Une vague grimace alors que le bleu au niveau de mon poignet qui commence à devenir noir. Ca fait déjà quelques jours et j’ai réussi à récupérer une presque complète mobilité, mais cette chute m’a fait sacrément mal. Je parle même pas de l’énorme hématome que j’ai dans le dos. Celui-là, ça va, elle risque pas de le voir ce soir. Mais l’autre, ça va être plus compliqué. Pas comme si elle avait pas l’habitude, mais je sais que ça l’inquiète. Comme tante May, comme Ned. Et j’ai même surpris le regard d’Happy hier au diner. Sauf qu’ils veulent que je fasse quoi ? Que je me cloitre dans un labo et que j’arrête de patrouiller ? De défendre les gens quand ils ont besoin qu’on les protège ? Ca fait partie de moi, autant que le reste. Plus que le reste même.
Je réprime un soupir, espérant vaguement que ça reste assez discret pour qu’elle remarque pas avec mon pull et ma veste, alors que j’abandonne toute idée de le camoufler donc. Je me contente de rester assis sur le rebord du muret, les jambes pendantes dans le vide, alors que j’attends impatiemment qu’elle arrive. Elle m’a dit qu’elle en avait pas pour longtemps, mais déjà que je suis pas particulièrement patient en temps normal, là c’est encore pire. C’est à peine si on a eu le temps de se croiser pour les fêtes de Noël et j’avoue que j’ai toujours pas compris ce qui s’est passé, pourquoi elle a décidé de revenir à New-York. Oh, je vais pas m’en plaindre, loin de là même. Mais est-ce que ça m’inquiète de savoir pourquoi elle a lâché le MIT ? Un peu ouais. Je sais que dans tous les cas, elle fera des trucs brillants où qu’elle soit, c’est pas vraiment le souci.
Mais ouais, j’ai un paquet de questions qui se bousculent dans ma tête.
Un bref regard à ce que j’ai préparé sous l’auvent un peu plus loin. On est au sommet d’un immeuble, c’est pas le coin le plus chaud du monde. Mais avec le petit chauffage d’appoint, ça devrait le faire non ? Et j’ai prévu des couvertures aussi. Pour voir la ville à la nuit tombée. Après avoir mangé notre traditionnelle pizza quoi. Je sais que ça peut paraitre ridicule, les bougies avec la table et les chaises de camping, mais j’ai eu du mal à trouver mieux. J’espère que ça la fera pas trop marrer en tout cas. J’ai toujours peur d’en faire trop, mais on se voit tellement pas souvent depuis qu’elle est partie à Boston que j’essaie de marquer le coup à chaque fois. Ca aussi, ça va changer. Et si finalement ça l’a saoulait de m’avoir dans les pattes plus souvent ? Si elle préférait qu’on reste amis ?
« … Peter. Tu crains. »
Ouais, c’est un bon résumé de la situation.
Cette fois, je réprime pas mon soupir. Mais, quand la porte de service s’ouvre pour laisser deviner la silhouette de MJ, mon cœur a un raté. Et j’ai un sourire un peu – beaucoup – niais qui se dessine alors que je me relève d’un bond pour me rapprocher d’elle. Je reste devant elle quelques secondes, incapable de dire quoi que ce soit. Je crois même que j’oublie vaguement de respirer aussi, mais c’est un détail. Et toutes les questions qui tournent en boucle dans ma tête s’envolent, alors que je franchis les derniers pas qui nous séparent pour la serrer dans mes bras. « Tu m’as tellement manqué. Je suis tellement content que tu sois revenue ici. » Parce que ouais, je lui avais pas vraiment dit. Pas comme ça en tout cas. Je voulais pas l’influencer dans sa prise de décision, alors j’ai essayé d’être plus ou moins neutre. On verra le reste après hein… ou un truc du genre. Pour le moment, profiter de sa chaleur, de sa présence, c’est déjà bien plus que j’imaginais y a quelques semaines.
Un profond soupir alors qu’elle me rend mon étreinte. Je pourrais rester longtemps comme ça, malgré le froid, à juste profiter enfin de sa présence. C’est dingue quand même, ça fait pas si longtemps que ça qu’on s’est pas croisés. Mais ouais, je me suis toujours pas habitué à pas la voir tous les jours. Je m’étais fait une raison et possible que je me noie un peu dans les activités pour éviter de trop penser à elle, mais ça marchait pas terrible au final. Et je lui rends un sourire à ses paroles. « Ah ouais ? T’avais quand même l’air de pas trop mal te débrouiller pourtant. » Loin de tout ce qui faisait sa vie et pas seulement moi. C’est même pas un reproche, bien au contraire. Y a même une pointe de fierté dans mes paroles. Parce que ouais, j’aurais été totalement incapable de faire comme elle. J’y ai même pas pensé et c’est pas juste parce que je suis Spider-Man.
Mon cœur a un raté quand elle pose ses lèvres sur les miennes et j’espère que j’ai pas l’air trop niais. Bon, probablement que si, mais c’est pas comme si elle était pas habituée de toute façon. On va dire que ça fait partie de mon charme, ou un truc du genre tout aussi stupide mais qui me rassure un minimum. Et mes doigts se nouent aux siens quand elle m’entraine vers la petite table que j’ai préparée. « Je te demanderais bien lequel de nous deux t’a manqué le plus, mais je suis pas sûr d’apprécier la réponse. » Soufflé d’un ton amusé avant de hausser une épaule à ses remerciements. « Tu viens te faire des centaines de kilomètres juste pour… enfin pour revenir. Je pouvais au moins prévoir un truc pour ton arrivée. » C’était le minimum à mes yeux. Et encore, c’est loin d’être suffisant. « J’ai récupéré un paquet de films aussi, on pourrait ptet aller en voir un chez moi … enfin si t’es pas trop occupée quoi. » Déjà que je vais lui voler une bonne partie de sa soirée, ptet que ses parents ont envie de passer du temps avec elle. Je pourrais comprendre.
Enfin bref. Là, j’imagine que je devrais dire ou faire un truc intelligent. Mais à part garder sa main dans la mienne, mon cerveau se fait un peu la malle là. Finalement, au lieu de parler, je me rapproche de nouveau d’elle, ma main libre glissant sur sa joue pour l’embrasser de nouveau. Ouais, on pourrait presque croire que je sais exactement ce que je fais hein, mais pas du tout au final. Les secondes, puis les minutes s’égrainent de nouveau et je finis par la relâcher, un peu à contrecoeur. « Bon euh… la pizza va être froide si… bref. Ce serait pas terrible hein. » Un baiser posé sur sa main que je finis par relâcher aussi, avant de mimer une révérence et de tirer la chaise pour qu’elle s’installe. « Si madame veut bien se donner la peine. » Je m’assois en face, un genou replié contre moi, alors que je suis toujours bien incapable de détourner mes yeux d’elle plus de quelques secondes. « Alors, même si New-York c’est bien mieux… c’était comment Boston ? »
Avant de croiser le regard de MJ pour la première fois, je m’étais jamais vraiment posé de questions sur ce que je pouvais attendre d’une relation avec une fille. A dire vrai, j’ai jamais été particulièrement doué et, avec le recul, je me dis que, sans les péripéties qu’on a pu vivre en Europe, jamais de la vie elle aurait posé les yeux sur moi. Enfin, j’aurais surtout jamais osé l’aborder dans des circonstances normales. Mais, depuis qu’on est ensemble, c’est juste… évident en fait. C’est probablement la personne qui me connait le mieux, qui sait tout ce qui peut me faire hésiter, m’effrayer. Et j’ai pas besoin de lui cacher qui je suis, ça aide. Alors ouais, j’appréhendais un peu le fait qu’elle préfère rester à Boston après ses études. Ou même pendant les vacances. Parce que je vois bien que, sans elle, les choses sont pas du tout les mêmes. Je me suis noyé dans les activités pour oublier son absence et je dors encore moins que d’habitude.
Mais ça va aller mieux maintenant. Je sais pas comment on va réussir à tout concilier mais là, de suite, j’ai envie d’être confiant. Je suis probablement porté par l’enthousiasme des retrouvailles, je me doute bien que ça sera pas forcément évident, surtout vu nos emplois du temps respectifs. Enfin, autant profiter du moment présent plutôt que de réfléchir à tout et n’importe quoi, non ? J’inspire et je laisse filer un rire qui fait écho au sien. « Nan mais cherche pas, je sais que la pizza gagne. Normal en même temps. T’as vu où je l’ai achetée en plus ? » Sa pizzéria préférée, c’est pas rien. Au reste, j’ai un clin d’œil malicieux. « J’ai surtout un paquet de films d’horreur. Comme ça tu pourras te blottir dans mes bras si tu flippes. Ou alors ce sera l’inverse, je sais pas trop. » Large sourire pour appuyer mes propos avant de me perdre un peu – beaucoup – dans ce baiser. Faut qu’on dire qu’on est pas non plus super expansifs et que ouais, dans ces moments-là, je me sens encore un peu timide. Ca craint je sais.
J’attrape un morceau de pizza à mon tour, l’écoutant avec attention. « J’espère que tu seras pas déçue devant les nouveaux labos de l’institut. T’avais déjà eu le temps de visiter avant ? » J’ajoute, d’un ton léger. « Les labos de Colombia sont plutôt cool, même si je galère pour choper un créneau. Et possible que je passe beaucoup de temps au GQ des Avengers en ce moment. » Un mince sourire au reste de ses paroles. « J’aurais bien aimé voir à quoi ça ressemble quand même. » Forcément, ma curiosité prend le pas sur le reste et MJ sait bien à quel point je peux me perdre pendant des heures dans ce genre d’endroit.
Je réfléchis quelques instants à sa question, avant de hausser une épaule. « Tu connais May. Toujours à faire 15 000 activités à la fois sans jamais se reposer. » Ouais, ouais, venant de moi, c’est un peu fort, mais j’aimerais quand même bien qu’elle prenne le temps de souffler de temps à autre. « J’ai toujours l’impression qu’Happy est en méga crush sur elle, mais rien de neuf à l’horizon de ce côté-là. » Elle aurait probablement été la première au courant de toute façon. Je me penche pour voir ladite boite, curieux avant de sourire largement. « Oh, alors ça, c’est carrément cool. » J’ai un soupir de contentement, alors que j’ai un bref regard autour de nous. Là, de suite, je suis pas sûr que je pourrais rêver de mieux pour me sentir parfaitement heureux. Et c’est la première fois depuis des semaines que ça arrive. « … on pourra aller faire un tour à ta boulangerie à l’occas. Ca fait un peu de route, mais bon, c’est des cookies. Ca en vaut la peine quoi. »
Finalement, la pizza est engloutie rapidement et on se regarde un peu en chiens de faïence pour savoir qui va attaquer les cookies en premier. Mais je finis par souffler, fronçant les sourcils. « T’as… pas peur de regretter ? D’être revenue ici ? J’veux dire, c’était le MIT quoi. Et je sais à quel point c’était important pour toi. » Et j’ai pas envie que ça lui pèse dans quelques semaines ou quelques mois, quand elle se rendra compte que c’était ptet une connerie.
Y a que maintenant, alors que je la retrouve enfin, que je réalise à quel point elle a pu me manquer. C’est même plus que ça. Comme un manque viscéral qui m’a empêché de respirer pleinement les dernières semaines. Alors ouais, forcément, l’idée qu’elle reparte pas aussi loin dans les prochains jour me fait un bien fou. Je suis bien conscient que c’est passablement égoïste, surtout qu’elle mérite le meilleur et qu’elle est particulièrement brillante, que je sais qu’elle fera de supers études.
… mais ouais, j’ai pas la moindre envie de la voir repartir à Boston.
Et je suis incapable de pas la regarder, comme si ça me permettait de graver ce moment dans mon esprit. Je pique quand même du nez à sa répartie, sentant quand je rougis sans même pouvoir m’en empêcher, alors que je manque de m’étouffer. « Moi. Enroulé dans de la pizza. » Je sais qu’elle a dit ça pour plaisanter, mais quand même. Je retrouve mon sourire au reste, le regard pétillant. « Je compte sur toi alors. Pour me protéger. » Clin d’œil malicieux, alors que je savoure d’avance l’idée qu’on se retrouve tous les deux blottis à regarder des films débiles.
Nouvelle part de pizza entre les mains, j’ai un hochement de tête à sa remarque. « Vrai que t’es carrément meilleure que moi avec tes tableaux. Faudra que je te montre les derniers drones que j’ai bricolés, je suis sûr que t’auras des idées pour les améliorer. » Quand je disais qu’elle est brillante, je mentais pas hein. Et j’aime l’idée qu’elle nous voit comme un duo, qu’il y ait cet équilibre entre nous. Il est là depuis le début, avant même qu’il se passe un truc entre nous. Je sais que je peux compter sur elle, comme sur Ned, pour un paquet de trucs, même si j’aurais tendance à vouloir les protéger avant tout. Sauf qu’ils sont sacrément débrouillards tous les deux.
Mon rire fait écho au sien quand je lui parle de tante May et j’ai un haussement d’épaules, prenant l’air innocent. « Je vois pas de quoi tu parles. Elle sera ravie de te voir en tout cas. » Elle l’adore, c’est pas nouveau. Et elle sait aussi que je suis bien plus heureux quand MJ est là. Ca aide pas mal ouais. Et, alors qu’on pourrait continuer sur un ton léger, je mets les pieds dans le plat, sans trop savoir pourquoi. Enfin si, je sais, mais je réfléchis pas trop aux conséquences.
Je bats des cils quand elle se rapproche de moi et j’ai une moue quand elle m’oblige à relever la tête. « Je suis pas plus important que… » Que quoi ? Quoi que ce soit en vrai. Le reste me serre le cœur, alors que je réalise encore un peu plus à quel point elle peut s’inquiéter pour moi. Forcément, je me sens coupable, parce que j’ai pas envie que ça lui pourrisse la vie. Mais le reste me coupe le souffle. Et je finis par souffler, dans un murmure, alors que je passe un bras autour d’elle pour la serrer contre moi. « Je veux pas que t’arrêtes de vivre à cause … tout ce que je fais. Que t’aies peur. » Et je sais pas comment faire pour changer ça. J’hésite un instant, avant de reprendre, toujours sur le même ton. « Je sais que je devrais pas dire ça mais… je déteste quand t’es pas là. Quand t’es loin de moi. Et je… je me suis jamais senti aussi heureux qu’avec toi tu sais. » Je suis pas sûr de lui avoir dit tout ça ou, en tout cas, pas en ces termes. J’avoue que ça fait bizarre de me confier comme ça, même avec elle. Pourtant, elle doit savoir tout ça non ? Je crois.