[Terminé] Deux amis, un chien et des cartons

La visite, la veille, a rapidement décidé de l’avenir de cette acquisition : pour sûr, il a trouvé le cocon qu’il lui fallait ! En compagnie de son amie, la belle Mantis, il avait arpenté cette demeure de long en large et en travers, n’hésitant que durant un soupçon de minutes avant de se décider : elle était faîte pour lui. Il n’avait pas réellement pu l’expliquer à l’Alien qui l’accompagnait, mais il avait réussi à se projeter avec une facilité déconcertante, interprétant cette aise comme le signe irréfutable qu’il était chez lui. En y repensant, il y avait fallu des mois avant d’éprouver cette agréable sensation dans son ancien appartement, alors l’impulsivité (bienheureuse) avait été de mise : il avait contacté l’agent immobilier en début d’après-mdi afin de l’informer, signant les papiers le soir même. Cette maison, donc, était la sienne depuis la veille au soir.

Et le moins que l’on puisse dire c’est qu’il n’a pas chômé, depuis : arrivé de bonne heure avec des cartons à décharger d’un camion loué pour l’occasion, il avait été largement productif les deux premières heures puis, traînant entre les cartons ouverts ou à peine vidés, s’étonnant des babioles achetés ou des objets oubliés et retrouvés, il avait fini par être dépassé. « Quel bordel… » Souffle-t-il en contemplant la pile de cartons en bas des escaliers, gonflant ses joues pour libérer un air désespéré avant de pousser ses lèvres en avant dans une sorte de moue enfantine. « Évidemment, tu ne veux pas m’aider, toi. » Le vieux chien, qui a eu son panier installé en premier, lève le museau en poussant un couinement, faisant rire son maître qui plonge ses mains dans un carton pour en ressortir quelques vieux livres, distinctifs par leurs couvertures épaisses et précieuses. « Non mais t’as raison, reste dans ton panier, faudrait pas que tu te foules une patte. » Pas la peine d’insister, Captain se rallonge en fermant les yeux avec bonheur, sous l’oeil attentif de son maître qui se remet, enfin, au boulot.

Il a presque fini de ranger les livres dans la bibliothèque de la petite pièce qui sera aménagée ainsi lorsque des coups se font entendre contre la porte, mais rien de suffisant pour troubler le sommeil du chien. « J’arrive ! » dit-il d’une voix un peu forte en enjambant des cartons mais aussi une table basse, se faufilant un chemin jusqu’à la porte d’entrée, se demandant bien qui peut lui rendre visite. Un nouveau voisin venu faire connaissance ?

Ouvrant la porte, il fronce légèrement ses sourcils en reconnaissant fort bien la jolie demoiselle qui se tient sur le perron, bien que c’est la surprise qui prime sur son visage : il ne s’attendait pas à ce que Captain Marvel soit devant sa porte. « Bonjour Bucky, si je peux vous appeler Bucky ? Carol Danvers, je ne sais pas si vous vous souvenez de moi. Comment ne pas se souvenir d’elle ? Les traits de son visage se détendent tandis qu’il affiche un sourire chaleureux, hochant vivement son menton de haut en bas avant de lui répondre, d’une voix tout aussi amicale : « Bucky, c’est parfait. » Pas James. Jamais. Seule Raven peut l’appeler ainsi. « Je me souviens très bien de vous, bien sûr. Vous habitez le quartier ? » La moitié du S.H.I.E.L.D. vit ici, alors ce ne serait pas étonnant. Il ne lui reste qu’à convaincre Sam d’acheter la maison à côté pour qu’ils soient voisins, tiens !

Alors qu’il s’apprête à se décaler sur le côté pour l’inviter à entrer, Captain daigne interrompre sa sieste pour venir saluer leur visiteuse, et réclamer quelques caresses au passage. « Si tu commences à le caresser, il ne va plus te quitter… » Il l’a tutoyée sans véritablement s’en rendre compte, considérant peut-être, inconsciemment, qu’ils appartiennent à la même famille. Un sourire baignant toujours ses lèvres, il se décale enfin sur le côté tout faisant un signe de la main pour que le chien revienne à l’intérieur, avant de s’adresser à Carol d’une voix amicale, bien qu’étant un peu gêné de la recevoir dans un tel capharnaüm, lui qui est connu pour être maniaque : « Entre, je t’en prie. Fais pas attention au bordel… » Difficile de l’ignorer, cependant.

« Cette maison est splendide. Elle est bien située, vous allez êtes bien tous les deux. » Il ne peut pas la contredire. Les mains appuyées sur les hanches, sans dissimuler celle qui est robotique car il est chez lui en présence d’une personne à qui il pense pouvoir se fier, il lève machinalement les yeux vers le plafond pour observer contempler le décor de sa nouvelle maison, ayant un peu de mal à réaliser, encore, qu’elle lui appartient. « C’est vrai. J’ai eu un coup de coeur en la voyant, je ne pourrai pas t’expliquer mais… C’est comme si j’étais chez moi en quelques minutes. » Un peu sentimental, peut-être, pour quatre murs mais… N’est-ce pas le début d’une nouvelle vie ?

Refermant la porte après le passage de Carol, il tend à l’inviter à se débarrasser de la veste la protégeant de la froideur hivernale à l’extérieur mais… Il n’a pas encore installé le porte-manteaux. D’ailleurs, il est où ? Sûrement au fond du camion, avec les autres cartons à déballer… Misère, il n’a pas fini. Frottant sa nuque, il finit par dire d’un ton amusé : « Fais comme chez toi ! »

Lorsque le sujet HYDRA vient sur le tapis, il ne peut s’empêcher de froncer un peu les sourcils, surpris qu’elle soit autant informée de la situation. Peut-être ne devrait-il pas mais, hochant son menton de haut en bas, il se permet de demander, un peu curieux : « Comment tu as su ? » Enfin, le fait est qu’elle a raison alors, appuyant sa main sur la rampe d’escalier, il poursuit : « Mais c’est vrai. Il semblerait que je ne sois plus leur priorité et c’est tant mieux. » Pour l’instant. Croire qu’HYDRA a définitivement abandonné leurs sombres desseins lui semble illusoire, mais c’est réconfortant de l’envisager.

« Tu vas en avoir pour un bon mois. » Il ne peut s’empêcher d’émettre un petit rire en hochant son menton de haut en bas, ne pouvant pas vraiment la contredire ; mais n’ayant même pas le temps de lui répondre, elle lui propose déjà de l’aider. Alors, là ! C’est une proposition qui ne se refuse pas. « Ce ne serait pas de refus ! Mais alors, tu restes diner ce soir. Pizzas ? » Grand sourire aux lèvres, il hoche son visage tout en lui faisant signe de le suivre : d’abord le rez-de-chaussée avec la grande cuisine ouverte sur la pièce-à-vivre, composée d’une grande et longue table en bois massif, d’une cheminée en pierres et de deux canapés pouvant accueillir de festives soirées entre amis. La petite pièce visant à accueillir une bibliothèque n’est pas encore aménagée mais elle permet de voir le jardin à l’arrière et, comme c’est ce qui semble le plus intéresser la jeune femme, il s’empresse de pousser la baie vitrée pour qu’elle puisse accéder à ce petit coin de verdure, rapidement rejoint par Captain qui a déjà ses jouets à l’extérieur. « Alors, tu en penses quoi ? » Demande-t-il en glissant ses mains dans les poches de son jean, curieux d’avoir son avis.

Elle ne répond pas vraiment à la question concernant les informations qui ont fuité mais, bien que mis en confiance par celle qu’il sait être son alliée, il songe un instant à ne pas creuser davantage le sujet parce qu’il sent que celui-ci risque de le contrarier : il se doute qu’elle a été mise au courant par Sam ou un autre Avengers, puisque rares sont ceux qui ont été mis dans la confidence de sa situation, mais il n’apprécie que moyennement qu’on discute de son cas dans son dos. « Et j’imagine que si je te demande qui t’en as parlé, tu ne vas pas vouloir me répondre ? » J’ai mes sources, lui dit-elle, produisant un petit rictus amusé aux lèvres du Cyborg qui, poussant du pied un jouet de Captain, ne relève pas le fait qu’elle parle presque comme une journaliste. « Aucun d’entre nous a eu la vie facile. » Rectifie-t-il en gardant le menton baissé. Il n’aime pas être plaint, car il n’estime pas avoir besoin de l’être : contrairement à Natasha, Vision et Tony, lui est toujours vivant. Pour eux, mais aussi pour tous ceux qui souffrent bien plus que lui, il ne doit pas se morfondre sur son triste sort. Un soupir s’extirpant de ses lèvres finement dessinées, il poursuit, essayant d’être sur une note plus positive pour détourner la conversation : « C’est vrai qu’on est comme une famille. » La seule qu’il lui reste, d’ailleurs. Et comme toutes les familles, visiblement, certains sont trop bavards.

Elle semble être au parfum de toute sa vie, ce qui le perturbe un peu parce que, lui, ne sait pas grand-chose à son sujet… Du moins, il connait seulement les grandes lignes, alors il garde le silence durant quelques minutes, ne sachant pas tellement quoi lui répondre. Finissant par temporiser ses pensées pour lui offrir un sourire sincère, il hausse ses épaules en décrétant, véritablement heureux de se trouver ici : « Je prends un nouveau départ avec cette maison, en tous cas. » Le début d’une nouvelle vie, ou d’un nouveau chapitre de sa vie, du moins.

L’aide à l’emménagement contre des pizzas et des bières étant actée, Bucky avance son poing robotique pour le cogner très délicatement contre celui de Carol, un grand sourire ornant ses lèvres. « Tu me sauves ! Tout seul, j’aurais été dans les cartons encore le mois prochain. » Un petit rire emportant ses lèvres, il l’entraine ensuite à travers le rez-de-chaussée pour lui faire découvrir la maison, jusqu’au jardin. Elle ne répond pas à la question qu’il vient de lui poser, obnubilée par la présence d’un intrus poilu.

Il se retourne vers son chien, venu réclamer quelques caresses de plus après une courte sieste bien méritée. « Captain. » En hommage à Steve, son ami d’enfance, son frère. Un doux sourire aux lèvres, il n’interrompt pas l’échange de léchouilles et de caresses, point surpris du comportement de son chien. Il n’est pas vraiment doué pour garder la maison puisque, tous les visiteurs se voient accueillis de la même façon : il apporte un jouet en remuant la queue, sans l’once d’une agressivité. « Le meilleur des chiens. » Pour preuve, il lui accorde des caresses d’une grande douceur sur le sommet du crâne, avant que l’air sérieux de Carol ne lui saute au visage : c’est l’heure de se mettre au boulot !

« On commence par la cuisine ? » propose-t-il en retournant dans la dite pièce, suivi de près par Captain, bien sûr. Une fois dans la cuisine, il montre de l’index robotique une dizaines de cartons contenant des assiettes, des verres, des ustensiles, une batterie de cuisines et d’autres accessoires ménagers, disant alors : « J’avais une cuisine plus petite dans mon appart’, là je crois que j’ai trop de placards. » Surtout pour quelqu’un qui cuisine si peu, mais ça, il s’abstient de le dire.

Lancés sur la voie du déménagement, ils s’attaquent d’abord à la cuisine : non pas qu’il s’agisse de la pièce favorite du maître des lieux, car ce dernier ne cuisine que rarement — jamais pour des plats bien compliqués, mais il fallait bien commencer quelque part.

Prenant un premier carton, Bucky le dépose sur le plan de travail en marbre et l’ouvre rapidement pour tomber sur sa batterie de cuisine : des casseroles, des marmites et des poêles. Bon. Trouver où les mettre: trop de placards. Finalement, il décide que le placard le plus proche des plaques de cuisson est le plus judicieux alors il commence à les placer, tout en répondant à celle qui la générosité de lui consacrer du temps et de l’énergie : « Tu as raison, certains n’ont pas cette chance… » Ils pensent bien évidemment aux mêmes personnes. Empreint d’une certaine nostalgie, il s’agenouille pour continuer à placer ses casseroles, poursuivant d’une voix teintée de tristesse : « C’est pour eux qu’il faut continuer à vivre. » Vision. Natasha. Tony. Il ne pourra jamais les oublier.

Mais l’heure n’étant pas à la tristesse, la blonde aborde un sujet qui ne peut que le faire rire : en se redressant, il presse ses lèvres l’une contre l’autre pour réprimer un sourire amusé, finissant par avouer, d’une voix presque coupable : « Tu vas rire… J’ai une cuisine immense mais ce que je fais le mieux est : décrocher mon téléphone pour commander des pizzas. » Comme il a proposé de le faire ce soir, d’ailleurs…

Attrapant un autre carton, il poursuit son rangement tout en lui retournant la question, curieux d’en apprendre plus à son sujet : « Et toi, tu cuisines ? » Marquant une petite pause pour lui permettre de répondre, il poursuit aussitôt avec une autre question, plus personnelle « Tu comptes rester sur Terre ? » Il sait qu’elle a de nombreuses responsabilités, ailleurs, à travers la Galaxie ; néanmoins, il sait aussi qu’elle est très puissante et que sa présence sur Terre est une protection en plus.

Son absence de don culinaire n’offusque pas la jeune femme, elle se montre plutôt compréhensive, lui cherchant même des excuses : c’est bien évidemment la faute à leur emploi du temps surchargé, qu’il ne sait pas cuisiner le bougre… Quoique. Préférant jouer la carte de l’honnêteté, il émet un léger rire avant de dire, d’une voix amusée : « Même avant d’être Avenger, la cuisine n’était pas mon fort. » Avant d’être Avenger il était un maître assassin chez HYDRA donc… Pas cet avant là. Songeant qu’il vaut mieux rectifier le tir, il attrape un autre carton en poursuivant, d’une voix plus sérieuse : « Enfin, j’veux dire… Quand j’étais plus jeune. » Avant HYDRA, avant la guerre, avant tout ça… Quand il n’était encore qu’un gamin jeté à l’assaut du vaste monde.

« Tu as sans doute raison. » admet-il quand elle évoque le fait qu’il doit prendre ses marques, tout en rangeant des pots à épices — certains encore fermés, dans un tiroir destiné à cet effet. « Mais il m’a fallu des mois avant de me sentir chez moi dans mon ancien appart… Ça t’a fait la même chose, chez toi ? » Curieux, il lui lance un regard qu’il maintient quelques secondes avant d’attraper un énième carton… Il n’en voit pas le bout. C’est la dernière fois qu’il déménage.

Au bout de quelques cartons, assoiffé, il demande d’une voix joyeuse : « Une bière ? » Attendant la réponse, il sort deux bières du frigo (ou une si elle a refusé), s’empressant de décapsuler la sienne afin d’en boire une longue gorgée. Mais n’ayant pas fini de s’intéresser à son alliée, il lui demande tout d’abord si elle compte s’établir durablement sur Terre : la réponse positive le satisfait, et il lui accorde alors un sourire hautement chaleureux. « Je comprends totalement. » dit-il en ayant tout à fait conscience de ce qu’elle sous-entend, tandis qu’il range les derniers bibelots de la cuisine. « Vous êtes nombreux dans ce cas… Avoir quelque chose en plus. » Il pense bien évidemment aux mutants, même si la comparaison ne peut pas vraiment avoir lieu. « Pour ma part, tu es totalement l’une des nôtres. » Humaine et Avengers. Il est assez évident, pour lui, que l’humanité a besoin d’elle.

La question lui revient, et il hausse ses sourcils d’un air un peu dépassé. « Pour être honnête… Je ne sais pas trop. Cette maison est un nouveau départ en tous cas. » Croisant les bras, il appuie le bas de son dos contre le plan de travail tout en regardant sa nouvelle amie, à laquelle il confie : « Je me suis séparé de Wanda… Enfin, officiellement, on fait une pause. La situation était compliquée. » Est-ce qu’il l’a oubliée ? Non. Est-ce qu’il l’aime encore ? Joker. « Mais j’ai surtout envie de me concentrer sur les Avengers, pour l’instant. Sam veut renforcer le groupe et je le soutiens, on a besoin de se retrouver. On est une famille, et tu en fais partie. »