31 décembre 2024

Pour être honnête, je crois que je dois être aussi étonnée que Ezekiel de la docilité de ma famille. Rien que les jumelles, elles sont habituellement bien plus curieuses. Ou alors, j’ai l’air si misérable que ça qu’ils ont aussitôt vu que le danger les dépassait ? Pour être honnête, encore une fois, peu m’importe. Tout ce que je veux, c’est qu’on fiche tous le camp d’ici avant que… qu’une autre catastrophe nous tombe dessus. Je le présente, pour les rassurer déjà et puis, ils vont vivre chez lui… Autant qu’ils sachent chez qui je les emmène. Et… Ezekiel fait partie de la famille, maintenant. Je souris faiblement lorsqu’il tente un « Enchanté… ». Mon père se présente, lui et Maman, retournant la formule avec autant d’hésitation, tandis que mes sœurs lui adressent un signe de main et mon frère à peine un signe de tête… Tu pourrais faire un effort, Zisheng. Peu importe, je lui remonterai les bretelles plus tard.

J’aide à rassembler les affaires, attrapant un cadre qui attire mon œil pour le glisser dans nos affaires… C’était la photo de notre mariage, à Mikhaïl et moi. Je n’avais pas eu le temps de l’emmener en partant de chez nous, je n’allais pas reproduire cette erreur. Enfin, on s’approche d’Ezekiel, qui jette des regards dehors régulièrement. Très régulièrement. Judicieux, mais ça fait monter d’un cran mon anxiété. Mais son regard croise le mien et je tente de me détendre, alors qu’il se téléporte avec les jumelles. Pas le temps d’expliquer, encore une fois, car me voilà qui jette des regards dehors, moi aussi. Ezekiel revient rapidement et j’embrasse mes parents avant de les laisser partir avec lui.

Mes yeux balayent la maison, nostalgique, peut-être avec une appréhension de ne pas pouvoir retrouver cet environnement familier avant longtemps. Je ne suis nullement inquiète de ne pas voir le jeune homme revenir aussitôt, puisque je devine qu’il doit parler au moins un peu à ma famille. Mais un bruit me tire de ma brève rêverie, un bruit dans la rue, et mon souffle se coupe alors que je regarde, pétrifiée, deux voitures ralentirent dans la rue. Ezekiel réapparaît à mes côtés, me demandant si tout va bien, mais je ne lui réponds pas et il ne m’en tient pas rigueur, car il a lui aussi remarqué les voitures qui viennent de s’arrêter devant la maison. Une main sur son bras, le décor change, et je vacille un instant, pas seulement à cause de la téléportation soudaine, mais à cause de la terreur viscérale qui a écrasé ma poitrine lorsque j’ai reconnu les voitures.

A peine ancrée dans la réalité, des cris me bousculent à nouveau, une adolescente qui s’adresse à Ezekiel, qui l’appelle Tonton. Je fronce les sourcils, perdue, alors que je remarquais la femme près de celle qui criait. Mes sourcils restaient courbés, tout simplement parce que cette femme ressemblait à s’y méprendre à Ezekiel. Est-ce que c’est… ?

“Maman… ? Maman, qu’est-ce qui se passe ?”

Je tourne le regard vers la petite voix endormie et inquiète, un peu apeurée même, depuis la banquette. Alors que Luhan se laisse glisser pour descendre, je m’accroupis et ouvre mes bras pour l’y accueillir. Et je me redresse, le portant dans mes bras, le serrant peut-être un peu trop fort, pour essayer de m’accrocher à quelque chose pour calmer mon coeur qui résonne beaucoup trop bruyamment dans mes oreilles.

“Doucement, s’il vous plaît… Tout va bien, Luhan. Calme-toi…”

Mon fils se redresse un peu et il regarde tous ces gens inconnus, avant que ses petits yeux encore ensommeillés ne s’arrêtent sur Ezekiel.

“C’est lui l’oncle qu’on vient voir, Mama ?”

Le tact des enfants… J’avais presque oublié que je lui avais dit qu’on allait voir un de ses oncles… Je relève le regard vers Ezekiel, mon seul appui dans cette situation, avant de finalement décider de ne pas lui laisser la charge de sa présentation à sa nièce. Hésitante, beaucoup plus que lorsque j'avais, sans détour, avoué à Ezekiel que j'étais sa belle-soeur, je prends la parole.

“Je… Je m’appelle Shufen… Shufen Ranevskaia.”

Je tremble encore, la peur n'ayant pas encore tout à fait quitter mon cœur, mais j'essaye de reprendre contenance, ignorant la bombe que la bombe que je viens de lâcher est encore plus grande pour la femme en face de moi que pour Ezekiel.

31 décembre 2024

L’anxiété toujours présente dans mon être, je fais de mon mieux pour la canaliser et la faire disparaître, pour être présente pour Luhan mais aussi pour pouvoir gérer ce qu’il est en train de se passer. L’adolescente s’excuse, et je ne peux m’empêcher de lui adresser un sourire doux, pour la rassurer : ce n’est pas si grave. Il aurait bien fallu réveiller le petit, à un moment où un autre. Je me présente ensuite, mal à l’aise, hésitante, soutenue cependant par Ezekiel, par une phrase qui me fait réaliser tous les enjeux de cette situation. Il n’y a pas de doute, je le vois dans son regard humide… Cette femme m’est familière, tout simplement parce que c’est Azael Ranevskaia. Elle pleure aussi, et elle s’approche pour prendre son frère dans ses bras. Je souris faiblement, émue, avant de remarquer que l’adolescente et mon fils échangent des petits signes de main.

Laissant les deux jumeaux se retrouver, je m’approche de la jeune fille, un sourire tendre envers elle. J’ai une nièce… Et elle est magnifique. Je pose Luhan, qui sourit à l’adolescente tout en se frottant les yeux. Je n’ai pas les mots, mais lui, il les a.

“Bonjour Madame. Moi, je m’appelle Luhan. Et toi, tu t’appelles comment ?”

Je caresse ses cheveux, la peur quittant enfin mon corps, évaporé par la voix de mon petit ange, et cette famille que je me découvre.

“Je… Bon sang, je peinais beaucoup moins à trouver mes mots, quelques instants plus tôt avec ton oncle. Je suis heureuse de te rencontrer.”