Note HRP:

Je sifflai avec admiration, à voir la facilité avec laquelle Logan avait trouvé comment faire fonctionner ces gadgets. J’imitai ses gestes, mais l’activation ne fut pas aussi instantanée que pour lui. Je dus m’y reprendre à trois reprises, avec l’impression de ne plus vraiment évoluer avec mon temps. « Merci, mec. » Ce n’était qu’une question d’habitude à prendre, non ?

Mon regard se releva sur le ventre bien arrondi de Raven, qu’elle m’exposa comme une évidence même. C’était effectivement difficile d’oublier que la mutante était enceinte jusqu’au cou, mais… « Tu ne peux plus changer d’apparence alors ? Ou tu prends l’apparence d’un mec qui… » L’image même me tira une grimace dubitative. « Non, laisse tomber. » Je n’avais pas vraiment envie de savoir si son ventre rond restait en fonction des formes qu’elle prendrait. Puis, avoir des gosses, c’était bien le type de maladie incurable impossible à se débarrasser. Ça répondait à ma question.

« Ok, ok… » J’écoutai les instructions que Raven m’adressa directement. Je partirais en premier pour faire du repérage et interroger les commerçants. Jusque-là, c’était la partie facile. Ça laisserait le temps aux autres d’arriver avec un véhicule. C’était une mesure de sécurité supplémentaire, au cas où je me retrouverais coincé. Au moins, ils pourraient sortir Caleb de là. Et l’idée de rentrer seul dans les égouts ne m’avait même pas traversé l’esprit.

Je faillis partir les mains vides après le briefing. Je réalisai, à la sortie de l’Institut, qu’une photo de Caleb me serait bien utile pour interroger les commerçants. Normalement, on avait un organigramme quelque part avec toutes les photos des élèves, ce qui devrait me simplifier la vie. Et Raven ne m’avait pas demandé aussi un vêtement à lui ? C’était sans doute pour que Logan renifle son odeur, comme il l’avait proposé. J’aurais dû être plus attentif. Combien de fois je m’étais déjà répété ça ?

La photo glissée dans ma combinaison des X-men, je me ruai vers le véhicule que Logan et Ororo devaient prendre… avant de constater qu’ils n’étaient évidemment pas encore arrivés. Je remontai le couloir jusqu’à les retrouver à mi-chemin. « Tiens, Logan. » Je lui lançai l’écharpe du gamin dans les mains. Avant même que l’objet retombe, j’étais déjà reparti.

Je détestais la neige. J’étais obligé de ralentir pour éviter de m’empêtrer dedans ou de glisser sur une plaque de verglas. Si j’avais suivi les routes salées jusqu’à New York, arrivé dans le quartier concerné, je n’avais plus vraiment le choix. C’était un équilibre incertain qui risquait de me faire un beau roulé-boulé, pour finir en bonhomme de neige contre un mur. Franchement, je ne le souhaitais à personne. Je parlais en connaissance de cause.

Je marquai un temps d’arrêt en entendant Ororo dans mon oreillette. Merde. Dès que je passais en hypervitesse, le son ne suivait plus, et je ne parvenais pas à le régler. Il n’y avait même pas de boutons sur ce truc. Il allait bien falloir que je fasse avec, pour le moment. « Je suis à l’arrêt de bus. » Leur précisai-je. « Je suis toujours d’accord avec toi, Storm. Pas envie de m’attirer tes foudres ! » Et je n’avais pas de meilleurs plans à proposer, j’avais toujours été le roi de l’improvisation. Si elle se sentait de négocier avec des kidnappeurs, je serais là en cas de problèmes.

J’avais déjà tracé jusqu’aux abords des égouts quand elle reprit. Je ratais encore le début, pourtant c’était important. Je n’avais pas songé que Storm serait en difficulté là-dessous. « Tu veux quand même poursuivre la mission ? » La question pouvait se poser pour elle. Et tant qu’on en était à se faire des aveux de faiblesse… « Dites, j’arrive pas à régler ce truc. Comment on modifie la vitesse de lecture ? » J’essayais une dernière fois avant d’abandonner, reprenant le fil de la discussion. « Et si on les forçait à quitter les égouts pour les amener sur notre propre terrain ? » Même si, personnellement, les égouts m’allaient bien. Avec l’hypervitesse, je pouvais sans problèmes courir sur toutes les parois. Je serais seulement emmerdé si certains passages étaient bloqués.

« Je fais le tour, le temps que vous arriviez ! » Je marchais tranquillement cette fois, pour être sûr de ne rien rater. Et… bingo. Même à allure minimale, il ne me fallait pas si longtemps pour retrouver l’arme du crime. Dans cette blancheur immaculée, les traces de sang encore récentes se détachaient sans mal. « J’ai trouvé un couvercle de poubelle dans la neige… plein de sang. C’est celui de Josh, vous croyez ? » Soufflai-je à l’oreillette. J’allais pour le récupérer quand j’aperçus des traces dans la neige, qui me firent marquer un temps d’arrêt. « Je vois des empreintes de pas qui mènent aux égouts et… de sabots. C’est quoi ce délire ? Logan, je laisse tout en place pour toi. » Un regard circulaire aux alentours ne m’apprit rien de plus, sauf que Caleb s’était probablement défendu à voir les impacts de boule de feu dans le mur d’en face.

Je laissais de côté les égouts pour le moment, ne m’en approchant pas davantage comme demandé. En un battement de cils, j’étais soudainement accoudé au comptoir du fast-food au coin de la rue. Une femme se retourna avec un plateau en main, manquant de tout faire valdinguer en m’apercevant à la dernière seconde. « Ça fait longtemps que vous êtes là ? » Ma moue dubitative voulait tout dire. Le temps était relatif non ? « Non, mais je fais souvent cet effet-là. » Je pointai le plateau du doigt dans un bref sourire. « Vous pouvez me servir la même chose ? » L’aller-retour à l’Institut m’avait donné un creux. Enfin, j’avais de la chance. En plein cœur de l’après-midi, le fast-food était pratiquement vide, ce qui avait un double-avantage : je serais servi rapidement et je pouvais discuter un peu avec la serveuse pour savoir ce qu’elle avait vu. Je détestais justement attendre.

Malheureusement, elle ne reconnut pas Caleb sur la photo que je lui présentai. « … mais vous me parliez de mutants ? J’ai vu un type avec des cornes, et un autre avec des griffes à la place des mains. Il y avait aussi une fille avec un seul œil au milieu du front. » Elle frémit un peu. « Parfois, on les surprend à fouiller dans nos poubelles. Vous voulez que je vous montre ? »

Je lâchai presque mes frites à voir l’état du local poubelle derrière le fast-food après l’avoir suivie. Les larges traces de griffures me rappelaient presque un Wolverine en colère. « On avait bien mis un cadenas pour les fermer, mais il a été forcé… » Ça ne m’expliquait pas forcément pourquoi des clochards s’en prendraient à un gosse de l’Institut, sauf s’ils étaient à ce point désespérés qu’ils espéraient une rançon ? « Ok, merci ! » J’allais devoir creuser cette piste. « De r- » Elle m’avait déjà perdu de vue.

Le géant de la supérette en face me réserva un accueil plus mitigé. Pour quelqu’un qui n’avait rien vu, il en avait des contestations à faire… J’eus un sourire crispé à l’entendre se plaindre de vols de plus en plus fréquents dans son magasin. Pour une fois que je n’étais pas en cause, ça me changeait. « J’envisageais de renforcer la sécurité prochainement… Tiens, maintenant que t’en parles, c’est sûrement encore des sales mutants à l’œuvre. » Un crachat à l’arrière de sa caisse vint ponctuer sa phrase. Dégueu. « Ouais… et donc, qu’est-ce qu’ils volent au juste ? » Repris-je, l’air de rien. Il ne devait pas se douter d’à qui il parlait, malgré ma combinaison frappée d’un X assez peu discret. « Un peu de tout dans les rayons de produits, rien de particulier en soi. » Ça m’interrogea juste plus encore. En fait, c’était juste des dalleux qui s’adonnaient au vol ? Ça me faisait un sacré point commun avec nos ravisseurs.

Le cordonnier d’à côté fut plus avare en informations. Il fallait dire que je perdis rapidement patience, rien qu’à tenter de capter son attention. Le vieil homme n’entendait plus très bien, et hormis se plaindre d’odeur d’égout dans le quartier… Je terminais le tour par le cinéma au bout de la rue, mais les gamins n’avaient évidemment pas réussi à atteindre leur destination finale, alors ils n’avaient rien vu ni entendu. Au moins, leur pop-corn salé était bon.

« Vous êtes presque arrivés ? » Lâchai-je à l’oreillette, entre deux popcorns avalés. « Parce que ça commence à faire long là. » Au moins… trente minutes ? Bref, une éternité. J’en profitais pour leur résumer un peu la situation. « On aurait trois mutants minimum, qui sortent régulièrement des égouts pour faire les poubelles du fast-food et voler des produits à la supérette du coin. Je suis sûr que celui qui a laissé des traces de sabots est le cornu. Il y a aussi une cyclope, mais pas comme le nôtre hein… avec vraiment un seul œil au milieu de la face. Et un bourrin avec des griffes qui te plairait, Wolverine. Il y en a peut-être d’autres, plus discrets. Vous croyez qu’ils vivent dans les égouts parce qu’ils ont une sale gueule ? » Franchement, la question se posait non ? Ils auraient du mal à passer inaperçus dans la population de New York. En termes de problèmes d’intégration, ils arrivaient à faire pire que moi. Je comprenais qu’ils s’isolent pour avoir la paix. « Ça fait un moment qu’ils sont dans le quartier, assez pour que les commerçants en aient marre d’eux en tout cas. Mais ça nous explique pas pourquoi des mutants réfugiés dans les égouts, qui sortent seulement quand ils ont la dalle, s’en seraient pris à un gosse mutant. » J’en étais là de mes réflexions. Et si j’allais mater la séance du Seigneur des Anneaux en attendant qu’ils arrivent maintenant ? Je me les gèlerais moins qu’à attendre dehors, et surtout, j’attirerais moins l’attention réfugié dans une salle obscure. Allez, vendu.

Je n’insistais pas auprès d’Ororo, elle était assez butée dans son genre. Si elle pensait en être capable, c’était la seule pour le savoir non ? Je mangeais tranquillement mes popcorns dans le fond de la salle de cinéma quand Logan reprit dans l’oreillette. Ils étaient enfin arrivés. En un battement de cils, je décollai de mon siège pour me retrouver face à eux devant la bouche d’égout. « Je vous ai manqué ? » La question n’attendait pas de réponses particulières. Je finissais tranquillement mes popcorns pendant que Logan faisait le tour, à la manière d’un limier. Lorsqu’il flaira enfin la piste, je déposai le reste du paquet à la poubelle à toute vitesse, en me frottant rapidement les mains pour retirer les dernières traces de nourriture. « Prêt ! »

Vu le regard qu’Ororo lui jeta, elle ne devait pas apprécier la méthode employée. J’haussai les épaules sans faire de commentaires. Qu’on ouvre ou tranche la bouche d’égout, le vacarme aurait été le même. « On sait qu’on est là, je crois. » Au moins, la plaque ne nous gênera pas pour le retour. Il n’était pas question de se retrouver enfermé dans les égouts, capturés à notre tour.

J’avançai tranquillement en fermant la marche, les mains dans les poches de ma veste en cuir. Une gouttelette non identifiée faillit me tomber sur l’épaule depuis le plafond, je me décalai au dernier moment en grimaçant. Je me demandais comment Logan pouvait être sûr d’où nous allions, tellement les lieux empestaient la mort. Mais je lui faisais confiance là-dessus, surtout que ma méthode n’aurait pas été plus efficace. J’aurais pu explorer à toute vitesse l’ensemble des tunnels, mais j’aurais été capable de me perdre. « On devrait pas tracer un plan ? » Demandai-je à voix basse, avant de souffler dans l’oreillette : « Où tu t’en charges, Raven ? »

Je m’arrêtai pile à temps avant de rentrer dans Ororo, qui s’était subitement arrêtée en plein milieu du chemin. « Il y a un problème ? » Elle avait l’air vraiment dans le mal. On aurait peut-être dû la dissuader de descendre dans les égouts, mais c’était un peu tard pour y penser. Parce que si j’étais prêt à attendre qu’elle reprenne ses esprits, d’inquiétants grattements se firent entendre dans un tunnel tout proche… et ça arrivait vers nous. Je n’aimais pas ça.

Et, bien sûr, le plus simple pour identifier la menace était que je m’y rende moi-même en quatrième vitesse plutôt que d’attendre qu’elle nous tombe dessus. « Je reviens. » Leur signalai-je, même s’ils ne verraient probablement pas que j’étais parti. J’entrai en hypervitesse, courant sur les parois comme s’il s’agissait du sol, pour contourner les parties inondées, en direction des grattements insistants. Et ce que je vis me figea d’horreur, au point où il me fallut me réceptionner au sol.

Des rats.
Des centaines, non… des milliers de rats.

Leur seule vision m’arracha un frisson de dégoût désagréable. Je fis demi-tour encore plus vite, me penchant rapidement pour attraper Ororo dans mes bras en chemin, continuant à un rythme accéléré. Elle n’apprécierait sans doute pas que je ne lui demande pas son avis, mais nous n’avions pas le temps d’attendre que sa crise d’angoisse soit passée. « Logan, on avance ! Il y a une armée de rats qui nous fonce dessus ! C’est où après ?! »

Les plans en holo ? Mais de quoi Raven me parlait exactement ? C’était certainement une option offerte par les bracelets que l’on détenait, mais je craignais de le dérégler s’il me prenait l’envie de le manipuler maintenant. Je fis l’impasse dessus dans l’immédiat. J’avais bien plus urgent à régler.

Je venais à peine d’attraper Ororo que je repartais au pas de course dans la direction indiquée par Logan d’un signe de la tête, ponctuée d’un grognement évocateur. Je n’avais pas besoin d’en savoir plus dans l’immédiat. Il suffisait de courir tout droit à vive allure, jusqu’à la prochaine intersection. Les questions viendraient ensuite.

Derrière moi, Logan me paraissait d’une lenteur incroyable. J’hésitais à faire demi-tour pour aller le chercher, mais l’idée même de laisser Ororo en proie à ses propres démons me paraissait bien mauvaise… et les crissements de centaines de pattes des rongeurs derrière moi, ponctués de couinements, me dégoutaient tellement que je préférais plutôt accélérer encore la cadence.

Je fus pourtant obligé de m’arrêter net quand la nuée de rats obstrua toute source de lumière derrière moi. « Je vois plus rien ! » J’avais à peine réussi à discerner un immense bassin d’eau souillée, des dizaines de mètres plus bas. J’aurais pu marcher sur les parois latérales pour poursuivre ma route, évidemment. Mais c’était sans prendre en compte que le sol était déjà glissant, que je tenais Ororo encore dans mes bras, en plus de la luminosité réduite. Subitement, l’idée même me paraissait casse-gueule.

« Peter ! Planquez-vous ! » Ni une ni deux, je me glissai sur le côté dans un renfoncement pour laisser la nuée me dépasser, emportée par les eaux souillées jusqu’en bas. Un frisson de dégout me traversa, alors que je serrai avec force Ororo contre moi. Les eaux me tiraient également en avant, mais c’était plus facile pour moi d’y résister que les rats. Ça ne m’empêcha pas d’en sentir certains le long de mes jambes, ce qui m’acheva pour de bon. « Ah bordel ! Je suis persuadé qu’il y en a au moins deux qui se sont glissés dans mon pantalon ! » Je m’ébrouai, le calme enfin retrouvé, pour chasser cette impression désagréable, avec une grimace dégoutée.

Ororo reprit ses esprits à ce moment-là, ce qui me fit subitement prendre conscience que je l’avais maintenu un peu trop fort contre moi, à se demander qui tenait l’autre au final… C'était gênant. Je repris aussitôt mes distances, alors qu’elle s’excusait d’avoir été un fardeau. « Wow ! Ok, ok. Ça va ? Tu veux en parler ou pas ? » On dirait qu’elle n’avait rien réalisé, en tout cas. J’avais uniquement senti sa respiration accélérée contre moi. « T’as l’air de revenir de loin, besoin d’une pause ? » La connaissant, elle allait m’affirmer le contraire. J’eus un sourire de travers. « On est une équipe, c’est normal. On veille les uns sur les autres. » Peut-être qu’elle serait moins prompte à juger de nos compétences, maintenant.

Les rats emportés au loin, il m’était désormais plus évident de repérer l’échelle sur le côté du bassin, nous emmenant dans un autre boyau. « On continue ? C’est par là. » Mes vêtements étaient trempés et puaient la mort. J’espérais que je n’aurais pas à croiser d’autres rats. Qui nous disait que ce n’était pas un mutant qui les contrôlait au juste ? L’idée m’arracha un nouveau frisson de dégout, ce qui ne m’empêcha pas de m’engager en premier. Je serais le plus rapide à réagir en cas de problèmes, même si j’y allais franchement à reculons.