On n’a pas connu l’impact qu’a eu la décimation sur la jeunesse de New York City. Seuls des chiffres en ont témoigné, divisant par quatre les accueils du service jeunesse de la municipalité. Une moitié disparue, une moitié des survivants trop traumatisée pour revenir. Des restructurations, lourdes. On s’est inscrites dans celles-ci en Angleterre, aidant dans les camps mis en place par l’armée puis dans l’association chargée des gens comme nous : les orphelins du Snap. On était orphelines depuis plus longtemps, depuis le début plus exactement, et on a eu nos propres deuils à faire. On les a faits en aidant. On les a faits en apprenant. On les a faits en nous adaptant. Finalement, un diplôme passé afin de nous perfectionner dans nos tâches, on a immigré aux Etats-Unis d’Amérique, n’oubliant pas ce pour quoi nous avons grandi : devenir des héroïnes.
Depuis le Snap, le visa de travail était le plus facile à obtenir. Notre diplôme nous a ouvert les portes du service jeunesse de la Mairie, en reconstruction, et on a été affectées toutes trois à l’assistance de Merwyn Caerwyn, directeur passant de structure en structure afin de les redynamiser. D’où qu’il soit accompagné d’assistantes, non d’animatrices, bien que notre apprentissage sur le terrain nous ait donné des capacités dans le domaine également. On a constaté être un vrai soulagement pour le quarantenaire, dont la carrure solide et le port noble portent néanmoins les marques d’un métier fatigant. Son visage, fin comparativement au reste de sa morphologie, est moins creusé qu’avant notre arrivée. Ses yeux verts cernés, doux et vifs, ont gagné un amusement face aux "sœurs talkies-walkies".
Phoebe pense cela réducteur. Mindee pense cela bien trouvé. Céleste ne pense pas grand-chose de cela. La première n’en tient pas vraiment rigueur car c’est notre supérieur. La seconde ne dit pas cela que parce que c’est notre supérieur. La troisième sourit car c’est notre supérieur. Flagorneuses. A moitié. Assumée.
Avec le retour des gens décimés, la surcharge de travail s’est accrue alors que les effectifs sont restés les mêmes et on n’a pas bougé de la structure où on se trouvait depuis. Les jeunes disparus il y a cinq ans ont voulu reprendre les habitudes qu’ils n’avaient pas perdues mais se sont perdus face aux changements advenus durant leur temps d’inexistence. Les difficultés rencontrées sont à tous les niveaux et il n’en est que plus important de trouver de quoi les réintégrer et leur faire reprendre le rythme de l’existence. On a donc diagnostiqué la problématique "comment travailler l’ouverture d’esprit et l’écoute sous couvert du partage autour d’un événement traumatique commun ?".
Parmi les taches qui nous sont confiées, Mindee a à monter des projets partenariaux et à prendre contact avec les interlocuteurs susceptibles de devenir lesdits partenaires. Cette étape voit Phoebe prendre le relai pour parler au nom de notre supérieur lorsque celui-ci n’était pas disponible. Comme aujourd’hui. Céleste, enfin, suit le mouvement. Avec une description de poste pouvant se résumer à "faire ce qu’on lui dit", elle est devenue assistante des assistantes en cette journée où les rendez-vous de Mindee l’emmènent, avec Phoebe, jusqu’au centre du Bronx. Au 3674 3rd Ave., plus exactement. Le Jack’s Refuge, pour anciens combattants.
A tord ou a raison, on a considéré que les jeunes ayant été décimés subissent un retour à la "vie civile", dans lequel peuvent les aider les ancien combattant : ils sont perdus, la société a changé et ils doivent se réintégrer. De plus, les membres du Refuge ont également connu le Snap et ont une expérience de vie aux antipodes de celle de la jeunesse actuelle ; laquelle tend à avoir une dépréciation de l’armée, des militaires et de leur pays en général. Cela a motivé Mindee pour prendre contact, par mail d’abord, afin de convenir du présent rendez-vous. Lynda Mac Taggert, la directrice du refuge, devrait être notre interlocutrice.
Une à une, on pose le talon aiguille d’une première botte à cuissarde noire sur le pavé du large trottoir, devant le bâtiment de briques rouges. Un collant noir d’hiver dépasse de la chausse pour disparaitre sous une jupe toute aussi noire, elle-même dissimulée sous un manteau gris rayé. Dépasse de ce dernier les cols roulés de nos polaires, qui en reviennent au noir précédent. A l’exception d’un petit sac à dos porté par celle de gauche, on est parfaitement identiques.
Nos regards se répartissent l’observation de la façade, dont les marquages du refuge ne laissent pas douter de l’importance. Celle du milieu a à trouver une sonnette ou un interphone, afin de pouvoir signaler notre présence comme il se doit.
Le réveil sonne, violent, dur, et aussitôt, je frappe dessus … Il est … Aaaah trop tôt. Je passe mon bras sur mon visage, essayant de rassembler mes esprits. Pourquoi j’ai mis mon réveil aussi tôt, presque une heure avant mon horaire habituel ? Réfléchis, réfléchis … Oh oui ! Je finis par me lever, recouvrant un chat grognon d’une lourde couette d’hiver. Il émet un miaulement désespéré, m’obligeant à le sortir de ce piège mortel.
-Sol, tu sais que tu peux te débrouiller seul parfois ?
Le vieux matou m’accorde une face boudeuse puis, après un coup de plumeau poilu qui lui sert de queue dans la tête, il s’en va en râlant encore. Ah, mon petit soleil est mal luné ce matin dis donc … Je repousse mes cheveux en arrière, tourne la tête à la recherche de mon téléphone puis vérifie l’heure ... Bon, j’ai encore 30 minutes pour être prête, à la douche mauvaise troupe !
Clefs : check, téléphone : check, sac : check, portefeuille : check, bisou à Luna : check … Une fois la liste faite dans ma tête, je passe ma porte et … Ah non mon casque ! Demi-tour, j’attrape la grosses protection d’une main et tourne la clef de l’autre. On peut enfin partir ! J’enfourche ma moto et la démarre. Cependant, le voyage du jours est bien différent de d’habitude. Au lieu de foncer à l’hopital pour commencer ma garde, je fais un détour, un détour que je fais souvent en ce moment. Car depuis deux semaines et pour les temps à venir, les planning ont changé et désormais, il y a un jour où je commence quand ma mentor, elle, termine. Cela me désole car j’aime vraiment les gardes à ses côté mais surtout, j’ai appris depuis quelques jours qu’en général, lorsqu’elle finit les gardes de nuit à cette heure là, elle enchaîne au refuge où elle travaille également. Je ne sais pas grand chose sur ce qu’elle y fait, je n’ai pas encore réussi à lui en parler mais j’avoue m’être un peu renseigné et un refuge pour les anciens combattants et vétérans de guerre, c’est une initiative que je trouve magnifique. Un jour, je lui proposerai de l’aider. Un jour. Mais aujourd’hui … Je dois m’en tenir à ma première mission que je me suis donnée, à savoir lui amener son petit déjeuner. Je bosse depuis suffisamment longtemps avec elle pour connaître quelques-uns de ses vilains petits plaisirs coupables, et notamment ceux de ce coffee shop. Je suis à l’heure. En entrant, je passe directement au comptoir pour aller chercher la commande que je leur avais passée la veille, à savoir un macchiato encore fumant, qui dégageait un subtile mélange de café et de chocolat et un muffin blueberry qui sort du four. Il m’avait aussi préparé comme prévu une petite carte sur laquelle je note un petit mot niais et choupi dont j’ai le secret. Mes collègues disent que ça leur donne le smile en tout cas, je ne vois pas pourquoi ça ne marcherait pas avec elle. J’embarque alors le sac après payer et le place le tout dans le coffre de ma moto de manière à ce que cela ne se renverse pas pendant le petit trajet qu’il me reste à faire. Check à la montre …. Oh Mierda ! Faut que je cavale !
Je redémarre en trombe. Faut pas que j’arrive en retard au boulot, Melissa va m’assassiner ! Décidément, je cours après le temps … depuis bien longtemps en vrai … Enfin bref, trêve de rêverie …. Je m’élance et l’engin gronde sous mon bassin. On me taquine souvent sur lequel que j’ai une moto de biker presque mais au moins moi, je sais m’en servir. Je prends à droite pour rejoindre la 3rd Avenue et continue jusqu’à finir par faire un arrêt un peu chaotique face au 3674. Je suis arrivée … le Jack’s Refuge. Un regard pour ma montre … Oh Madre de Dios ! Je cours à l’intérieur, le sac en papier à la main, le casque dans l’autre main et fonce jusqu’au bureau d’accueil où ils m’ont déjà vu.
-Bonjour, je peux vous …
-Bonjours, je suis vraiment désolée, je dois vous déposer ça en urgence pour Lynda, Lynda Mac Taggert ! C’est … une surprise, enfin elle verra, c’est … enfin rien de dangereux hein, juste un petit déjeuner, rien de plus …
La personne en face de moi se met à rire en me voyant aussi … speed.
-Très bien, je lui donnerai, c’est de la part de ? -Gaby … enfin Gabriela ! Elle trouvera un petit mot dans le sac, je suis désolé, j’suis déjà en retard, il faut que je cours, bonne journée à vous et merci !
Je ne lui laisse même pas le temps de finir que je ressors, en ayant déjà mon casque sur la tête à peine la porte du Refuge franchie. Je saute presque sur ma moto et la fait démarrer aussitôt pour repartir vers le Bronxcare.
Est-ce que je suis arrivée en retard à mon tour de garde ? Oui bien sûr Est-ce que je me suis faites engueulé … mouais un poil Est-ce que ça valait le coup juste pour faire sourire ma mentor : totalement et je le ferais certainement sous peu
"Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères, sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots." - Martin Luther King
26 Janvier 2024 - Jack’s Refuge
Décidément les dernières semaines n’étaient pas des plus évidentes pour Lynda. Avoir trois travail n’étaient pas choses aisées pour une femme, même une personne aussi organisée que Lynda avait à un moment donné besoin de repos. Mais ce n’était pas pour tout de suite et il fallait garder le sourire et la forme pour pouvoir continuer à maintenir le cap. Le travail à l’hôpital était très prenant et fatiguant mais une fois qu’il était terminé, Lynda pouvait changer d’air. La direction du refuge quant à elle était différente. C’était un travail à temps complet qui demandait très régulièrement des heures supplémentaires mais c’était une véritable passion pour la mutante qui ne comptait plus les heures accumulées pour les projets du refuge depuis bien longtemps. Le troisième et dernier travail était celui de maman mais là encore, si s’occuper de Jessy prenait du temps, c’était également un réel plaisir pour une mère de pouvoir avoir sa fille à ses côtés tous les jours. Et puis Jessy grandissait et elle était à présent une adolescente, capable de s’occuper d’elle-même mais également parfois de sa mère.
Lynda était alors dans son bureau, les traits un peu tirés par une nuit quasiment blanche suite à sa permanence au BronxCare. Elle avait enchaîné sur sa journée de travail au Refuge. Enfin plutôt sa matinée plus remplie. La quarantenaire savait qu’elle aurait son après-midi pour elle mais ce matin, il y avait des rendez-vous à honorer. Notamment la visite des assistantes de Merwyn Caerwyn que Lynda n’avait encore jamais rencontré. Le rendez-vous était fixé pour dix heures et la directrice du refuge était impatiente de pouvoir mettre en place un tel projet pluri-générationnel. Se faire rencontrer des jeunes et des vétérans avait déjà été mis en place depuis bien des années et cela s'était fortement accentué durant ce que tous appelaient les années sombres. Des plus jeunes étaient spontanément venus au refuge devenant un lieu d’accueil bien plus grand et bien plus serein qu’auparavant. Cet endroit qui inspirait la paix de chacun et le vivre ensemble - mutants et humains, jeunes et anciens, personnes heureuses et individus meurtris. Chacun savait désormais que quoi qu’il arrive, il pourrait trouver sa place dans cet endroit. Et c’était ce que Lynda avait toujours voulu mettre en place et ce qu’elle prônait depuis bien longtemps.
Une bénévole entra lentement dans le bureau de Lynda, c’était Laetitia, elle était toujours discrète et timide mais elle se faisait violence pour tenir l’accueil de temps en temps lorsqu’il le fallait.
“Lynda, un petit colis a été déposé pour vous de la part de Gabriela.”
Le prénom prononcé par la bénévole fit aussitôt relever la tête à la gérante qui retrouva aussitôt le sourire. Si la fatigue aurait pu se lire sur son visage, l’odeur qui émanait du petit paquet en enleva aussitôt toute trace. Quelle jolie attention songea la jeune femme en prenant le paquet et en donnant ses instructions :
“Merci beaucoup Laetitia, je crois que je vais en avoir bien besoin aujourd’hui. - Longue nuit ? - Assez prenante disons, et j’ai un rendez-vous important dans … dans quelques minutes. Je n’ai pas envie de faire pâle figure. - Certes vous semblez fatiguée mais je suis certaine que cela se passera bien. - Il n’y a pas de raison mais quand j’accueille des personnes qui ne sont jamais venues ici, j’ai toujours un peu d’appréhension. Mais les jeunes sont prévenus de ne pas faire trop de bruit et pas d’usage de leurs pouvoirs pendant une petite heure. D’ailleurs, quand les assistantes de Caerwyn seront là, je viendrais directement les accueillir. - Okay.”
La bénévole fit alors volte-face et redescendit rapidement pour retrouver sa place à l’accueil, juste devant le sas d’entrée. Lynda quant à elle termina son dossier et se disait alors qu’il serait peut-être plus simple d’attendre directement l’arrivée des assistantes à l’étage inférieur. Prenant le temps d’ouvrir le paquet de Gaby en la remerciant silencieusement, elle savoura une gorgée de macchiato avant de descendre pour être non loin de l’accueil. Se dirigeant vers le hall, elle jeta un œil aux différents coins du refuge. Tout était calme et paisible, hormis peut-être l’ambiance qu’il y avait sur le ring de boxe où se déroulait un petit tournoi bon enfant.
La bénévole quant à elle accueillait au même instant trois jeune femmes blonde en restant littéralement bouche bée devant leur ressemblance frappante :
Un bruit de chauffard(e) à moto se fait entendre alors que l’on détaille la face mais on n’y accorde guère plus d’attention qu’au reste de la circulation et de ses habituels klaxons. Tant qu’on est sur le trottoir, le bon sens nous dit que cela ne nous concerne pas. Le problème avec le bon sens, c’est que tout le monde ne partage pas le même et qu’il y en a même certains pour aller à contre-sens, justement. Là encore, le trottoir devrait nous protéger mais combien de deux roues le considèrent comme une voie supplémentaire n’étant d’ailleurs, parfois, pas soumise au code de la route ? En effet, question de bon sens, ils ne sont plus sur la route… Ce n’est cependant pas le cas de celui qui s’éloigne, présentement en tout cas, ainsi n’en fait-on pas plus cas afin de nous concentrer sur le nôtre ; de cas toujours.
La sonnette trouvée, celle du milieu s’en va l’actionner, puis elle recommence à faire le pet, dans le rang formé. Lorsqu’une autre jeune femme vient nous ouvrir, on l’accueille avec un poli sourire. Face à ses hésitations et son bégaiement, on cligne des yeux et agit doucement.
« Nous sommes les Stepford Cuckoos, déclare celle du milieu, seule. Nous avons rendez-vous avec madame Mac Taggert aux 10 heures. »
Ça fait bizarre de rester là à ne rien dire, songe Phoebe. Ça fait bizarre de rester là à parler seule, songe Mindee. Ça fait bizarre aux autres quoi qu’on fasse, songe Céleste. En effet, si on parle à trois ça les perturbe. En effet, si on parle en alternance ça les perturbe. En effet, si on parle à une ça les perturbe. Reste à savoir ce qui perturbe le plus. Cela doit dépendre des gens. Il n’y a pas de bonne solution.
Notre effort, sans doute d’autant plus illusoire que notre interlocutrice n’a pas l’air du genre sociable, est néanmoins fait. Il ne sera pas vu ou vécu comme tel, selon toute probabilité, mais on s’encourage en se disant qu’elle sait envers qui être gênée. Un petit quelque chose est toujours mieux qu’un grand rien.
Avançant à la suite de notre timide guide, on franchit le seuil puis tourne à droite dans l’entrée pour arriver dans une pièce principale très grande. Quelques marches puis un vestibule en L et l’on fait face à un salon un peu plus large, lequel s’agrandit encore avec ce qui semble être une salle de sport. L’attraction principale s’y déroule, d’après le public étonnamment divers au niveau des âges qui se rassemble autour d’un ring de boxe partiellement caché par un mur. Sur la gauche, alors que l’on avance dans l’espace principal bien équipé, se trouve une salle de bar toute aussi agrémentée. Une demi-douzaine de tables et un bar que celle qui devrait y accorder de l’attention, celle de gauche, survole par obligation avant d’en revenir à la partie couverte par celle du milieu.
Céleste, concentre-toi. Céleste, ce n’est pas par là. Oui-oui.
Armée d’un gobelet portant l’insigne d’un Coffee Shop, une femme à qui on ne saurait donner un âge semble parcourir son royaume des yeux. Cela peut sembler incongru mais, après une ou deux secondes de concentration par nos deux tiers, on se dit à trois qu’il est plus facile d’estimer le nombre d’heures de sommeil de l’inconnue que son âge en regardant son visage. Visage qu’elle a fort beau, avec des lèvres proportionnées qui ne palissent de magnificence que face à ses yeux en amandes aux prunelles vertes et ses cheveux bruns laissés libres. Il y en a qui ont besoin de cacher la misère avec du maquillage, chez cette femme la misère ne saurait l’atteindre ; et peut-être que le maquillage non plus, d’ailleurs.
Splendide. Impressionnant. En effet… Céleste. Céleste. Oui-oui…
« Bonjour, dit-on à trois, bien que seuls deux-tiers soient réellement impliqués.
- Je suis Irma Cuckoo, commence celle du milieu lorsque le temps des présentations arrive, tendant une main pour une poignée douce et étonnamment communicative en énergie sans pour autant être envahissante. Enchantée d’enfin vous rencontrer.
- Je suis Phoebe Cuckoo, poursuit celle de droite lorsque son tour arrive, tendant une main pour une poignée ferme et défensive à l’énergie retenue. Enchantée également. Je représenterai monsieur Caerwyn pour notre entrevue.
- Et je suis là, conclue celle de gauche lorsque son tour arrive, commençant à tendre la main avant de sursauter alors que les deux autres lui lancent un regard meurtrier qu’elle ne peut pouvoir voir de ses yeux concentrés sur le ring de boxe et d’enfin regarder son interlocutrice. Euh… je suis Céleste… Cuckoo aussi… Enchantée aussi…
- Juste par une chose différente, s’amuse celle du milieu en retournant son regard vers nos deux interlocutrices, la timide et la royale.
- Excusez-là, demande celle de droite qui leur fait face, ayant tournée la tête en simultanée avec la précédente. Elle est un peu perturbée. »
Céleste, si tu dis "oui", je te refrappe mentalement, déclare Phoebe. Céleste, s’il te plait, dis "oui", demande Mindee. Mais c’est que les anciens militaires n’ont pas les mêmes sculptures que les non-professionnels du Gleason’s Gym ! Pour moi c’est un "oui" ! Tu veux qu’on te laisses-là ? Aïeuh ! Je vote pour. Je vote pas. Maieuh…
L’interlude mental ne dure que deux secondes. Lors de la première, celle de droite conclut sa parole d’une levée d’yeux au ciel retenue tandis que celle du milieu reste sur le sourire dû à ses sous-entendus et que celle de gauche cherche à imiter l’attitude de la jeune femme venue nous ouvrir ; qui eu cru que des pieds soient aussi intéressant à regarder ? Lors de la seconde, de seconde, celle de droit se crispe un instant tandis que celle du milieu se tourne légèrement vers la dernière qui rentre la tête dans les épaules. Puis les trois têtes penchent sur le côté à la fin du mouvement.
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Lynda Mac Taggert Protecteur
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Alors que Lynda est toujours à l’intérieur, son gobelet à la main profitant de la boisson chaude, Laetitia quant à elle était venue à la rencontre des triplées. Enfin, elle avait supposé que les femmes devant elles étaient des triplées tant elles se ressemblaient et tant elles semblaient être en phase. La jeune demoiselle sourit alors timidement avant de les conduire à l’intérieur du Refuge tout en expliquant que Lynda les attendait.
Laetitia entra avec elles jusque dans le hall avant de finalement s’arrêter à quelques mètres de Lynda pour l’interpeller. La responsable du Refuge tourna aussitôt la tête en entendant son prénom et un sourire bienfaisant se montra sur ses lèvres alors qu’elle croisa tour à tout le regard des femmes en face d’elle. Enfin plutôt des deux femmes puisque la troisième semblait légèrement distraite sur le ring de boxe. Il était vrai que les hommes qui s’y affrontés n’étaient pas déplaisants à regarder. Lynda jeta alors une œillade rapide sur le ring de boxe avant de revenir sur les trois femmes. Laetitia quant à elle était déjà repartie derrière son bureau.
“Bonjour mesdemoiselles.”
Lynda alternait son regard entre les trois femmes car il était très important pour elle que chacune de ses interlocutrices ne se sentent pas mise à l’écart. Ce fut alors l’heure des présentations. Lynda enchaina les poignées de main et remarqua la différence sensible entre les trois poignées de main. La première était plus douce et enjouée, la seconde plus direct mais pas froide pour autant et la troisième totalement distraite par l’agitation du ring de boxe ce qui fit sourire Lynda de plus bel:
“Ahah, aucune inquiétude, je peux tout à fait la comprendre étant donné les réfugiés qui s’activent sur le ring. Je m’appelle Lynda MacTaggert mais vous le savez déjà. Je suis la responsable du Refuge et je suis également Médecin à temps partiel au BronxCare Hospital.”
Lynda eu alors un moment d’hésitation avant de poursuivre mais elle ne put s’empêcher de demander la confirmation pour être certaine de ne pas dire de bêtise. S’adressant à celle du milieu, elle demanda :
“Si je ne m’abuse, c’est vous mademoiselle Cuckoo, que j’ai eu au téléphone pour ce rendez-vous. En tout cas je suis ravie de vous accueillir en ces lieux qui j’espère conviendront à la mairie pour monter votre projet. Si vous voulez bien me suivre, l’on pourra s’entretenir dans mon bureau dans un premier temps et je vous ferai visiter par la suite.”
Montrant l’escalier pour que les jeunes femmes passent les premières, elle se hasarda à souffler quelques mots à la troisième :
“Ne vous inquiétez pas, le tournoi doit durer toute la journée et les plus beaux ne sont pas encore passés.”
Autant mettre un peu de gaité dans ce rendez-vous professionnel. Après tout, elles étaient entre femmes et même si Lynda pouvait être très sérieuse et volontaire tout en étant concentrée, elle n’en restait pas moins une femme aimant les beaux hommes. Cependant elle avait une faiblesse et elle aura toujours cette faiblesse des hommes en chemises et en costume. Le fantasme du militaire était bien loin derrière elle maintenant. Mais qu’importe, elle n’avait ni le temps ni l’énergie pour partir en quête de l’amour. Cela viendrait quand cela viendrait, elle n’avait pas d’inquiétude.
Montant l’escalier après les sœurs, elle songea à l’idée qu’elles puissent changer leur position. Cela engendrerait pour Lynda une perte de connaissance pour comprendre qui est qui. Mais elle relativisa en se disant qu’elle redemanderait simplement confirmation de qui est qui et puis si elles se ressemblaient physiquement parlant comme deux (ou plutôt trois) gouttes d’eau, en revanche, elles avaient une façon différente de s’exprimer et une gestuelle légèrement différente, ce qui peut être aiderait la gérante à les reconnaître avec plus d’aisance. Une fois à mi-hauteur de l’escalier, Lynda s’adressa à Phoebe, la première donc:
“En haut de l’escalier, la double porte sur votre droite.”
Les trois femmes pourraient alors découvrir la pièce en question. Le bureau de Lynda avait une décoration dite de style industriel. Un joli mélange d’acier noir et de bois. Son bureau possédait une fenêtre sur l’extérieur du bâtiment sur la droite et de deux verrières qui donnait sur le rez-de-chaussée du refuge. Le fond du bureau était une immense bibliothèque remplie de livres en tous genres, de la romance à la science, seule une porte vers une autre pièce était visible mais fermée. Le bureau de Lynda trônait au milieu de la pièce alors que devant les verrières se trouvaient deux fauteuils en tissus et une table basse. Pour l’occasion, Lynda avait fait ajouter deux fauteuils supplémentaires afin de pouvoir s’y installer toutes les quatre. De chaque côté de la baie vitrée d’entrée, il y avait des étagères avec diverses photos et récompenses militaires. Enfin un petit tableau noir avec des écritures à la craie était accroché au mur. Des informations administratives sur les commandes de café ou autres fournitures y étaient mentionnées. Arrivant à leur suite, Lynda s’exprime à nouveau aux trois demoiselles en même temps.
“Nous pouvons nous installer ici. Est-ce que je peux vous offrir une boisson chaude? Café? Thé? Chocolat chaud?”
Non loin de la bibliothèque se trouvait une petite desserte avec une machine à café à dosettes récemment installée par le personnel du refuge, offerte à Lynda à Noël. La jeune femme était ravie de ce nouvel équipement qui lui permettait d’offrir quelque chose à ses invités.
Mademoiselle, ou madame mais on restera sur la première possibilité dans le doute, Mac Taggert regarde où regarde notre non-impliquée durant un instant ; celui de comprendre pourquoi elle est non-impliquée, justement. Cela fait, elle répartit son temps de regard entre chacune, même celle qui n’y accorde pas vraiment d’attention, ce qui est toujours une délicate attention, justement. Heureusement, notre indélicate attention ne l’est pas pris comme tel ; indélicate !
"Aucune inquiétude, elle comprend tout à fait", insiste mentalement Phoebe. "Elle s’appelle Lynda Mac Taggert, ce qu’on sait déjà" hein Céleste, insiste mentalement Mindee. Elle est responsable du Refuge, ce qu’on sait déjà aussi, et médecin à temps partiel : j’écoute, insiste mentalement Céleste. Maintenant oui, tu écoutes. Tu écoutes tes pieds ? Maieuh…
On n’a guère le temps d’échanger plus que notre attention s’en va à mademoiselle Mac Taggert, laquelle s’adresse à notre première impliquée. "Mademoiselle Cuckoo", voilà qui nous fait toutes réagir même si on sait à qui il est destiné. On sourit à trois lorsqu’il est question d’un ravissement qu’on mimique et commence à partager. L’espérance quant à la convenance pour le projet intergénérationnel maintient notre sourire en lui ajoutant une touche de gratitude et d’accord : du peu que l’on en a vu, la structure semble parfaitement convenir.
Les petites vont adorer ! Céleste se sentira moins seule ! C’est vraimentrop’injuste…
« Avec plaisir, répond-t-on à trois à la proposition de suivre mademoiselle Mac Taggert, acquiesçant et entreprenant de marcher derrière elle en gardant notre position à trois de front. Nous vous suivons. »
Nos sourcils se lèvent à l’unisson lorsqu’on est invité à passer devant pour rejoindre les escaliers mais on obtempère sans poser plus de question. Quant à nous inquiéter vis-à-vis du tournoi…
Céleste, dis merci, ordonne Phoebe. Céleste, tu entends, encourage Mindee. Mais je ne m’inquiétais pas, expose la concernée consternée ; ou l’inverse.
« Merci mademoiselle Mac Taggert, déclare celle de gauche avec un petit sourire malaisé, accroissant le sourire de celle du milieu et la satisfaction de celle de droite.
- Vous la préviendrez, intervient celle du milieu avec un sourire amusé, lorsque les plus beaux passeront ? »
Celle de droite ne fait aucun commentaire mais essayer de mettre de la gaité fonctionne facilement avec nous. C’est donc avec cette expression que l’on tourne à droite pour emprunter l’escalier, gardant nos positions alors que l’on monte l’une derrière l’autre.
« D’accord, entreprend la première d’entre nous, anciennement à droite, lorsque mademoiselle Mac Taggert lui indique où aller. Vous ouvre-t-on ? »
Qu’on le fasse ou non, on arrive rapidement dans un bureau aux mélanges métalliques et boisés, naturellement éclairé par une ouverture et en possédant deux autres, plus grandes, sur la salle en contrebas. Nos attentions se répartissent sur toute la pièce, chacune regardant une partie et informant mentalement les autres de ce qu’elle voit. A droite, il s’agit de la partie liée à la fenêtre sur l’extérieur et à l’imposante bibliothèque en fond de salle. Au milieu, il s’agit du bureau et de la seconde verrière, la plus éloignée, accompagnée de deux fauteuils. A gauche, il s’agit de la seconde partie des fauteuils et de leur table basse, ainsi que de la question quant à savoir si l’une des baies vitrées permet de regarder le ring.
Céleste, tu ne prends pas cette place. Moi je vote pour qu’elle la prenne ! Mais c’est ma position la gauche, laissez-moi regarder… Tu veux redescendre ? Là je vote pas. Non, c’est bon merci… Finis ta partie alors. +1 Phoebe. J’y vais.
Se tournant un peu plus pour regarder, celle de gauche constate la présence des étagères et de leur contenu plus significatif que tout le reste de la pièce. S’arrêtant alors, on fait un pas de côté pour laisser passer mademoiselle Mac Taggert en une haie d’honneur de deux pour une : celles du milieu et de gauche d’un côté, celle de droite de l’autre. Dès que celle-ci reprend la tête, on la suit à trois. Lorsqu’il est question de s’installer, on le fait avec la docilité adéquate en gardant nos positions actuelles.
« De l’eau s’il vous plait, demande-t-on à trois avec un sourire de gratitude. Minérale, si possible. »
Après avoir ôté son sac pour celle de gauche puis nos manteaux pour toutes les trois, on s’assied et deux de nos tiers regardent le troisième, à notre gauche, zyeuter à travers la baie vitrée et constater, non sans soulagement, qu’elle ne peut voir le ring de là où elle est.
Comme si cela allait t’aider à te concentrer, râle Phoebe. Disons qu’il y aura plus de place à l’imagination, s’amuse Mindee. Vous savez que j’aime pas être votre assistante ?
Cela étant fait, celle de gauche entreprend de sortir des pochettes cartonnées du sac et d’en extraire des dossiers reliés, trois, avant de les positionner devant les places de mademoiselle Mac Taggert, de cette du milieu et de celle de droite ; soit tout le monde sauf elle. Cela accomplit, elle sort une tablette informatique qu’elle allume.
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Lynda Mac Taggert Protecteur
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"Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères, sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots." - Martin Luther King
Si l’une est plus distraite que les deux autres, cela n'atteint aucunement Lynda qui estime qu’il est normal d’être distraite et puis cela permet de pimenter un peu la conversation. Autant voir les choses du bon côté. Celle du milieu, Mindee semble-t-il, intervient en demandant à Lynda de prévenir la troisième lorsque les plus “beaux” seront là. La gérante du refuge sourit et acquiesce à sa requête.
Quelques instants plus tard, les quatre femmes sont arrivées dans le bureau de Lynda. Cette dernière montre alors l’installation afin qu’elles puissent discuter de façon plus décontractée tout en restant dans un cadre professionnel. Lynda laisse les trois sœurs s’installer avant de proposer une boisson. Elle reste d’ailleurs de bout en attendant la réponse, histoire de tout préparer avant de s’installer à son tour.
“Très bien, je vous prépare ça.”
La gérante s’éclipse un instant pour se rendre dans la pièce fermée à clé au fond du bureau afin de prendre trois petites bouteilles d’eau minérale avant de revenir dans la même pièce que les filles. Elle prend également le temps de se faire couler un petit café avant de s’installer. Le macchiato est malheureusement déjà terminé. Sur la petite table se trouve donc, les trois bouteilles avec les verres accompagnant les bouteilles, en cas de besoin, ainsi qu’une tasse fumante de café. Il y a également trois dossiers de posés et Lynda regarde celui qui se trouve devant elle. La curiosité aurait pu la faire prendre la pochette pour la regarder en détails mais la courtoisie était de mise encore. Il faudrait donc patienter pour avoir l’autorisation des assistantes de monsieur Caerwyn. Lynda releva les yeux pour recommencer à regarder tour à tour chacune des trois assistantes avant de commencer à parler du sujet qui les avaient amenées toutes les quatre autour de cette petite table :
“Alors… Vous m’aviez contacté avec pour projet de mettre en place des rencontres intergénérationnelles, c’est bien cela? C’est dans quel but exactement, car j’ignore si vous l’aviez remarqué mais nous avons d’ores et déjà plusieurs générations qui se fréquentent mais je ne suis pas contre accueillir d’autres jeunes…”
On acquiesce avec un sourire de remerciement lorsque mademoiselle Mac Taggert nous déclare qu’elle va nous préparer l’eau minérale.
C’est un curieux choix de mots, songe Phoebe. Si elle le fait vraiment, il faudra la remercier parce qu’entre ça et la prévention de Céleste elle fait beaucoup d’efforts, songe Mindee. Comment ça se prépare de l’eau minérale, songe Céleste. Au shaker ou à la cuillère ? Tu vois Céleste, t’es peut-être l’assistante au carré mais on prend soin de toi aussi. Vous deux, non. J’ai répondu à ta question ! Je suis outrée ! Et puis être l’assistante de deux assistantes, c’est une assistante au tesseract ! Je ne pense pas qu’on dise cela comme cela… Céleste se rebelle ! Mindee, il faut vraiment que tu arrêtes d’avoir l’image du film Disney quand tu penses ça. +1 Céleste, je refuse toute association avec une vache ! Vous pensez que les militaires vont mugir "Ey, v’la les mhheufs" tout à l’heure ? Concentrez-vous, je suis la seule qui bosse !
Déclaration pas totalement fausse mais pas entièrement vraie non plus puisque Mademoiselle Mac Taggert nous ramène rapidement trois bouteilles d’eau minérale qui répondent à la pensée hors sujet originelle. On la remercie toutes trois à nouveau du sourire et de l’acquiescement avant que celle de gauche ne dépose sa tablette, ne se lève et n’entreprenne de disposer une bouteille au bouchon déverrouillé et un verre avec son dessous à l’exact même à côté des dossiers reliés des deux autres, passant dans leurs dos afin de ne pas les gêner.
Lorsque mademoiselle Mac Taggert nous regarde tour à tour, on lui sourit à ce même rythme ; bien qu’on la fixe toutes deux, la troisième étant occupée. Notre interlocutrice reprend la parole au sujet de ce qui nous amène et le sourire revient en trois exemplaires alors qu’on acquiesce simultanément, même celle qui ne la regarde pas directement.
« C’est dans quel but exactement, car j’ignore si vous l’aviez remarqué mais nous avons d’ores et déjà plusieurs générations qui se fréquentent mais je ne suis pas contre accueillir d’autres jeunes… »
On n’a pas remarqué parce que Céleste était trop occupé à remarquer autre chose. Moi j’avais remarqué. Menteuse. Flagorneuse. Tout à fait. Concentration ?
« Vous pourrez trouver une présentation de notre structure aux pages six à huit du document, commence celle du milieu. Ainsi que celle de notre public aux neuf et dix.
- Nous ne connaissons pas exactement votre public mais, bien que l’on suive une approche intergénérationnelle, il est également question d’intersocial, poursuit celle de droite. Prenez la page neuf, s’il vous plait. »
Celles du milieu et de droite ouvrent leurs dossiers papiers tandis que celle de gauche finit d’ouvrir le fichier PDF. La page 9 comprend le titre de la partie, Public, ainsi que le "A. Les jeunes" et le "B. Leurs caractéristiques". La première sous-partie a une brève introduction expliquant l’évolution du public depuis l’ouverture de la structure et un camembert coloré montrant les pourcentages d’âges actuels. 24% ont 10ans, 18% ont 11ans, 15% ont 12ans, 12% ont 14ans et 10% ont 15ans.
« Comme vous pouvez le constater, notre public est majoritairement du 10-13, bien que le 14-15 soit également très présents, reprend celle de droite.
- Ce qu’il faut comprendre, c’est qu’ils sont tous deux liés : certains dix actuels auraient dû être au sein des quatorze-quinze, et ainsi de suite, intervient celle de gauche. Vous l’avez surement ressenti ainsi…
- Vous aussi, renchaine celle du milieu, mais la traumatisme du Snap comme celui du Blip ont été particulièrement fort chez les jeunes ; qu’importe le côté duquel ils se trouvent. »
La seconde sous-partie est un tableau en matrice de quatre. La première colonne voit les âges, à savoir 10-13, 14-15 et 16-18, tandis que la première ligne voit les caractéristiques, à savoir sociales, affectives et physiques. Cette partie est bien plus générale que la précédente, puisque le développement est similaire chez les enfants.
« Prenez la page onze, s’il vous plait, demande celle de droite. La dix contient la méthodologie de diagnostic, au-dessous d’une brève description de la vie au sein de notre structure, et peut donc être sautée. »
La page 11, elle, commence par le "B. Nos constats".
« Le Constat 1 est sur le double traumatisme, tant causé par le Snap il y a cinq ans que celui par le Blip l’année dernière, sur les jeunes étant restés, reprend celle de droite.
- Sont abordés le deuil et la perturbation de celui-ci face au retour des "morts" ainsi que les difficultés de réadaptation face à ces gens qui n’ont pas changé, précise celle du milieu.
- Le Constat 2 est sur le traumatisme de ceux-ci, pour qui le Snap et le Blip sont une seule et même chose : une absence de cinq années qui a détruit leurs vies avant même qu’elles soient réellement construites, repoursuit celle de droite.
- Sont abordés l’impression de ne plus appartenir à des groupes et d’être isolés, le besoin de partager ainsi que d’être compris, reprécise celle du milieu.
- Le Constat 3 est sur les conflits entre victimes du Snap et jeunes du même âge ne l’ayant pas subi.
- Sont abordé l’impact de l’évolution technologique et une "simili-différence générationnelle" qui entraine des clivages encore plus grands que les précédents.
- Enfin, la Démarche d’Approfondissement 1 traite du sentiment de culpabilité de certaines personnes non victime de Snap par rapport à celles-ci…
- Notamment dans le cadre de fratrie dont l’ordre n’est plus le bon, intervient pour la première fois celle de gauche, revenant à sa place désormais que son service est fini, avec une partie sur les résurgences de ce sentiment apparu dès 2018 et révélé par le Blip.
- La Démarche d’Approfondissement 2 traitent particulièrement des déséquilibres familiaux liés au changement d’âge évoqué dans la partie une, renchéri celle du milieu.
- En résumé, déclare celle de droite, nous sommes face à plusieurs traumatismes qui ont néanmoins en commun la difficulté de se réadapter à un monde qui ne peut pas redevenir "comme avant".
- Que cela soit parce que le monde a changé et nous non, ajoute celle du milieu, ou parce que nous avons changé et nous retrouvons confronté à des jeunes qui ne l’ont pas.
- Nous ignorons comment ces problématiques ce sont présentées sur votre structure, poursuit celle de gauche, mais nous nous doutons qu’elles sont familières.
- Là où vous avez un avantage par rapport à nous, admet sans peine celle de droite, c’est que vous avez des gens qui ont déjà possiblement fait face à pareil décalage. Les anciens combattants.
- Nous ne sommes pas en train de comparer le Snap et le Blip à une guerre, tente de préciser celle de gauche avant de se rendre compte que sa tentative d’éviter une maladresse est elle-même maladroite. Enfin, nous ne plaçons pas les anciens combattants au niveau des jeunes…
- Mais nous pensons, à tord ou à raison, les sentiments analogues, précise celle du milieu. Peut-être que des échanges pourraient permettre de progresser.
- D’où notre problématique de projet, conclut celle de droite. Comment travailler l’ouverture d’esprit et l’écoute sous couvert du partage autour d’un événement traumatique commun ? »
On marque trois pauses, fixant un instant mademoiselle Mac Taggert pour lui laisser le temps d’assimiler autant qu’elle le peut. Afin ne ne pas lui mettre la pression cependant, on se détourne d’un même mouvement pour reporter nos attentions sur nos bouteilles respectives. Synchrone, on s’en va prendre une gorgée de notre main droite.
« Si vous avez des questions, assure-t-on à trois avant que l’on ne commence à boire, posez-les. Nous y répondrons avant de passer à la partie projet, laquelle occupe les dix pages suivantes du document. »
Celui-ci est heureusement court : un peu plus de vingt pages, afin de pouvoirs être lu rapidement. Evidemment, cela implique qu’il n’entre pas dans le détail des activités et des actions néanmoins il a tout de même suffisamment de consistance pour qu’une présentation non-exhaustive prenne une vingtaine de minutes et en entraine deux fois plus de questions. Peut-être aurait-on du commencer par ladite présentation ?
The Stepford Cuckoos
Lynda Mac Taggert Protecteur
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"Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères, sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots." - Martin Luther King
Les quatre femmes étaient désormais installées pour leur rendez-vous qui se voulait professionnel. Après tout, c’était pour cela que les trois sœurs s’étaient déplacées au refuge. Connaître l’endroit mais également organiser une rencontre intergénérationnelle afin que les plus anciens du refuge puissent aiguiller les plus jeunes venus de l’extérieur.
Lynda écoute avec attention les dires des femmes qui parlent en simultanée et d’une façon très naturelle. Comme si elles avaient cette habitude de finir les phrases l’un de l’autre. La gérante du refuge reste parfaitement concentrée, ouvrant le dossier aux pages indiquées. Il est vrai que le public en question est légèrement plus jeune que ceux qui viennent au Refuge. En général ils sont majoritairement adolescents et/ou jeunes adultes allant de 15/16 ans jusqu’à la vingtaine. Ensuite, les adultes sont majoritairement des anciens combattants. Certains sont jeunes pour être des anciens combattants mais ils ont tellement vécus que leur âge réel n’est pas lisible sur leur visage.
Voyant peu à peu où les triplées voulaient en venir… Le snap, les années sombres et le blip… Tout cela pouvait s’apparenter à un traumatisme de guerre. Ne plus se sentir en phase avec les autres, se sentir exclu, décalé, oublié, comme effacé (sans mauvais jeu de mots). Lynda acquiesça d’un signe de tête, tout en écoutant les paroles des sœurs mais également en lisant les données sur le dossier. En poursuivant, les mesdemoiselles Cuckoo mettaient en avant les constats que Lynda avait pensé quelques secondes plus tôt. Les constats étaient évidents, flagrants et malheureusement inévitables. Ils avaient été constatés également au Refuge mais la réalité était que ce qui se passait au refuge s'était également produit partout ailleurs, dans New-York mais également de manière générale, aux USA, dans le monde entier, dans la galaxie toute entière. Toute une génération de personnes traumatisées par des actions sur lesquelles ils n’avaient aucun contrôle.
Le regard de Lynda se releva du dossier pour croiser les regards des femmes en face d’elle en fonction de qui parlait. Si la concentration était toujours là, le contenu du regard quant à lui se faisait de plus en plus affecté par les termes, par les constats, par les démarches évoquées et enfin les “comparaisons” entre les traumatismes des jeunes et les traumatismes des aînés.
Lentement, la gérante referma le dossier préférant l’humain aux chiffres… pour l’instant. Les faits étaient là, ils étaient indéniables et elle n’avait aucune raison de les ignorer ou de les contredire. Lynda déglutit, absorbe le premier flot d’informations, cherche ses mots.
“Je… Oui nous l’avons vécu ici, à l'hôpital ou je travaille.. Partout en fait. C’est vrai qu’en un sens les plus anciens des vétérans ont été à même de soutenir les plus jeunes vétérans mais également les jeunes que nous accueillons. Nous avons également - durant les années sombres recueillis des jeunes qui étaient totalement perdus, n’ayant plus aucun repère. Une seconde vague d’arrivée des réfugiés à été constatée également quelques semaines après le blip….”
Lynda marque une courte pause avant de finalement répondre :
“Non, je n’ai pas de questions, s’il vous plaît poursuivez. Je suis impatiente de connaître vos projets et j’ai à cœur d’en faire partie. De pouvoir aider le maximum de personnes, jeunes ou non…”
Mademoiselle Mac Taggert suit sans difficulté les trois points et demi d’attention qu’on lui réclame ; celles du milieu et de droite comptent pour deux, le document imprimé compte pour un et l’assistante des assistantes comptes pour un demi. Rien de péjoratif à cela, seulement qu’elle sait rester à sa place et n’intervient que pour préciser une chose. Une autre aurait pu le faire mais il est perturbant qu’une se taise alors que les autres parlent ; sauf avec Esmé. Peut-être aussi perturbant que le fait que l’on parle à deux ou trois, du point de vue des autres. S’ils nous avaient connues plus jeunes et à cinq…
La gravité du visage de mademoiselle Mac Taggert confirme qu’elle a rencontré similaires problèmes à ceux que l’on constate. Ce n’est ni une surprise ni une bonne chose et on ne se ralentit pas dans notre présentation. La partie la plus délicate est la comparaison des traumatismes et c’est clairement la partie qui affecte le plus notre interlocutrice. On le voit dans ses yeux. Elle nous le montre à travers ses yeux. C’en est au point qu’elle se détourne du dossier, les feuilles se refermant avec un claquement imaginaire. C’en est au point qu’elle a besoin de déglutir et de chercher ses mots, devant faire face à ce que l’on amène crument sous couvert d’objectivité.
On délaisse à notre tour nos dossiers, ne les refermant cependant pas. C’est l’eau qui nous aide, nous. L’eau qu’elle nous a servi. L’eau que l’on tente de boire d’abord vite avant de faire une pause alors que mademoiselle Mac Taggert nous parle. Nous confirme ce que l’on sait déjà. Témoigne de l’étendue.
« C’est vrai qu’en un sens les plus anciens des vétérans ont été à même de soutenir les plus jeunes vétérans mais également les jeunes que nous accueillons. »
Trois acquiescements. Lents. Doux. Prudents.
L’évocation des vagues d’arrivée et de l’état des arrivants nous fait pincer les lèvres et légèrement baisser les épaules. On se figure parfaitement les jeunes durant les années sombres, les errances, les questionnements, les crises. C’est dans ces conditions qu’on a commencé à travailler, en Angleterre. D’abord pour l’armée, le temps que les associations s’organisent, puis pour la British Association for the Snap’s Orphans. Orphelins… il y avait tellement de sens que l’on pouvait donner à ce mot.
« Une seconde vague d’arrivée des réfugiés a été constatée également quelques semaines après le blip… »
Trois acquiescements. Lents. Doux. Prudents.
Cette fois, on était déjà aux USA. On l’a vécu en soutien de monsieur Caerwyn, se figeant dans une structure et changeant de mission par rapport à celle, inter-structures, qui lui avait valu de nous recevoir comme assistantes. On a déjà énoncé les constats à ce sujet, néanmoins.
Mademoiselle Mac Taggert n’a pas de question, on a expliqué correctement. Elle nous prie de poursuivre. Nous exprime son impatience. Son altruisme.
Trois petits sourires. Des lèvres. Des yeux.
Les bouteilles d’eau sont posées. Les dossiers relevés. Un instant d’immobilisme partagé. Trois inspirations puis celle du milieu et de droite ferment leurs dossiers papiers. Celle de gauche le garde ouvert sur la tablette, en guise d’assurance.
« Nous souhaiterions mener des actions hebdomadaires, commence celle de droite. Tous les samedis, de 03:00 à 04:30 P.M., nous viendrions avec un à deux groupes de douze 10-15.
- Pour les premières actions, il s’agirait d’activité ludiques partagées, reprend celle du milieu. On demanderait à nos jeunes de choisir des jeux de société, autre que le Uno, qu’ils souhaitent faire découvrir.
- De votre côté aussi, cet échange serait présent, précise celle de droite. Nous parlons de jeux de société nous concernant car ils seront transportables en sac à dos.
- L’important n’est pas l’activité mais que ce soit le public qui la partage. Nous devrons intervenir le moins possible afin de laisser le contact se faire.
- Ils doivent discuter entre eux, le plus naturellement possible, énonce clairement celle de droite. Après quatre séances ainsi, nous pourrons passer au second cycle. Les réunions.
- Cette fois, il faudra s’impliquer un peu plus, averti celle du milieu. Les jeux du premier cycle auront créé des groupes d’affinité, non-pas d’âge, et ceux-ci formeront les groupes de discussion.
- Vous maitrisez mieux cette partie que nous, expose celle de droite, ainsi sommes-nous prêtes à totalement revoir ce cycle fonction de vos préférences.
- Sachez que nous sommes prêtes à revoir chaque action, même au sein des autres cycles, si vous le souhaitez, intervient celle de gauche.
- Au cours du second cycle, nous anticipons que nos deux publics souhaitent faire découvrir des choses à l’autre, reprend celle du milieu. Au-delà des seules activités.
- Le troisième cycle serait alors composé de quatre sorties, nombre limité pour des raisons de budget, organisées selon les demandes des groupes de discussion, conclut celle de droite.
- Notre budget prévisionnel est en page 16, se permet de réintervenir celle de gauche. Cependant, il sera sujet à modifications si des ventes sont organisées ou de nouvelles subventions peuvent être débloquées. »
La compta c’est pour toi, se satisfait Phoebe. De toute façon tu m’as délégué l’écriture de l’entièreté du projet, se plaint Mindee. Techniquement, elle t’a dit que c’est monsieur Caerwyn qui te déléguait, se permet Céleste. Totalement : je ne te donne pas d’ordre, je te transmets ses ordres à lui. Ça ne compte pas si c’est toi qui proposes l’idée ! Si ça compte, la preuve ça a marché. +1 Céleste. Tout est de la faute à Céleste ! Mais non, c’est faux, en plus je suis le troisième niveau ! En partant du haut, en effet. En partant du bas, je dirais le premier. On s’enfonce !
Après un peu moins de quatre secondes de pause à regarder dans le vide, on se raniment toutes trois en simultanée.
« Qu’en pensez-vous, mademoiselle Mac Taggert, demande-t-on à trois d’un même ton. Et avez-vous des propositions ? »
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