Sans en avoir l'air, et surtout sans réagir, il nota mentalement la nouvelle information qui venait éclairer un peu plus le mystérieux profil de son hôte : elle vivait dans un squat. Mutante… squatteuse… étrangère… Car oui, il avait bien remarqué son léger accent britannique, bien qu'il n'ait fait aucun commentaire sur le sujet. Il valait mieux ne pas se montrer trop curieux, ni poser trop de questions, surtout tant qu'il ne serait pas à l'abri.
Le saut de la foi se passa relativement bien, même si le rebond à la réception ne fut pas apprécié de la demoiselle. Après avoir laissé échapper un cri de douleur, elle bougonna de nouveau, ce qui n'empêcha pas Remy de conserver son sourire mutin. Il savait pertinemment ô combien il était craquant lorsqu'il arborait ce genre de sourire. Il finirait bien par la dérider, et décida d'ailleurs qu'avant son départ, il lui aurait arraché au moins un rire qui ne soit pas nerveux ou amer.
Il resta patiemment sur place, attendant les instructions de son hôte. Il l'entendit bouger, sans pouvoir savoir ce qu'elle trafiquait. Il n'aimait tellement pas cette situation… Si pour une raison quelconque elle décidait de lui sauter à la gorge ou de l'assommer, il ne pourrait pas le voir venir. Il était totalement à sa merci. Elle finit par s'adresser à lui, lui donnant les indications pour qu'il puisse s'asseoir. Il avança prudemment, les mains légèrement en avant, et finit par rencontrer une chaise. Lorsqu'il s'assit dessus, il sentit une partie de sa tension s'envoler, comme si cette chaise lui offrait enfin un abri correct. Il ne se relâcha pas complètement néanmoins.
« Merci. »
Lui montrer un peu de reconnaissance était le moins qu'il pouvait faire. Même s'il ne savait pas s'il pouvait lui faire entièrement confiance, elle lui avait potentiellement sauvé la vie, et évité quelques ennuis. Sage, il resta sans bouger, bien que l'envie de sortir son paquet de cigarettes se fasse de plus en plus présente dans son esprit. Il prit juste soin de retirer son sac de son dos pour le placer au sol, entre ses jambes, enroulant discrètement la lanière autour de son mollet.
Il l'entendit farfouiller dans des affaires, à priori une pharmacie. Lorsqu'elle lui fourra les mouchoirs dans la main, il lui fallut quelques secondes pour identifier ce que c'était, et quelques autres pour comprendre ce qu'elle voulait qu'il en fasse. Il hocha la tête et s'essuya les yeux, qu'il sentait toujours très sensibles et qui le picotaient méchamment. Ca allait prendre un peu de temps avant que sa rétine brûlée ne se régénère… Il eut un nouveau sourire en coin lorsqu'elle lui parla de "jouer les infirmières", se faisant à l'évidence une autre représentation de la scène.
« C'est tentant, mais je vais bien, merci. Occupe-toi de soigner ton bras. »
C'était dit évidemment avec une pointe d'humour, mais aussi avec un soupçon de bienveillance. Après tout, s'il n'avait pas pris la fuite sur son toit, elle ne se serait pas retrouvée dans cette désagréable situation, avec un plomb dans le bras. Il n'irait pas jusqu'à s'excuser pour cela, il n'était pas celui qui avait tiré, mais il s'inquiétait tout de même un peu de son état. Même s'il était évident qu'elle en avait vu d'autres.
Il resta impassible lorsqu'elle lui tendit la bouteille d'eau, puisqu'étant toujours plongé dans le noir, il ne vit pas son geste. La question attendue arriva enfin. Ce qu'il faisait sur les toits à une heure pareille ? Rien de bien innocent, évidemment. Ses yeux démoniaques brillèrent d'une lueur malicieuse, tandis qu'il répondait :
« Tu peux toujours me le demander, malheureusement je ne peux te garantir une réponse honnête… Tu dois pouvoir le comprendre. Après tout, on pourrait aussi se demander ce que fait une petite mutante britannique dans un squat du quartier le plus mal famé de New-York… »
Il aurait pu inventer un bobard et lui mentir avec assurance, mais il trouvait cette approche plus intéressante. Elle n'était clairement pas innocente elle non plus, ce qui ne déplaisait pas forcément au Prince des Voleurs. Il aurait été mal placé pour la juger, quoi qu'elle ait pu faire. Tant que ça ne se retournait pas contre lui...
Dans la nuit du 28 au 29 juin En chute libre dans le Squat
Est-ce que dans une autre situation, le rebond de mon aveugle du moment ne m’aurait pas fait rire ? Dans une situation sans douleur ou danger non plus ? Probablement. J’aurais même sûrement ris avant de le faire rouler pour passer au dessus de lui. Mais ce soir, entre la menace planant au-dessus de nous, et la blessure, je ne réussis qu’à grogner, ayant plus encore l’envie de l’envoyer valser plus loin plutôt que de répondre à son sourire mutin. Il se dégage de lui-même et alors, j’ai un léger soupir inaudible. On est à l’abri … enfin autant qu’un squat dans le beau milieu du Bronx peut permettre d’être à l’abri… Au moins il semble plus calme après. Je lui explique où il peut s’asseoir et il s’y rend avec un remerciement. Je lui fais un signe de tête tout en commençant à chercher quelques trucs avant de me traiter d’idiote … il ne peut pas me voir.
-De rien.
Au moins, assis, je suis presque sûre qu’il ne va pas s’envoler ou se faire mal. Enfin normalement. Mais je note qu’il a gardé son sac très près de lui, presque contre lui.
Cependant, j’ai plus urgent, si la blessure n’est pas mortelle, je dois m’en occuper là maintenant et l’idée de faire exactement comme pour ma main commence à me passer à l’esprit même si je serre les dents rien qu’à cette idée. Je lui passe quand même avant des mouchoirs pour qu’il puisse s’occuper de ses yeux, et lui demande s’il a besoin d’aide. J’aimerais pas comprendre là maintenant qu’il a prit une balle et qu’il est dans un état post-choc qui va le faire s’effondrer là maintenant. Mais il me sourit à nouveau en me répondant :
« C'est tentant, mais je vais bien, merci. Occupe-toi de soigner ton bras. »
Bon au moins, j’aurais tenté… Cependant je finis par lui poser une question, une question toute légitime vu la situation tout en lui tendant une bouteille d’eau … qu’il ne voit pas. Mais je vais pas y arriver. Je la pose sur la table à côté de lui -A ta droite, tu as de l’eau si tu veux, je rajoute, tout en posant la main sur la ceinture, prête à retirer le garrot de fortune.
J’attends sa réponse, fixant son regard qui lui ne regarde rien. La lueur de ses yeux est clairement fascinante, mais j’attends surtout d’y voir un éclat, une lueur, quelque chose qui pourrait m’aiguiller.
« Tu peux toujours me le demander, malheureusement je ne peux te garantir une réponse honnête… Tu dois pouvoir le comprendre. Après tout, on pourrait aussi se demander ce que fait une petite mutante britannique dans un squat du quartier le plus mal famé de New-York… »
Ah … effectivement, je ne m’attendais pas à cela… J’ai cependant un petit sourire amusé, en me demandant ce qu’il pourrait penser s’il voyait tout de qui se trouve autour de lui. D’un geste, je retire ma mitaine imbibée de sang pour la poser sur la table avant de reposer la main sur le passant de la ceinture de cuir.
-On pourrait se le demander oui mais est-ce une idée de poser des questions à la personne qui t’offre un abri dans une situation un peu complexe…
Et encore, je ne parle pas de son sac… Cela viendra plus tard.
Je retire d’un geste la ceinture et je ne peux réprimander un grognement. Ma main se referme rapidement sur la blessure avec des compresses pleines de sérum physiologiques pour nettoyer la plaie : -Mais quitte à le faire, au moins, fais le directement, que ça puisse me distraire pendant que je me soigne.
Je laisse tomber sa ceinture au sol et, alors qu’une main presse toujours la blessure, je me saisis de quoi commencer le soin. Faire un point de suture ne servirait à rien, donc je partais sur un autre type de soin, un bandage particulier. Mais le faire à une main et demie … c’est plus complexe. Mais alors que je tente de m’y prendre au mieux, retenant par instant des gémissement et des grognements de douleurs, serrant les dents, je finis par lui demander, entre deux soupirs :
-Et sinon, tu t’appelles comment ? Que je sache qui est le premier guest dans mon antre ?
Sinon, je l'appellerai bien Homère mais je ne sais pas s’il aura la référence …
Que pouvait-elle bien penser de lui ? Difficile à dire, sans l'usage de ses yeux pour analyser son visage et ses réactions. A sa voix, en tout cas, elle ne semblait pas avoir peur. Elle devait probablement se méfier de lui, tout comme il se méfiait d'elle - question de survie, il valait mieux rester sur ses gardes. Dommage, dans une autre situation, ils auraient probablement pu s'entendre à merveille. Mais la nuit n'était pas terminée, et à présent qu'ils n'étaient plus en danger, ils allaient pouvoir se détendre. Aussi, lorsqu'elle précisa qu'il y avait une bouteille d'eau près de lui, demanda-t-il :
« Tu n'aurais pas plutôt quelque chose de plus fort ? Un verre me ferait du bien. »
Ils n'en étaient clairement pas au stade des confidences sur l'oreiller. Tant qu'il ne serait pas en pleine possession de ses moyens, il ne prendrait pas de risque. C'est pourquoi il avait retourné sa question contre elle, et la stratégie avait plutôt bien fonctionné. Elle ne lui donna pas plus d'informations que lui, mais elle lui proposa néanmoins de poser ses questions, s'il en avait. Cela ne signifiait pas qu'elle y répondrait. Toujours le sourire aux lèvres, il répliqua :
« Mon père disait souvent : "Ne posez pas de questions, on ne vous dira pas de mensonges." Je trouve que c'est une bonne philosophie. De toute façon, toi et moi on n'est pas vraiment en état de jouer à action ou vérité. Je tâcherai de trouver d'autres moyens de te distraire… »
Encore un sous-entendu, évidemment, on ne se refaisait pas. Il prenait un risque, néanmoins : après tout, il n'avait pas vu son visage, peut-être était-elle laide à faire peur ? Mais il en doutait. Il aimait bien sa voix en tout cas, ce petit accent britannique était craquant, et son caractère grognon et bien trempé l'amusaient, comme un défi à relever.
Alors qu'il restait à l'écoute de ce qu'elle faisait, s'inquiétant de ses gémissements de douleur mais ne pouvant malheureusement pas y faire grand chose, il se décida finalement à ouvrir la petite poche avant de son sac pour en sortir un paquet de cigarettes et un briquet. Elle reprit alors la parole pour lui demander comment il s'appelait.
« Tu peux m'appeler Gambit. »
Si, comme il le supposait, elle traînait dans des milieux peu recommandables, elle aurait peut-être entendu parler de lui, même si le Bronx n'était pas son territoire de prédilection. Si non, cela lui donnerait un peu de grain à moudre. Il porta une cigarette à ses lèvres et entreprit de l'allumer… Mais il se rendit bien vite compte que ce n'était pas simple de viser le bout d'une cigarette lorsque l'on ne pouvait pas le voir. Après quelques tentatives infructueuses, il envoya valser le briquet sur la table avec un soupir d'agacement.
« Tu n'aurais pas plutôt quelque chose de plus fort ? Un verre me ferait du bien. »
Sérieusement, il veut picoler là ? Quoi qu’en faire, un verre serait une idée mais pas maintenant, j’ai plus urgent. Tant que ma blessure n’est pas soigné, c’est hors de question :
-On trinquera quand j’arrêterai de me vider de mon sang, si tu permets …
« Mon père disait souvent : "Ne posez pas de questions, on ne vous dira pas de mensonges." Je trouve que c'est une bonne philosophie. De toute façon, toi et moi on n'est pas vraiment en état de jouer à action ou vérité. Je tâcherai de trouver d'autres moyens de te distraire… »
Pour le coup, ce crétin m’arrache un sourire, un léger sourire qu’il ne verra pas. Action ou vérité, trop longtemps que je n’ai pas joué à un tel jeu mais vu son ton, je doute que ce soit aussi innocent que ce que je faisais avec les petits de la Loge.
Mais l’heure pour l’instant était aux soins et il faut que je me presse. Alors sous son oeil “attentif”, je commence mon bandage, la tâche est compliquée mais j’essaye de faire au mieux. De toute façon, je ne peux pas vraiment lui demander son aide.
« Tu peux m'appeler Gambit. »
Gambit … un joueur d’échec ? Il n’a pas trop la tête de l’emploi. Joueurs oui mais … Non les échecs, j’en ai pas l’impression. Il y a un truc quand même, j’ai déjà entendu ou lu ce nom… Dans un livre peut être ? Je ne sais plus …
Alors que je finalise mon bandage, expulsant profondément l’air de mes poumons, soulagée d’en avoir enfin fini, je vois le briquet voler. Je relève les yeux à ce moment pour voir qu’il a tenté de s’allumer une cigarette. Malgré son soupir, moi c’est un léger sourire qui apparait sur mes lèvres. Je passe un des linges sur mon visage ainsi que mes mains et j’en tends une à côté de son visage et lui dit doucement :
-Relève la tête et ferme les yeux, je voudrais pas aggraver ton cas.
Une fois qu’il s'exécute, je fais apparaître une légère flamme juste sur l’un de mes doigts et allume sa cigarette. la flamme disparaît l’instant d’après, d’un geste nonchalant puis, je ramène un petit récipient vide juste à côté de lui sur la table :
-T’as un bol sur la table pour la cendre. N’en fous pas partout s’il te plait. C’est pas le grand luxe mais c’est plutôt propre, autant que ça le reste.
Je me lève enfin, m'étire pour détendre mon corps encore douloureux puis avance jusqu’à ce qui ressemble à une étagère. Sur celle-ci se trouvent quelques bouteilles, et des verres dépareillés, trouvés ça et là. On était loin du service de prestige…
-Du scotch, ça te va ? C’est probablement pas du vrai écossais, mais j’ai hélas pas de quoi me prendre de la meilleure qualité.
En vrai, vu les autres bouteilles, vaut mieux tenter celle-ci, ça doit être la moins frelaté. En même temps, le peu de sous que j’arrivais à me faire ça et là, je ne l’utilisais pas pour picoler, j’avais plus urgent comme dépense, notamment une moto… Pensive, je ramène la bouteille sur la table, en sers deux fonds.
-Tiens, ton verre est à ta droite, dis-je pour qu’il ne se trompe pas avec le récipient.
J’attends qu’il prenne le verre, gardant le mien en main en faisant tourner l’alcool dedans. L’odeur n’est pas mal ma foi, ça aurait pu être pire.
-Cela va durer longtemps tes yeux ? je lui demande, un peu inquiète.
Pas que j’ai spécialement envie de le foutre dehors, mais j’espère que ce n’est pas grave. Il n’a pas l’air en panique cela dit… ça ira, ça doit. Mes pensées se calment quand il prends enfin le verre, et je lui dis, venant chercher le contact de son verre :
-Pas la peine de faire dans les yeux vu la situation .. et à la tienne Gambit, moi c’est Kath’.
J’ai un sourire qui me vient. La situation est … particulière. Comme elle l’a souvent été au cours de ma vie. Combien de fois je me suis retrouvé en plein mission à boire avec des alliés de circonstances, personnes singulières voir exceptionnelles. Sous un orage ou après une expédition qui a manqué de finir en explosion globale Oui, le sourire qui vient est soulagé, sincère et nostalgique. Et presque amusé alors que je me demande quelle va être sa réaction quand il va se rendre compte d’où il se trouve. J’ai hâte de voir ça.
Elle ne fit aucun commentaire sur les remarques à double-sens de Remy. Privé de l'usage de la vue, il lui était difficile de savoir si elle avait levé les yeux au ciel d'agacement ou si au contraire elle avait souri. Quant à l'idée de prendre de l'alcool, elle ne la rejeta pas mais remit ça à plus tard, lorsqu'elle aurait fini de se soigner. Il sourit et fit un simple geste élégant de la main pour manifester son accord.
Il resta indécis un instant lorsqu'elle lui donna ses instructions, avant de comprendre qu'elle se proposait pour l'allumer… enfin, sa cigarette. Il se retint de sortir la remarque salace qui lui venait à l'esprit car même lui la trouvait trop peu élégante, alors il garda la bouche close et obtempéra. La première bouffée de tabac lui arracha un soupir de plaisir. Il tâtonna sur la table à la recherche du bol, le ramena devant lui et garda une main posée dessus pour ne pas le perdre. Il ne tenait pas à se montrer impoli envers son hôte en risquant de mettre le feu… même si elle n'avait pas besoin de son aide pour ça.
Le whisky n'était clairement pas son alcool favori, loin de là, mais il garda son avis pour lui. Il se retrouva donc rapidement avec un verre en main, et entendit le tintement du verre de la britannique contre le sien. Son hôte avait désormais un prénom, ou du moins un surnom. Il trinqua avec elle, prononçant le mot en français, avant de demander :
« Santé ! Kath' comme un chat ou comme le diminutif de Kathryn ? »
Il but une petite gorgée de whisky, songea que si on avait servi ce scotch à son pote Samuel, il aurait balancé le verre contre le mur en jurant en écossais. Mais pour le Cadien, plutôt expert en rhum et en bon vin, ce n'était pas un sacrilège, et il s'en contenta. La sensation de l'alcool qui lui chauffait la gorge lui suffisait amplement, et chaque gorgée serait moins désagréable que la précédente.
Quant à la question de sa cécité… Il aurait aimé pouvoir lui fournir une réponse précise, mais malheureusement il ne l'avait pas. Il n'avait plus vraiment de notion du temps et ignorait combien de minutes s'étaient écoulées depuis qu'elle lui avait brûlé indirectement la rétine. Pour le moment, il était plongé dans le noir total. Il espérait pouvoir bientôt commencer à percevoir des nuances de lumière, puis des silhouettes floues, mais il n'en était pas encore là.
« Difficile à estimer. Peut-être une heure, peut-être moins, peut-être plus. Tu vas devoir me supporter encore un peu ma belle. »
Nouvelle gorgée de whisky, nouvelle bouffée de cigarette. Il prit soin de tourner la tête pour expulser la fumée sur le côté, ne voulant pas la souffler dans la figure de Kath'.
S’il semble hésiter, il finit par coopérer, ce qui me permet d’allumer sa cigarette sans lui cramer plus les yeux. J’ai déjà tamisé les lumières d’ici, c’est pas pour le cramer en allumant juste une clope. J’ai l’impression qu’il a une pensée idiote mais il se retient de la dire, et c’est tant mieux, vu le geste, je me doute qu’il a dû avoir plein d’idées … même moi quelques idées me viennent… En tout cas, la cigarette lui fait du bien, je le vois bien. Alors, pendant qu’il en profite, je ramène de quoi boire et constate qu’il fait attention. Cela me donne un léger sourire. Alors je pose son verre à côté de lui, je vois qu’il a toujours son sac à ses pieds. Qu’est-ce qu’il peut bien y avoir dedans … Mais la question reste dans un coin de ma tête pour l’instant et au final, je lui propose qu’on trinque.
« Santé ! Kath' comme un chat ou comme le diminutif de Kathryn ? »
Je lui rends un sourire taquin avant de lui répondre :
-Pas comme un chat même si on m’a parfois traité de chat de gouttière et oui c’est un diminutif mais pas celui de Kathryn, try again boy, je lui réponds avec un accent un peu plus prononcé à la fin.
Pourquoi pas jouer un peu avec lui …. est-ce qu’il va essayer de deviner ? Cela peut passer le temps. Je le vois boire, vu sa tête, je doute que ce soit un bon cru mais au moins, il ne le recrache pas, c’est déjà ça. Je refais tourner le liquide dans mon verre et avant d’en boire moi-même, je lui pose une question. Je sais que, de tradition, j’aurais dû boire également une gorgée mais son état m’importe plus que l’alcool. C’est lui d’ailleurs qui en voulait… et puis il ne peut pas me griller pour l’instant tant que sa vue ne revient pas.
« Difficile à estimer. Peut-être une heure, peut-être moins, peut-être plus. Tu vas devoir me supporter encore un peu ma belle. »
Ma belle ? Je relève la tête vers lui. J’ai envie de râler mais je soupire :
-Et bien on verra si ce début d’estimation est juste, de toute façon j’avais pas prévu d’aller faire un tour surtout avec les rondes de flics que ce bordel va amener dans le quartier. Ils seront encore là jusqu’au matin je pense, histoire de dire qu’ils ne sont pas payés à rien foutre.
Mouais, en général, ils viennent, font des patrouilles les heures suivantes, voire jusqu’au matin et ensuite s’en vont pour ne revenir … qu’au problème suivant.
-Dans un sens, cela ne me change pas de Londres, c’était pareil dans Limehouse et dans d’autres coins …
Je l’observe boire et fumer. Dans la pénombre, avec la fumée, j’ai une impression de déjà vu, de ses soirées que je passais à la Loge avec certains ou même Nathaniel. Ils ne se ressemblent pas, loin de là mais …
Je finis enfin par boire une gorgée et pour le coup, cela m’arrache une grimace.
-Aaaah, il est vraiment … Putain Sam me tuerait si je lui faisais boire un truc pareil.
Je tousse en riant à moitié. Oui il est vraiment pas top, un peu passé d’âge, et ma gorge va le regretter mais pourtant, j’en reprends une deuxième gorgée, plus doucement, pour ne pas me brûler à nouveau la gorge. Oui, il est horrible mais dans un sens, à cet instant, il se laisse boire et a un goût de nostalgie. J’observe le liquide ambré dans mon verre et doucement, je dis : -Et toi Gambit, c’est un alias, un nom de scène ou alors tes parents étaient passionnés par les échecs ?
Et presque aussitôt, en reprenant une troisième gorgée, j’enchaine : -Et sincèrement, qu’est-ce qu’il y a dans ton sac ? Tu le gardes près de toi comme si ta vie en dépendait mais t’inquiète, à moins qu’il y ait une liste de noms ou les réponses à mes questions, je ne vais pas y toucher…
Des hypothèses qui me viennent à l’esprit sur ce que contient son sac. Des bijoux ,de l’argent, peut-être de l’or. Mais rien de tout cela m’importe, rien de rien. Même si c'est des armes … non à vrai dire, même ça, je m’en fiche. Tout ce que je veux, c’est comprendre et avoir des réponses à mes questions? A ses questions qui me hantent au point que les murs en sont recouverts…
Pas Kathryn, donc… Kathy ? Catleen ? Katarina ? Peu lui importait, au fond, il n'avait posé la question que pour faire la conversation. Son petit accent anglais était craquant, d'autant plus quand elle le mettait en valeur. Le Cadien usait d'une technique similaire lorsqu'il ponctuait ses phrases de mots en français. Il trouverait bien l'occasion de l'appeler "mon petit chat", juste pour le plaisir de lui arracher un nouveau soupir faussement exaspéré.
« Kath' ça me suffit. »
Il arqua un sourcil lorsqu'elle évoqua les flics, qu'à l'évidence elle ne tenait pas à croiser. Un simple échange de coups de feu dans le Bronx aurait été trop banal pour attirer l'attention de la police plus de quelques minutes, mais là il y avait eu une attaque mutante, un homme avait été blessé par une boule de feu… Remy comprenait que Kath' cherche à faire profil bas. Mais il sentait qu'il y avait plus. Il était certain que la miss avait déjà eu des démêlés avec les flics. Sinon elle ne se planquerait pas comme ça.
« Je serai parti avant l'aube, ne t'en fais pas. Sauf si tu veux que je reste. »
Pas de sous-entendu cette fois, pas de sourire mutin, il avait dit cela sur un ton neutre, voire un peu nonchalant, tout en expirant une bouffée de fumée. Lui non plus ne portait pas les flics dans son cœur, et si l'anglaise ressentait le besoin d'avoir un peu de compagnie pour se sentir plus rassurée, il resterait volontiers avec elle.
Nouveau haussement de sourcils lorsqu'elle parla du whisky en l'associant à un certain Sam, comme si elle formulait à haute voix ses propres pensées. Se pouvait-il que ce soit le même ? Il préféra ne pas en parler. Samuel était un type bien, il ne connaissait pas cette part de sa vie, et c'était mieux ainsi.
« Ca réchauffe la gorge, c'est déjà bien. »
Il en prit d'ailleurs une nouvelle gorgée, après avoir écrasé sa cigarette dans le bol. Puis il écouta son hôtesse lui poser de nouvelles questions. Ah. Enfin, elle se montrait curieuse du contenu de son sac. S'estimait-elle plus légitime à se montrer plus curieuse, à présent qu'elle lui avait servi à boire ? Il resta silencieux quelques instants, puis esquissa un nouveau sourire malicieux avant de répondre à la première question.
« Humm… un nom de scène, oui, on peut dire ça… Je suis Joueur professionnel. Pour le reste, il faudra plus qu'un mauvais whisky pour me faire parler, chérie… »
Il leva son verre vers elle - du moins vers là où il pensait qu'elle se trouvait - termina son whisky d'une traite avant de grimacer, puis reprit :
« Mais je suis joueur. Je te dirai ce qu'il y a dans le sac, peut-être même ce que je faisais sur ton toit… si tu me dis pourquoi tu te caches. »
Je me demande s’il va jouer mais au final non, il ne semble pas se prendre au jeu. Dommage, je me demande en combien de fois il aurait pu trouver. Mais il m’écoute, et sa réponse me surprend. « Je serai parti avant l'aube, ne t'en fais pas. Sauf si tu veux que je reste. »
Je tourne la tête vers lui, surpris qu’il n’y ait pas… la même teinte dans sa voix. J’aurais presque cru qu’il ponctuerait au moins ses mots d’un sourire mais rien. Surprenant, c’était bien le mot effectivement. Lui en fait l’est à vrai dire. J’avoue retirer un peu ma propre curiosité, vu la situation. Je ne vois pas sa réaction alors que le whisky a du mal à passer. Pourtant, comme lui en face, j’en reprends une gorgée, profitant que ma gorge soit déjà brûlée pour que cela passe plus doucement. « Ça réchauffe la gorge, c'est déjà bien. »
Je hoche la tête et finit par lui poser quelques questions, quelques questions qui me trottent dans la tête alors que je l’observe. Son sac, sa manière de bouger, sa nonchalance et même avant… il y a plus sous la surface et même si je n’ai pas envie de lui révéler énormément, j’ai fini par écouter ma petite voix, ma petite voix qui essaye toujours d’en apprendre plus. Curiosité maladive parfois on dit ? Mortelle curiosité même… « Humm… un nom de scène, oui, on peut dire ça… Je suis Joueur professionnel. Pour le reste, il faudra plus qu'un mauvais whisky pour me faire parler, chérie… »
Chérie ? Il croit que parce qu’on a bu ensemble, il peut m’appeler comme ça ? S’il n’était pas aveugle, je lui aurai fait cramer sa mèche.
-On ne critique pas son hôte, t’avais qu’à amener mieux, je grogne à demi
Même si clairement, je ne peux être que d’accord, ce sky est vraiment mauvais. D’ailleurs sa grimace le prouve encore tandis qu’il le termine d’une traite.
« Mais je suis joueur. Je te dirai ce qu'il y a dans le sac, peut-être même ce que je faisais sur ton toit… si tu me dis pourquoi tu te caches. »
Forcément. Donnant, donnant, c’est ainsi que ça fonctionne dans le milieu.
-Comme beaucoup de monde… je me cache pour ne pas être trouvée.
Je soupire, profondément, un regard vers le verre avant de finir par le boire à mon tour cul-sec. Damned, il est décidément horrible.
-Et éviter d’être tuée par ceux qui ont déjà assassiné chacun des miens, ça te va comme réponse ?
Je passe ma main sur mon visage, repoussant mes cheveux en arrière. L’alcool est bien l’un des seuls trucs qui me fassent ressentir la chaleur aussi … naturellement. J’ai un nouveau soupire avant d’ajouter :
-Désolé du cassage d’ambiance, j’aurais préféré te raconter une merveille histoire, mais hélas, il n’y a que du sang, des cris et des morts, rien de plus. C’est pas vraiment mon sujet préféré. Je te ressers ?
J’attends qu’il me dise, avant de le faire pour moi. Je le fixe, me demandant avec un léger sourire comment il va réagir quand il va voir le décor. Il va assurément penser que je suis une psychopathe. -Alors ? Cela te va le joueur où je dois ajouter des détails ? Si je dois en dire plus, j’aurais besoin de plus d’alcool et j’ai pas tant envie de me mettre une mine.
J’espère que son histoire est plus joyeuse car là, on a bien tapé dans le glauque.
Qu'il était frustrant de ne pas voir les réactions de Kath' ! Remy ne pouvait se fier qu'à ses réponses, et elle ne parlait pas beaucoup. Avait-elle envie qu'il reste, ou non ? Impossible de le savoir. Il n'aurait pas été élégant d'insister… Il aurait peut-être sa réponse plus tard, lorsqu'il serait en mesure de la voir.
En tout cas elle n'avait pas un caractère facile ! Mais elle n'en était que plus plaisante aux yeux de Remy. Les poupées sans personnalité n'avaient aucun intérêt pour lui. Il avait toujours apprécié les marginales. Le challenge était toujours plus élevé, ce qui ajoutait un peu de piment. Allait-elle accepter son petit jeu de questions-réponses ? Sa première réplique était bien trop floue, et il y répondit par une moue peu convaincue. Elle pouvait faire mieux.
Elle fit mieux. Ou pire. Sa révélation prit le voleur de court et lui effaça son sourire. Elle ne se cachait pas des autorités, mais des meurtriers de sa famille. L'attitude farouche et méfiante de la mutante prenait tout son sens. La mine assombrie, Remy resta silencieux un moment. Que pouvait-il répondre à ça ? Il hocha négativement la tête lorsqu'elle lui proposa de lui resservir un verre de tord-boyau. En temps normal, il aurait probablement plaisanté en répliquant qu'il tenait à son estomac, mais il ne se sentait plus d'humeur à plaisanter.
Il se sentait redevable, à présent. C'était malin. Il avait prévu une pirouette pour ne pas avoir à remplir immédiatement sa part du contrat, mais au vu de ce qu'elle venait de lui confier, il se voyait mal jouer avec elle. Après avoir poussé un long soupir, il ouvrit son sac et en sortit une liasse de vingt billets de cinquante dollars qu'il posa sur la table.
« Voilà ce qu'il y a dans le sac. A vue de nez, je dirais que ce soir je vaux environ trente mille dollars. »
Il referma le sac et le garda bien calé entre ses jambes. En revanche, il laissa la liasse de billets sur la table. Si elle voulait la prendre, il lui céderait bien volontiers. Il prenait un gros risque en se montrant si honnête, mais elle en avait pris pour lui aussi. Son instinct lui soufflait qu'il pouvait se fier à elle. Sans aller jusqu'à lui accorder une confiance aveugle - le terme était amusant vu la situation - il ne pensait pas qu'elle lui jouerait un mauvais tour.
« C'est pas pour moi. Enfin, pas que. Disons que je fais au mieux pour protéger les miens. »
Il sentit un nouveau picotement désagréable dans ses yeux. Sa rétine commençait enfin à se régénérer. Il perçut d'abord quelques nuances de lumière, puis des formes très floues et imprécises commencèrent à se dessiner. Il se frotta vigoureusement les yeux, pour chasser la douleur et l'impression de gêne. La membrane blanche qui avait viré au noir d'encre depuis l'agression visuelle s'éclaircissait peu à peu, et ses iris écarlates perdirent un peu de leur éclat. D'ici peu, ses yeux auraient retrouvé une teinte plus naturelle, et il aurait recouvré la vue.
Dans une autre situation, je crois que j’aurais pu l’apprécier, vraiment. Dans une autre situation, notre rencontre aurait pu être juste agréable, sans douleur, ni stress, cela aurait pu être … juste être normal. Mais rien dans ma vie n’est normal, rien depuis bien longtemps et cela n’est qu’une preuve de plus.
Il n’a été ni insultant, ni cruel, ni rien. Et pourtant ma réponse fut dure, clairement. Il fallait que ça sorte, que je lâche cela. S’il eut d’abord une moue, celle-ci disparut avec son sourire. Son visage a perdu d’un peu de son charme alors qu’il affiche désormais cette triste mine. Ma faute sur ce point, mais je ne sais pas, j’ai voulu lui faire confiance, réellement, faire… une entorse à mes nouvelles règles. De toute façon, c’était déjà trop tard, il est déjà chez moi, c’est le premier d’ailleurs et probablement le dernier que je ferais entrer ici. Enfin, j'espère, je préfèrerai que peu ou personne d’autre ne sachent que je vis ici, pour les protéger.
Lui ne veut pas d’un autre verre, mais moi, j'en reprends. Il n'est pas top pourtant ça fait du bien malgré tout. Peut-être que ça m’aidera aussi à penser à autre chose, à arrêter de trop réfléchir justement. J’en bois une lampée alors que je le vois comme hésiter, tergiverser, avant de sortir de ce fameux sac, une liasse de billets. De l’argent ? C’est tout ? J’en suis presque déçue.
« Voilà ce qu'il y a dans le sac. A vue de nez, je dirai que ce soir, je vaux environ trente mille dollars. »
Ah oui quand même. J’ai un petit regard vers le sac avant de reprendre une lampée de whisky frelaté, n’ayant à l’esprit qu’une chose : ce que nous aurions pu faire pour la loge avec autant d’argent. Mais aujourd’hui, à part me permettre d’avoir du meilleur whisky, cela ne servirait qu’à peine. … Je n’ai jamais couru vraiment après l’argent et encore moins maintenant où il pourrait hélas peu ou rien m’apporter. Si peut-être que je pourrais l’utiliser pour corrompre quelques personnes et délier des langues un peu trop silencieuses, mais à coups de poings, cela fonctionne aussi, donc bon… Quant à mon confort, celui-ci, je lui ai dit adieu, il y a bien longtemps. Alors que je réfléchis, je ne vois même pas qu’il laisse la liasse face à moi.
« C'est pas pour moi. Enfin, pas que. Disons que je fais au mieux pour protéger les miens. »
J’ai un petit sourire en tournant les yeux vers lui, et reprenant une gorgée. Protéger les siens …
-Je vais finir par t’appeler Robin Hood, et craindre de voir Frère Tuck apparaître pour me piquer mon whisky.
Je me cache derrière cette blague, car sa dernière phrase résonne plus que je n’aurais voulu. Protéger les miens, protéger les nôtres, il n’aurait pas pu mieux choisir ses mots, nous sommes décidément proches sur certains points tous les deux … Mais je vois que ses yeux semblent… enfin percevoir. Enfin j’ai l’impression qu’il peut enfin fixer réellement certaines choses. Ses yeux commencent à s’éclairer ? Je me penche lorsqu’il les frotte, reposant mon verre après l’avoir fini cul sec. Mince, est-ce qu’il va enfin pouvoir voir ou ça empire ?
-Hey, tes yeux, ça va ?
Bon, question un peu à la noix, je ne peux pas dire le contraire. On est pas loin de la carte Captain Obvious. Je me lève, penchée légèrement pour être face à lui, face à son visage.
-Ils s'éclaircissent, enfin de redevenir presque… normaux je dirais.
Est-ce qu’il va enfin voir ? Je relève les yeux autour de moi pour observer la pièce. Les lumières ne sont pas trop fortes, ça devrait le faire, par contre …
-Euuuh par contre, je vais te demander d’être assez … ouvert d’esprit quand tu pourras vraiment voir, parce qu’à vrai dire, j’ai pas trop eu le temps de ranger et la déco est assez … particulière.
Vu ce que je viens de lui dire, soit il comprendra, soit je vais le terrifier, mais j’ai aussi un poil peur qu’il me prenne pour une serial killer ou une psychopathe et vu le décor, je ne pourrais pas lui jeter la pierre. Ma main se pose le bandage de mon bras comme pour le cacher mais bon, il le verra, à moins que je le rende à nouveau aveugle… non non, on va éviter. Idée de merde. Même si le pire des scénarios, ce ne serait qu’il soit de ceux qui ont tenté de nous tuer, et qu’il décide à ce moment-là d'en finir avec moi. Mais si c’était le cas, il aurait probablement tenté au moment où je lui ai dit pourquoi je suis ici.
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