Infirmerie de l'Institut - 10 juillet dans la soirée
Onze jours étaient passés depuis la dernière visite de la Sorcière Sombre. Onze jours durant lesquels le professeur avait été plus actif que jamais. Le manoir n'avait jamais été aussi bien rangé, son bureau n'avait jamais été aussi ordonné. Il avait besoin de constamment s'occuper le corps et l'esprit, afin de tenir le coup tout en prenant son mal en patience : les choses avançaient, mais pas assez vite à son goût.
Grâce à la visite diplomatique de Raven, Clint Barton avait enfin recontacté Charles et l'Avenger était même venu à l'Institut pour construire un plan d'action. Faire entendre raison à la Sorcière Sombre était la priorité. Tous les problèmes de Charles venaient d'elle. S'il parvenait à la sauver, elle pourrait réparer le mal qu'elle avait causé à Jean et à Lynda.
Lynda… Si Charles n'avait écouté que son cœur, il aurait consacré tout son temps libre à veiller sur elle. Il venait la voir tous les matins, lui faisait sa toilette puis tonifiait son corps par des exercices musculaires et des massages, comme le médecin lui avait montré. Chaque soir, il lui rendait visite après le dîner pour lui parler longuement, lui raconter sa journée.
« J'ai rencontré les sœurs Cuckoos cet après-midi. Les pauvres ont eu une enfance très particulière. Elles m'ont fait vivre une expérience psychique très intense… J'espère pouvoir les aider. »
Il n'était pas du tout certain que Lynda puisse l'entendre, mais comme il était impossible de le savoir, autant agir comme si c'était possible. De plus, il s'était rendu compte que faire le point à voix haute sur ce qu'il avait vécu et ressenti dans la journée lui permettait de mieux réfléchir et de prendre du recul sur beaucoup de choses. Il se livrait à cœur ouvert à sa belle endormie, comme l'on aurait pu se confier dans le cadre d'une psychanalyse.
Il était donc en train de narrer son excursion dans l'esprit de Céleste lorsque la porte de l'infirmerie s'ouvrit. Il leva la tête, s'attendant à voir Azael, et se figea lorsqu'il réalisa qui lui faisait face. Une expression de surprise se fixa sur son visage, les yeux écarquillés, brillant d'émotions, les sourcils haussés et la bouche entrouverte, avant qu'il ne parvienne à simplement prononcer d'un ton à la fois perplexe et soucieux :
« Jean ? »
Codage par Never Utopia
Dernière édition par Charles Xavier le Mar 13 Sep 2022 - 22:27, édité 1 fois
« La famille, c'est l'Amour. C'est tout ce qui compte. » Lyne Ménard
LE 10 JUILLET EN FIN D'APRÈS-MIDI AVEC CHARLES XAVIER ET LYNDA MAC TAGGERT
Son corps, frêle enveloppe recouverte d’une peau tiraillée par les hématomes et les écorchures, avait été le théâtre silencieux de sa douleur dissimulée mais, à présent que les rideaux s’étaient levés, elle apparaissait enfin dans tout l’horreur de sa condition torturée ; sur le devant de la scène, face aux autres, elle était amaigrie, le teint terne, les os dévoilés, les yeux cernés.
Elle avait longtemps porté une ombre. Elle en était devenue une.
Et l’après-midi avait été éprouvante pour la jeune mutante qui, reprenant sa pleine conscience grâce à ceux qui étaient venus la chercher, était revenue à l’Institut en fin de journée. Elle était de retour chez elle, mais l’appréhension qu’elle éprouvait ne témoignait d’aucun soulagement ; elle redoutait ardemment le regard des autres, le fait d’être davantage considérée comme un monstre, comme quelqu’un de dangereux et… elle craignait de voir son mentor qui n’était pas venu la chercher. Peut-être ne voulait-il plus la voir après ce qu’il s’était passé… Sur le chemin du retour, elle avait échangé quelques regards et sourires avec Raven, mais elle n’avait prononcé aucun mot, elle n’avait posé aucune question à son sujet.
Ils furent rapidement à l’Institut mais, pressée de rejoindre sa chambre et de s’y calfeutrer pour un long moment, Jean avait marché d’un pas lent jusqu’à l’intérieur du manoir, en repliant ses bras contre son buste et en baissant les yeux, en même temps que le menton. Elle évitait soigneusement le regard des autres, et occultait totalement leurs pensées : elle ne voulait pas savoir ce qu’ils se disaient, elle se flagellait suffisamment pour se passer des insultes des autres. Ainsi impatiente de s’enfermer dans sa chambre, Jean n’avait pu échapper à la vigilance de Raven et Scott, qui lui demandaient de faire un tour à l’infirmerie pour soigner les quelques plaies qu’elle portait encore, craignant peut-être qu’elles ne s’infectent. Essayant d’abord de négocier, promettant et jurant d’y aller le lendemain sans faute, Jean avait fini par céder : traînant le pas jusqu’à l’infirmerie, recroquevillée sur elle-même, les manches de son gilet tirées et agrippées par ses doigts écorchés, elle avait légèrement reniflé en poussant la porte de l’infirmerie, s’attendant à tomber sur la douce Azael mais…
Charles.
Difficile de dire qui était le plus surpris des deux, mais ils restèrent un court instant à se regarder, les yeux brillants d’une émotion encore vive mais muette. Difficile de se parler après tout ce qu’il s’était passé… Jean, un peu paniquée, prise de court, la gorge étranglée et le souffle éteint, avait détourné les yeux la première pour les baisser sur ses chaussures, resserrant davantage plus son étreinte autour de son corps, comme pour se protéger d’un éventuel rejet et pour consolider les fragments de son être qui tenaient encore debout. Mal à l’aise, gênée et quelque peu honteuse d'être là, de débarquer ainsi, Jean avait un instant hésité à faire demi-tour mais elle était finalement restée, rassurée de savoir que Charles ne pourrait pas lire ses pensées pour y découvrir toutes les horreurs qu’elle avait pu penser à son sujet. Se contentant donc de faire seulement quelques pas pour se mettre sur le côté, elle avait à peine réagi lorsqu’il avait prononcé son prénom, sans animosité ni colère, presque comme si elle ne s'était pas reconnue dans cette appellation. Elle aurait pu l’entendre comme une main tendue, peut-être même comme un soulagement mais, elle avait plutôt songé qu’il valait mieux ne pas lui répondre, pour ne pas attiser de potentielles questions de sa part. Pas maintenant. Pas ce soir. Pas comme ça. Ils auraient tout le temps de parler, plus tard peut-être.
Relevant finalement les yeux vers la silhouette immobile qui était allongée au centre de la pièce et à laquelle Charles semblait tenir compagnie, Jean s'était rapprochée de celle-ci d’un unique pas sans pour autant la reconnaître encore. Après quelques secondes d'hésitation et de mutisme, la rousse avait enfin fait entendre sa voix dans un faible écho, qui traduisait toute la fatigue et tout le désarroi qui écrasait ses épaules décharnées en cet instant :
« Qu’est-ce qui lui est arrivé ? »
@AIWENORE Le Phoenix parle en #cc6633
THE FIRE FINDS A HOME IN ME ᭸ clipped wings, I was a broken thing, had a voice but I could not sing. there's a scream inside that we are frightened,we hold on so tight, we cannot deny, eats us alive, oh it eats us alive. there's a scream inside that we are frightened, I’ll shout it out like a bird set free.
Jean… Était-ce encore une apparition onirique ? Bien des fois au cours des dix dernières nuits il avait rêvé de son retour. Ce n'était plus alors la Jean douce et bienveillante qu'il avait élevée, mais un monstre de puissance et de rage, qui ravageait tout sur son passage et que personne ne pouvait arrêter… Qu'en était-il aujourd'hui ? Pourquoi se présentait-elle à lui ?
Elle ne prononça pas un mot. Le teint livide, le visage amaigri, les traits tirés, de nombreux bleus et éraflures visibles sur sa peau blanche, elle semblait avoir vécu l'enfer. Elle avait fermé son esprit, ce que Charles comprenait sans peine, il ne chercha donc pas à forcer l'entrée. Il percevait ses émotions néanmoins : de la gêne, de la honte même ; une panique se muant en malaise. Elle ne s'était à l'évidence pas attendue à le trouver ici. Mais c'était bien Jean, sa Jean, qui lui faisait face.
« Tu es revenue… »
Il aurait aimé ajouter que c'était une bonne chose, il aurait voulu lui souhaiter un bon retour chez elle. Mais il sentait qu'elle n'était pas dans le bon état d'esprit pour accueillir favorablement ses marques d'affection. Elle fuyait son regard, elle gardait la bouche close. En fin de compte, elle posa les yeux sur Lynda et fit un pas symbolique vers elle, et donc vers lui. Charles restait immobile, n'osant pas faire un mouvement de peur de la brusquer, comme un oiseau sauvage qui s'envolerait au moindre geste.
Lorsqu'enfin elle prit la parole, ce fut d'une voix faible, peu assurée. Charles haussa les sourcils, prenant quelques instants avant de répondre. Il baissa son regard sur sa compagne, le visage triste et intrigué. Jean ne se souvenait pas de ce qui s'était passé avec Lynda… Ces onze derniers jours n'étaient-ils pour elle qu'un brouillard sombre ? Il n'osait pas poser la question. Il avait pourtant tant à lui dire, tant à lui demander… Il se fit violence. Ce n'était pas le bon moment.
« La Sorcière Sombre l'a plongée dans une stase psychique. Elle a forgé un bouclier télépathique qui m'empêche spécifiquement de pénétrer l'esprit de Lynda… Je veille sur elle depuis ton départ, mais je ne peux rien faire de plus pour le moment. »
Oui, c'était un aveu de faiblesse. "Je ne peux rien faire"... Il détestait prononcer ce genre de phrase. Mais son image de père idéal avait déjà été brisée. Il avait suffisamment menti à Jean. Elle était assez grande, assez mature à présent, pour se rendre compte que Charles n'était pas parfait. Même si c'était difficile à admettre, pour lui.
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Effleurant les contours de sa silhouette assise, mimant d’observer ses baskets troués qui foulaient le sol de l’infirmerie, Jean avait lancé une oeillade méfiante en direction de Charles, comme si elle craignait ardemment de subir sa colère et sa déception ; car elle devait être une déception pour lui, une affreuse et douloureuse déception.
Elle l’entendit parler, mais ne répondit rien. Triturant nerveusement la laine de son pull en tirant sur ses manches pour camoufler ses mains en piteux état, Jean avait un instant fixé un point invisible devant elle, quelques mèches rousses et emmêlées entravant sa vue, avant qu’elle ne daigne faire un pas en avant pour se rapprocher de la belle endormie. Elle lui était familière, elle savait qu’elle l’avait déjà vu auparavant mais quelques secondes furent nécessaires pour qu’elle puisse reconnaître celle ayant sauvé Kath’ d’une mort certaine… Se replonger dans ses souvenirs avait engendré un vertige douloureux et, un instant, elle sentit sa vue se brouiller à cause des larmes. Ayant une douleur lancinante au milieu du front, elle avait crispé ses épaules vers l’intérieur tout en apportant l’une de ses mains contre sa tempe, appliquant sa paume contre celle-ci comme si cela pouvait la soulager… Sa tête était tellement lourde. Elle avait besoin de dormir, mais elle savait par avance que son repos n’en serait pas totalement un. Alors, elle avait plutôt demandé pourquoi la brune était allongée et inconsciente, en reprenant une position presque naturelle, bien que repliée sur elle-même et courbée vers l’avant.
La Sorcière Sombre… Elle aurait dû s’en douter. Ses sourcils se froncèrent alors, songeant que la fameuse Lynda était présente dans le bureau de Charles lorsque…
« Elle est dans cet état depuis dix jours ? »
Demanda-t-elle d’un ton inquiet en tournant enfin ses yeux fatigués vers Charles pour lui demander une réponse, visiblement soucieuse de l’état de Lynda. La Sorcière Sombre était extrêmement puissante, alors même si Charles ne pouvait rien faire… Nous le pouvons. Non ! Ses paupières se fermèrent à nouveau, et elle avait un instant tordu sa nuque sur le côté tout en inspirant légèrement par le nez, comme si elle essayait d’éviter qu’Il prenne davantage de place. Et pourtant… Elle savait qu’il disait vrai.
Après quelques secondes d’hésitation, durant lesquelles elle avait mollement déposa sa main près du visage de Lynda, elle avait finalement tourné son menton vers Charles, n’était pas totalement sûre qu’il allait accepter son aide après tous ces événements :
« Est-ce que… Je peux essayer... ? »
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Elle avait beau fermer son esprit, Charles percevait sa détresse. Il vit ses yeux s'embuer de larmes, sans qu'elle ne s'autorise à les laisser couler. Il la vit porter la main à sa tempe, comme soudainement prise d'une migraine qu'elle voulait chasser. Il voyait aussi qu'elle s'efforçait de cacher son état, en vain. Il ignorait ce qu'elle avait subi durant son absence, mais les hypothèses qu'il se formulait depuis onze jours n'étaient pas optimistes. A présent, Jean était devant lui, elle souffrait, et il avait l'impression, cette horrible impression, qu'il ne pouvait pas l'aider. Que quoi qu'il dise, elle refuserait de l'écouter.
Alors il fit semblant, lui aussi.
Elle sembla s'inquiéter du sort de Lynda. La pauvre femme était-elle dans cet état depuis dix jours ? Charles acquiesça gravement, en silence, en posant de nouveau son regard clair, teinté de tristesse, sur sa compagne. Il songea alors qu'il n'avait pas eu l'occasion de véritablement présenter Lynda à ses proches, à ses collègues, à ses élèves. La rumeur de sa liaison avec une médecin mutante avait rapidement circulée dans l'Institut, mais il n'avait encore rien officialisé.
« Elle ne souffre pas. Physiquement en tout cas, tout va bien. Je pense que c'est… comme une sorte de coma. »
Il l'espérait, tout du moins. Pourtant il avait déjà cru voir Lynda tressaillir dans son sommeil forcé, il avait cru percevoir parfois des froncements de sourcils, des crispations de ses mains. Mais il ne pouvait avoir aucune certitude, l'accès à son esprit lui étant interdit. Il ne pouvait que garder espoir et tenter de se convaincre qu'elle était paisiblement endormie. Afin de ne pas s'effondrer mentalement, il rejetait toute autre hypothèse.
Lorsque Jean lui demanda, soucieuse et hésitante, si elle pouvait essayer de réveiller Lynda, Charles ferma les yeux quelques instants. C'était bien évidemment son vœu le plus cher. Mais sa volonté ne devait pas dicter sa conduite et prendre le pas sur son devoir. Jean était devant lui, elle souffrait, et il devait faire quelque chose pour l'aider. Il avait promis de prendre soin d'elle, depuis des années, et ces derniers jours il avait échoué à tenir cette promesse. Lorsqu'il rouvrit les yeux, ce fut donc pour poser sur Jean un regard inquiet et compatissant.
« C'est gentil mais… Tu sembles si exténuée… Jean, est-ce que ça va ? »
Non, bien sûr que non, ça n'allait pas. Si elle refusait de répondre, il n'insisterait pas. Mais il devait essayer. Faire semblant que tout allait bien était au-dessus de ses forces.
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La peine était lourde, mais pas autant que la culpabilité qu’elle portait. Se sentant presque comme une étrangère dans la maison où elle avait grandi, Jean était accablée d’un malaise terrible, qui la rendait maladroite et frêle : elle ne bougeait presque pas, osant à peine lever les yeux de ses chaussures pour rencontrer le visage de Charles, comme si quelque chose s’était brisée entre eux. Le faux mensonge, révélé dans son ignominie, avait laissé des traces sur la relation qui liait le père adoptif et l’orpheline, et aucun des deux ne semblait savoir comment renouer le lien à présent.
Il était bien plus facile de faire semblant que d’avouer être dépassé(e) par les évènements et les émotions contradictoires, alors tous deux mimèrent une normalité exiguë, à laquelle personne n’était dupe. De même, Jean avait, inconsciemment ou non, rapidement entamé une discussion à propos de la jeune femme endormie, qui lui causait bien des inquiétudes. Elle apprit donc, de la bouche de Charles, qu’elle était bien dans cet état neurasthénique depuis une dizaine de jours mais que, fort heureusement, elle n’en souffrait pas. La tristesse et la peine éprouvée par Charles firent bien évidemment tiquer Jean qui, avec curiosité, avec légèrement plissé ses sourcils avant d’arquer l’un de ses sourcils… Il semblait tenir à elle. Beaucoup.
Elle ne répondit rien, le regard posé sur le visage de la brune, inexpressive. Son altruisme la poussait à vouloir agir, mais les forces lui manquaient ; peut-être pas autant qu’elle le pensait, mais elle redoutait ardemment de perdre le contrôle encore une fois et de laisser place à celle qui ne voulait surtout pas remettre un pied à l’Institut, dans le nid de celui qu’elle considérait être son bourreau.
« Je… » Le Phœnix ne voulait pas qu’elle parle, il ne voulait pas qu’elle renoue avec Charles ; il se sentait trahi. Un vertige barrant son front, elle avait raclé sa gorge en frottant ses tempes à l’aide de ses doigts, avant de reprendre la parole, répondant à la question du professeur avec une voix presque éteinte : « Je vais bien. »
Non. Pas vraiment. Mais personne ne peut rien faire. Personne ne peut m’aider.
Mais peut-être pouvait-elle aider les autres ? Échangeant un regard avec Charles, n’osant pas encore se pencher mentalement au-dessus de Lynda pour tenter de l’extraire de son sommeil forcé, elle avait repris la parole en lui murmurant, confiante et déterminée : « Je me sens capable d’essayer. »Fais-moi confiance, si tu le peux encore. Immobile, ses yeux azurés plongés dans les siens, elle attendait que son mentor lui donne son autorisation, sans quoi, elle ne ferait rien.
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Le verdict tomba. La réponse à laquelle, malheureusement, Charles s'était attendu. Un mensonge, qu'elle cherchait à peine à dissimuler. Rien que le geste qu'elle avait fait avant de prononcer ces mots la discréditait complètement. Soit elle ne souhaitait pas l'inquiéter, ce qui était noble mais illusoire, soit elle ne voulait pas de son aide, pour la première fois depuis qu'ils se connaissaient. Douloureuse sensation. Il hocha la tête, à contrecœur.
Qu'elle demande à aider Lynda, en revanche, apportait à Charles un certain soulagement. Le voile psychique qui enveloppait l'esprit de Lynda ne pouvait être soulevé par le professeur, mais un autre télépathe pouvait sans doute le retirer. Il pourrait ensuite aller la libérer, tout comme il avait libéré Raven. Il ne s'attendait pas à ce que ce soit simple. Ca ne l'avait pas été pour sa sœur. Qu'importe. S'il avait l'opportunité de la sauver, il devait la saisir. Pour elle, pour Jessy, pour lui.
Mais ne vaudrait-il pas mieux demander de l'aide aux sœurs Cuckoos, plutôt que de laisser Jean essayer ? Son état physique était préoccupant, mais il l'inquiétait moins que son état psychique. Les barrières protectrices érigées dans son enfance avaient volé en éclats, détruites par la Sorcière Sombre. Une force sauvage, puissante, dévastatrice, grondait en la jeune mutante et menaçait de la submerger à chaque instant. C'était bien trop risqué.
Mais d'un autre côté… Jean n'avait plus onze ans. Elle n'était plus la fillette apeurée que Charles avait recueillie. Elle était devenue une jeune femme, elle avait vaincu le plus ancien des mutants, elle avait plus de ressources qu'elle ne le pensait et qu'il ne l'admettait. S'il ne laissait pas l'oiseau quitter son nid, elle ne pourrait jamais prendre son envol. Si elle lui disait qu'elle se sentait capable d'essayer, alors il devait se faire violence et la laisser faire.
Après quelques longues secondes de profonde réflexion, de monologue intérieur dont il ne laissa rien paraître, le professeur donna enfin sa réponse.
« Très bien. Tu peux essayer. Il faut en priorité briser le bouclier psychique, afin que je puisse te rejoindre. »
Il ne la laisserait pas seule dans l'esprit de Lynda. Ce n'était pas une question de confiance, mais de responsabilité. Lynda était sa compagne, elle était dans cet état par sa faute - indirectement, certes, mais la culpabilité était bien présente - c'était donc à lui de la sauver.
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Dans une retenue partagée pour sauver les apparences, ou pour préserver les vestiges d’une relation durement amochée par les derniers évènements, tous deux acceptent les faux-semblants de l’autre sans chercher à creuser une vérité qu’on devine douloureuse, peut-être honteuse et même tortueuse. Sous le voile du mensonge accepté, rendu complice par un hochement de tête de la part du plus âgé, le silence, cette fois, est salvateur. Mais sans oser affronter son regard, Jean l’observe du coin de l’oeil, réalise combien il a changé depuis leur première rencontre, car les années et la fatigue ont toutes deux creusées des sillons sur son visage et dans ses yeux ternes, mais elle se réconforte, s’emmitoufle et s’enveloppe, dans l’idée chaleureuse qu’il est toujours, et indéniablement, le père dont elle a été privée, celui qu’elle admire et qu’elle aime toujours autant. Un homme certes imparfait, dont la bonté d’âme ne peut être remise en cause malgré les mauvais choix, et qui l’a accueillie chez lui sans jamais rien lui demander en retour durant toutes ces années ; un élan de compassion se distingue en son coeur, signe d’une renaissance apaisée entre les deux, car elle devine la douleur qu’il éprouve à voir Lynda dans un état aussi tragique, impuissant face à son immobilité. C’est pourquoi elle propose son aide une première fois, essuie son refus, son hésitation et son inquiétude, puis parvient à le convaincre de la laisser essayer, au moins. À ses consignes, elle hoche son menton de haut en bas une seule fois puis se retourne vers le corps immobile, tranquille, qui se soulève paisiblement sous le fil d’une respiration maintenue et rassurante, qui perdure malgré l’inertie du corps en sommeil, se prépare mentalement à concentrer ses forces pour secourir une autre que soi, pour secourir Charles, pour secourir toutes les personnes qui attendent son éveil. « Ça va bien se passer. » En contournant le lit pour se placer au niveau de son crâne, Jean essaye de le rassurer et de se rassurer ; une fine respiration est aspirée par ses poumons tandis qu’elle lance un dernier regard à Charles avant de positionner chacun de ses index contre les tempes de Lynda, plongeant alors dans le lac noir de son esprit cimenté pour tenter de la ramener à la surface. Le plongeon vers l’inconnu, la mer est opaque, silencieuse et profonde, et les yeux de la jeune mutante s’embrasent alors d’une auréole dorée tandis qu’elle se fige sur un point invisible devant elle ; il va lui falloir briser le bouclier psychique, mais pour l'heure, intruse dans un esprit cadenassé, elle attend de découvrir ce qui l'attend...
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Lynda Mac Taggert Protecteur
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"Mieux vaut une prison de rêves qu'une liberté remplie de cauchemars." Vladimir Arsène
Tel le voile du passé douloureux, Lynda était prisonnière d’une boucle dont elle n’avait aucun contrôle et dont elle n’avait même pas conscience. Vivant et revivant toujours et encore le même souvenir triste et douloureux que l’on pourrait qualifier de pire cauchemar.
Un esprit endormi dans une boule de cristal aux teintes argentées volant au grès d’une respiration lente qui aurait pu se vouloir sereine, tel était le visuel de la prison mentale forgée par la sorcière sombre durant l’attaque au manoir du 29 juin 2024. Prison constituée dans la peur et le tourment pour finalement ne pas éclater au contact de l’être aimé. Nous étions loin des contes de fées ou par un baiser, le sommeil n’était plus. Ici le sommeil était fait pour durer, pour tourner dans une boucle infinie afin de faire souffrir de façon permanente un mutant qu’il fallait à tout prix écarter de sa tâche.
La sorcière néanmoins n’avait pas réalisé une telle action dans un but purement vengeur. Non, elle voulait également faire mal, faire remonter des souvenirs, des peurs, des cauchemars profondément enfouies dans l’esprit de la mutante. Pourtant une flamme arriva dans l’esprit, prenant progressivement l’apparence d’une femme. Telle une véritable Phoenix, la fille spirituelle du Professeur venait de percer la carapace d’ombre forgée par la sorcière. Entourée d’ombres et de filets noirs et gris, la boule de cristal étincelait, appelant à l’aide silencieusement. Mais étaient-ils prêts à entrer dans cet esprit qui se voulait apaisé et qui pourtant était profondément meurtri ?
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LE 10 JUILLET EN FIN D'APRÈS-MIDI AVEC CHARLES XAVIER ET LYNDA MAC TAGGERT
Véritable silhouette constituée de flammes scintillantes, le Phoenix était apparu dans l’esprit de Lynda en faisant reculer les ombres qui s’y étaient propagées sous la main de Dark Wanda ; comme une encre noire diluée dans l’eau, l’obscurité avait fondu sous sa lumière dorée jusqu’à se dissiper à son approche, terrassé par l’énergie psychique qui accompagnait cette présence de feu. Au milieu du Brasier et de l’Ombre, la prison en cristal s’était alors dévoilée. « Lynda ? » Elle l’avait appelée, mais seul un faible écho lui avait répondu, sans conviction aucune qu’il s’agissait bien de la belle mutante. N’ayant plus de peau, étant seulement constitué du Feu animant ses veines aux embrasures brillantes, le Phoenix avait ouvert les yeux pour contempler l’esprit barricadé de la brune ; des lueurs argentées semblèrent appeler son instinct, et Jean s’en était approchée avec méfiance, tout d’abord, redoutant un piège laissé par la Sorcière Sombre. Lynda était-elle réellement à l’intérieur de cette sphère de cristal ? À la surface, le visage de Jean s’était légèrement penché sur le côté tandis qu’elle avait froncé ses sourcils, semblant hésiter sur ses actions ; dans l’esprit d’Angel, le Phoenix avait concentré ses forces et son énergie sur la prison d’ivoire, les mains rivées auprès de celle-ci. Le sortilège de la Sorcière étant particulièrement puissant, quelques secondes furent nécessaires pour que la première fissure apparaisse à la surface de la Sphère retenant prisonnière la belle médecin, jusqu’à ce que la prison vole en éclats, produisant comme une onde de choc dans l’esprit de Lynda. « Charles. Viens. » Elle avait lancé l’appel télépathique d’une voix soufflée dans un murmure éparse, d’une voix qui traduisait une nervosité certaine. Quelque chose clochait encore, mais Jean n’arrivait pas à savoir quoi… Sous l’apparence du Phoenix, elle attendait que son mentor la rejoigne dans l’esprit de sa belle, car quelque chose lui disait que Lynda n’était pas encore totalement libérée…
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