[Terminé] Y a des jours comme ça...

Je suis pas totalement stupide. Je sais bien que je dois pas vraiment faire illusion auprès de la blonde, surtout si elle est un tant soit peu observatrice. Mais qu’elle sache qui je suis me dérange pas plus que ça fondamentalement. C’est une alliée et puis, c’est pas comme si on se connaissait vraiment, dans la vie civile. En sortant d’ici, je pourrais de nouveau me fondre dans la foule, anonyme, comme je sais si bien le faire. En attendant, on joue le jeu tous les deux. Même si, au ton de sa voix, j’ai plus le moindre doute sur le fait qu’elle soit pas dupe.

Pouce levé dans sa direction histoire de confirmer que mon alter-égo se porte bien. Pas besoin de partir sur des pseudos explications qui tiendront pas la route et qui rendront mon mensonge déjà pas très crédible encore plus bancal. Et puis, on a quand même carrément plus important à gérer là, de suite. Comme les potentiels petits camarades de nos braqueurs du dimanche. « Ooooh je vois. » Tête penchée sur le côté alors que je regarde le type qui continue tant bien que mal de se débattre. « Je serais toi, je me calmerais avant qu’elle s’énerve vraiment. » Parce que perso, je la trouve très sûre d’elle et je serais bien le dernier à tenter de la contredire. Ou de la contrarier.

Bref ! J’en étais où ? Ah ouais. Elle me demande de le bâillonner et d’un mouvement rapide, je tends la main vers le concerné. Une toile fuse et se plaque sur sa bouche. « On devrait être tranquilles quelques heures là. » Et, vu la gueule qu’il tire, autant dire qu’il est pas ravi du sort qui lui est réservé. Par contre, le reste me surprend carrément.

Et je l’écoute, alors qu’elle prend la parole. Autant dire que d’entendre la voix d’Alec sortir de sa bouche a quelque chose de totalement improbable et je la fixe, les yeux ronds. Bon, elle le voit pas, donc on dirait presque que je suis stoïque. Mais, quand elle en a fini avec son échange, je laisse échapper un sifflement. « Okay, c’est carrément cool ça. Et tu peux faire toutes les voix comme ça ou… ? » Ah ouais, c’est ptet pas le sujet le plus important là, de suite.

J’ai un temps, réfléchissant aux différentes options, alors que je regarde autour de nous. Je fixe Alec, puis la blonde quelques instants. Avant de souffler vers elle, songeur. « T’as d’autres tours du genre dans ta poche ? » Histoire qu’on puisse réfléchir à un plan rapidement avec tous les éléments en poche. « Je peux sortir discrètement de mon côté. Ca aura un bel effet de surprise. » Mais pour le reste. J’ai pas trop envie qu’elle joue au faux otage, même si ce serait le plus logique. Le directeur sera de toute façon pas capable de faire quoi que ce soit sans paniquer. Alors ouais, les options sont limitées.

Bon, okay, c’était pas tout à fait comme ça que j’imaginais ma journée en vérité. Mais bon, à la réflexion, ça reste quand même vachement plus intéressant que de devoir renégocier mon prêt étudiant avec le banquier non ? Je sais, je sais, je devrais pas être plus enthousiaste à l’idée de gérer un braquage que de parler fric. Un petit peu quand même ? Allez, 10% d’enthousiasme pour 90% d’inquiétude, ça le fait non ? Sans compter que bon, je viens de tomber sur cette fille vraiment… inattendue. Pourtant, je suis bien conscient qu’il y a un paquet de différents mutants ou non-terriens qu’on peut croiser sur cette terre. Et que ce genre de transformation devrait pas me surprendre plus que ça.

Mais quand même, c’est toujours impressionnant. Surtout à l’entendre imiter ma voix sans la moindre hésitation. « Okay, ça, c’est hyper cool. » Index pointé vers elle, alors que j’en ignore totalement un Alec furibond qui continue de bouillir à côté de nous. Bon, je suis pas stupide, je sais qu’elle sait qui je suis, mais pour le principe, je continue de jouer le jeu. Tête penchée sur le côté alors que son ventre semble prendre plus de volume d’un coup. « Euuuh… C’est normal ça ? » Je veux dire, je dois m’inquiéter ou pas ? Elle a pas l’air d’être sur le point d’accoucher, mais on dirait que ça va pour le moment. Enfin, autant dire que de me retrouver avec une future maman pourrait me stresser un peu – beaucoup – plus que de gérer des braqueurs. Question de priorités donc.

Mais d’un coup, elle change d’apparence de nouveau et se transforme en notre cher petit braqueur. Qui la fixe, les yeux ronds, marmonnant des paroles inintelligibles, alors qu’il s’agite de plus belle. « Ouais, moi aussi je trouve ça super stylé. Même si je préfère la version originale. Pas que tu sois moche Alec hein… mais… » … il a une tête de sale con. Bref, je m’égare un peu là non ? Potentiellement. En tout cas, j’écoute la proposition de mon alliée du jour avec attention, levant mon pouce dans sa direction à la fin de ses paroles. « … ça me plait bien tout ça. Ils étaient plus que deux à l’étage, ça devrait aller vite. Tu me laisses… deux minutes ? » A la louche quoi. Je devrais probablement lui demander qui elle est, d’où elle vient. Mais j’ai dépassé depuis longtemps le stade de la surprise quand je rencontre quelqu’un comme ça. Je contiens quand même sacrément bien ma curiosité par contre, je tiens à le signaler. Parce que bon, j’aurais 1000 questions à lui poser sur sa mutation – j’en ai conclu que c’en était une, d’un commun accord avec moi-même donc.

Bon.

Une inspiration, alors que je fais craquer les muscles de mon cou. « Allez, on est partis. » Un bond rapide pour atteindre le plafond. Je me faufile dans l’ombre, alors que bien évidemment, aucun des braqueurs regarde le plafond. C’est toujours ma chance ça. Une fois dans le hall principal, je prends quelques secondes pour analyser la situation, alors que la voix de K.A.R.E.N résonne dans mon esprit. « Après analyse, ils n’ont que des armes simples M. Parker. Pas d’explosifs détectés ni d’autre arme camouflée. » Parfait donc. Je baisse les yeux pour voir une petite fille qui me fixe, les yeux écarquillés. Et je pose un index sur ma bouche, pour l’inciter au silence. Elle hoche la tête, le regard brillant, alors que je programme les toiles paralysantes. Et je m’arrête juste au-dessus du premier type, tendant la main pour l’attraper en silence. Quelques secondes et le voilà paralysé, saucissonné et collé au plafond. L’autre suit tout aussi rapidement et je finis par me laisser retomber au sol. « Restez calmes et silencieux. On a presque fini. » Je tapote l’épaule du vigile pour l’inciter à prendre le relai, avant de redisparaitre au sous-sol. « Bon, c’est quoi la suite alors ? » Son plan se déroule parfaitement pour le moment et j’avoue qu’il est possible que je m’amuse un peu. Surtout maintenant que les otages sont en sécurité.

Non mais, ce genre de mutation, c’est complètement dingue ! Je veux dire, pouvoir devenir n’importe qui en un battement de cils, je suis sûr qu’elle est unique en son genre en fait. Pendant un instant, je me demande si je suis rangé dans la catégorie mutant ou pas, avant de chasser cette interrogation de mon esprit. Pas trop le moment. Un hochement de tête quand elle me dit qu’elle compte sur moi et, en effet, il me faut pas beaucoup de temps pour arranger la situation dans la salle principale.

Est-ce que je mets vraiment que deux minutes ? Difficile à dire. En tout cas, je suis soulagé de voir que la situation semble autant sous contrôle que possible et je retourne rapidement vers ma comparse du jour, essayant de pas être trop fier quand elle me dit que je suis redoutable. Ca ferait pas super pro. Bon, après, je suis pas sûr que je puisse être qualifié comme tel, on va pas se mentir. Beaucoup diraient que c’est la faute à mon jeune âge, mon inexpérience et tout et tout. Moi j’ai envie de dire que c’est surtout parce que je suis en-thou-siaste. Du genre à être ravi de faire des nouvelles rencontres, surtout si c’est de celles que je viens de faire.

« Tout se passe bien là-haut. On devrait plus avoir à s’en inquiéter. » Histoire de confirmer qu’on peut se concentrer sur le reste. Et visiblement, elle y a déjà pensé. J’ai quand même un temps d’arrêt, hésitant quand elle me parle de redevenir moi-même. Clairement, vu son plan, ça reste le plus logique et aussi le plus sécuritaire pour elle comme pour toutes les autres personnes encore présentes dans la banque. Alors, forcément, même si ça m’enthousiasme pas, je suis aussi conscient qu’elle a pas été dupe de mon petit numéro. Mais ça fait partie du package. Je fais croire que je suis pas Peter Parker et les gens assez bienveillants font mine d’adhérer, même quand ils sont conscients de la vérité.

Je finis par prendre une inspiration et par hocher la tête. Vérifiant qu’Alec est bien KO, je souffle, d’une voix tranquille « K.A.R.E.N, tu peux ? », ébouriffant mes cheveux au passage et lâchant un « tadaaa » pas vraiment convaincu quand mon visage est dévoilé. « Tu peux faire semblant d’être surprise au moins ? Rapport à mon égo, tout ça… » Hum bref. « Je vais piquer la carte du banquier. Juste au cas où… » Tête de nouveau couverte, je disparais rapidement, juste le temps de retrouver ledit banquier qui en mène pas large dans son placard à balai. « Restez cool, la situation est sous contrôle ! » Pouce levé alors qu’il me fixe, les yeux écarquillés et je lui laisse même pas le temps de répondre alors que je récupère mon sac à dos planqué pour rejoindre mon acolyte. J’enfile mes fringues par-dessus ma tenue, manquant de trébucher sur mes lacets défaits et je claque mes mains l’une contre l’autre. « Okay, okay. J’ai la carte. Je peux aussi me débrouiller pour ouvrir les portes à ma façon, c’est pas un souci. K.A.R.E.N ? Je te laisse récupérer le plan des lieux et les différentes options de sortie. » « Recherche en cours. J’ai les codes de sortie M. Parker. Et je vous invite à prendre la porte sur votre droite, suivre le couloir jusqu’au bout pour l’issue de secours. Il y a trois hommes cagoulés à l’extérieur qui sont équipés d’armes lourdes. » Je répète tout ça à ma comparse, avant de l’aviser quelques instants. « C’est bon ? J’ai une bonne tête d’otage ? » Je sais pas trop quelle réponse j’attends et comment je dois réagir, surtout si elle me dit oui. Hum. Bref. Autant y aller avant que je me dise que le plan est trop risqué ou un truc du genre.

J’avoue que la curiosité que j’éprouve face à cette femme capable de prendre l’aspect de n’importe qui me fait probablement – surement – oublier les précautions habituelles rapport à mon identité. Mais bon, je pense pas qu’elle sera du genre à clamer sur tous les toits que Spider-man est le gamin paumé qu’elle a pu croiser dans la queue à la banque. Pas dit que grand-monde la croit en réalité. Je sais, ça pourrait être un peu vexant mais, quelque part, ça m’arrange bien. Enfin, ça dépend des jours. Mais bref, peu importe au fond. On est alliés dans cette histoire, alors je me pose pas plus de questions que nécessaire.

Et, alors que je laisse K.A.R.E.N faire son job, je me la joue révélation surprise. Et je lui rends un large sourire à sa réaction faussement étonnée. « Tu mériterais un Oscar pour ta prestation ! » Œillade complice, avant de me concentrer sur la suite des opérations. Je louche un instant sur mes cheveux qu’elle ébouriffe à mon retour avec la carte du directeur et j’ai aucun mal à retrouver mon air paumé habituel. Il suffit que je pense aux taux d’intérêt et aux multiples infos que j’ai pas eu envie d’assimiler alors que je me préparais à mon rendez-vous du jour, presque soulagé de pas avoir à m’entretenir avec mon banquier finalement. De là à préférer une prise d’otages, faut pas pousser non plus, j’en suis bien conscient.

On se glisse tous les deux en silence en direction de la sortie indiquée par mon IA et il ne lui faut que quelques secondes pour la déverrouiller. Un regard vers ma comparse du jour et j’ai du mal à retenir un nouveau sifflement admiratif devant sa transformation. Je peux quand même pas m’empêcher de souffler, dans un murmure un « fascinant… » plus pour moi qu’autre chose, avant de secouer la tête et de me remettre dans notre petit numéro. Parce que bon, ce serait bien qu’on se mette pas en danger. Enfin surtout elle, rapport au bébé tout ça. « On évite de jouer aux héros hein… enfin… pas trop quoi. » Ouais, ouais, je suis pas le mieux placé pour dire ça et c’est plus par acquis de conscience qu’autre chose, mais bon, je me voyais pas ne rien dire du tout.

Une inspiration et nous voilà dehors. Ma petite antenne s’agite alors que je repère deux des types en question, sans avoir la moindre idée d’où se trouve le troisième. J’ai beau jeter des coups d’œil un peu partout, impossible de le repérer dans l’immédiat. Autant dire que ça m’arrange pas des masses. Je fais mine de trébucher quand je sens le canon de l’arme dans mon dos et j’avoue que ouais, j’apprécie définitivement pas les flingues. Les deux autres se rapprochent du faux Alec, la tête cagoulée. « Merde ! Vous étiez passés où ? Et où sont les autres ? » Un temps, avant que l’autre ajoute, dédaigneux. « Et c’est quoi cette crevette que tu nous as ramassé ? T’avais pas mieux en stock ? » Ouais, ça fait toujours plaisir hein. Bon, il est où le troisième bon sang ? Ah ouais, jouer la comédie. « S’il vous plait, me faites pas de mal ! » J’ai droit à un Oscar aussi vous pensez ?

Je sais, je sais, je devrais être plus stoïque, même face à un talent comme le sien. Surtout que je me dis que ça doit lui arriver un peu trop régulièrement et que ptet même ça peut lui taper sur les nerfs. Mais difficile de réfréner ma nature, surtout qu’elle m’envoie pas spécialement balader quand elle entend mes réactions. Bon, après, le moment est pas super propice, alors je fais au mieux pour me recentrer et entrer dans la peau de l’otage en panique. Je fais ça bien non ? Je trouve que oui perso !

En tout cas, ça a l’air de marcher auprès des autres, d’autant que mon acolyte est super convaincante. Je fais mine de trébucher quand elle appuie son revolver dans mon dos. Par contre, le frisson qui me parcourt est tout sauf feint. Tous mes sens sont en alerte, alors que je repère chacune des personnes présentes. Ma petite antenne m’alerte des pièges et, une fois dans la camionnette, j’ai un hochement de tête silencieux aux deux types qu’elle me désigne. Comme quoi, il m’arrive de pas parler en mission. Ouais, ouais, ça arrive une fois tous les 36 du mois. Et j’avoue que j’ai du mal à me réfréner. Alors, c’est peut-être avec un peu trop d’entrain que je m’occupe de ma cible, dont la tête percute le tableau de bord, l’assommant net. « Oups… »

Une grimace à l’attention de la jeune femme. « Je voulais pas… » Taper aussi fort ? En vrai, j’en suis pas totalement sûr. Faut dire que bon, l’idée qu’ils s’en prennent à des innocents comme ça, incapables de se défendre, c’est bien un truc qui me met en rogne. Oui, bon, à ma façon hein, je sais bien que je suis pas du genre à brandir une arme et à crier sur tout le monde.

Et je penche la tête à sa question, lui rendant un large sourire alors que je balance mon sac à dos dans un coin de la camionnette et que mon corps entier se recouvre directement de mon costume. Y a pas à dire, la technologie Stark, c’est le top du top. « C’est parce que je prends pas les escaliers, c’est trop lent. » Soufflé avec malice, alors que je sors par la fenêtre d’un bond, tendant la main pour que ma toile s’accroche au coin de l’immeuble le plus proche. Et, avec mon élan, je me retrouve à percuter le sniper les deux pieds en avant. Il vole dans les airs, manquant de tomber dans le vide, mais je le rattrape aussi sec avec une nouvelle toile, tissant autour de lui alors qu’il se retrouve saucissonné, la tête en bas, gigotant en vain dans tous les sens. J’avise son arme qui se retrouve aussi entoilée avant de sauter sur le toit de la camionnette.

Contre laquelle je toque, l’air de rien. « La voie est libre on dirait. » Mes sens sont de nouveau au repos, alors que j’entends au loin le bruit des sirènes de police se rapprocher. « Je sens que certains vont pas passer une bonne soirée. » Je finis par sauter à l’intérieur de la camionnette et par replier mon casque, la fixant un instant. « Je… » Je sais pas trop quoi lui dire d’un coup. Les flics vont débarquer, donc je vais devoir cacher de nouveau mon identité. Mais en attendant, elle m’a vu. J’ai tellement manqué de prudence, ça craint quand même. Plus pour me donner une contenance qu’autre chose, je ramasse mon sac à dos, jouant avec du bout des doigts.