[Terminé] Tomorrow never comes until it's too late † Daredevil

♱ Tomorrow never comes until it's too late ♱

Personne à qui dire je t'aime, tout le monde sur qui cracher ma haine. - M.M

Bronx, 19 Janvier 2025...

         Cette barrière de la langue était un véritable handicape. Je ne voyais pas comment lui dire ce que je voulais lui exprimer dans sa langue. Je n’étais même pas certaine de savoir comment le mimer en des gestes simples de la main. Il répéta ce que je venais de lui dire, je frottais mes yeux en cherchant à trouver l’équivalent anglais. Mais rien ne venait à l’esprit, j’étais en train de penser à ce qui se rapprochait le plus de l’image que j’avais en tête. Et finalement, je me rendais compte qu’en voulant grossièrement imager mes propos, je m’éloignais de ce que je voulais vraiment lui dire. Je pensais par exemple à un “contenant” ou plutôt, quelque chose qui contiendrait du sang. Le mot espagnol qui me venait à l’esprit était récipient, mais même pour récipient je doutais d’être en mesure de l’exprimer en anglais, si ce n’est que par le mot casserole. “Casserole de sang”. Bon dieu, ça ne voulait rien dire.  

Aussi, je préférais sombrer de nouveau dans mon mutisme habituel qui, évidemment, m’était fort confortable. Je n’aimais pas beaucoup parler et j’avais déjà fait énormément d’effort en cette soirée, ne serait-ce que pour écarter tout malentendu entre lui, que j’acceptais de voir à présent comme un justicier, et moi-même. Je plaçais mes mains contre mes bras, les croisant face au sentiment désolé qui grandissait dans mon cœur. Oui, je ne pouvais qu’être désolée de ne pas pouvoir l'aider ou même de refuser sa proposition. Mais j’avais passé tant d’années à lutter contre moi-même pour aujourd’hui que peiner à m’en sortir. Je ne mordais plus les gens, je n’avais plus tellement besoin de planter mes crocs quand l’orifice par lequel entrait la seringue était suffisamment abîmer pour qu’une simple aspiration provoque la coulée de sang.

Mordre avait des conséquences, tant pour la victime que pour moi-même. La morsure faisait ressurgir un mécanisme instinctif propre à ma part bestiale. Et je ne parlais pas de la pulsion, mais de réflexion musculaire rien qu'au niveau de la mâchoire et sur lequel avoir un contrôle était difficile... La pulsion était déjà difficilement gérable à cause de la soif de sang, mais si derrière l’on rajoutait les autres éléments cités, ça devenait davantage plus compliqué. Finalement, il rajouta une phrase en anglais. Je n'étais pas certaine de comprendre ce que désignait “poche” dans le contexte de sa phrase, mais il avait l’air de réaliser quelque chose d’important. Rajoutant que "ça", il le pouvait ? Ce qui me laissait perplexe. Est-ce que sa poche faisait référence à ce que je venais de dire en espagnol ? Dans ce cas, sa réaction faisait plus de sens... Puis il me posa sa dernière question. J’en fus surprise... Il allait vraiment chercher des réserves de sang comme ça ? Et immédiatement ? J’étais pourtant prête à attendre jusqu’à demain. « Sí. » Répondis-je simplement.         

tomorrow never comes
until it's too late

Everything they ever liked don't see myself inside why can't I get it right? --  feat. @Morticia Montoya

L’idée pouvait paraitre surprenante, prise à la va vite ou même déstabilisante. Mais c’était ce que j’étais censé représenté sous ce costume, c’était ce que je devais représenter. Daredevil était en premier lieu un symbole de la peur pour tous ceux qui gangrénaient les rues de cette ville, pour tous ceux qui voulaient rabaisser Hell’s Kitchen. C’était la vocation même de ce costume, pour mes ennemis. Pour les gens comme Morticia, c’était différent. Pour ces personnes dans le besoin, je devais dépasser cette condition et leur tendre la main. Le symbole de la peur devait s’effacer pour leur montrer que je pouvais les aider, que c’était mon devoir de les aider. À ma question, sa réponse fut simple, concise. Je devais aider cette gamine et au diable ce dilemme de l’avocat. Je ne pouvais décemment pas la laisser ici, au milieu de ce squat, tourner le dos et penser que tout irait bien.

« Ok, suis-moi. ».

J’avais dit cela en passant mon masque sur mes cheveux, avant de l’abaisser jusqu’à mon nez. Je me dirigeais alors vers la fenêtre, l’enjambais et prenais appuis sur l’escalier de secours avant de me retourner afin de voir si elle allait ou non me suivre. Je lui adressais un petit signe de tête et me hissais sur le support métallique à la force de mes bras. Arrivé à mi-hauteur, je bondissais sur le toit situé en face.
Comme toujours, je m’élançais dans cette course sur les hauteurs de la ville, sentant le froid fouetter la partie basse de mon visage alors que je courais -de manière raisonnable, afin qu’elle puisse me suivre. Elle semblait agile, rapide, je ne doutais pas un seul instant qu’elle soit en capacité de me suivre…probablement même de me dépasser.

Après plusieurs mètres parcourus, j’étendais mes sens afin d’être sûr qu’elle était toujours là. C’était le cas. Petite victoire pour moi, j’avais réussi à lui faire passer ce sentiment de confiance. J’avais réussi malgré cette barrière de la langue, à lui faire comprendre que je ne lui voulais aucun mal et que mon seul objectif avait été de la comprendre, de l’aider.
Bondissant de toit en toit, je connaissais la ville comme ma poche et m’y dirigeais pour ainsi dire, les yeux fermés. Il ne me fallu pas bien longtemps pour atteindre cette planque, perchée sur les hauteurs d’une vieille bâtisse désaffectée. Il s’agissait d’un bâtiment en briques rouges et sur son toit, se trouvait une sorte de minuscule studio -dans un piteux état, non-meublé mais où il y avait toujours du courant. Seul un lit de camps était posé dans un coin de la pièce, une boite avec du matériel de soins et de sutures se trouvait en dessous. Face à ce vieux lit inconfortable au possible, il y avait un mini-frigo, alimenté par le courant qui traversait encore les murs.

J’avais quelques planques comme celle-ci en ville, des au cas où, il m’arriverait quelque chose de grave et que je sois obligé de me soigner, seul. Arrivant avant Morticia, j’allais donc vers le frigo qui contenant quatre poches de sang. Mon sang. Encore une fois, c’était Claire qui m’avait aidé à préparer tout cela. Je me tournais finalement vers la jeune fille qui venait de me rejoindre, lui tendant l’une des poches.

« Écoute petite, ce que je fais à côté de ça… », commençais-je en désignant mon costume. « Argh, oublie. C’est la bonne chose à faire de t’aider, ok ? », avouais-je finalement dans un soupire. « Tu peux dormir ici si tu veux. Si ça peut t’aider, je pourrais essayer de garder ce frigo rempli. », dis-je dans une manière détournée de lui faire comprendre que je préférais qu’elle se nourrisse ici plutôt que dans la rue.

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