Et merde. Évidemment, il avait fallu que l'autre apprenne la mort du gamin. Pas d'bol. J'faisais mine de rien quand Rocket me regarda, genre, j'étais pas au courant. Sauf que maintenant, Rocket voulait absolument protéger ce type qui n'avait finalement que récolté c'qu'il avait semé. C'est vrai quoi, est-ce qu'on doit toujours sauver les types qui se sont eux-mêmes foutus dans la merde ? Moi quand ça m'arrive, j'dois m'démerder tout seul. Mais bon, Rocket veut jouer les gentil et y a un gros pactole à la clé, donc pourquoi pas ?

Sauf que clairement, ces deux-là n'avaient pas l'habitude des truands et autres tireurs embusqués. Et pour peu qu'y ait eu des micros dans sa maison, les types concernés savaient déjà qu'on était là. S'ils surveillaient déjà son appart, ce que je soupçonnais, il suffisait d'un tir bien placé pour le faire taire à jamais. Pas l'choix donc. Désolé vieux.

"Alors on n'a pas l'temps d'faire dans la finesse", dis-je en sortant mon arme et la pointant sur Ernesto. "J'préfère te prév'nir avant qu't'aie une mauvaise idée : primo, c'est pas ta porte qui arrêtera mon tir, deuzio, si ces tarés t'ont dans l'colimateur tu s'ras mort aussitôt qu't'auras r'joint ton salon. Et troizio, si tu nous suis on pourra t'sortir de là et t'mettre en sécurité."

J'allais pas préciser que la sécurité serait sûrement une cave quelconque ou tout abri que Rocket trouverait en dehors du Milano, mais déjà là, s'il était pas trop con, il éviterait de courir dans son salon. J'espérais juste que Rocket n'essaierai pas de m'empêcher d'agir, sinon on risquait de perdre notre seul contact.

HRP:

Ma méthode avait porté ses fruits, on pouvait entrer sans avoir à discuter des plombes. Mais la tension était là, bien présente. À cause de ça, Rocket et moi avions réagi d'un même mouvement en entendant des pas dans l'escalier. Quelques secondes s'écoulèrent où nous étions tous deux prêts à faire feu. Mais rien. Fausse alerte. Autant rester sur nos gardes malgré tout.

Ernesto savait visiblement déjà qu'il serait une cible facile s'il laissait la possibilité d'avoir un contact visuel depuis l'extérieur. Les stores baissés, même un bon sniper aurait du mal à viser. Bonne chose. Ce que je craignais à présent, c'était les micros, mais je n'avais pas de matos pour repérer des ondes qu'ils généreraient, ni le temps pour fouiller l'appart'. Tant pis. Si l'ennemi espionnait, il saurait ce qu'on savait. Ce qui n'était pas forcément une mauvaise nouvelle de mon point de vue.

Et nous voilà dans l'antre de l'enquêteur. J'suis sûr que cet endroit aurait claqué en noir et blanc, on se serait cru dans un film. Des photos, des coupures de journaux, d'autres docs, des notes et tout. Eh il se débrouillait pas trop mal, j'veux dire, pour un Terrien. Restait à savoir ce qu'il savait.

Pour être honnête, je n'avais pas vraiment attendu l'autorisation de qui que ce fut pour m'emparer de la tablette, même si c'était surtout l'ordinateur qui me faisait de l'oeil. Plus de mémoire = plus de données. Mais la diplomatie de Rocket nous épargnerait peut-être le temps de piratage en obtenant simplement le mot de passe. Je reposais donc la tablette, toujours une arme en main mais pointée vers le sol, et regardait notre loustic pour qu'il entre son mot de passe, ce que j'espérais qu'il ferait sans tarder, histoire que je puisse fouiller là dedans tout en lui posant des questions sur ce qu'il savait.

Y avait masse d'infos dans c't'ordi, tout ce qu'il fallait pour notre petite enquête. Ce mec était clairement pas mauvais. Dommage qu'il ait été assez mauvais pour se faire prendre. Restait à savoir pourquoi des types armés jusqu'aux dents feraient des graffitis en mode chronométré. Pour la nana, jamais vue, mais j'allais pouvoir me servir de cette photo comme base de recherche. Idem pour l'emblème sur la chevalière. Et la chevalière elle-même, parce que quelqu'un avait bien du les fondre pour qu'il y en ait autant.

Autrement dit, on avait affaire à une sorte d'organisation de l'ombre. Et ses activités ne se limitaient sûrement pas à des graffitis de rue. Par contre, j'avais du mal à saisir le rapport entre lesdites activités et les graffitis. D'autant que ces types butait quiconque enquêtait sur les graffitis justement. Ils voulaient être vus ou pas ? J'arrivais pas à me décider sur leur nature : génies ou débiles ? Ouais, avec les terriens, je préférais pas en attendre trop de leur part, ça m'éviterait d'être déçu.

Mais on n'eût pas tellement le temps d'approfondir : déjà les types en question entraient en force dans l'appartement... avec un PUTAIN de lance-flammes ! Mais merde quoi ! Moi j'me fais arrêter dès que j'ai un canif en poche, et ces types arrivent à se balader avec toute cette artillerie sans que personne ne porte plainte ? C'est... c'est... ah c'est pas différent du reste de la galaxie en fait. Bon, tant pis.

Bon par contre, le problème avec un lance-flammes, c'est qu'il suffisait d'une flambée pour tout cramer. Rocket était plutôt tombé juste en parlant de feu de joie. Restait à s'assurer que le combustible, ce soit pas nous. J'arrachais la clé USB de son port et la fourrai dans ma poche, tout en préparant mon blaster de l'autre. Ces types avaient des armes capables de percer du béton, autant dire qu'aucun abri ne pouvait mettre notre informateur en sécurité. Mais pour moi, c'était pas un problème.

Vous savez le problème qu'on beaucoup d'armes puissantes ? Le recul. Ça te nique la visée à un point assez handicapant face à une adversaire rapide. Tout ce qu'il faut, c'est éviter le premier tir, le reste, c'est du velours. Et ce fut exactement ce que je fis : ventre à terre, je courais en suivant une trajectoire ondulatoire pour éviter les premiers tirs. Difficile de toucher quelqu'un de petit, pas vrai ? Je me jetai sur la cheville du premier qui eut la joie de sentir mes dents pénétrer sa cheville, tandis que je pifai un tir de blaster sur son copain le plus proche. Je tâchais de garder un œil sur le lance-flamme : si ces gars se foutaient de la vie de leurs potes, le combat serait bien plus difficile.

Je restais pas là bien longtemps : avec Rocket qui me couvrait, ces types seraient bien trop occupés à se défendre pour se rendre compte que je lâchais une de mes grenades fumigènes sur le sol, qui ne tarda pas à plonger toute la trop petite pièce dans une vraie purée de poids. Moi, j'avais ma visière infrarouge allumée, donc pas difficile de savoir où étaient nos assaillants. Je filais immédiatement vers le type au lance-flammes, qui ne tarderait probablement pas à envoyer la purée. Après une lourde morsure au mollet (ouais c'est ma touche personnelle, j'ai de très bonne dents), je grimpais sur son dos pour atteindre le tuyau qui reliait le réservoir dans son dos à son arme, et le coupait net avec un canif. Avec ça, il ne tirerait pas grand chose. Par contre tout le sol commençait à se couvrir d'essence. Oups.

Rocket avait pris le relais sur le flammeur, que j'avais promptement quitté avant d'avoir de l'essence sur le pelage. Et vu les cris que j'entendais peu après, heureusement. Ça allait bientôt sentir le cochon grillé par ici. Ce qui me faisais pensé que j'avais pas coupé les lanières de son réservoir dorsal. Voilà qui promettait un joli feu d'artifice !

Et ça ne tarda pas d'ailleurs : à peine Rocket était-il revenu parmi nous qu'un bruit assourdissant nous vint du couloir, faisant trembler les murs, tomber les meubles et faire décoller le plâtre du plafond. D'ailleurs, un de ces morceaux tomba sur un des types s'effondra aussi sec. Quant aux autres, ils venaient de perdre près de la moitié de leurs effectifs à cause de deux boules de poil survitaminées, autant dire que leur moral en prenait un coup.

Je vis un tir laser me frôler, venant de derrière moi. Par réflexe, j'esquivais et me retournais, prêt à tirer sur mon agresseur. Je retenais mon geste juste à temps pour ne pas flinguer bêtement notre informateur qui, visiblement, n'avait pas appris à viser !

"Vise plus haut la prochaine fois, minus !"

J'avais tout sauf envie de me prendre un tir allié dans le dos. Heureusement, ce moment d'inattention ne m'avait pas coûté trop cher : j'avais juste raté le moment de flottement du à la surprise de l'ennemi. C'était pas le cas de Rocket, qui avait continué de les avoiner copieusement.

Pas question d'être en reste, je préparais mon blaster et me relançais dans la mêlée. Pourquoi je ne gardais pas mes distances ? Deux raisons : la première, c'est que quand on utilise du gros calibre, on est plus à l'aise avec une certaine distance de la cible, donc je ne voulais pas leur laisser cet avantage. La seconde ? Le meilleur moyen de ne pas rater une cible, c'est de tirer à bout portant.

À nouveau zigazagant dans les chevilles de l'ennemi et mordant férocement tout ce qui était à portée, je tirais dès que j'étais assez prêt en roulant sur le dos pour ne rien perdre de ma vitesse. Une roulade, un estropié. Une esquive, un tir dans les parties. Petite escalade sur le dos d'un autre, et paf ! Tir en pleine tête. Il l'avait même pas senti venir celui-là ! C'était plus un avantage qu'on avait là, on les dégommait comme du tir au pigeon !

Soudainement, une grande gerbe de flammes enveloppa toute l'entrée de l'appartement : le feu avait fini par rejoindre la flaque d'essence. Bientôt, tout l'appartement serait en feu, il devenait urgent d'en finir.

"Rocket, achève les tiens", criai-je en tirant un coup de blaster dans le flanc du mien, "'faut qu'on décroche !"

Un second tir de blaster dans le torse du type que j'affrontais l'acheva une bonne fois pour toutes. Il était temps de partir. Je fauchais la chevalière du gars, ainsi que son fusil et un chargeur de munitions. Ça allait servir. Après ça, je fonçais vers la fenêtre qui donnait sur l'escalier de secours et l'ouvrait.

"Magne-toi", beuglai-je à Ernesto qui chancelait, "Si tu veux sauver ta peau, c'est le moment ou jamais !"