Remy fut ravi que Kath' réplique avec humour à sa propre révélation. Ils avaient tous deux bien besoin d'un peu de légèreté, après ce qu'ils venaient de se confier mutuellement. Plusieurs réparties amusantes lui vinrent à l'esprit, et il pouffa du nez avec un beau sourire tandis qu'il sélectionnait celle qu'il allait lui servir. Il laissa finalement de côté Frère Tuck et le whisky et se concentra sur le surnom de Robin Hood.
« Tu peux, après tout dans le milieu on me surnomme le Prince des Voleurs... »
Il avait choisi l'honnêteté en fin de compte, avec un soupçon de vantardise. Ce surnom lui plaisait beaucoup, à vrai dire il se l'était lui-même octroyé. Le petit orphelin qui errait dans les rues de la Nouvelle Orléans était bien loin à présent. Il était aujourd'hui à la tête d'une belle Guilde des Voleurs qu'il avait lui-même fondée, ayant sous sa protection pas mal de personnes douées dans leurs domaines, qui le respectaient, l'admiraient, l'aidaient à se sentir bien dans la voie qu'il avait choisi d'emprunter. Même s'il avait toujours été destiné à être un voleur, il était content d'avoir réussi à l'être envers et contre tout, surtout dans une grande ville comme New York.
Alors qu'il recouvrait peu à peu la vue, il perçut la silhouette féminine de son hôte s'approcher de lui, si bien que son visage était assez proche du sien. L'idée d'en profiter pour l'embrasser lui traversa bien évidemment l'esprit, mais il la chassa bien vite. Ce n'était pas le moment idéal pour cela, et il était quasiment certain de n'y gagner qu'une bonne gifle. Surtout qu'elle semblait s'inquiéter sincèrement pour lui, aussi s'empressa-t-il de répondre, un sourire rassurant aux lèvres :
« Oui, ça va, ils sont en train de se régénérer. »
L'avertissement de Kath' lui fit hausser un sourcil intrigué et changer son sourire rassurant en une mimique curieuse. Il n'eut pas à attendre longtemps pour comprendre ce qu'elle voulait dire : enfin ses yeux reprirent une teinte parfaitement humaine et les images floues qu'il percevait se précisèrent, comme s'il faisait la mise au point sur un appareil photo. Ce fut le visage de la pyromancienne qu'il vit en premier... et la surprise se lut immédiatement sur son visage.
« Heeey, mais je te connais ! Enfin je t'ai déjà vue, il y a deux mois, tu te battais dans une rue du Bronx contre ce tueur à gages, le « Boogeyman's killer » ! »
A la façon dont il mima les guillemets pour accentuer le nom du tueur en question, il était évident que Remy ne le portait pas dans son cœur.
« Je croyais que cet imbécile était censé ne s'attaquer qu'aux criminels... »
Ce n'était pas un soupçon dirigé contre Kath' qui perçait dans sa voix, mais bien du mépris pour le tueur en carton qui ne respectait même pas ses propres principes. Car pour Remy, il était évident que la jeune mutante n'était pas une tueuse. Une marginale, à l'évidence, une bagarreuse, probablement, mais pas une meurtrière. En observant le tableau de chasse sur le mur du squat, qui ne parut d'ailleurs pas l'étonner plus que cela, un lien se fit dans l'esprit du Prince qui ajouta alors, la mine plus sérieuse que jamais :
« C'est lui que tu traques ? »
Sous-entendu « C'est lui qui a tué tes proches ? » Car si tel était le cas, Remy pouvait potentiellement aider Kath'. Il savait où vivait ce sale type et ne se priverait pas de le révéler.
L’ambiance se détend, au moins un peu, et cela me fait du bien, malgré la balle, malgré la peur, et tout cela. Dans le Bronx, chaque moment de douceur est à prendre. Alors on rit, on plaisante, et je ne peux m’empêcher de me dire qu’il a un joli sourire. Pas besoin de lui dire, je me doute qu’il sait, qu’il en joue même. C’est un séducteur, dans sa manière de faire, de dire, de jouer … oui il l’est comme je pouvais l’être parfois à Londres. « Tu peux, après tout dans le milieu on me surnomme le Prince des Voleurs... »
Le Prince des voleurs… il me semble avoir déjà entendu cela, peut-être au détour d’une conversation. Est-ce lui ou quelqu’un d’autre ? Cela me dit quelque chose, réellement. Je me renseignerai plus tard, dans les jours à venir, probablement. Enfin peut-être, si j’en avais le temps. -Et bien, si en plus j’ai un membre de la royauté dans mon humble demeure, cela me touche et m’attriste à la fois de n’avoir que ce mauvais whisky à offrir.
Je couvre ma tristesse derrière ça et la fait passer au second plan quand je sens qu’il … retrouve la vue. La manière dont il fixe autour de lui n’est plus la même. Je m’approche, comme pour mieux voir et qu’il puisse mieux me voir. Et il confirme mes dires, ce qui fait venir un petit sourire sur mon visage. « Oui, ça va, ils sont en train de se régénérer. »
Ouf, je n’aurais pas brûlé à vie les yeux de quelqu’un au final… Mais du coup, je préfère le prévenir qu’il n’est pas dans un … cottage mais plutôt à ce qui ressemble à l’antre d’un privé ou d’un tueur en série, selon de quel côté on se pose… Pourvu qu’il appelle pas les flics. Mais non, ça a l’air d’aller même si l’expression qu’il a en me voyant me surprends visiblement autant que lui. « Heeey, mais je te connais ! Enfin je t'ai déjà vue, il y a deux mois, tu te battais dans une rue du Bronx contre ce tueur à gages, le « Boogeyman's killer » ! »
Là … j’avoue que je mets quelques instants à comprendre de quoi il parlait. Enfin à déjà comprendre la phrase. Mais qui dit il parlait ? Où est-ce que je me battais ? Y a deux mois, dans le Bronx. Le Boogeyman's killer … « Je croyais que cet imbécile était censé ne s'attaquer qu'aux criminels... »
De quoi …? Il y a deux mois … Non, il pensait pas à Luke quand même ?!
-Tu m’as vu ? Je l’ai vu que deux fois lui, une soirée au Sister’s Margaret et …
Le jours de mon arrivée ici. Lorsque j’ai passé le portail et j’ai fini ici pas si loin d’ici, blessée et perdue. J’ai failli me battre contre lui à ce moment-là. Mais qu’est-ce que Remy a bien pu voir, vraiment ? Alors que je réfléchis, lui observe mon mur, les photos, les articles, tout cela. Je ne m’en rends même pas compte, cherchant comment lui expliquer : « C'est lui que tu traques ? »
Lui ? Mon regard va du mur au Prince des voleurs, et enfin, j’arrive à murmurer :
-Non, lui … enfin si on parle du même, c’est celui qui m’a trouvé le jours où je suis arrivé ici. Nat… Nathaniel m’a téléporté de Londres jusqu’à New York pour me mettre à l’abri et c’est lui qui m’a trouvé, dans la rue alors que je ne comprenais même pas ce qu’il m’arrivait et …
Doucement, je m’approche du mur, et je pose la main sur un fil, du bout des doigts. -Il pleuvait cette nuit-là, et je ne voyais presque rien, que du sang…
Ses mots, plus des pensées dites à voix hautes que des mots véritablement pour lui, je les prononce avant de me reprendre et lui dire :
-Enfin non, ce n’est pas lui, dans un sens, à ce … Boogeyman, je dois en partie ma vie. Celui, enfin ceux que je traque, je pense qu’ils sont encore là-bas, en Angleterre…
Je lui montre un dessin, pas si bien fait, d’un homme masqué, Un arc à la main. Je ne suis pas la plus douée dans cet art mais souvent, mes dessins ont permis de retrouver des gens sur lesquels on enquêtait. -Lui, c’est lui que j’ai trouvé au milieu du massacre. C’est lui qui …
Lentement, je retire ma mitaine et montre la marque, ce trou dans la paume de ma main qui reste et me rappelle sans cesse cette nuit.
-Lui a tenté de me tuer, et qui a tué sous mes yeux notre …chef.
Ma voix s’éteint et meurt dans ma gorge alors que je remets assez vite l’accessoire sur ma main, comme pour faire passer l’émotion, passer les images qui m'assaillent, passer de la flèche qui transperce le cœur de Nathaniel. -Mais je ne pense pas qu’il soit tout seul. Et je ne pense pas que ça va s’arrêter là. Je sens … non je sais que ce n’est pas fini. C’était trop élaboré pour un seul homme, nous étions bien trop pour lui seul, et la plupart s’ils n’étaient combattants, étaient des mutants. L’Archer n’aurait pas pu s’en sortir seul, il n'aurait pas pu tous les tuer...
Je tourne la tête vers la bouteille, avec la sale envie de reprendre un verre. Sauf que si mon esprit peut se noyer dans l’alcool pour tenter d’oublier, mes problèmes eux reviendraient. Ses saloperies savent nager et sont particulièrement violentes au réveil d’une cuite. Alors, je reviens vers lui, qui doit sacrément se demander dans quel asile de fou il est tombé.
Elle sembla tout aussi surprise que lui. Forcément, s'il l'avait vue cette nuit-là, l'inverse n'était pas possible. Elle sembla même mettre un moment à comprendre de quoi il parlait, mais finit par faire le rapprochement avec la nuit de son arrivée, comme elle l'expliqua. Remy nota la mention du Sister Margaret's, encore une preuve que la demoiselle n'était pas toute blanche.
« Je vous ai vus de loin, depuis la fenêtre d'un appartement quelques mètres plus haut. Connaissant le bonhomme, et comme tu étais tout feu tout flammes, j'avais pensé qu'il voulait te tuer. »
Il fut surpris d'apprendre qu'à l'inverse, le tueur à gages lui avait plutôt sauvé la vie. Remy écouta les explications de Kath', la mine toujours aussi sérieuse, la suivant du regard tandis que celui de la mutante se perdait dans de sombres souvenirs. Il se leva, laissant son sac sous la table, pour se rapprocher doucement d'elle lorsqu'elle lui montra le dessin d'un homme avec un masque de V pour Vendetta et un arc. Le voleur hocha négativement la tête pour signaler qu'il n'avait jamais vu ce type et la laissa poursuivre son récit. Il sentait qu'elle avait besoin de se confier.
Son histoire était terrible. Elle en portait les stigmates physiques, mais surtout moraux. Elle devait faire de sacrés cauchemars, la pauvre… S'il éprouvait naturellement de la compassion pour elle, il se sentait en même temps un peu gêné, car il ne voyait pas vraiment ce qu'il pouvait faire pour elle. Si l'on aurait pu penser qu'elle était en sécurité, puisque les salopards qui avaient tué tous ses proches étaient en Angleterre, à voir le tableau de chasse sur le mur du squat, il était évident qu'elle ne comptait pas rester ici les bras croisés. Mais il ne pouvait rien y faire, à part l'écouter et compatir à son malheur.
« Des mutants qui tuent d'autres mutants… Mais dans quel monde on vit… »
A présent qu'il pouvait bien l'observer, il se rendait compte d'autre chose : elle était sacrément jolie. Des formes ravissantes, soulignées par une tenue à la fois punk et sexy, des lèvres charnues, de beaux cheveux, un regard magnifique, bien que triste… Oui, c'était une très belle jeune femme, en plus d'avoir un caractère bien trempé qui lui plaisait bien, et ce petit accent si craquant… Il éprouvait en la contemplant une once de culpabilité, non pas parce qu'il la trouvait belle, mais parce qu'il songea que les mots qu'il allait prononcer n'étaient sans doute pas ceux qu'elle attendait. Il hocha de nouveau négativement la tête, avec un sourire triste, et répondit, désolé :
« Ecoute je… Je suis désolé mais je peux pas vraiment t'aider. Tu dois t'en douter, je suis pas du genre chevalier servant à combattre les méchants avec ma cape, mon bouclier et mes super-pouvoirs… »
Elle ne lui avait rien demandé, certes, mais il se sentait obligé d'être franc et de ne pas lui apporter de faux espoirs. Son histoire était touchante, mais elle ne le concernait pas. Il n'était pas un héros, clairement pas. Il devait déjà veiller sur toute sa petite troupe, et sur lui-même, ce qui n'était pas une mince affaire. Mais la jolie mutante l'avait accueilli, s'était confiée à lui, et en un sens il se sentait redevable. Il reprit alors, avec beaucoup de douceur dans la voix :
« Tout ce que je peux te proposer, c'est de t'apporter un peu de réconfort. La nuit est déjà bien avancée et je serai parti avant l'aube, comme promis. Il est fort probable qu'on ne se revoit jamais. Mais pour le moment on est là, toi et moi, et je pense qu'on a tous les deux bien besoin d'un peu de tendresse et de chaleur humaine. »
Il n'osait pas bouger, ne voulant pas l'effrayer, ou qu'elle se sente forcée à faire quoi que ce soit qu'elle n'aurait pas envie de faire. Il se montrait parfaitement honnête - décidément c'était une sale habitude qu'il prenait avec elle - et expliquait son point de vue en toute simplicité : un beau jeune homme, une belle jeune femme, qui pouvaient partager un moment intime pour oublier leurs malheurs, ne serait-ce qu'une heure. Si, et uniquement si, elle le désirait également.
Les coïncidences sont parfois … très étranges. Lui m’avait déjà vu, le jour de mon arrivée…
« Je vous ai vus de loin, depuis la fenêtre d'un appartement quelques mètres plus haut. Connaissant le bonhomme, et comme tu étais tout feu tout flammes, j'avais pensé qu'il voulait te tuer. »
Quelles étaient les chances ? Si minuscules. Je ne sais si c’est le monde, le destin, le karma mais tout cela est décidément … bien étrange, bien mystérieux et tout aussi fascinant presque. Mais je ne sais si c’est à cause de cela, mais je lui montre les vrais ennemis. Luke est peut être dangereux mais je le vois plutôt comme un … idiot qu’un vrai danger. En tout cas là maintenant. Et pour appuyer mes propos, je me rapproche des murs, de mes crimes board. L'un de mes doigts suit un fil rouge jusqu’à un dessin, une silhouette que je reconnaîtrais entre mille si ce n’est un million. L’archer. Remy est derrière moi, je l’ai vu s’approcher. Il ne le connait pas. Et il m’écoute, simplement. S’il était de mes ennemis, j’aurais signé mon arrêt de mort. Mais non, il m’écoute Et je vide mon sac. Il n’est qu’un visiteur, un passant dans ma vie. Je l’ai déjà… croisé mais ce n’est pas comme Samuel ou Charles ou même Jean… Non pas que je veuille le mettre en danger, mais c’est différent avec lui.
« Des mutants qui tuent d'autres mutants… Mais dans quel monde on vit… »
Très vite, je remets ma mitaine et ramène ma main contre moi, un instant. Je respire profondément et essaye de faire passer la vague d’émotion que cela m’a amené d’y repenser. Mais en même temps, étrangement, cela m’a amené un certain soulagement de lui en parler. Peut-être le fait que ce soit partagé, que désormais lui aussi sache pour cette menace de l’ombre que la police n’a jamais considérée réellement.
« Ecoute je… Je suis désolé mais je peux pas vraiment t'aider. Tu dois t'en douter, je suis pas du genre chevalier servant à combattre les méchants avec ma cape, mon bouclier et mes super-pouvoirs… »
-C’est pas ce que je te demande, t’en fais pas, j’ai pas besoin d’un prince ni d’un chevalier comme tu dis. Et je te demande pas d’être un gambit non plus. Protège les tiens tant et autant que tu le peux. Au moins si tu vois l’un de ses masques apparaître, tu sauras quoi faire.
Je me suis retournée en lui répondant, lui rendant son sourire presque aussi triste. C’est toujours compliqué de partager ce genre de choses. J’aurais trouvé des alliés dans cette quête mais je ne veux pas mettre les autres en danger. Bien pour ça que j’ai fuis l’Institut, Samuel et … tout le monde.
« Tout ce que je peux te proposer, c'est de t'apporter un peu de réconfort. La nuit est déjà bien avancée et je serai parti avant l'aube, comme promis. Il est fort probable qu'on ne se revoit jamais. Mais pour le moment on est là, toi et moi, et je pense qu'on a tous les deux bien besoin d'un peu de tendresse et de chaleur humaine. »
Hein ? J’avoue que mon sourire tombe alors que je l’observe, n’ayant pas compris au premier abord. Il propose quoi là ? Ma tête se penche sur le côté et j’ai un sourire qui passe, un sourire un peu incrédule, entre l'étonnement et une certaine… je ne sais comment l’expliquer en vrai. Mais il est vraiment en train de me proposer ça ?
« Qu'est-ce que tu en penses ? »
Un petit rire m’échappe et je le regarde, en repoussant mes cheveux en arrière, pour lui répondre :
-Eh bien, cela fait longtemps que je n’ai pas eu une proposition aussi honnête et directe et c’est inattendu, surtout quand j’ai l’état d’un chat de gouttière rafistolé.
Je m’approche pour venir à sa hauteur, la tête levée vers lui, fixant ses yeux avec une certaine intensité :
-Tu m’as vu qu’une fois et tu me pensais morte pourtant je suis devant toi. Tu es le Prince des voleurs et je suis sûre qu’en cherchant, j’arriverais à te retrouver. Tu connais mon repère, tu sais qui je cherche même, pourquoi je suis là. Il est plus que probable qu’on se retrouve à nouveau, soit du même côté, soit en compétition pour un même butin ou peut être un jours face à face.
Mon sourire reste, et il est même plus doux, un peu nostalgique. Ma main en mitaine se soulève un instant avant de renoncer. J’avais envie de monter la main jusqu’à sa joue, pour toucher du bout des doigts son visage. Sa proposition aurait pu en offenser plus d’une et il aurait pu prendre une grande baffe dans la tronche même mais moi, je sais pas. Il est sympathique et malgré une rencontre mouvementée, j’ai un sourire à l’idée qu’il reste, même juste comme ça, juste pour sa présence et ses conneries. Mes yeux fixent les siens et je lui demande doucement :
-Tu n’as pas peur que je te brûle à nouveau ? Que ce soit la rétine ou d’autres parties de ton corps ?
Derrière un certain humour, il y a aussi une part de vérité. Il ne craint pas que je puisse lui faire du mal, malgré mes pouvoirs et sa sensibilité. Je reste devant lui, un peu perdue. Depuis Londres, je n’ai pas … approché quelqu’un et j’ai presque une appréhension à le toucher, peut-être de peur de lui faire mal ou d’être maladroite. J’ai l’impression de ne plus savoir comment faire, et cette idée un peu ridicule me fait à nouveau rire un peu nerveusement. Mes yeux lâchent les siens un instant, regardant le sol ou je vois par terre sa ceinture. Je me penche rapidement pour la saisir et d’un geste, la pose contre son torse, en captant à nouveau son regard, un sourire de défi sur le visage, tandis que je dis, sans réfléchir : -Au fait, ta ceinture, à toi de voir si tu veux la remettre ou non...
Bien sûr qu'elle ne lui avait pas demandé son aide. Il n'empêche qu'il s'en voulait un peu de ne pas pouvoir la lui apporter. Il aurait pu lui donner quelques noms ou adresses, lui parler de la Confrérie par exemple. Mais à quoi bon ? Kath' était une solitaire, c'était évident. Ou elle l'était devenue, suite au massacre de ses proches. Elle avait raison, formulant ses propres pensées à haute voix. Il se devait de protéger les siens.
« Tu as raison. J'ai pas mal de mutants dans mon entourage… Je ferai passer le message. Mieux vaut prévenir… »
Que guérir ? Venait-il vraiment de dire cela ? Pourrait-elle un jour guérir de tout ça ? Il ne termina pas sa phrase, se rendant compte de l'indélicatesse de ce proverbe, étant donné les circonstances. Il se montra bien plus délicat lorsqu'il lui proposa de faire ce qu'il savait faire de mieux. C'était quitte ou double. Il pouvait se prendre un énorme râteau, ou transformer cette soirée désastreuse en un agréable souvenir.
La proposition la désarçonna. Forcément, c'était plutôt inattendu. Pas selon lui, néanmoins. Elle eut un sourire incrédule, puis un rire léger. Elle le prit au sérieux, malgré tout. Il l'était. Il sourit à son tour lorsqu'elle se critiqua elle-même sur son allure. La fixant d'un regard tendre, il la rassura sur ce point.
« Je te trouve très mignonne. Et tu me plaisais déjà quand je n'y voyais rien. »
S'ils s'étaient connus dans d'autres circonstances, ou s'il n'avait pas autant peur de s'attacher à d'autres femmes que la première qu'il avait aimée et qu'il tâchait en ce moment de reconquérir, Kath' et Remy auraient pu devenir amis. Ils se ressemblaient sur beaucoup de points. La petite tirade de la mutante le laissa songeur. Chercherait-elle à le retrouver ? En serait-il vraiment embarrassé, dans le fond ? Seul l'avenir le leur dirait. Mais il ne voulait pas penser à l'avenir pour le moment.
« Il est vrai que nous nous sommes confiés beaucoup de choses, dans ce que nous avons bien voulu révéler comme dans ce que nous n'avons pas dit. Mais nos vies sont trop compliquées. Ne pense pas au futur. Vis le moment présent. »
C'était sans doute un peu cliché comme philosophie, et pourtant tellement simple. Remy perçut le mouvement de main interrompu de Kath', sentant qu'elle hésitait encore. Son sourire se fit plus tendre, comme le sien. Elle lui parla plus doucement, sur un ton qu'il ne lui connaissait pas encore, mais qui lui plaisait. Il répondit à ses questions par un simple hochement de tête négatif. Non, il n'avait pas peur d'elle. Elle avait pris soin de lui, après tout.
Ce fut son tour d'avoir un rire léger lorsqu'elle lui présenta sa ceinture, empoissée de sang, la plaquant contre son torse, lui demandant s'il comptait la remettre ou non. Le sous-entendu manquait un peu de subtilité, mais il était amusant. Il prit la ceinture d'une main, tandis que l'autre saisissait doucement celle de Kath'.
« Tu sais déjà ma réponse… »
Il leva le bras et, d'un geste habile et théâtral, lança la ceinture sur le dossier d'une chaise. Puis il porta la main de Kath' à son visage et y déposa un baise-main, à la française, sans que ses lèvres ne touchent la peau - ni la mitaine, en l'occurrence. Le regard tendre et brûlant de désir, il pencha légèrement la tête sur le côté et approcha ensuite ses lèvres de celles de Kath'... Si elle acceptait son baiser, c'était gagné. Et il était quasiment convaincu qu'elle allait accepter.
Alors qu’on discute, je ne peux m’empêcher de noter mentalement son visage dans mon esprit mais également ce qu’il me dit. Gambit, qui ressemble à Robin Hood par plusieurs aspects, détroussant les uns pour aider les autres. Le fait qu'il ait des gens à prendre soin, des mutants notamment me rappelait beaucoup . Il ne sera probablement pas si compliqué de le retrouver, pas si compliqué. Il est maladroit aussi, dans ses mots, et cela m’arrache un léger sourire de compassion, malgré le silence qu’il impose à la fin de sa phrase. Maladroit et attendrissant même quand il me propose sa compagnie si on peut le dire ainsi. Je ne m’y attendais pas, on peut le dire, et cela est d’autant plus drôle et presque rafraîchissant dans un sens malgré mon air de chat de gouttière :
« Je te trouve très mignonne. Et tu me plaisais déjà quand je n'y voyais rien. »
Ce charmeur … Je suis sûre qu’il arrive à faire fondre les cœurs les plus froids. On se serait probablement bien entendu, en dehors de tout ça.
-Le style blessée ou couverte de sang, c’est ton style ? Creepy mais je connais pire.
Je le taquine mais dans la suite de mes mots, je reste sérieuse et il le voit je pense. Probablement que nos routes vont se recroiser, par le destin, le hasard ou parce que j’aurais décidé de prendre de ses nouvelles, savoir si lui et les siens vont bien.
« Il est vrai que nous nous sommes confiés beaucoup de choses, dans ce que nous avons bien voulu révéler comme dans ce que nous n'avons pas dit. Mais nos vies sont trop compliquées. Ne pense pas au futur. Vis le moment présent. »
Vivre le moment présent. Toujours aussi maladroit. Mon présent est empli de crainte, de fantômes et de rage refoulée mais à vrai dire, je ne crois pas que mon futur soit beaucoup mieux, je pense même pouvoir dire sans trop m’avancer qu’il sera teinté de sang… Pourtant malgré ça, malgré ce qu’il s’est passé avant et malgré tout ce qui trouve aussi qui clairement aurait fait fuir … 95% des personnes présentes auraient pris leur jambe à leur coup en craignant être les suivantes sur le crime-board. Mais pas lui, non pas lui. Il n’a pas peur de moi, que je le brûle à nouveau. Et il rit même quand je lui pose, ou plutôt plaque la ceinture contre lui, oubliant le sang et le reste. Il la prends d’une main et de l’autre saisit la mienne, celle qui hésitait.
« Tu sais déjà ma réponse… »
Sa réponse. Je le vois jeter la ceinture, puis poser un baiser sur ma main digne d’un gentilhomme des temps anciens. Charmeur, définitivement. Il l’est. Je le laisse faire, le sourire sur les lèvres, étrange d’ailleurs. Après ma main, il approche son visage du mien, doucement, me laissant choisir comment cela allait finir. Je ne bouge pas quelques secondes, fixant ses yeux, puis ses lèvres et scellent les miennes aux siennes.
Un baiser, c’est souvent par cela que cela commence. Un baiser qui contraint le temps et le temps pour un moment, pour quelques instants volés à la roue du destin, qui n’ont comme trace sur ce lieu que des souffles échangés dans le silence et la buée née des étreintes fougueuses. Des minutes et des heures, je ne sais combien de temps hors de celui-ci et de l’espace, un moment rien qu’à nous, sans peur, sans douleur, sans crainte, loin de tout et de tous.
Je me laisse retomber contre lui, le souffle court, et l’esprit durant quelques instants encore ailleurs. Mes doigts dessinent sur son torse un motif inconnu alors que doucement, l’euphorie retombe, et que le temps, l’espace et le monde ne reprennent leur emprise sur nos vies. Il ne peut pas rester, je le sais, pourtant, contre lui, l'oreille contre son cœur, j’aimerais bien qu’il reste un peu plus longtemps à mes côtés, juste un peu.
-Tu dois probablement être un peu magicien aussi, car j’ai réussi à oublier tout au moins quelques instants, je lui murmure.
Pas que j’ai envie de le mousser, même si je ne peux pas nier qu’il est un très bon amant, mais je peux au moins lui admettre cela pour qu’il ne prenne pas la grosse tête. Ma main continue à glisser sur sa peau avant que je ne me tourne sur le côté, pour le libérer. Je sens qu’il va partir et il le faut, autant pour lui que pour moi. -Et maintenant tu vas disparaître à la Houdini ?
C’est ce qu’il faut, pour lui, pour moi, pour tous. Il sait par où passer, elle est juste au dessus de nous après tout, et je ne doute pas que désormais avec le retour de sa vision, il pourrait y arriver. Mais même si je tente de le cacher, son départ va laisser un certain vide que je ne veux pas qu’il voit, qu’il ressente. C’est ce qu’il faut.
Un baiser... Un baiser, mais à tout prendre, qu’est-ce ? Un serment fait d’un peu plus près, une promesse Plus précise, un aveu qui veut se confirmer, Un point rose qu’on met sur l’i du verbe aimer ; C’est un secret qui prend la bouche pour oreille, Un instant d’infini qui fait un bruit d’abeille, Une communion ayant un goût de fleur, Une façon d’un peu se respirer le cœur, Et d’un peu se goûter, au bord des lèvres, l’âme !
Il ne lui avait pas promis monts et merveilles, comme il avait pu le promettre à d'autres filles. Elle avait déjà trop vécu pour être aussi naïve. Il s'était donc montré parfaitement honnête, et ne lui offrit que ce qu'il lui avait proposé : un peu de réconfort, de tendresse, de chaleur humaine. Il se donna pleinement à elle, savourant l'instant présent, pour lui faire troquer ses problèmes contre quelques instants d'extase. Lorsque, lovée contre lui, elle lui murmura quelques mots, le Prince sourit, car il avait réussi. Durant quelques instants, elle avait tout oublié.
Il déposa un tendre baiser sur son front, profita avec elle de ce moment d'apaisement après l'amour qui selon lui valait toutes les drogues du monde, puis la laissa le libérer de son étreinte. Elle savait qu'il n'allait pas rester, il le lui avait répété plusieurs fois. Le trait d'humour de la jeune anglaise ne le fit pas sourire, cette fois, car il avait bien conscience qu'elle se cachait derrière cet humour pour ne pas montrer sa tristesse. La magie disparaissait peu à peu. Il ne pouvait pas lui offrir plus. Il caressa délicatement son visage et lui répondit avec douceur :
« Non… Pas de magie. Pas de mauvais tour. Kath, j'ai été plus sincère avec toi que je ne l'ai été avec beaucoup d'autres. Merci, malgré cela, de ne pas m'avoir rejeté. »
Il l'embrassa une dernière fois, lui offrit une dernière étreinte, puis se leva et s'habilla, pour une fois à la vue de sa conquête, sans avoir besoin d'être discret ou de prendre la fuite. Il récupéra son sac, sa canne télescopique, ne laissant sur place que la liasse de billets qui était déjà sur la table et sa ceinture empoissée de sang sur le dossier de la chaise. Puis il entreprit l'escalade, sans la moindre difficulté. Il n'avait rien à envier aux fameux "traceurs" auxquels Kath avait fait allusion. Une fois arrivé en haut, il regarda la belle anglaise une dernière fois, lui sourit, lui envoya un baiser et lui dit :
« Au revoir, petit chat de gouttière. »
Puis il disparut de son champ de vision. Il avait encore de la route pour pouvoir rentrer chez lui en toute sécurité. En fin de compte, cette nuit n'avait pas été un tel fiasco… il en garderait un bon souvenir. Même si le Prince des Voleurs n'était pas au bout de ses peines, ne sachant pas encore que son meilleur ami luttait en ce moment même pour rester en vie, dans un sinistre lit d'hôpital. Mais c'était une autre histoire…
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