Kali observa attentivement l'échange entre les policiers et son groupe. L'une semblait tenter de calmer le jeu, tandis que l'autre essayait de ne pas céder à ses émotions. Intervenir lui semblait trop risqué, les forces de l'ordre pouvant avoir la gâchette un peu trop facile dans une situation aussi tendue. Heureusement pour leur groupe, Lynda fut capable de calmer le jeu et les nerfs d'Alice, transformant la confrontation en un simple contrôle d'identité.

De là où elle était, Kali ne pouvait pas entendre leur échange mais se doutait vaguement de sa teneur. Les policiers ne les arrêtaient et devaient donc leur suggérer de passer au poste pour discuter de l'affaire dans des circonstances plus calmes et sans cadavre à quelques mètres d'eux. Elle observa avec une indifférence glaciale le corps de Shane emporté par l'ambulance, tandis que les pompiers rangeaient leur matériel après avoir éteint les flammes. Lorsque les policiers commencèrent à disperser la foule, elle suivit le flot des passants, ne faisant marche arrière qu'une fois que le son des sirènes fut réduit à un bourdonnement aigu au loin.

Une main levée pour inciter les deux autres mutantes à ne pas commencer tout de suite à l'asséner de reproches, Kali s'assura qu'aucune oreille indiscrète pouvait les entendre avant de parler à voix basse.

- J'ai réussi à rattraper la femme qui a tué Shane. Mexicaine, droguée, probablement un sbire sans réelle importance. Elle a parlé de "Niños" qui l'aurait tué si elle n'était pas intervenue pour arrêter le déferlement de pouvoirs. Je dirais à froid qu'il devait probablement trainer avec un groupe de mutants de son âge et c'est sûrement eux qui lui ont donné ça.

Après un rapide coup d'oeil aux alentours, Kali fit descendre de sous son t-shirt le papier bulle qui contenait les fioles remplies d'un liquide jaune qu'avait cédé la mexicaine contre sa liberté.

- Je vous donnerais le paquet quand nous seront rentrés au refuge. Ils ont peut-être quelqu'un qui observe la scène.

Sur ces mots le paquet remonta sous son t-shirt, se logeant par-dessus le couteau. Cela lui donnait une poitrine d'une apparence un peu étrange si l'on s'attardait dessus, mais elle n'avait pas vraiment d'autre option.

- Elle m'a dit que "ça devait juste le rendre plus fort". Sûrement une drogue dopante pour mutants complexés. J'en ai déjà fait les frais chez HYDRA - probablement pas de ce produit - et même eux ont reconnu que les effets secondaires n'en valaient pas la peine.

Il lui arrivait encore d'en rêver la nuit. Ses souvenirs étaient probablement les plus horribles qu'elle avait mais même eux, elle les gardait drapés d'un voile d'indifférence, enfouis six pieds sous son inconscient.

- J'imagine qu'il ne reste plus qu'à rentrer au refuge. Vous pourrez en discuter avec le professeur si nous rentrons par la suite à l'institut.

Maintenant que le rush d'adrénaline était passé, la situation actuelle l'intéressait de moins en moins. Elle désirait à présent rentrer à l'institut pour réviser ses cours et continuer son rattrapage d'histoire, son activité habituelle une fois que son besoin d'action était assouvi.

Là où Kali s'attendait à recevoir des reproches, elle n'eut le droit qu'à un silence attentif. Surprise, mais pas au point d'arrêter son rapport, elle nota mentalement cet aspect plus pragmatique de Lynda, songeant qu'elle ne recevrait peut-être pas le même accueil à l'institut. Mais chaque chose en son temps. Pour l'instant, elle proposait de rentrer au refuge, ce qui ne pouvait que plaire à Kali, qui lui emboita le pas sans se faire attendre.

Au bout de quelques minutes de marche, Lynda reprit la parole, pour une question sensée au vu du rapport qu'elle venait de lui faire. Etait-ce le style de Hydra ?

- C'est difficile à dire. Il se pourrait qu'ils profitent de mutants en difficulté pour faire des tests sur une drogue qui viserait à booster ceux qui sont déjà dans leurs rangs. Ou peut-être qu'ils utilisent ces mutants comme des écrans de fumée pour camoufler leurs opérations. Les intentions de Hydra sont souvent nébuleuses, puisque chaque cellule de l'organisation peut agir pour ses propres intérêts.

Et pour cause, pour ce qu'elle avait cru comprendre de Lanciano, la cellule à laquelle elle avait appartenu contre son gré, les rapports envoyés étaient vagues mais suffisamment intéressants pour garder un budget stable, le temps de pouvoir avoir des résultats concrets à montrer.

- Il est possible qu'une autre organisation les imite, oui. C'est un jeu dangereux que de se cacher dans l'ombre d'Hydra. Je pense donc que l'organisation est soit nouvelle, soit trop petite pour susciter le courroux de l'hydre.

Lorsque Lynda tourna son attention en direction d'Alice, la jeune rousse se contenta elle de regarder le chemin devant elle d'un air légèrement absent. Une pensée venait juste d'effleurer son esprit. L'intervention d'aujourd'hui avait-elle été un test ? Si oui, l'avait-elle passé ? Les deux femmes à ses côtés étaient encore vivantes et elle avait réussi à arracher des informations précieuses à la droguée qu'elle avait rattrapé sans lui ôter la vie ou lui infliger des blessures importantes. En son sens, elle avait tout bon. La mort de Shane n'était guère qu'un ennui mineur. Il y avait aussi eu ce garçon au skateboard qu'Alice avait assommé. Secouant sa tête pour chasser les pensées qui lui embrumait l'esprit, Kali demanda aux deux mutantes :

- Au fait, vous savez qui était le garçon avec le skateboard et les os qui lui sortaient des bras ? Je ne crois pas l'avoir vu avant.

Elle avait bonne mémoire, mais elle ne s'était pas non plus trop intégrée avec le reste des mutants à l'institut. Son attitude froide et parfois robotique en avait repoussé plus d'un et elle n'était elle-même pas sûre de vouloir quitter la solitude qui était son quotidien depuis le blip de Hulk. Alors, il était également possible qu'elle n'ait pas croisé ou oublié le visage du jeune homme. Elle regarda les deux femmes dans l'attente d'une réponse, son expression indifférente reflétant l'intérêt modeste qu'elle portait à la question.