Yukio - Charles Xavier “Les pires souffrances sont celles de l'esprit.”
Des ombres colorées dansantes. Une musique entrainante. Des regards échangés. Un désir de rencontres. Un désir d'amusement. Une heureuse rencontre. Une danse et puis... une décharge, salutaire. Un chaos ambiant. Une tentative de sauvetage. Une détonation. Du sang. Des corps qui s’effondrent. Une douleur aigüe...
Les yeux de Yukio s'ouvrirent brusquement. Le réveil était brutal. Trop brutal. Se redressant d'une traite, hébétée, la mutante s'appuya sur le bord de son lit et glissa, se retrouvant à moitié par terre. Agitant une main dans l'espoir d'accrocher l'interrupteur de la lampe de chevet, le corps se mouvait mais l'esprit demeurait confus. Ce dernier était encore en plein cauchemar. Depuis cette fameuse nuit d'horreur, la petite Licorne n'était plus tout à fait la même. Quelques jours à l’hôpital avait suffit à soigner ses blessures. Un bandage sur le bras porté une quinzaine de jours. Cependant, si les lésions physiques avaient été traitées, les lésions psychiques avaient échappés au moindre traitement. Le pragmatisme de la jeune femme avait joué contre elle. Son esprit protecteur avait une nouvelle fois dissimulé le traumatisme. Mais l'esprit rencontrait ses limites...
Le mouvement chaotique de la main rencontra finalement le fil de la lampe de chevet. Que la lumière soit et la lumière fut, donnant à la chambre une ambiance tamisée. S'écroulant entièrement sur la moquette, Yukio rampa et se recroquevilla sous son bureau, en pleine polypnée, les yeux exorbités. Entre deux mondes, l'esprit de la petite Licorne essaya de la ramener progressivement à la réalité.
De longues minutes, le silence de la nuit troublé par la respiration de la jeune femme s'apaisant enfin. Clignant des yeux à plusieurs reprises, secouant légèrement la tête, son visage s'adoucit. Son regard se promenant autour d'elle, la Licorne réalisa où elle se trouvait et risqua un œil à l'extérieur de son abri. Il n'y avait rien. Rien que sa chambre, parfaitement rangée, ses posters sur les murs vantant les mérites du Tai-Chi ou dévoilant quelques paysages idylliques zen. S'extirpant du bureau pour se lever, réajustant son short de nuit rose et son top licorne, la mutante jeta un coup d’œil à sa table de chevet. L'heure du crime était passée depuis un bon moment. Sans doute était-elle tombée du lit. Un cauchemar déjà oublié qui l'avait mené tout droit sous son bureau par instinct de protection. Rejoignant ses draps, Yukio tendit la main pour éteindre sa lampe de chevet.
Un contact. Du courant électrique. Le scintillement la lampe de chevet s'intensifia. Le regard perdu dans le vide, Yukio s'immobilisa. Des flammes. Le chaos. Des corps. De l'aide. Des affrontements funestes. Un brouillard impénétrable. Survivre, à tout prix. Une voix. Une guide. Un dernier effort. Un repos. Relâchant son emprise sur la lampe, la petite Licorne s'assit par terre, dos à son lit. Le soulagement. La sérénité. Brève. Tendant à nouveau la main en direction de la lampe, la jeune femme s'y relia avec plusieurs arcs électriques. Dans la cuisine de l'Institut, le micro-onde lança un programme de cuisson, la télévision du grand salon s'alluma, l’ascenseur du hall se mit en branle vers le sous sol, les milliers de petites ampoules s'illuminèrent comme un sapin de Noël, la radio de la salle d'étude commença à diffuser le Dies Irae de Mozart, tous les appareils électriques branchés s'animèrent.
Des flashs. Des sifflements. Des impacts. De l'énergie. Beaucoup. Trop. Une silhouette. Irradiante. Une divinité. Fulgora. Les arcs électriques reliant Yukio à la lampe s'intensifièrent brusquement. L'ampoule se mit à grésiller, sa lueur vacillant, comme toutes celles de l'Institut. Le micro-onde se mit à biper, changeant constamment de programme, le signal de la télévision du grand salon se brouilla, tout comme celui de la radio de la salle d'étude. L’ascenseur central hoqueta, s’immobilisant et reprenant sa descente par à-coups. Le chaos gagna chaque appareil électrique branché. Les cheveux roses de la mutante décolorèrent progressivement et sa peau se teinta de bleu. De la puissance. Beaucoup de puissance. Des petits arcs électriques commencèrent à jaillir de son corps, frappant au hasard. Trop de puissance. Une douleur. Terrible. Insoutenable. L'excès. Le châtiment. Le corps de la petite Licorne se raidit et son visage se déforma. Un cri. Yukio poussa un hurlement strident, puissant, abimant ses cordes vocales. La fin. Le contact avec la lampe de chevet se rompit d'un seul coup, faisant voler en éclat l'ampoule. Le trop plein d’électricité s'évacua d'un seul coup en plusieurs éclairs blancs qui percutèrent murs et fenêtres. La déflagration souffla les fenêtres, enfonça la porte, fit s'écrouler la petite bibliothèque et ravagea le lit et le bureau. Le tonnerre gronda, faisant trembler l'Institut. Puis, ce dernier fut replongé dans le noir et le silence. Le disjoncteur avait fait son office. Au sol, au milieu des ténèbres, gisait le corps inconscient de la petite Licorne, un filet de bave aux lèvres. Sa chambre était dévastée, sa tenue de nuit noircie par endroits. Le vent froid de la nuit s’immisçait doucement à l'intérieur de la pièce.
Niveau date, je place le RP dans la nuit du 19 au 20 octobre - donc on serait le dimanche matin très tôt - en espérant que cela te convienne. L'intervention PNJ des Cuckoos a été vue avec leur interprète.
Voyage en esprit tourmenté
Yukio et Charles
La traque des têtes pensantes des Héritiers touchait enfin à son terme. En secret, mais sous validation officielle du S.H.I.E.L.D., le télépathe Charles Xavier avait interrogé de nombreux membres de l'organisation terroriste, extrayant de leurs esprits les informations nécessaires à remonter peu à peu dans sa hiérarchie bien dissimulée. D'ici la fin du mois, la secte serait démantelée aux deux tiers. D'ici la fin de l'année, elle ne serait plus qu'un mauvais souvenir.
Les Héritiers avaient malheureusement eu l'occasion de faire des ravages, ils avaient laissé derrière eux beaucoup de morts et de nombreux traumatismes. Charles aurait aimé disposer de bien plus de temps pour pouvoir apporter un soutien psychologique aux victimes des attentats encore en vie. Il était loin de se douter, cependant, que l'une des personnes ayant le plus besoin de son aide se trouvait seulement à quelques mètres de lui.
Il fut réveillé par les trois lumières qui s'allumèrent subitement dans sa chambre : celle du plafonnier, celle de sa table de chevet et celle de la télévision dont le son se mit également en route. Puis les lumières se mirent à clignoter, tandis que l'image sur le téléviseur se brouillait. Ces dysfonctionnements électriques étaient nécessairement dus à une perte de contrôle mutante. Il songea en premier lieu à Ororo, qui venait tout juste de revenir à l'Institut… mais alors qu'il cherchait télépathiquement l'origine de ce chaos technologique, il perçut la détresse inattendue de la mutante la plus joyeuse de l'Institut - en apparence.
Yukio, celle qui semblait pourtant avoir un si bon contrôle de sa mutation, celle qui se montrait souriante et optimiste en toute circonstance, celle qui enseignait aux élèves des techniques pour conserver leur calme, était en train de perdre le sien. Charles écarta la couette qui recouvrait son corps enveloppé dans un pyjama en flanelle et entreprit de sortir de son lit, tout en gardant une partie de son esprit focalisée sur la professeur de méditation.
Le temps qu'il parvienne à s'extraire de son lit pour se mettre dans son fauteuil puis à l'actionner pour rouler jusqu'à la chambre de Yukio, celle-ci avait emmagasiné beaucoup d'électricité, ce qui se traduisait par la coloration bleutée de sa peau et la décoloration de ses cheveux roses. Puis le trop-plein d'électricité commença à ressortir de son corps, alors qu'elle poussait un cri strident qui acheva sans doute de réveiller les adultes qui dormaient à cet étage. Les éclairs emplirent la pièce, ravageant le mobilier, la fenêtre et la porte de la chambre.
Fort heureusement, cet incident se déroulait durant le weekend, ce qui limitait fortement le nombre de personnes présentes dans le manoir. Néanmoins, l'activation de tous les appareils électriques, de toutes les lumières, puis le fracas des déflagrations dans la chambre de Yukio avaient nécessairement réveillé tout le monde. Lorsque Charles arriva à proximité de la chambre, Hank était déjà prêt à entrer. Les sœurs Cuckoos s'y rendaient également, sous leur forme alternative, s'annonçant prêtes à intervenir. Charles s'écria alors :
« N'ENTREZ PAS ! Elle est en surcharge, vous risquez l'électrocution. »
La protection adamantine des Cuckoos pouvait probablement être efficace, de même qu'il était possible que la constitution du Fauve lui permette d'encaisser un choc électrique, mais Charles préférait ne prendre aucun risque. De plus, perturber un mutant alors qu'il était en pleine crise n'était pas conseillé.
Puis tout s'arrêta. Le manoir, qui venait de subir un pic bien involontaire d'activité électrique, fut plongé dans l'obscurité et le silence… durant quelques secondes, le temps que le générateur de secours prenne le relais. Quant à la pauvre Yukio, elle avait sombré dans l'inconscience, épuisée par cette perte de contrôle. Charles s'adressa de nouveau à Hank et aux trois sœurs, d'un ton plus calme, pour donner quelques instructions :
« Je m'occupe d'elle. Allez prendre soin des élèves, ils doivent se demander ce qu'il se passe. »
La crise était passée, tout danger était écarté pour le moment. Cependant, l'état de Yukio, autant physique que psychique, était préoccupant. Charles s'avança vers elle, glissa de son fauteuil pour pouvoir s'asseoir au sol auprès d'elle, puis tenta de la réveiller en l'appelant par son prénom et en lui secouant l'épaule en douceur. Si cela ne fonctionnait pas, il irait à la rencontre de son inconscient…
Yukio - Charles Xavier “Les pires souffrances sont celles de l'esprit.”
Les ténèbres. Le néant. Dans un sommeil sans rêve, l'être se rapprochait de ces entités et seul un battement sourd et régulier l'empêchait de s'y fondre. Mais cette-fois-ci, les battements étaient irréguliers et soudain, l'apparition de silhouettes blanches aux tailles différentes, irradiant surnaturellement puis s'estompant. Ce n'était pas la première fois que la petite Licorne vivait ce genre d'expérience. Ses crises, autrefois disparues, réapparaissaient dangereusement. Une perte de contrôle qui avait commencé lors de cette fameuse nuit au White Rabbit. Un traumatisme supplémentaire, comme tant d'autres de la vie de Yukio mais, qui risquait cette fois de ne pouvoir être contenu. Tout esprit avait ses limites.
Celui de la mutante s'était cloisonné, tel un large couloir aux multiples portes. Certaines étaient faites de bois, d'autres de métal. L'une d'entre elle était entièrement constitué de barreaux d'acier verticaux, comme les prisons d'antan. Une autre encore était entièrement transparente comme une partie du couloir l’enserrant. Une autre en bois clair était recouverte de licornes roses. Une autre en métal ressemblait à celle d'une cellule de prison carcérale avec un judas coulissant. Chacune d'elle refermait une part de l'esprit de la Licorne. Dans ce couloir, une silhouette, une Yukio aux cheveux mi-roses mi noirs chaque couleur se scindant parfaitement au milieu de son crâne. Ses vêtements ressemblaient à ceux que la Licorne avait l'habitude de porter, à l'exception qu'ils arboraient la même scission colorée. Cette dernière était occupée à réparer avec un chalumeau une porte en métal cabossée et parsemée de larges fissures.
Ressentant une présence, la Yukio s'immobilisa. Tournant la tête dans sa direction, elle dévoila son visage. Ce dernier était également scindé symétriquement en deux et affichait une neutralité absolue. Du côté rose, la jeune fille arborait un teint tout à fait habituel avec sa petite prunelle marron foncée. Du côté noir, le teint était comme obscurci par une ombre surnaturelle dont seule une prunelle blanche irradiante émergeait. Fixant la présence quelques instants, la détaillant de bas en haut, la Yukio se reconcentra finalement sur son travail. " Ne cassez-rien..." Prononça-t-elle d'une voix monocorde, laissant la présence errer à sa guise. Cette présence n'était pas hostile, la Yukio pouvait le ressentir. Demeurant silencieuse, elle reprit la parole quand la présence arriva à sa hauteur. " Certaines portes ne doivent pas être ouvertes... " A nouveau le silence. La présence avait été avertie. Il ne tenait qu'à elle de suivre cette dernière règle.
Yukio ne se réveillait pas. Elle devait être à bout de forces après la crise qu'elle venait de vivre. Une crise qui avait forcément été déclenchée par quelque chose. Un cauchemar ? Probablement, vu l'heure avancée de la nuit. Le télépathe savait à quel point les mauvais rêves des mutants pouvaient être intenses et potentiellement dangereux. Si Yukio était toujours plongée dans cet état inconscient nuisible, elle aurait besoin d'aide pour remonter à la surface. Charles s'aida de ses bras pour glisser sur le plancher afin de se positionner au niveau de la tête de la mutante, plaça ses mains sur les tempes de Yukio, puis inspira et expira lentement plusieurs fois avant de fermer les yeux.
Lorsqu'il les rouvrit, le décor avait changé. Son apparence également. Comme toujours lorsqu'il se projetait psychiquement, il paraissait quelques années de moins, avait encore de beaux cheveux bruns et se tenait debout. Il se trouvait dans un grand couloir, entouré de nombreuses portes faites de matières et de formes différentes. Yukio avait donc appris à organiser son palais mental, à structurer et ranger ses souvenirs, les cloisonnant derrière des portes, plus ou moins difficiles à ouvrir selon ce qu'elle avait besoin de voir ou de garder caché. C'était impressionnant à voir et la perspective d'explorer ce lieu si singulier passionnait le télépathe.
La gardienne du palais mental était affairée à réparer à grand renfort de chalumeau une porte en métal bien abîmée. Un souvenir traumatique avait dû s'échapper, provoquant la crise, et l'esprit de Yukio se chargeait de le renfermer. Cette projection de la mutante était basée sur un principe géométrique binaire, manichéen : un côté rose, avec un visage naturel, représentant probablement la joie et l'optimisme habituels de la mutante, et un côté noir, avec un visage plongé dans l'ombre, représentant sa part sombre que le professeur ne connaissait pas – pas encore.
Il s'approcha d'elle lentement, sans faire de bruit, ne souhaitant pas la déranger dans son ouvrage. Mais elle perçut bien évidemment sa présence et se figea, avant de se tourner vers lui. Il arrêta d'avancer et resta immobile alors qu'elle le détaillait de bas en haut, s'efforçant probablement de déterminer s'il était hostile ou non. Elle sembla l'accepter, même si elle lui donna un premier avertissement auquel il répondit :
« Je ne suis pas là pour casser, mais pour aider à réparer. »
Il reprit alors sa marche pour arriver jusqu'à elle et observer la porte qu'elle était en train de réparer. Il s'apprêtait à lui demander ce qui se trouvait derrière la porte lorsqu'elle reprit la parole, expliquant cette fois que certaines portes ne devaient pas être ouvertes. Cet avertissement fut parfaitement compris par le télépathe qui se souvenait parfaitement des drames qui étaient survenus lorsqu'il avait poussé trop loin certaines explorations télépathiques, réveillant des forces sombres et enfouies qui auraient dû le rester.
« Tu les garderas fermées à clé dans ce cas. Je ne forcerai pas les serrures. »
Il venait lui apporter son aide, mais il ne voulait la forcer en rien. Elle devait avant tout accepter de s'aider elle-même, il la laissait donc décisionnaire de ce qu'elle voudrait bien lui montrer. La laissant à sa tâche, il arpenta le couloir, commençant son exploration. Il avisa plusieurs portes avant de s'arrêter devant l'une d'entre elles, en forme de porte de prison. La symbolique était forte et ce n'était certainement pas un souvenir heureux qui y était enfermé. Néanmoins, la porte était dotée d'un judas coulissant, une invitation à observer. Charles s'en approcha donc et fit coulisser la petite plaque de métal pour regarder à l'intérieur...
Yukio - Charles Xavier “Les pires souffrances sont celles de l'esprit.”
La Yukio reçut les réponses de la Présence avec une impassibilité absolue, poursuivant méticuleusement sa tâche. Il était vital de combler les fissures, redresser les enfoncements. Il n'y avait malheureusement pas de portes plus solides, du moins, pas pour le moment. Il y avait déjà tant à faire pour maintenir la cohésion et l'ordre dans ce couloir. La Présence avait parlé d'aide pour réparer. La Présence en était-elle capable ? Laisser la Présence errer dans le couloir était une chose. Lui permettre de modifier les lieux en était une autre.
Terminant la réparation d'une large fissure, la Yukio se figea. Une porte avait été ouverte par son judas. Une porte très particulière, d'où s'échappait des sanglots. A travers l'orifice coulissant, une pièce, étroite, plongée dans l'obscurité, à peine éclairée par la lueur d'un clair de lune. Des murs en bétons, d'un gris glacial, tout comme l'atmosphère qui semblait y régner. Sur ces derniers, des centaines de photographies d'un homme et d'une femme, aux visages brouillés. Assise au fond de cette pièce, contre le mur, une petite silhouette, juvénile, drapée de vêtements blancs sales et déchirés. La tête enfouie entre ses genoux, eux-mêmes enserrés par ses bras amaigris, la silhouette sanglotait. Ses chevilles étaient cerclées de fer, reliées par une chaine. Ses poignets également, avec des chaines plus longues, reliées au mur. Enfin, à peine visible, un collier métallique enserrait son cou, également liée au mur. La jeune fille releva lentement la tête, affichant un visage émacié, marqué comme si les nombreuses larmes versées avaient creusé la peau sur leur passage des yeux jusqu'au menton. Plongeant un regard à la tristesse infinie dans celui de la Présence, la silhouette cessa de sangloter. Puis, réagissant au moindre stimulus, la jeune fille s'anima enfin. Se projetant brusquement vers l'avant, elle poussa un cri de désespoir qui fit trembler le couloir entier. Hurlant sa détresse, pleurant à chaudes larmes, complètement hystérique, la jeune fille tira de toutes ses forces sur ses chaines, en vain.
La Yukio apparu sur le flanc de la Présence, comme si elle avait toujours été là depuis l'ouverture du judas. " Certaines portes ne doivent pas être ouvertes... " Répéta-t-elle avec sa voix monocorde. Le judas se referma brusquement. Levant lentement un doigt, la Yukio désigna les contours de la porte d'acier. De ces derniers, des fissures étaient apparues et se résorbaient lentement. " d'autres ne doivent jamais être ouvertes... " Un coup puissant résonna, tout proche, suivi d'un sifflement strident. Leur origine provenait d'une porte voisine constituée de barreaux d'acier verticaux, sans poignée, sans serrure. Fixant la Présence de son regard neutre, la Yukio ne sembla pas réagir, avant de reprendre la parole " Vous ne risquerez rien avec celle-ci... " Continuant à fixer la présence quelques instants, elle le contourna pour aller poursuivre sa réparation de la précédente porte.
La symbolique de la prison ne s'arrêtait pas à la porte : l'intérieur de la pièce y ressemblait également. Les murs froids étaient tapissés de photographies d'un homme et d'une femme dont on ne distinguait pas les visages. Étaient-ce les parents de Yukio ? Ce lieu avait en tout cas un rapport à l'enfance, et un rapport qui était loin d'être joyeux. La petite fille en haillons pleurait, abandonnée seule dans le noir. Elle était enchaînée par les poignets, les chevilles et le cou. Lorsqu'elle posa un regard extrêmement triste sur Charles, celui-ci fut parcouru d'un frisson. Que signifiait cet endroit ? Il refusait de croire que c'était un souvenir réel, ce ne pouvait être qu'une métaphore... Il se rendit alors compte qu'en réalité, il ne connaissait que très peu de choses de la vie de Yukio.
Il sursauta lorsque la pauvre fillette prisonnière se rua vers l'avant, tirant sur ses chaînes en hurlant de désespoir. Il parvint cependant à se maîtriser et ne recula pas ni ne tenta d'ouvrir la porte. Il ne pouvait pas l'aider, pas si la gardienne le refusait. Celle-ci apparut d'ailleurs à ses côtés, répétant que certaines portes ne devaient pas être ouvertes. Charles acquiesça tristement et silencieusement, alors que le judas se refermait. L'ouverture de cette petite fenêtre avait fait apparaître des fissures, qui se résorbaient à présent que l'accès était fermé.
Il entendit alors un coup provenant de l'intérieur d'une salle voisine, ainsi qu'un sifflement qu'il ne parvint pas à identifier mais qui n'était pas agréable à entendre. La porte de cette salle ne comportait ni poignée ni serrure, pourtant la gardienne annonça qu'il n'y aurait aucun risque pour lui avec celle-ci. Le télépathe observa la gardienne quelques instants, mais elle était aussi fermée que les portes du couloir. Difficile de déterminer ce qu'elle pensait de sa présence ici. Comprenait-elle qu'il était là pour lui porter secours ? Se rendait-elle compte qu'elle n'allait pas bien ?
« Ce n'est pas pour moi que je m'inquiète... »
Comme elle se détournait de lui pour retourner à sa réparation, il observa la porte qu'elle lui avait indiquée. Elle ne pouvait pas être ouverte, mais elle était constituée de barreaux, il était donc peut-être possible de regarder au travers sans avoir à la toucher ? Il s'en approcha et tenta de percevoir ce qui se trouvait à l'intérieur. S'il ne pouvait rien voir, il tenterait d'ouvrir une autre porte, une qui n'aurait pas l'air dangereuse ou inhospitalière.
Yukio - Charles Xavier “Les pires souffrances sont celles de l'esprit.”
La Yukio avait rejoint la lourde porte métallique pour poursuivre les réparations. La présence était imprudente. Sa curiosité risquait de provoquer une catastrophe. Premier choix de porte, première alerte. Premier choix, premier traumatisme et non des moindres. Une orpheline, la perte de parents, un chagrin insoutenable, un désespoir invivable. La porte avait été conçu solide et le souvenir avait été enchainé. Pourtant, malgré toutes ces précautions, des fissures étaient tout de même apparues. Comment faire ? La sceller définitivement ? Tout comme la porte qu'elle réparait ? Impossible. Les matériaux allaient manquer. La Présence avait parlé d'aide. La Présence disait-elle vrai ? Un gros risque. Même si la Présence ressemblait à peu de choses près à un souvenir.
Des barreaux d'acier, larges, verticaux, un style emprunté aux cellules de prison de l'Ouest sauvage, de vieux films visionnés. Au son sein, une silhouette minuscule, d'un blanc éblouissant. Comme remontant un couloir infini, la silhouette se mit à grandir. Au fur et à mesure de son approche, un détail fut discernable. La silhouette semblait léviter au-dessus du sol. Après une petite minute, l'entièreté de la chose fut visible. Une nouvelle fois, il s'agissait de Yukio, irradiant comme une torche argentée. Ses yeux étaient blancs et son visage inexpressif. Des arcs électriques jaillissaient d'elle et certains vinrent percuter les barreaux de la cellule, occasionnant un sifflement électrique dérangeant. Une cage de Faraday. Infranchissable pour la créature qui s'y trouvait retenue. Fixant la Présence, Fulgora demeura immobile, inexpressive.
La Yukio, Gardienne des Lieux, apparue à nouveau aux côtés de la Présence, comme si elle avait toujours été là. " Vous ne risquez rien avec celle-ci. " Répéta-t-elle de sa voix monocorde. " Un écho éphémère. Surnaturel. Il s'estompera. " Affirma la Gardienne en jetant un regard en coin à la Présence avant d'observer à nouveau Fulgora. Yukio était devenue cette créature, malgré elle. Une puissance phénoménale, côtoyant le divin. Mais la Licorne n'était pas une déesse. Elle n'était que Yukio. " Vous avez dit vouloir aider à réparer... " Se tournant complètement vers la Présence, elle dissimula d'un geste lent la moitié clair de son visage avec sa main. Contournant la présence, s'arrêtant au niveau d'une porte en bois clair parsemée de licornes roses, la Gardienne demeura de profil et toqua de la même main. " Entrez ! " invita une voix joyeuse provenant de l'intérieur. Tournant la tête en direction de la Présence, la Gardienne présenta un visage désormais entièrement sombre, tout comme sa tenue. " Ne cassez rien. " Répéta la Gardienne avec un ton intransigeant cette fois, avant de s'en retourner à nouveau à la réparation de la fameuse porte métallique.
Derrière la porte en bois, une chambre, semblable à celle de l'Institut. La décoration était cependant plus importante, plus fantaisiste, rempli de posters et de peluches: un chat invitant au calme, une ponette duveteuse sur un arc en ciel, une imposante peluche licorne rose de presque un mètre sur le lit accompagnée d'autres licornes plus petites, un petit tableau d'inspiration Tai Chi et bien d'autres trésors. Assise à un bureau, un plaid blanc sur les épaules, une Yukio armée de lunettes grossissantes était affairée à faire de la soudure sur un petit circuit électrique. Remarquant la Présence, la Yukio rangea le fer à souder sur son support et releva ses lunettes. " Oh, bonjour professeur. Bienvenue. " dit-elle avec un sourire radieux.
A travers les barreaux de la cellule, le professeur ne vit tout d'abord qu'une petite forme de lumière. Comme il l'observait, s'intéressait à elle, la forme grandit, se précisant en une silhouette désormais humaine, prenant les traits de Yukio lorsqu'elle était en pleine crise. Ou bien au summum possible de sa puissance. Mais elle était enfermée, contenue entre ces barreaux. Trop de puissance, pas assez de contrôle, probablement. Un tel déferlement aurait été dangereux pour elle et pour les autres. La prison était en réalité une cage de Faraday.
La gardienne parla à nouveau à Charles, répétant qu'il ne risquait rien avec celle-ci. Elle la qualifia d'écho, à la fois éphémère et surnaturel. Il n'était pas certain de bien saisir ce qu'elle voulait dire, mais l'important était que cette manifestation de Yukio était sous contrôle. Ce n'était donc pas ce qu'il cherchait. Il se tourna vers la gardienne lorsqu'elle reprit ensuite ses propres paroles. Il acquiesça simplement d'un hochement de tête, lui adressant son habituel sourire bienveillant. Oui, il voulait l'aider, si elle acceptait son aide.
Son geste ne l'aida pas à la cerner. Pourquoi masquait-elle la part joyeuse de sa personnalité, celle que les gens connaissaient le mieux d'elle ? Pourquoi s'assombrissait-elle entièrement ? Lorsqu'elle toqua à la porte, le télépathe se maudit intérieurement de n'y avoir pas pensé lui-même : au lieu de tenter d'ouvrir les portes ou de voir à l'intérieur des différentes salles, il aurait dû simplement frapper avant, demander l'autorisation, comme l'impliquait la plus élémentaire marque de savoir-vivre ! C'était si évident qu'il n'y avait pas songé. En tout cas, la gardienne l'aidait. N'oubliant pas la politesse cette fois-ci, il lui dit avant qu'elle ne retourne une nouvelle fois à ses réparations :
« Merci. »
Puis, comme il avait reçu l'autorisation d'entrer, il actionna la poignée et ouvrit la porte. Cette fois, il reconnut parfaitement les lieux, puisqu'il s'agissait d'une des chambres de l'Institut. La chambre de Yukio, à l'évidence, bien qu'il n'y soit jamais entré depuis qu'elle s'y était installée - à part en ce moment de crise qu'elle venait de vivre, et il n'avait alors pas pris le temps de s'intéresser aux aménagements qu'elle avait faits. Elle avait personnalisé la pièce avec des éléments de décoration mignons et enfantins, un dessin de chaton astronaute proposant - ou ordonnant ? - de rester calme, un autre, assez simpliste et très coloré, représentant une sorte de lama sans cou chevauchant un arc-en-ciel, de nombreuses peluches de poneys colorés, le genre d'éléments que l'on aurait trouvés dans la chambre d'une petite fille. Il y avait également une peinture, au style plus adulte, faisant plutôt référence aux origines de Yukio.
Yukio, quant à elle, était assise à son bureau, occupée à travailler avec un fer à souder sur un petit circuit électrique. Occupée à réparer. Mais il surinterprétait peut-être. Comme elle interagissait avec lui, le reconnaissait et l'accueillait chaleureusement, il lui sourit à son tour et répondit :
« Bonjour Yukio. Merci. »
Il referma doucement la porte derrière lui pour qu'ils puissent être tranquilles, et pour ne pas risquer de déranger la gardienne durant ses réparations – même si en soi une porte fermée ne l'empêcherait probablement nullement d'apparaître à nouveau à ses côtés si elle en ressentait le besoin.
« Je suis désolé de venir te déranger alors que tu travailles. Je suis venu car je m'inquiète pour toi. »
Il ne voulait pas immédiatement lui poser des questions sur ce qui s'était passé « à la surface », préférant d'abord voir si elle en avait conscience, si elle comprenait les raisons de son inquiétude.
Yukio - Charles Xavier “Les pires souffrances sont celles de l'esprit.”
La Yukio avait souvent des visites dans sa chambre qui demeurait souvent ouverte, du moins lorsqu'elle s'y trouvait. Si elle avait accueilli quelques élèves curieux du lieu de vie de la Licorne de l'Institut ou bien intéressés par le Tai-Chi au delà des cours dispensés, ou encore de quelques collègues du corps professoral pour l'aider à s'intégrer et lui prodiguer de judicieux conseils, jamais encore elle n'avait reçu la visite du Maitre des lieux, le Professeur Charles Xavier. Coïncidence, c'était donc dans un rêve que cela allait se dérouler. Mais en était-ce vraiment un ? De même que les précédentes visites des élèves et des professeurs ?
Ravie de cette visite comme l'exprimait parfaitement son large sourire, Yukio voulut proposer un siège au professeur, avant de se souvenir qu'il n'y avait d'assise supplémentaire disponible, hormis son lit. " Asseyez-vous, je vous en prie professeur. " C'était étrange. Ce professeur Xavier ne ressemblait pas exactement au professeur qu'elle connaissait. Il semblait plus jeune, plus énergique et surtout, il se déplaçait debout. Réalisant ce détail, Yukio fut rassurée de ne pas avoir commis de maladresse dans sa proposition.
La suite du discours de son bienfaiteur l'intrigua un peu. Des inquiétudes, à son égard. Qu'est ce que cela pouvait-il bien être ? Avait-il eu des mauvais retours sur la dispensation de ses cours ? Peu probable. Beaucoup d'élèves étaient ravis d'y participer. Il n'y avait que quelques récalcitrants qui, s'ils ne montraient pas un grand enthousiasme, effectuaient tout de même les exercices. Sans parler du chocolat chaud qui mettait tout le monde d'accord. " Ce n'est qu'un peu de bricolage. Un élève m'a confié une tablette défectueuse et... " La petite Licorne sembla troublée un instant. Qui était donc cet élève ? Où se trouvait le reste de la tablette ? Un simple oubli, en conclue-t-elle. " Vous vous inquiétez pour moi professeur ? " Demanda-t-elle en penchant légèrement la tête sur le côté. " Je suis vraiment désolée de vous inquiéter. De quoi s'agit-il exactement ? Je vous avoue ne pas trouver ce qui pourrait vous inquiéter. Je suis très heureuse à l'Institut. Je me sens utile et suis très reconnaissante de la chance que vous m'avez donné. A moins que... " Yukio s'arrêta un moment, pensive. " Oui, c'est peut-être ça. Je m'entends bien avec les autres professeurs mais... je dois dire que Mademoiselle Raven m'intimide un peu. Elle a souvent l'air très sérieuse. J'ai cru comprendre que vous étiez assez proche tous les deux. Vous craignez que nous ne soyons pas en bons termes ? " Raven possédait un caractère fort, très fort, peut être trop fort pour la petite Licorne qui ne savait pas où se mettre en sa présence. Pourtant, cette dernière était gentille, très gentille, elle pouvait le sentir. Sans doute s'habituerait-elle avec le temps.
Dans le dos de Yukio se mit à se dessiner l'apparence spectrale de la Gardienne des lieux, le visage et la tenue entièrement sombres. Cette dernière posa son regard sur la Présence. Un regard neutre. Une de ses mains spectrale se posa imperceptiblement sur l'épaule de Yukio. Un geste d'affection. Malgré ses réparations, vitales, la Gardienne ne laissait jamais Yukio hors de sa vue.
Charles esquissa un sourire amusé lorsque Yukio lui proposa de s'asseoir : il n'était plus habitué à entendre cela, lui qui était d'ordinaire assis en permanence. Mais les plans psychiques lui permettaient de se défaire de ses contraintes physiques. Il serait bien resté debout, mais comme son interlocutrice était assise, il préférait se mettre à sa hauteur. Il accepta donc la proposition et s'assit sur le bord du lit.
Comme il le redoutait, la candide et enthousiaste Yukio n'avait pas conscience de ce qui se passait dans le monde réel. Avait-elle d'ailleurs seulement conscience qu'ils ne s'y trouvaient pas actuellement ? Quoi qu'il en soit, elle affirma être heureuse à l'Institut et se sentir utile, ce qui était vrai. Elle évoqua néanmoins Raven comme potentielle source d'inquiétude pour Charles, ce qui fit sourire celui-ci d'un air entendu et légèrement blasé : ce n'était pas la première fois qu'il entendait ce genre de discours.
« Raven est ma sœur de cœur, nous avons grandi ensemble. Elle est assez... disons, territoriale, elle a besoin de temps avant d'accorder sa confiance aux nouveaux venus. Surtout lorsque ce sont des femmes. Mais je ne m'inquiète pas pour cela. »
Le télépathe hésitait. Son cœur se serrait alors qu'il songeait à la dernière fois qu'il avait parcouru la psyché d'une mutante en détresse à la recherche d'un traumatisme enfoui. Les conséquences avaient été désastreuses. Il ne voulait pas revivre ça. L'apparition de la gardienne le rassura. Elle protégeait Yukio et pouvait le guider. Charles leva une main, tapotant sa tempe de son index pour indiquer à la gardienne qu'il allait s'adresser à elle seule, par télépathie.
« Comment puis-je l'aider ? Elle ne sait pas ce qui se passe. Dois-je lui en parler ? »
Il ne voulait pas agir sans son accord. Hors de question de tourmenter davantage Yukio et de risquer une nouvelle perte totale de contrôle... ou pire. L'épisode Willow était encore trop frais dans l'esprit du télépathe, il ne voulait surtout pas courir un risque similaire.
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