Yukio - Charles Xavier “Les pires souffrances sont celles de l'esprit.”
La Yukio fut rassurée par les explications du Professeur. Raven allait s'adoucir avec le temps. De son côté, elle s'assurerait de se montrer la plus souriante et cordiale possible. Néanmoins, ce n'était l'inquiétude dont son bienfaiteur voulait lui faire part. De quoi pouvait-il bien s'agir ? La Yukio séchait. " Cela me rassure. Merci beaucoup mais... de quoi s'agit-il professeur ? Qu'est ce qui vous inquiète ? " Demanda-t-elle le visage le plus inquiet possible, ce qui se traduisit par un visage totalement neutre et une infime pointe d'incompréhension. La Yukio n'aimait pas être une source d'inquiétude. Tout allait pour le mieux dans sa vie. Elle avait un toit, un métier, se sentait utile pour de nombreux élèves. Que pouvait-elle espérer de plus ?
La Gardienne était aux côtés de Yukio, invisible à ses yeux, comme un ange gardien. Son rôle était crucial. Elle devait empêcher à tout prix que l'esprit de la jeune fille ne se disloque et s'effondre. Contrairement aux apparences, l'esprit de la mutante était d'une grande fragilité. Certains traumatismes menaçant son équilibre, aussi précaire fusse-t-il, devaient demeurer enfouis, isolés. Néanmoins, l'esprit atteignait ses limites. " Vous êtes dans son rêve. " Répondit de de sa voix neutre la Gardienne sans que la Yukio ne semble l'entendre. " Je ne peux plus garder toutes les portes fermées. Elles se fissurent de plus en plus. L'une d'elle a cédé. La plus récente. " La Gardienne posa un regard neutre sur la Yukio qui pencha la tête, comme attendant la réponse de son bienfaiteur. " Si vous avez des choses à dire. Dites-les. " Reposant son regard neutre sur la Présence, la Gardienne poursuivit: " Je suis la Gardienne de ce lieu. Je garde et je répare les portes, mais je ne suis par leur conceptrice. " Son regard obliqua brièvement, sans toutefois que son visage ne se tourne, sur l'innocente Yukio qui patientait, intriguée. La Gardienne se contentait de garder les lieux et de réparer ce qui devait être réparé. Yukio était seule responsable de ce que l'on pouvait y trouver. Elle choisissait d'elle-même, plus ou moins consciemment, d'isoler certains souvenirs traumatiques pour les oublier.
La Gardienne disparut comme si elle n'avait jamais été présente. Puis, quelques instants plus tard, la porte de la chambre s'ouvrit lentement, dévoilant le couloir, sous l'action d'une main spectrale sombre à peine perceptible. La Yukio ne sembla pas s'en rendre compte. Elle demeurait entièrement captivée par son bienfaiteur.
L’inquiétude du professeur gagnait la pétillante et enthousiaste Yukio, même si cela ne se lisait que peu sur son visage. C’était comme si elle était incapable d’exprimer des émotions négatives, comme si sa carapace de joie et d’optimisme était trop solide pour pouvoir s’effriter, ne serait-ce qu’un tout petit peu. Ce n’était pas sain. A trop contenir ses peines et ses peurs, elles allaient forcément la faire céder un jour ou l’autre, et cela provoquerait de gros dommages. Ce qui se passait à la surface en était peut-être un avant-goût.
La Gardienne le confirmait d’ailleurs : certaines portes, qui contenaient les souvenirs de Yukio, à priori essentiellement les souvenirs désagréables, ne pouvaient plus rester fermées. Une porte, la plus récente, avait cédé. Et quel mauvais souvenir récent avait pu la marquer ? L’attaque des Héritiers. Cette mauvaise expérience avait dû revenir la hanter dans ses cauchemars, ce qui avait provoqué sa crise.
« Tout enfouir n’est pas une solution pérenne. On peut toujours enterrer des corps sous la neige, mais la neige fond quand revient le printemps. »
D’où venait ce proverbe ? Etonnamment, il n’arrivait pas à s’en rappeler, malgré son excellente mémoire. Cette phrase lui était revenue sur l’instant et il l’avait prononcée sans vraiment y penser. Il n’était de toute façon pas certain que débattre avec la Gardienne soit utile : comme elle le disait elle-même, elle réparait les portes mais elle ne les avait pas conçues. Comme elle l’invitait à dire à Yukio ce qu’il avait à lui dire, il se retourna vers la jeune fille assise dans sa chambre et qui attendait sa réponse.
« Je pense que tu as fait un cauchemar. Je crains que ce cauchemar ne te fasse du mal, actuellement. »
La Gardienne disparut de nouveau, les laissant tous les deux. Mais elle veillait toujours sur eux. La porte de la chambre se rouvrit, laissant voir le couloir que Charles avait déjà arpenté. Peut-être fallait-il qu’elle vienne avec lui ? Le télépathe se leva pour tenter cette solution, il tendit sa main à Yukio pour l’inviter à l’accompagner.
« Si nous faisions un petit tour toi et moi ? Je reste avec toi. »
Yukio - Charles Xavier “Les pires souffrances sont celles de l'esprit.”
Accueillant la réplique de la Présence avec neutralité, la Gardienne retourna à ses réparations. Elle ne pouvait pas faire davantage. Seul Yukio pouvait aider Yukio. Une dernière impulsion en montrant une voie possible, rien de plus.
La Yukio capta à nouveau le regard de son bienfaiteur. Ce dernier semblait s'être perdu dans ses pensées quelques instants. Celui lui arrivait elle-même très souvent. Néanmoins, les mots qui sortirent de sa bouche furent des plus étranges. Un cauchemar ? Quel cauchemar ? Elle ne dormait pourtant pas. Peut-être que si. Non, cela semblait beaucoup trop réel. Le professeur était déjà apparu dans ses rêves, mais il ne s'était jamais montré inquiet. Au contraire, ce dernier l'avait déjà rejoint pour un pique-nique au bord du lac de l'Institut avec d'autres élèves. Une autre fois, il l'avait aidé à retrouver une pelote de laine qui avait disparu et qui était nécessaire pour que Raven termine un pull pour les jumeaux. Un cauchemar qui la faisait souffrir. Elle se sentait bien, très bien à cet instant. " Un cauchemar professeur ? Quand cela s'est-il produit ? " commença à douter la jeune Licorne.
Voyant le professeur se lever, la Yukio fronça imperceptiblement ses sourcils. Quelque-chose clochait, de plus en plus. Il s'agissait pourtant de son bienfaiteur, il était inutile de s'inquiéter. La Yukio attrapa donc sa main, un peu hésitante, avant de finalement se laisser guider vers la sortie de la chambre. Néanmoins, arrivée sur le pas de la porte, la petite Licorne s'immobilisa, tétanisée. Si le haut de son corps se mut brièvement vers l'avant sous la traction du Professeur, ses deux pieds demeurèrent obstinément fixés sur le parquet. " Où allons-nous Professeur ? " demanda la mutante avec une pointe de froideur dans la voix, ce qui était loin d'être familier chez elle. " Ce couloir est sombre. " dit-elle d'une voie peu assurée avant que la porte derrière elle ne claque et la propulse vers l'avant. La petite Licorne s'écroula, se rattrapant aux jambes du professeur. Le regard paniqué, les mains serrées sur les membres inférieurs de son bienfaiteur, Yukio se mit à trembler de tout son corps. Le couloir était sombre, inquiétant, menaçant. Des lourdes portes partout. " Professeur... " balbutia la mutante entre deux tremblements " ce couloir... nous sommes dans un cauchemar que je connais. " Muée par une énergie nouvelle, Yukio marcha à quatre pattes jusqu'à la porte de sa chambre et tenta de l'ouvrir frénétiquement, en vain. Se figeant, elle se retourna lentement vers son bienfaiteur, le regard terrifié. " Professeur... vous n'apparaissez jamais dans ce cauchemar. Il n'y a que cette présence... Elle me ressemble... elle me fait peur. " Ce n'était qu'une question de secondes avant qu'elle ne fasse son apparition. Cela se déroulait toujours ainsi. Puis toutes les portes s'ouvraient et les monstres jaillissaient.
Il était important que Yukio comprenne la situation, sans pour autant la brusquer, de la même façon que l’on renvoyait un somnambule en sécurité dans son lit plutôt que de le réveiller. Mais il fallait qu’elle ait conscience qu’il y avait un problème, sinon comment pourrait-elle le résoudre ? Charles était là pour l’aider, mais certainement pas pour faire à sa place. Il avait déjà trop joué avec les psychés de certaines personnes – pour leur bien, mais avec des conséquences complexes. Aussi lui répondit-il, lorsqu’elle lui demanda quand le cauchemar s’était produit :
« Juste avant que j’arrive. Et nous sommes toujours dans ton rêve. »
Elle hésita, peinant à comprendre la situation, mais finit par capituler et accepter la main tendue du professeur. Mais arrivée à la sortie de sa chambre, elle se figea sur place, terrorisée par le couloir. La porte de la chambre claqua violemment, la projetant en avant, la faisant tomber aux pieds de Charles. Elle s’accrocha à ses jambes comme une jeune enfant apeurée dans celles de ses parents, et il dut prendre appui de sa main sur le mur pour ne pas perdre l’équilibre et tomber à son tour.
Il tenta de se baisser vers elle, mais déjà elle rebroussait chemin, frénétiquement, à quatre pattes, pour tenter de retourner dans la sécurité de sa chambre, mais la porte refusait de s’ouvrir. Elle devait affronter sa peur, ce cauchemar qu’elle reconnaissait et redoutait. Mais elle n’aurait pas à l’affronter seule. Le professeur mit un genou à terre pour se rapprocher de Yukio et lui posa une main rassurante sur l’épaule.
« Je suis avec toi Yukio. Je suis là pour t’aider à avoir moins peur. Tu as le choix. Ce cauchemar, nous pouvons lui faire face, ou le repousser, ensemble. »
Il ne le montrait pas, mais les mots de Yukio l’inquiétaient fortement. Une présence qui lui ressemblait, qui l’effrayait et qui lui apparaissait dans ses cauchemars… Le télépathe avait déjà vécu cela. Mais de toute façon, ils n’avaient pas le choix : il allait bien falloir qu’ils se confrontent à cette présence. Espérons que cela n’allait pas aggraver la situation…
Yukio - Charles Xavier “Les pires souffrances sont celles de l'esprit.”
Un inquiétant couloir, sombre, parsemé de portes très différentes, renfermant des monstres. Une vision d'Enfer pour la petite Licorne. Le confort et la sécurité de sa chambre à l'Institut avaient disparus. Le rêve s'était transformé en cauchemar. Toujours terrifiée, Yukio attendait que l'inévitable se produise. Cette fois néanmoins, contrairement à toutes les précédentes, il y avait quelqu'un d'autre : le professeur Xavier, son bienfaiteur. Une anomalie. Était-il réel ? Probablement. N'avait-il pas affirmé qu'il était arrivé dans son rêve ? Ses capacités de télépathe lui permettaient sans doute cette prouesse. Elle avait fait un cauchemar avant son arrivée. Quelque chose avait dû se produire pour motiver une telle intrusion.
Yukio manqua de sursauter en voyant la main du Professeur se poser sur son épaule. Il était là pour l'aider, comme toujours. Une présence rassurante à ses côtés pour affronter ce cauchemar et peut être même l'affronter. Une chance.
Se relevant en s'aidant de son bienfaiteur, la petite Licorne se réfugia instinctivement derrière une de ses épaules, dos à un mur, une partie de son visage émergeant. Quelques instants s'écoulèrent, puis soudain, la Gardienne apparut juste devant le duo, comme si elle s'était toujours trouvée là. Sa tenue était entièrement sombre et son visage assombri, laissant transparaître deux yeux blancs scintillants. Ayant un mouvement de recul, Yukio se cramponna à l'épaule du professeur. C'était elle, la Présence qui hantait ses cauchemars. Dans quelques instants, les portes du couloir allaient s'ouvrir et des monstres en jailliraient. Cependant, quelque-chose était différent cette fois-ci : son bienfaiteur présent allait lui prêter main-forte. " Professeur... c'est elle " affirma la petite Licorne d'une voix anormalement inquiète, n'osant croiser le regard de la Présence.
La Gardienne, le visage neutre, fixa tour à tour le duo. Cette fois la situation était différente. Yukio était accompagnée par quelqu'un qui voulait l'aider. Une porte devait être ouverte, impérativement, ou la prochaine s'ouvrirait de force, emportant tout sur son passage. Arrêtant son regard sur l'invité, la Gardienne pivota tout en levant la main, pour désigner de l'index la porte qu'elle réparait. C'était celle qui posait le plus de problèmes. Puis, son regard obliqua à nouveau, pour se planter dans celui de Yukio. Ses sourcils se froncèrent et son visage se fit menaçant lorsque la petite Licorne fit mine de reculer. La porte devait être ouverte.
Yukio était terrifiée. Pourquoi la Présence avait désigné une porte ? Reculant d'un pas, la Licorne frissonna de tout son corps en voyant le visage de son cauchemar devenir menaçant. Si cela continuait, les monstres allaient arriver. " Ne la laissez pas me faire du mal professeur... " se lamenta la mutante. Cherchant derrière elle la poignée de la porte de sa chambre, sa main rencontra le vide. Se risquant à jeter un coup d’œil, elle constata avec effroi que la porte avait disparu, tout comme le mur. Il n'y avait plus que l'obscurité. Puis soudain, deux yeux blancs irradiant émergèrent des ténèbres. La silhouette de la Présence se dessina, comme si elle s'était toujours trouvée là. Reculant brusquement, elle chercha à trouver les bras de son bienfaiteur.
La Gardienne, partiellement dissimulée dans les ténèbres désigna une nouvelle fois la porte. Son regard se planta dans celui de l'invité. Il avait affirmé être venu pour aider. S'il ne pouvait rien faire, il n'avait rien à faire ici.
La présence de Charles ne suffisait pas à apaiser la pauvre Yukio, mais elle la rassurait. Avec son aide, elle parvint à se remettre debout, et se plaça derrière le professeur comme une enfant apeurée se cacherait derrière son père. Il la sentit reculer et s'agripper à lui lorsque la Gardienne apparut de nouveau, ses yeux scintillant d'un blanc qui paraissait presque menaçant. C'était d'elle que Yukio avait peur ?
Le télépathe ne comprenait plus. La Gardienne n'était-elle pas là pour aider Yukio, pour la préserver du malheur, pour l'empêcher de souffrir ? Pourtant la jeune mutante craignait qu'elle ne lui fasse du mal. Il ne savait plus quoi penser. Cette présence commençait à l'inquiéter à son tour, non pour ce qu'elle pouvait représenter, mais parce qu'elle faisait écho à la présence qu'il avait perçue et éveillée dans l'esprit de Wanda quelques mois plus tôt. Il ne voulait pas commettre une seconde fois la même erreur.
Il ne voulait pas non plus se laisser trop influencer par ces mauvais souvenirs. Il devait se focaliser sur le présent, afin d'aider au mieux Yukio. Elle n'était pas Wanda. La situation était différente. Il peinait à la comprendre, mais il ne devait pas laisser ses propres craintes interférer. Il ne voulait pas non plus prendre parti pour l'une ou l'autre des Yukio présentes. Il se devait de rester neutre dans cette affaire. Il se concentra donc sur les actions des deux entités.
La Gardienne le fixait et désignait une porte, celle qu'elle réparait lorsqu'il était arrivé. Charles se retourna vers la Yukio qu'il connaissait, alors qu'elle se jetait dans ses bras, terrorisée. La porte de sa chambre n'était plus là. Le mur non plus. Tout baignait dans l'obscurité, à l'exception de la fameuse porte, que la Gardienne désignait toujours. Charles serra brièvement Yukio dans ses bras, avant de se défaire de son étreinte pour poser ses deux mains sur ses épaules et la fixer dans les yeux. Elle devait se concentrer sur lui, et non sur celle qui lui faisait si peur.
« Yukio regarde-moi. Ecoute-moi. Qu'y-a-t-il derrière cette porte ? »
Cette porte était la clé, de toute évidence. Mais il ne pouvait pas l'ouvrir pour elle, ni la sceller. Il se refusait à agir dans son esprit. C'était trop risqué. Il savait qu'il pouvait causer de terribles dégâts, bien malgré lui. Il pouvait néanmoins l'accompagner, l'aider à avancer sur le chemin que son subconscient lui indiquait.
Yukio - Charles Xavier “Les pires souffrances sont celles de l'esprit.”
Toutes les conditions étaient réunies. La porte devait être ouverte, coûte que coûte. Il était plus que temps que Yukio fasse enfin face à la réalité. Les murs tremblaient, les serrures cédaient. Ce n'était qu'une question de temps avant que tout s'effondre, emportant l'esprit de la Licorne avec. Telle une soupape de sécurité, des souvenirs devaient sortir.
La Gardienne observait le duo et surtout la Yukio qui refusait toujours d'agir, se réfugiant dans les bras de la Présence. Une recherche de soutien, de protection, pour échapper encore une fois au nécessaire. Pas cette fois, pas encore. Les cauchemars ne tarderaient pas à venir si besoin. Cependant, la prochaine crise risquerait bien d'être la dernière. C'était son choix... Sur le point de lâcher les "monstres" afin que le duo quitte les lieux, la Gardienne se ravisa, voyant enfin la Présence agir et poser une question, la question.
Yukio tremblait dans les bras de son bienfaiteur, sa présence était réconfortante mais ne suffisait pas à endiguer la panique qui l'envahissait. Toutefois, lorsque le Professeur la saisit par les épaules, la Licorne ne put qu'affronter son regard, un regard bienveillant, empli d'empathie. Se focalisant entièrement sur son bienfaiteur après un énième coup d’œil à la Gardienne menaçante, la mutante se figea en entendant la question. Cette porte, sans jamais l'avoir ouverte, elle savait parfaitement ce qui se trouvait derrière. Des choses horribles, de la peur, de la souffrance, la mort...
Le regard de la Licorne s’emplit d'un effroi profond. S'entourant lentement de ses bras tremblants pour se protéger, Yukio hocha très légèrement la tête de droite à gauche. Ouvrant la bouche à plusieurs reprises, des mots se perdirent avant d'avoir pu être prononcés. " J... c... n... n... non. Professeur... non... Je... J'ai pas envie... Ça fait mal. " Des larmes silencieuses commencèrent à couler en abondance sur ses joues. La Gardienne qui se trouvait derrière Yukio détourna le regard, son visage retrouvant sa neutralité. La porte commença à se rapprocher progressivement. " Je... je ne veux pas... " La porte en métal s'ouvrit en grinçant et son ouverture engloba le duo qui la traversa.
L’environnement avait changé. Le Professeur et Yukio se trouvaient désormais dans une boite de nuit bondée. Le personnel arborait des tenues dans le thème d'Alice au Pays des Merveilles et les clients dansaient, buvaient, riaient. Se détachant très légèrement des bras protecteurs de son bienfaiteur, la Licorne observa son souvenir se dérouler tel un hologramme ultra réaliste, tétanisée. A ses côtés au bar, une Elfine, Blink, des mots échangés, puis la piste de danse. Un moment de bonheur, d'échange et de partage. Le visage de Yukio s'adoucit, avant de se tendre à nouveau. " Non... " Une atmosphère suffocante, une tentative de fuite, des corps inertes, d'autres convulsant, puis une explosion, des gerbes de sang. Projetée à terre avec l'Elfine qu'elle soutenait, Yukio se vit se relever et tenter de sortir, avant de s'écrouler à nouveau par réflexe. Des tirs nourris, ramper pour sa vie et celle de l'Elfine, une blessure au bras. Puis, un réflexe de survie, une connexion à une prise électrique puis... " Non, arrête ! " Cria Yukio, écartant son bienfaiteur pour se jeter vers l'avant bras tendu, en vain. Un éclair plus tard, une mauvaise mutante pyrokinésiste s'effondra, sans vie. Un mal nécessaire ? Vraiment ? N'aurait-elle pas pu faire autrement ? " Professeur... je ne voulais pas... je... n'aurais pas dû. " se lamenta Yukio en se retournant vers Charles, des larmes sur les joues. La mort avait engendré la mort. Puis, un choc, violent, la projetant sur un mur. L'environnement s'assombrit, laissant le Professeur et la Licorne éclairé comme une poursuite de scène. Se trainant pour rejoindre son bienfaiteur, la mutante n'osa pas croiser son regard. " Professeur... je suis désolée... je n'aurais pas dû... j'ai mal agis. Je l'ai tué... " Yukio connaissait parfaitement les engagements de Charles
Puis, la lumière revint et l'environnement fut à nouveau discernable. La Yukio du souvenir se releva, le visage neutre, revêtit un vêtement à capuche et poursuivit son chemin. la Licorne se vit donc électrocuter à nouveau quelqu'un, puis un autre personne, enchainant ainsi les exécutions des vilains mutants. " Ce n'est pas moi... Ce n'est pas possible. " se lamenta à nouveau la mutante, essayant de prendre son bienfaiteur à témoins. Les images étaient dures, insoutenables. Aidé par une alliée de circonstance, la Yukio du souvenir acheva le dernier mauvais mutant, puis chercha à quitter la boite de nuits. Se retournant vers Charles, Yukio apparût totalement désorientée. " Professeur... qu'est ce qui m'est arrivé ? Pourquoi j'ai fais ça ? Comment j'ai pu faire ça ? " demanda-t-elle, implorante.
L’environnement autour d’eux devenait de plus en plus hostile. L’obscurité engloutissait le couloir, les murs tremblaient, le sol vibrait… L’esprit de Yukio vacillait. Elle tremblait, elle aussi, dans les bras de Charles. Mais elle devait affronter sa peur, affronter ce qui se trouvait derrière cette porte que tout indiquait. Elle en pleurait de terreur, la pauvre. Elle ne voulait pas franchir cette porte… Pourtant, il le faudrait bien. Le professeur gardait une main rassurante sur l’épaule de sa protégée, mais il l’enleva après qu'ils eurent été aspirés dans l’ouverture.
Le décor avait changé. Ils étaient à présent à l’intérieur du souvenir, et Charles comprit rapidement où ils se trouvaient… Le fameux nightclub que les Héritiers avaient attaqué, la nuit où Yukio s’y était rendue. Le télépathe n’avait pas eu à fouiller dans les esprits d’Héritiers ayant participé à cet assaut, il vivait donc la scène pour la première fois. Son visage s’assombrit de tristesse en voyant l’ouragan de terreur et de violence qui s’abattit sur le White Rabbit Hole. Lorsque la Yukio du présent hurla à la Yukio du passé d’arrêter et se jeta en avant vers elle, Charles la retint et tenta à nouveau de la rassurer.
« C’est un souvenir, tu ne peux rien y faire, et rien ne peut t’arriv... »
Il s’interrompit, sous le choc de voir Yukio tuer une des assaillantes avec l’un de ses éclairs. Oh. Il comprenait mieux en quoi ce souvenir était un traumatisme si fort. Elle n’avait pas seulement subi l’attaque, elle avait agi, elle avait ôté une vie. Ce n’étaient pas les Héritiers qui la terrorisaient, mais elle-même. Cette révélation le laissa immobile et sans voix durant quelques instants, jusqu’à ce que Yukio se fasse projeter par une force invisible, dans son propre esprit. La lumière changea, éclipsant le night-club, comme s’ils étaient soudainement sur une scène de théâtre. Elle se traîna au sol vers lui, qui tentait plutôt de décrypter la raison de ce changement de décor, mais déjà l’environnement du nightclub revenait autour d’eux.
Il était difficile de définir si la suite du souvenir était réelle, ou déformée, ou s’il s’agissait d’une projection de cauchemar. En tout cas la Yukio de cette vision était méconnaissable, dans son expression comme dans son attitude. Etait-ce une allégorie de ce qu’elle craignait de devenir, à présent qu’elle avait ôté la vie ? Ou avait-elle vraiment basculé cette nuit-là dans une forme de folie meurtrière, uniquement mue par un instinct de survie dévastateur ? La Gardienne pourrait peut-être lui répondre. Mais était-elle encore là ?
Charles prit la Yukio du présent par le bras et l’emmena loin de ce sinistre souvenir. Ils allaient en parler, mais pas sur place. Mieux valait se retrouver dans la neutralité du couloir, et potentiellement en présence de la Gardienne. S’ils restaient dans le souvenir, ils risquaient de le revivre encore et encore, et cela n’aiderait certainement pas Yukio à se sentir mieux. Une fois dans la sécurité, illusoire peut-être mais plus concrète, du couloir, le professeur se tourna de nouveau vers Yukio et plongea son regard dans le sien.
« Concentre-toi Yukio. Aide-moi à comprendre ce qu’il se passe ici. Aide-moi à distinguer le souvenir du cauchemar. J’ai besoin de savoir ce qu’il s’est réellement passé cette nuit-là. »
Son discours et sa réaction ne seraient pas les mêmes selon s’il s’agissait d’un dérapage unique pour défendre la vie des victimes de l’attentat, ou s’il était face à une tuerie en série volontaire via une forme encore non définie de trouble mental, potentiellement schizophrène. Mais il avait du mal à concevoir que Yukio, cette jeune femme si innocente et pleine de joie de vivre, ait pu être à l'origine d'une telle série de froides exécutions.
Yukio - Charles Xavier “Les pires souffrances sont celles de l'esprit.”
Sans la présence de Charles à ses côtés, Yukio n'aurait pas pu demeurer un seul instant dans ce souvenir. Ce dernier la soutenait, au sens figuré comme au sens propre. Mais cela allait-il durer après la scène qui s'était déroulée devant ses yeux ? Cette idée terrifiait la petite Licorne. Perdre le soutien du Directeur, perdre l'estime de son bienfaiteur ? Comment ferait-elle ? Où irait-elle ? Ayant essayée en vain d'arrêter la Yukio, la mutante avait trahi le regard de Charles. Elle avait tué.
Désorientée, la Licorne se laissa trainée par le bras et se retrouva à nouveau dans le couloir. Sous le choc, le regard fixé dans celui de son bienfaiteur, écoutant ses questions, Yukio demeura silencieuse et presque absente, jusqu'à ce que la voix monocorde de la Gardienne ne résonne pour Charles: " L'Enfer. " Apparaissant comme si elle avait toujours été présente, la silhouette de la Gardienne s'avança vers le duo, les vêtements et le visage toujours sombres. " Tout est réel, mais incomplet. " Tendant les mains vers la porte en acier, les paumes vers l'avant, la Gardienne la fit se refermer et réorganisa le couloir en quelques mouvements. Des portes défilèrent rapidement hormis la porte en acier et après un instant, une autre porte vint fusionner. Posant son regard sur la Présence, ses yeux obliquèrent pour désigner la porte. La porte se rouvrit et se rapprocha à nouveau du duo.
Voyant la porte se rapprocher à nouveau, Yukio sembla retrouver ses esprits et se figea de terreur. Cependant, quelques secondes plus tard, la Licorne s'apaisa. Derrière elle, invisible, l'entourant de ses bras protecteurs, la Gardienne. La porte enveloppa le trio et le souvenir recommença, beaucoup plus précis. Toutefois, la mutante sembla moins terrifiée cette fois-ci. Les mots échangés avec l'Elfine, les pas de danse, un véritable moment de bonheur pour la jeune femme. Puis autour, le chaos qui commença: des gens suffoquant, s'évanouissant pour ne plus jamais se réveiller ; la Yukio semblant recevoir une décharge la sortant de sa torpeur, lui permettant de soutenir l'Elfine ; un visage sur le chemin, celui d'une rousse aidant comme elle pouvait. " Je... Je voulais revenir l'aider. " se souvint Yukio. " Je voulais d'abord aider Blink. Je... Elle était jolie. " Le regard de la Gardienne obliqua vers la mutante et l'ombre d'un sourire sembla se dessiner très brièvement.
Près de l'issue de secours, une puissante détonation qui projeta la Yukio sur le sol, des gerbes de sangs la recouvrant " J'avais mal. Je... Il y avait du sang partout. " Le visage de la Licorne se déforma de tristesse. La Gardienne posa son menton sur une de ses épaules, dans un geste de réconfort. " Ils... ils sont morts, ils souffraient. J'aurais dû aussi... " Malgré tout, la Yukio s'était relevée avec l'Elfine. Puis à nouveau par réflexe, un plongeon pour échapper à la mort. Une douleur profonde dans le bras partiellement masquée par l'adrénaline. Mais encore une fois, la Yukio n'abandonnait pas l'Elfine, rampant en la tirant pour la mettre à l'abri. Puis un instant de calme, grâce au Tai-Chi. " J'ai compris à ce moment. On cherchait à nous tuer... tous. De l'intérieur et de l'extérieur. On voulait nous massacrer. " dit la Licorne le visage assombri. " Même les nôtres le voulait. Je... Je devais arrêter ça... je voulais... " Détournant brièvement le regard en se voyant se charger en électricité, Yukio le plongea ensuite dans celui de son bienfaiteur. " Je voulais survivre... je voulais qu'ils survivent tous, Professeur. " La Yukio à la peau devenue bleutée croisa sur le chemin des frères et sœurs enflammées par la pyrokinésiste, avant de tomber sous les balles. Imitant son souvenir, la Licorne pointa sa main en direction de la vilaine mutante. La neutraliser, puis un éclair en direction de la porte pour avertir les assaillants que quelqu'un était prêt à se battre, que tout vilain entrant par la porte serait aussi neutralisé. " Je voulais protéger... mais il y en avait d'autres. " La Yukio se retrouva projetée en arrière, au bord de l'évanouissement.
La Yukio se releva ensuite, comme si elle avait guéri en quelques secondes. " Je... je me souviens. Je me suis senti revigorée et j'avais... je savais qui étaient les vilains mutants et même leurs capacités. Comme si quelqu'un me soufflait à l'oreille. Ils voulaient tuer tout le monde, quitte à mourir aussi. " Aussitôt dit, la Licorne sembla absente, se mouvant vers l'avant en imitant son souvenir, quittant les bras de la Gardienne. " Ils devaient mourir pour que les autres soient sauvés. " expliqua cette dernière à Charles, avant de l'inviter d'un mouvement du visage à observer. " Sans haine, sans colère, juste par nécessité. Pour nous protéger. " reprit-elle en se portant à la hauteur de la Présence. " Qu'aurait-elle qu'aurais-je dû faire ? " La voix monocorde de la Gardienne et celle de Yukio s'étaient parfaitement entremêlées.
Retrouvant ses esprits, Yukio s'entoura avec ses bras en grimaçant, rapidement rejoint par la Gardienne qui l'enlaça à nouveau. Elle avait tué. Pour survivre, pour aider, mais elle avait tué. Son regard implorant interrogea son bienfaiteur, alors que le souvenir continua à se dérouler autour d'eux. Les deux derniers vilains mutants neutralisés, un brouillard enveloppa le club, réduisant la vision, mais ne couvrant pas le sifflement des balles ni les râles des blessés et mourants. Un brouillard de mort en Enfer.
La Gardienne réapparut, comme Charles l'avait espéré. Cette fois Yukio n'eut pas peur d'elle, elle accueillit son étreinte avec réconfort. Ainsi protégée, elle pouvait affronter le véritable souvenir que la Gardienne leur donnait à vivre. Charles, quant à lui, prit la main de Yukio dans la sienne. Elle ne devait pas penser qu'il cesserait d'être à ses côtés, qu'il cesserait de la soutenir. Ce n'était pas le cas.
Il observa le souvenir, le visage sombre et triste, tout en écoutant attentivement les mots de Yukio. Elle avait été confrontée à l'horreur dans sa version la plus absurde. Un flot de haine et de mort qui avait déferlé sur elle et sur tous les pauvres innocents présents dans le nightclub ce soir-là. Elle avait seulement voulu survivre, et protéger les autres...
Lorsque la Yukio du souvenir se releva, miraculeusement guérie, et que la Yukio observatrice expliqua ce qu'elle avait alors ressenti et perçu, les sourcils de Charles se froncèrent. Quelqu'un était intervenu. Quelqu'un l'avait soignée et l'avait guidée, lui expliquant quoi faire. Une présence invisible, mais ayant le pouvoir d'agir sur les esprits et sur les corps... Serait-ce possible que... Non, il était mort depuis longtemps... Ce devait être quelqu'un d'autre... Mais qui ?
Charles n'avait ni le temps ni les moyens de résoudre cette énigme pour le moment. La Gardienne se tourna vers lui pour résumer la situation. Le Professeur acquiesça gravement. Cette fois il ne tenta pas d'éloigner Yukio du souvenir, puisqu'ils y étaient retournés selon la volonté de la mutante. Les yeux tristes de Charles plongèrent dans le regard implorant de Yukio, et il répondit, non sans émotion :
« Tu as été confrontée à ce que l'Humanité peut produire de pire. Tu as tué, oui. Mais tu n'as pas mal agi. Tu as tué pour empêcher d'autres innocents de mourir. »
Un brouillard sinistre les enveloppa, sans pour autant couvrir les bruits de l'attaque, sans pour autant estomper les souffrances des victimes.
« Les attaques terroristes des Héritiers ont fait plus de quatre cents morts. Si tu n'avais pas agi, le bilan aurait été plus lourd encore. »
Charles était un idéaliste, mais il n'était pas naïf. S'il prônait la paix et la tolérance, il savait bien, malheureusement, qu'un monde de paix n'était pas entièrement possible. Il y aurait toujours des guerres, des victimes et des bourreaux. Dans cette histoire, Yukio était les deux à la fois. Et s'il était normal, et presque rassurant en un sens, qu'elle se reproche ce qu'elle avait fait, il faudrait qu'elle puisse se pardonner à elle-même. Pour cela, il fallait qu'elle puisse aller de l'avant.
« Tu as survécu à un attentat terroriste. Si tu n'avais pas agi, tu serais probablement morte, comme tous ces pauvres gens. Mais tu es encore en vie. Il ne tient qu'à toi de faire de cette vie un cadeau pour les autres, de leur faire bénéficier de ta bonne humeur et de ta gentillesse, de répandre la joie, la paix et l'amour autour de toi. »
Le télépathe leva une main pour faire apparaître une fenêtre derrière lui. Cette fenêtre s'ouvrait sur le parc de l'Institut. Sur la pelouse inondée d'un soleil chaleureux, des enfants et adolescents jouaient, riaient, discutaient joyeusement. Ils se sentaient en sécurité. C'était une vision que le professeur tenait à offrir à Yukio, une vision d'espoir. Malgré toutes les tragédies qui pouvaient les frapper, il persistait à croire en un avenir meilleur, et Yukio en faisait partie. Mieux encore, elle y contribuait.
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