[Terminé] La Belle et la Bête ft. Gabriela

La nuit était tombée sur la Grosse Pomme. Alors que ses hôpitaux étaient encore surchargés, qu'une armée de maçons et d'architectes tentaient encore et toujours de préserver Time-Square de l’effondrement, que les victimes du "Jour des Héros" n'étaient pas encore toutes dénombrées, l'une des responsables de la tragédie déambulait du côté de Brooklyn. Vêtue de vêtements qu'elle avait chapardés en profitant de la panique au sein de Manhattan, elle traversait les avenues, le corps marqué et l'esprit embrouillé. Que s'était-il passé ? Tout était un peu flou. Elle se souvenait de la cérémonie, de cet ennuyeux défilé, de cette sensation nauséeuse d'être entourée de Midgardiens. Ensuite il y avait eu cette magicienne rouge, les Gardiens qui étaient intervenus, la poussant également à agir. Les tribunes détruites, l'affrontement avec ce Hulk et le regard de Loki, courroucé. Il avait réussi à s'enfuir. Fenris en était pratiquement sûre. Pourtant, elle avait le sentiment d'avoir échouée. Et... rien, plus rien. Le trou noir. Du moins jusqu'à ce qu'elle s'extirpe de l'Hudson. Qu'avait-il bien pu se passer de Time-Square à la Baie de New-York ? Une chose était sûre, elle avait méchamment morflée, comme l'indiquait les contusions sur son enveloppe humaine. Peu importe, la douleur n'était pas un problème. La Louve souffrait depuis toujours de sa malédiction. Quelques tourments de plus n'y changeraient rien.

Traversant une rue, Fenris se fit klaxonner par un automobiliste. A la décharge du Midgardien, elle n'avait pas emprunté un passage piéton et avait surgit au dernier moment. Tournant lentement la tête vers le conducteur, la Louve le fusilla de ses délicieuses prunelles émeraude. Un regard de prédateur, d'assassin. Se voyant mentalement empoigner l'avant de la voiture pour la retourner d'un simple geste, Fenris souffla du nez et poursuivit son chemin. Vers où ? Avait-elle un objectif défini ? Pas vraiment. Sa forêt était loin, très loin, trop loin. De toute façon, la Louve n'avait pas envie de la rejoindre. Une partie de sa mémoire se trouvait ici, à New York. Il fallait la retrouver. Fenris n'aimait pas égarer ce qui lui appartenait. Question d'égo.

Lassée de marcher, la Louve se mit à la recherche d'un endroit pour se reposer. Un banc public ? Un parc ? Il y avait des chances que des Midgardiens s'y trouvent. Peut-être même allait-elle se faire aborder par quelques malintentionnés, comme cela arrivait souvent. Non. Pas ce soir, pas cette nuit. Elle n'avait pas la tête à ça. Un édifice attira finalement son attention. Une douce lumière en irradiait, illuminant de magnifiques vitraux. Haussant un sourcil curieux, Fenris s'y dirigea. Selon le panneau à l'entrée, il s'agissait d'une "église". Méfiante, la Louve se décida à ouvrir la porte et s'étonna d'en trouver une nouvelle juste derrière. Mettant cette aberration sur le compte de l'esprit chaotique des Midgardiens, elle se reprit immédiatement, observant le lieu. De la lumière, des bancs, des dorures, des tableaux, des sculptures et du silence. Quel silence. Avançant lentement, le bruit de ses pas résonnant, la Louve alla s'asseoir au premier rang. Les yeux grands ouverts, elle commença à détailler l'intérieur de l'église. Se voyant seule, elle se permit également d'ôter son hoodie noir pour le mettre à côté d'elle. Il n'y avait plus désormais qu'un top noir pour dissimuler ses blessures. Des contusions parsemaient ses bras et son visage, mais également une trace de morsure. En reprenant sa forme humaine, la taille de ses plaies s'était adaptée, mais elles étaient belles et bien présentes. Fermant les yeux pour profiter du silence, Fenris commença à se reposer.

Quelle sérénité. Cela faisait très longtemps que la Louve n'avait pas connu un tel silence, un tel confort, hormis dans sa tanière. Tout est était parfait. Pour sûr, aucun Midgardien ne semblait avoir la présence d'esprit de rejoindre cette "Église", pour échapper au boucan et à l'atmosphère viciée de la ville. C'était à n'y rien comprendre, du moins, pour le Fléau des 9 Royaumes. Tant pis pour eux et tant mieux pour elle. De toute façon, la Louve avait croisé bien assez de Midgardiens ces derniers temps. Beaucoup trop. Enfin, théoriquement, depuis l'incident de New York, les rues devraient logiquement être plus vides. Après tout, dans les fragments de souvenirs qu'il lui restait, la Louve voyait des Midgardiens écrasés sous les décombres, piétinés, des façades en ruine, un chaos total. Elle n'était pas retournée du côté de Time-Square, par précaution. Même si elle avait fait attention, il n'était pas exclu qu'un de ces vermisseaux Midgardien ne l'ai pas vu se transformer. Aucun lien ne devait être fait entre sa forme humain et sa forme originelle. Dans le cas contraire, cette enveloppe humaine ne serait plus d'aucune utilité. Si cela arrivait, Loki pourrait-il lui en offrir une autre ? La question mériterait d'être posée, mais pas tout de suite. La Louve détestait prévoir, cela lui faisait mal à la tête.

Prête à profiter encore de ce repos de longues heures, l'ouïe fine de la Louve l'avertit qu'une porte avait été ouverte puis refermée, suivi de pas légers qui se rapprochaient. Mélangée à la légère odeur de soufre qui flottait à cause des bougies, un parfum que le Fléau des 9 Royaumes avait déjà senti parvint à ses narines, mais où ? Depuis plusieurs jours, tant d'odeurs s'étaient emmagasinées dans sa mémoire. Mémoire qui lui faisait en partie défaut. Les pas se firent plus net, ils se rapprochaient. Puis enfin, on s'adressa à elle. Non, elle n'avait jamais entendu cette voix. Une Midgardienne. Hésitant à lui répondre, Fenris essaya de déterminer à quoi elle pouvait bien ressembler. Plutôt jeune, habituellement souriante, cela se sent au ton de sa voix, pas très grande, dans la moyenne, peut être brune, cheveux courts, les yeux plutôt sombres. Suite à la réaction de la Midgardienne mystérieuse quant à ses blessures, la Louve continua son analyse. Soucieuse des autres, sans doute trop. Très avenante, peut être un peu naïve. Courageuse tout de même. Elle n'a pas l'air de paniquer.

Décidant de mettre fin à son mutisme, Fenris ouvrit brusquement les yeux pour dévoiler ses prunelles émeraude. Au même instant, une bougie s'éteignit. De son regard de prédateur, elle détailla la Midgardienne. Non, pour le coup des cheveux, elle s'était trompée mais pour le reste, son analyse n'était pas trop mauvaise. Lâchant un " non... ", la Louve s’apprêtait à lui expliquer que ses blessures n'étaient rien pour elle quand quelque-chose l'interpela. Ce visage. Elle l'avait déjà aperçu. Mais où ? Il n'y avait pas si longtemps pourtant, elle en était sûre. Fronçant les sourcils, elle poursuivit. " Blessures... rien... Moi... rien...sentir. " Se levant brusquement, elle se retrouva à quelques centimètres de la Midgardienne. Penchant légèrement la tête sur le côté, suspicieuse, elle donna l'impression de chercher quelque-chose. " Aide ? Peut... être. " Lui saisissant un poignet, la Louve se mit malgré à elle à devenir de plus en plus intimidante. Il y avait quelque-chose avec cette Midgardienne. Plongeant son regard émeraude dans celui de la Brune, l'appuyant comme si elle cherchait à la sonder jusqu'au plus profond de son âme, Fenris lui posa une simple question. " Vous... Avoir déjà... vu moi ? " La Louve tenait très légèrement le poignet de sa proie, mais ce n'était qu'une impression. Son étau était solide, car le Fléau des 9 Royaumes avait bien l'intention d'avoir la réponse à sa question.

La jeune femme exhalait la crainte, pourtant, elle n'hésitait pas à tenir le regard de la Louve. Une Midgardienne courageuse, assurément et pleine de bon sens car elle ne tarda pas à répondre à sa question. Ainsi donc elle l'avait vue, au jour des Héros. Fenris se souvenait d'elle également. Pourtant, elle n'avait visiblement fait que l'apercevoir. Elle n'allait finalement peut être pas pouvoir en tirer grand chose. L'incident de New York avait été un tel chaos. Un Midgardien perdu au milieu de ce champ de bataille avait été comme une fourmi au milieu d'une arène de gladiateurs. Une question se posait donc. Comment avait-elle pu s'en sortir sans une égratignure, visible du moins ? Avait-elle fuit ? Cela ne semblait pourtant pas être son genre. La chance ? Le Destin ? L'intervention d'un de ces "Ravageurs" ? " Vous là bas...pas blessée. " Constata la Louve, après l'avoir très attentivement observée.

Posant son regard sur sa main emprisonnant le poignet de la Midgardienne, Fenris relâcha son emprise. Un mauvais réflexe muée par son obsession, par la crainte de voir ses souvenirs lui échapper. Souffla du nez, elle s'écarta un peu sur le côté, fixant les bougies qui trônaient face à une statue de la vierge. " Moi... là-bas. " Commença-t-elle avant de serrer le poing. " Moi... pas....souvenirs... vagues...perdus. " La jeune Midgardienne semblait encore s'inquiéter de ses blessures. Il est vrai qu'elles pouvaient paraitre impressionnantes. Le combat avec le Hulk avait été violent, bestial. Il avait laissé des traces, sur les deux titans. A bien y réfléchir, malgré son échec pour permettre à Loki de s'enfuir dans les meilleures conditions, la Louve avait apprécier se battre. Cela lui avait fait remonter des souvenirs quant aux nombreuses batailles qu'elle avait livré avec sa maitresse Hela. Néanmoins, ces derniers étaient incomplets.

" Blessures...pas importantes... moi pas sentir. " Répéta Fenris comme pour rassurer la Midgardienne qui ne semblait voir que ça. Se tournant vers elle, elle lui tendit un de ses bras parsemé d'ecchymoses comme pour l'inviter à vérifier par elle même. Elle était le Fléau des 9 Royaumes. Il en fallait bien plus pour espérer la blesser sérieusement. Prête à se laisser examiner, elle en profita pour poser une question à la Brune. " Vous savoir... quoi s'être passé ? Dire moi... Besoin...souvenirs. " Pour une fois, Fenris se surpris à ne pas employé un ton sévère mais un ton plutôt cordial. Sans doute était-ce l'endroit qui ne se prêtait pas à l'agressivité. Oui, ce ne pouvait être que ça.

La perte de mémoire était dû, selon la Midgardienne, à un choc. Était-ce possible ? Ce monstre vert avait-il frappé aussi fort ? Il était une anomalie dans l'Univers. Elle, était unique et majestueuse, façonnée par le Père de Toute Chose et l'Héritière Légitime d'Asgard. Comment une créature apocalyptique divine pouvait ainsi... rivaliser ? Une des mystères de l'Univers sans doute. Elle était une Louve et progressait petit à petit à mesure que son intelligence se développait. Mais était-ce une bonne chose ? L'intelligence avait tendance à prendre le pas sur l'instinct. La question méritait d'être posée. D'ailleurs, une Midgardienne était là pour y répondre. Enfin, cette dernière était pour le moment occupée à examiner son bras. Ses gestes étaient doux et son regard semblait expert. Son langage, ses gestes. Était-elle une servante de Eir ? En tout cas, cette "église" ne comportait rien susceptible de rappeler la Déesse Nordique de la Guérison.

Adoucit par sa question, la Brune l'invita à la suivre en lui tendant la main. Elle voulait lui offrir à boire et souhaitait répondre à ses questions. Hésitant un instant, se méfiant d'une si belle proposition, Fenris accepta en saisissant délicatement la dextre de la Midgardienne pour se laisser guider. Pour une fois, la Louve ressentait qu'elle n'avait aucune raison d'être sur ses gardes. Rien ne clochait. Tout semblait sincère. Un peu déstabilisée, Fenris se laissait donc porter, curieuse de voir jusqu'où la situation irait.

" Vous guérisseuse ? " Demanda la Louve sur le chemin. " Vous...examiner...bras... sembler...savoir...quoi...vous...faire. " Fenris se souvenait des champs de bataille avec Thor et Hela, où des êtres étaient chargés de soigner ou achever les blessés. Une période particulièrement nostalgique. A l'époque, nul dans les 9 Royaumes n'ignorait Fenris, celle qu'ils avaient surnommé le "Fléau" ; Hela la félicitait chaque jour, louant sa sauvagerie au combat ; Le Père de Toute Chose respectait sa puissance et reconnaissait qu'elle était des plus utiles en première ligne. Une période révolue. Asgard n'était plus. Le Père de Toute Chose n'était plus. Hela n'était plus. Les champs de bataille étaient loin. Cet incident à Time Square ne tenait pas la comparaison avec la plus médiocre guerre que la Louve avait connue. Pourtant, pendant quelques instants, elle s'était sentie dans son élément.

Arrivant dans une petite pièce, elle observa ce nouveau lieu alors que la Midgardienne s'affairait. L'ameublement y était des plus austères, contrastant avec le faste de la grande pièce. Haussant un sourcil, la Louve s'interrogea. " Pourquoi...pas...dorures...ici ? "

La Louve sourit, aussi bien intérieurement qu'extérieurement. Son instinct avait vu juste. La Midgardienne avait bien été une sorte de guérisseuse. Elle l'était toujours d'ailleurs. Ce genre de choses ne se perdait pas, comme la traque d'une proie lors d'une chasse. Il était vrai que les méthodes de la Canis Lupus avaient un peu évoluées. Disposer de davantage d'intellect était un véritable atout quand on l'associait à de redoutables sens animaux. Prévoir les déplacements, anticiper; l'arsenal de Fenris s'était considérablement enrichi. Son instinct était cependant toujours là, pour lui permettre d'agir, réagir rapidement. A proximité de sa proie, il n'y avait pas à réfléchir, il fallait surgir, soudainement, crocs et griffes au grand jour, pour ne lui laisser aucune chance. La Louve avait le sentiment d'avoir appliquer cette dernière méthode contre le Hulk. Et pourtant... Ce n'était plus une sensation, un sentiment, mais bien une certitude: elle avait perdu. Pourquoi ? Comment ? Il manquait certaines pièces du puzzle. La gentille Midgardienne s'était proposée, elle les lui fournirait donc.

Fenris s'assit à la table en écoutant la réponse à l'une de ses questions. Il n'y avait pas "besoin" de dorures partout. Réfléchissant un instant au pourquoi du comment, la Louve conclut que cette partie ne devait pas être ouverte aux visiteurs de "l'église". Cela tombait sous le sens. On ne désirait souvent que montrer le meilleur. Le lieu n'était pas différent du palais d'Asgard: des dorures, du luxe à la vue de tous; les cachots, les ténèbres, eux étaient cachées. " Moi... comprendre. " Dit-elle en repensant brièvement à son emprisonnement sur Asgard, après l'exil forcé de sa Maitresse.

Observant la Brune s'affairer, la Louve haussa un sourcil en voyant une boite contenant vraisemblablement des biscuits venir délicatement à sa rencontre. Des biscuits... Des biscuits secs. S'insurgeant intérieurement, Fenris décida de masquer son désappointement. La Midgardienne ne savait pas à qui elle avait affaire après tout. Ses précieuses réponses compenseraient cet affront. Ainsi, elle l'avait perdu de vue une fois le chaos déchainé. Cela pouvait se comprendre. De quoi se souvenait le Fléau des Neuf Royaumes ? De tout, sauf un segment. Le plus important. Mais voilà que... son nom ? L'Humaine voulait son nom. C'était Fenris... mais... Non. Elle ne pouvait pas lui donner. C'était trop dangereux. Que faire ? Elle voulait un nom. Son nom de Majestueuse Louve Géante Apocalyptique était Fenris mais... qu'en était-il de son enveloppe humaine ? Cette enveloppe n'était pas vraiment elle. Ce n'était qu'une couverture dans laquelle elle commençait à s'épanouir. Oui, il était temps de lui trouver un nom. Ce dernier était tout trouvé. Elle l'avait déjà utilisé. " Helaris... " Prononça -telle pour la seconde fois. Sous cette forme, cela serait désormais son nom officiel.

Se concentrant, Helaris essaya de faire appel à ses souvenirs de cette fameuse journée. La tâche était difficile. Tout était encore un peu flou, mélangé, comme un puzzle dont on assemblait lentement les pièces sans avoir le modèle. " Moi... souvenir... femme rouge. Gardiens.  " - Loki - "  Monstre vert. Chaos. Combat. Mort. Odeur de sang... " Un frisson parcouru la Louve, dressant tous ses poils. Ses yeux s'injectèrent de sang un bref instant, son regard sembla fixer le vide. Secouant légèrement la tête, Fenris retrouva ses esprits. " Quoi... s'être... passé... après ? Quoi... vous... avoir vu ? " Oui, que c'était-il passé après tout ça ? Comment avait-elle terminé dans l'Hudson ? Elle avait été là-bas, elle devrait sans aucun doute le savoir.