose être le robinet d’eau se passe collée au possible contre la paroi qui me semble la plus à même d’être la moins mouillée. Ma réussite ? Je n’ai pas couiné face à l’eau froide. Vient ensuite la recherche du savon parce que, j’ai beau avoir beaucoup de trucs dans ma pochette, il ne faut pas pousser Lucky dans les orties. Merci ma Chance, je suis chanceuse. Quand j’appuis au pif, ça a tendance à marcher. Bon, comme je suis têtue, je peux appuyer de partout au pif le temps que cela le fasse et quand même me considérer chanceuse mais c’est un détail. Tant qu’il n’y a pas de grosse lumière rouge, ou d’une autre couleur inquiétante, tout est bon pour moi.

La serviette des aisselles aux cuisses, je ressors de la douche accompagnée d’un peu-beaucoup-passionnément de vapeur et de la rougeur conséquente ; uniquement de celle-ci. Être en sous-vêtements, et ma culotte a survécu à l’aventure comme la veste de tailleur d’ailleurs, devant des inconnus n’est pas une nouveauté. Seins nus… miaou, il doit y avoir une photo de ce genre sur le net. Peut-être deux. Pas plus.

De retour à la case départ sur le vaisseau avec une case et une épaisseur de vêtement en moins, j’ai loisir d’observer trois tenues définitivement super-héroïques après m’être assise là où Rocket me l’a demandé. Après avoir déposé ma pochette sur la table, j’ai une main de libre pour les manipuler.

La première est un deux pièces de verts accompagnés de noirs, pantalon et haut sans manches avec jupe en deux parties latérales. Les stries sur les côtés attirent mon attention, de même que la matière qui m’est inconnue mais me semble entre le cuir et l’élasthanne. Si la coupe est sur-mesure, la personne qui doit porter cela mesure environ 170cm, soit un peu moins que moi, et faire un 35-24-36 je dirais, soit un peu plus que moi au buste et aux hanches. Après, je dirais que c’est une tenue deux tailles trop large pour moi ; ce qui n’est pas forcément plus mal puisque le bonnet de soutien-gorge semble moindre, chose particulièrement inconfortable avec des vêtements moulants. Oui, ils le sont tout de même un peu ; l’effet bustier. Elle est plutôt sympathique, exception faites des chaussures et de la jupe qui aurait méritée d’être unie sur l’arrière même si ouverte à l’avant. Après, ça n’aurait pas forcément été aussi pratique niveau mouvement de combat. Comme le bustier, quoi.

La seconde tenue semble plus prévue pour celui-ci. C’est également un deux pièces, privilégiant le noir et le violet cette fois. Au similicuir du pantalon s’ajoute une structure en H sur le haut, laquelle s’encadre de pièces de tissus sur l’extérieur et dévoile une espèce de mousseline et des lanières de maintient sur l’intérieur comme sur les flancs à partir des seins. En somme, le décolleté par du gorgerin et descend jusqu’au pantalon tandis que le dos nu par du dessous du soutien-gorge latéral. Okay, on est beaucoup plus sur du sexy et révélateur que le précédent, avec des mensurations inverse à ce dernier : buste et hanche me semblent similaires aux miens mais taille un peu trop large… sachant que c’est la taille du pantalon qui maintient le bas du haut de mousseline enserré. Plus problématique encore, la poitrine m’a l’air prévu pour plus petit que moi… ce qui est d’autant plus important qu’il y a un sacré décolleté. Un tout aussi sacré push-up, en somme. Même pas sure que ma robe fourreau blanche de la matinée l’aurait aussi bien fait.

La troisième proposition est une combinaison noire sans manches. Si les motifs sont également travaillés, elle est clairement plus usée et moins décorée que les deux précédents. D’une taille trop large, cette fois, mais elle me semble destinée à une personne avoisinant le mètre quatre-vingt ; soi une demi-douzaine de centimètres de trop. Dommage, les talons ne comptent pas sur ce coup-là. Voilà qui l’élimine.

Une main tenant la serviette fermement autour de moi et l’autre appuyer sur la table, je me repenche entre les deux premières. Assez clairement, j’ai le choix entre une tenue bien couverte où je risque de flotter dans la largeur alors qu’elle est trop petite en hauteur et une autre tenue bien moulante où je ne devrais pas flotter dans la largeur mais qui montrera à tous que je suis bien maintenue…

Ma moue se fronce, paupières et lèvres se pinçant de réflexion. J’ai pris une quinzaine de secondes à observer et toucher de ma main libre chacune des tenues, sauf la dernière qui m’a demandé moitié moins, et je vais tâcher de ne pas trop prendre encore plus de temps. Mine de rien, je peux passer une dizaine à une quinzaine de minutes à la quotidienne question "comment je m’habille" !

La seconde proposition est la plus tentante, mettant plus en valeur, mais j’anticipe vraiment que cela fasse mal au niveau de la poitrine. De plus, je n’ai pas vraiment envie de passer mon temps à rentrer les épaules vers l’intérieur pour essayer de moins tendre le tissu… d’autant que là il s’agit de tissu mais aussi de ces lanières. Si, la tenue doit être bien sexy lorsqu’elle est bien adaptée, ben ce n’est pas le cas présentement. Il faut souffrir pour être belle afin d’être belle et de se taire mais les lanières pressant sur les seins vont être moches en plus d’être douloureuses. Je me tourne donc vers la première tenue, la verte et noire avec effet bustier mais remontant jusqu’autour du cou. Cette attache plus celles à une taille qui est équivalente à la mienne devrait éviter de me faire balader dedans et l’absence de mise en avant de la poitrine signifie que cela sera uniformément désagréable à défaut d’être sexy.

« Je vais prendre celle-là, finis-je par me décider après une quinzaine de seconde de réflexion. Celle de Mantis, c’est ça ? »

Essayant d’attraper la tenue ainsi que ma pochette tout en gardant la serviette bien enroulée, je galère quelques instants avant que l’entêtement ne triomphe. Sans savoir trop quoi ajouter, je retourne dans la salle d’eau afin de me changer. Cela ne prend pas autant de temps que de me doucher et je ressors donc rapidement avec mes cheveux roux tombant sur les verts du haut, appréciant que les lignes noires de la tenue soient assorties avec ma pochette. Bras nus et chaussée de mes sandales à talon, j’avance en mode podium de mannequinat avant de présenter mon flanc et d’y poser ma main libre devant Rocket ; c’est un exercice que je maitrise, à défaut d’avoir jamais été intéressée par porter les créations d’autrui.

« Je sais, il me faut dix minutes pour passer de la classe à la loose et inversement. »

Je plaisante avec le sourire, ayant retrouvé des couleurs ; rousses et vertes, pour être précise.

Rocket me dit que j’ai fait un bon choix, chose signifiant-elle qu’il y en avait de mauvais ? Quant au fait que Mantis soit la plus calme des trois… je suis définitivement perplexe et le manifeste clairement, regardant le Gardien de la Lingerie.

Aucune réponse ne vient cependant, mon défilé volant toute l’attention à mon retour et cela me satisfait pleinement. Bon, cela ne va pas jusqu’au rire mais on n’est pas loin ! Les expressions de Rocket Raccoon sont plus Rocket que Raccoon, si je puis considérer les choses ainsi, du fait elles sont pas mal anthropomorphiques. Lisibles, quand on s’y habitue, car similaires, non d’un codage différent. J’ai appris à lire les comportements des chats et des chiens mais, là, je n’ai rien à apprendre ; juste à redécouvrir. Comme je le considérais précédemment avec Enzo, les extraterrestres sont très humains. Est-ce qu’il ne faudrait pas changer le mot d’ailleurs ? "Humain" fait très anthropocentré, au final. Il faudra soumettre cette question à l’Académie Française, ses membres pourraient justifier leurs salaires pendant plusieurs mois !

« Je dois reconnaitre qu'elle vous va bien, me dit Rocket en parlant de la tenue de Mantis, qui me va effectivement dans l’esthétique grâce à la complémentarité de ses verts et de mes cheveux mais un peu moins au buste, tros large sur le flanc et pas assez sur le devant, un peu moins au ventre, légèrement trop courte, et clairement moins au pantalon, mes jambes ne remplissant pas du tout celles de la tenue ; choses qui ne m’empêche pas de lui sourire avec contentement puisque son commentaire a l’air sincère. Maintenant, si on allait retrouver nos deux camarades préposés au nettoyage du cockpit ? Ah et j'oubliais… »

Une fois encore, le doute m’habite : deux ? Qui est le deuxième ? Enzo et Nathan se connaissent suffisamment bien pour que le premier regarde le second nettoyer mes conneries sans se lever de son siège ! C’est l’esprit d’équipe ! Ou plutôt le travail d’équipe avec de l’esprit : je me fous de toi parce que tu as perdu à la répartition des tâches, ce qui devient ma tâche à moi !

Une fois de plus, je n’ai pas de réponse même si je n’en attends pas vraiment : mon imaginaire me suffit, pour le coup. Alors que Rocket est en cuisine, je récupère ma veste de tailleur et la passe par-dessus mes épaules. N’ayant pas les gants longs de la tenue de Mantis, la veste passe plutôt bien une fois les légères bretelles du haut super-héroïque positionnées correctement. Cherchant un miroir pour me voir, je me demande si cela ne fait pas bizarre… mais bon. Peut-être que si je la porte en cape ?

Rocket revient alors que j’en suis à retirer les manches de la veste de tailleurs, m’apportant l’assurance que je ne répande pas mon émotion au-delà d’un volume autorisé. Ça me fait pouffer puis le commentaire sur mes amis me maintient le sourire.

« Bah, Jo et le ménage c’est une longue histoire d’armée, dis-je avec un amusement qui éclipse clairement la nonchalance que j’aurai voulu surjouée, avant de récupérer le sac à vomi. Mais merci, pour lui, le sac et moi-même. Et la tenue. Et le voyage. Et la gentillesse. Et… merci pour tout, ça ira plus vite. »

Un sourire et un acquiescement de connivence ponctuent ma phrase comme précèdent un clin d’œil.

« Avant de retourner en haut, puis-je savoir ce qui advient de ma tenue et peut-on passer voir comment Groot se tient ? »

J’en suis pas à vouloir un meeting des vomitos anonymes, ce qui serait de toute façon inefficace puisque l’on connait nos noms et qu’il semble savoir seulement se présenter en notre langue, mais je me pose la question de si je suis toute seule ou si le malheureux a connu le même problème. Enfin, similaire problème : le sien est clairement plus chaud que le mien, littéralement. L’alcool à 60, ça brule autant quand sa rentre que quand ça ressort si ça le fait par la même entrée…

Ayant terminé de passer la veste en cape, je constate que c’est une encore moins bonne idée qu’avant. En effet, les deux feuilles de jupe jurent avec elle : il aurait fallu une veste longue, descendant comme elles jusqu’aux genoux, pour s’harmoniser. Là, j’ai une cape pas finie et une jupe pas finie or deux pas finis ne font pas un fini ; cf. ma biographie. J’entreprends donc de repasser les bras dans les manches tout en suivant Rocket. Je peux laisser ma pochette sur la table le temps de faire coucou à la plante verte au carré, verte de nature et verte de la situation, voire au cube : verte de nature, verte de la situation et verte de vomi… Enfin Bref… pauvre Groot.

« De rien, me répond Rocket à mes remerciements pour tout, m’amenant à maintenir le sourire déjà présent suite à sa déroute appréciative ponctuant mon défilé. Pour votre tenu, avec un peu de chance, vous pourrez repartir avec et elle sera comme neuve. Sinon, je vous propose de venir la reprendre demain dans le pire des cas. »

Réflexion qui a le mérite d’être faite : est-ce que je laisse ma tenue préférée ici ce soir pour pouvoir repointer demain comme une fleur et la récupérer ? Réflexion faite, non. Si je fais ça, je devrais rendre la tenue de Mantis immédiatement et cela gâcherait une occasion de la rencontrer ; Mantis, pas sa tenue. Celle-ci, on est déjà très proches ! De plus, attendre que ma tenue soit propre mais pas sèche me permettra de repartir avec les deux. Sous réserve que la technologie de lavage vestimentaire passe par de l’eau et non de l’air ou un autre moyen plus avancé… qui serait très apprécié de mon bustier d’ailleurs, il n’est pas fan des machines à laver le linge. Les baleines peuvent se tordre sous les chocs. Après, je mise sur ma Chance pour que cela n’arrive pas et je le découvrirais plus tard !

En parlant de découverte, Groot. "Groot va très bien, il dort comme une SOUCHE" ; je pouffe. La plante verte n’est verte qu’au carré, car plante verte de base et verte de pas être avec nous, mais elle dort comme une souche. Jeux de mot 100% approuvé. Je viens donc voir avec un sourire amusé aux lèvres et il s’agrandit encore à la constatation que l’Arbuste est une plante invasive, vu sa manière de dormir.

« J’espère pas être raciste en disant cela, commence-je à répondre avec jovialité au fait qu’on ait arrêté Groot de boire juste à temps pour éviter la catastrophe, mais il aura mal aux branches ou aux racines ? »

Il peut pas avoir mal aux cheveux vu qu’il n’en a pas mais il a tout de même des excroissances au sommet de son crâne donc est-ce qu’il aura mal là ou est-ce qu’il aura mal ailleurs ? Et là, c’est quoi exactement ? De plus, si son système vasculaire fonctionne comme celui d’un arbre, n’est-ce pas plus dangereux pour lui d’être déshydraté que pour nous ? Peut-il être déshydraté d’ailleurs, vu qu’il n’a pas forcément de reins pour être affectés par l’alcool de manière analogue à ce qui nous amène nous à être déshydratés ? Tant de questions qui se bousculent dans ma tête et me bousculent au passage. Je les tais. Elles sont importantes pour la science, pas pour l’actualité.

Suivant Rocket lorsqu’il me le demande, je récupère ma pochette avant de refaire face à ma Némésis du soir, mon antagoniste principal après moi-même, la première cause de risque de décès prématuré… l’Echelle. Rocket la monte avec habitude et agilité, l’une et l’autre s’améliorant mutuellement, et me tend la main une fois arrivé en haut. Avec un sourire de gratitude, je lui montre ma pochette.

« Attrappez. »

Je fais un geste de basketteure non-professionnelle pour viser puis lui lance en misant sur son agilité et ma Chance pour qu’il la rattrape. Ensuite, je monte sur la pointe des pieds, talons obligeants, et attrape sa main si elle m’est toujours tendue ; chose qui me permet de constater que son rapport masse-puissance est largement supérieur à un humain. Malgré sa petite taille et un poids qui doit être à la mesure, je le pense sincèrement capable de soulever plus que moi ; voire de me soulever moi. Alors qu’il fait cinquante centimètres de moins.

« Mercis, dis-je une fois en haut, au pluriel parce qu’il y a plusieurs mercis à donner même si ça ne s’entend pas à l’oral.

- Bon, on est répartis, signale amicalement le captaine-pilote-ingénieux-hôte-habilleur alors que je le regarde s’avancer dans le cockpit avant d’en faire de même pour obéir. Tout le monde a son poste !

- Faut que je retourne dans les toilettes ? »

C’est sorti tout seul. Comme le vomi en son temps. Juste que là, j’espère ça drôle. Ça ne fait pas rire Nathan, qui en termine avec le nettoyage de mon siège mais dont l’expression change à la vision de ma tenue ; surprise puis appréciation. Enzo aussi, toujours assit sur son siège, détourne le regard des étoiles pour regarder sa star ; surprise aussi, appréciation aussi, moi longue cependant. Je prends la pose, ma main libre sur la hanche et l’autre contre ma cuisse avec la pochette et le sac à vomi.

« Lu, ma frustration sexuelle et moi te remercions, ricane mon garde du corps.

- Il fallait réellement que tu mettes la veste, demande mon avocat, perplexe. La coupe du buste est déjà forte aux épaules, ça t’élargie.

- Je sais, dis-je avec amusement alors que j’entreprends de revenir vers mon siège tout propre et tout humide même si je m’attends à ce que ça ne passe pas au travers du matériau inconnu dont la tenue est faite, mais les lignes noires sauvent l’harmonie du tout : rouge et vert, noir et noir.

- Je vous laisse la masturbation intellectuelle… »

Nathan me frôle en levant deux fois les sourcils, ce qui m’amuse, mais c’est un blanc qui suit sa surenchère : ni Enzo ni moi n’osons lui sortir à haute voix qu’il se garde la masturbation manuelle en présence de Rocket. Par contre, on le pense tous les trois et nos regards nous laissent très aisément le comprendre.

Suivant l’exemple du Gardien, je vais m’assoir à ma place et rattacher le harnais… non sans approcher ses sangles et mon nez histoire de sentir. Vérification instinctive et, c’est bon, ça passe ! Nathan ne rigole pas quand il fait le ménage, même si tout est humide rien n’est gluant ou puant. Merci ma Chance. Et lui aussi. Mais en seconde position. Ou en quatrième, puisqu’il est en quatrième. Il est un peu tard pour moi de lui proposer d’échanger nos places afin qu’il ait une meilleure vue. Surtout qu’il le comprendra comme une volonté de ne pas être à l’endroit où j’ai quiché. Il me prendre tellement pour aussi machiavélique que je le suis…

Assise et installée, je laisse le sac à vomi entre mes cuisses et cale ma pochette contre moi. Droite dans le siège par un adossement que je veux détendu, je pose mes mains de part et d’autre du sac de secours au cas zou. Inspirer par le nez, souffler par la bouche. Doucement. Penser à son gros orteil si ça va trop vite : ça aide à ce que les pensées soient focalisées sur quelque chose qui bouge pas trop. Sauf après un contact corps-à-corps et généralement involontaire avec un meuble quelconque, laissant une forte impression tant à l’esprit qu’à l’orteil et l’envie de réciter la liste des gros-mots établies par le Mérovingien dans Matrix Reloaded. Oui, j’ai des refrains alternatifs aux gros-mots mais il ne faut pas pousser Lucky dans les orties ; ou contre un meuble, en l’occurrence. Est-ce que penser à mon gros orteil pour rester calme alors que je vis une expérience spatiale n’est pas m’autopousser dans les orties ? C’est à s’en taper la tête contre un mur ! Ou l’orteil contre un meuble… Enfin Bref.

Le saut arrive vite.

Je ne sais pas comment considérer le fait qu’on perçoive les corps célestes se déplacer autour de nous. Cela ne me donne pas l’impression d’être dans une dimension hyper-spatiale, même s’il serait possible que celle-ci ait ses propres sources de lumière que je confonde avec les corps célestes. Selon les explications de Rocket, les "Sauts" s’apparentent un peu à ce que l’on appel sur Terre les trou-de-vers ; on n’est donc pas dans une dimension hyper-spatiale mais dans un raccourci à travers l’espace-temps lui-même, sa technologie étant capable de créer une déformation localisée et stable. J’ai l’impression de radoter. Au moins, je radote de bon cœur !

Jusqu’à la pirouette !

Je m’accroche à mes cuisses, ce qui est inutile, et à mon siège, ce qui l’est déjà plus même si mon siège m’accroche avec le harnais prévu à cet effet, en me disant que j’ai pas le mal de l’air mais qu’il n’y a pas d’air actuellement… la différence entre haut-les-cœurs et haut-le-cœur, c’est l’accord donc Rocket devrait faire attention au mien. De cœur, pas d’accord. Quoi que d’accord aussi : je l’ai pas donnéééééééé.

Comment peut-il y avoir un obstacle au sein d’un tunnel d’espace-temps déformé ?!

« Allez Lu, la quiche la plus rapide de l’univers, m’encourage Nathan, rigolant.

- Après toi, lui réponds-je un peu sèchement.

- Les dames d’abord.

- C’est déjà fait.

- Jamais deux sans trois.

- Un partout la balle au centre.

- Les enfants, intervient Enzo avec un sourire blasé, arrêtez de chahuter à l’arrière.

- Oui papa, répond-t-on en simultané avec Nathan, avant d’échanger des regards complices entre nous alors qu’Enzo souffle.

- Tsss…

- Sinon Rocket, reprends-je après cet instant détente, plutôt efficace, c’était quoi ce qu’il a fallu évité ? Et comment marche le système d’amortisseurs inertiels ?

- Si c’est pas exagéré de demander.

- S’il vous plait. »