[Terminé] Y a des jours comme ça...

J’ai un soupir alors que je commence à taper du pied dans la queue. Ca fait à peine 10 minutes que je suis là et, déjà, ma patience est un peu – mais alors juste un peu – émoussée. Faut dire que pour ce genre de choses, je suis rapidement à court. C’est pas toujours le cas, heureusement d’ailleurs. Genre, quand un cours est intéressant ou quand je bosse avec Bruce, je peux passer des heures sans même capter le temps qui passe. Mais pour ça, pour un truc aussi… chiant – on va pas tourner autour du pot pendant 107 ans hein – comme devoir discuter de la fermeture d’un compte pour en ouvrir un autre, bah j’arrive pas à trouver la patience nécessaire. Bien pour ça que j’ai remis à plus tard cette histoire à plus d’une reprise.

Mais il parait que c’est nécessaire. Entre mon prêt étudiant, ma bourse Stark et j’en passe, parait que c’est un sacré foutoir. Et tante May a fini par me lancer tous les papiers en me disant qu’il était temps que je sois un peu responsable. C’était même pas une allusion subtile ou quoi hein. Un nouveau soupir, alors que je commence à marmonner une chanson, me balançant d’un pied sur l’autre. J’attrape mon téléphone et j’ai un froncement de sourcils alors que je balaie rapidement mes mails. Rien de passionnant. Instagram ? Ouais, faudrait que je pense à faire ma propre page pour Spider-man. J’en ai marre d’avoir plein de faux comptes qui pullulent et qui postent des photos de moi improbables. J’en ai parlé avec MJ rapidos l’autre jour, elle m’a dit que c’était une bonne idée. Mais j’ai pas le temps.

Quoi que, là… je l’ai en fait. Du coup, je prends quoi comme nom ? Parce que, bien évidemment, ils sont déjà pléthore à avoir choisi un spidernom pour un spidercompte. Le seul et l’unique ? Un peu comme le Big Mac ? Ouais, nan, ça fait un peu trop prétentieux. Je grimace en voyant qu’il y a encore plus de faux comptes que je le pensais. C’est pas possible ça… et je parle même pas des prises de tête dans les commentaires. J’ai vraiment envie de supporter ça ? Pffff.

Sans me rendre compte, je bouscule la fille devant moi, enceinte, parce que j’ai trop avancé. « Ah pardon m’da…demoiselle ? » Il faut dire quoi déjà dans ce genre de situations ? Un sourire pas du tout assuré alors que j’me baisse pour ramasser ses papiers que j’ai fait tomber. « J’espère que j’ai pas foutu trop le bordel dans vos… » D’un coup, je me fige, alors que ma petite antenne comme j’aime PAS à l’appeler, s’agite brusquement. Et c’est comme au ralenti que je relève la tête, alors que trois, non quatre, silhouettes cagoulées et surtout, armées, font sonner le portique de la banque et tirent en l’air. « Pas un geste et tout se passera bien ! »

Ah. D’accord. On m’y reprendra à aller à la banque hein.

Là, voilà, ce sera une très bonne raison pour dire à tante May que je devrais JAMAIS aller à la banque. Dans le genre karmique, ça se pose là. Je veux dire, niveau proba, on en est à quel niveau là ? j’y vais une fois tous les 36 du mois et PAF braquage. A ça d’envoyer un SMS pour lui dire et pour râler. Faut dire que, contrairement à la plupart des gens, le fait de voir des types avec des armes est pas vraiment pour m’inquiéter. Faudrait ptet que je réapprenne. A faire semblant en tout cas. Ce serait ptet pas mal si je veux espérer garder mon anonymat encore quelques temps. Je suis bien conscient que, si je veux vraiment suivre les traces de Tony, il faudra qu’un jour, j’accepte d’être dans la lumière comme lui l’a été. Mais dans l’immédiat, pour protéger mes proches, que ce soit tante May, MJ ou même Ned, j’ai pas la moindre envie que ça se sache.

Du coup, j’ai tout ça qui se bouscule à toute vitesse dans ma tête, histoire de pas changer de mes bonnes habitudes. Et, si je me tiens tranquille, je commence évidemment à analyser nos assaillants. Et j’ai un froncement de sourcils quand je les regarde avec plus d’attention. Y a un truc qui me dérange, alors que ma petite antenne me titille sans que j’arrive à réellement mettre le doigt dessus.

Au murmure de la blonde, je relève la tête vers elle et je la fixe longuement, avant de souffler, sur le même ton qu’elle, non sans un mouvement du menton en direction des hommes. « Ils sont trop nerveux. Regardez comment ils tiennent leurs armes… » Au moindre truc qui se déroule pas exactement comme prévu, je suis à peu près certain qu’ils seront incapables de rester calmes. Et c’est bien ça qui est en train de me travailler. Sauf que je vois pas comment l’anticiper. J’ajoute quand même, avec une ombre de sourire. « J’ai même pas de montre de toute façon. » Et mon téléphone est tellement naze que je sais même pas comment il s’allume encore. Quant à me piquer mon fric. La bonne blague. S’ils veulent de mon prêt étudiant, je leur file avec plaisir. Alors ouais, c’est pas ça qui m’inquiète. Mais plutôt ce qui pourrait arriver aux gens autour de nous si ça se passe pas exactement comme prévu. Et on sait tous que c’est comme ça que ça dérape en général.

Heureusement, pour le moment, ils prêtent pas attention à nous. Une femme enceinte et un gamin à l’apparence maigrichonne, ça vend pas du rêve de toute façon. C’est bien le principal avantage de pas avoir la tête de l’emploi. Mais, d’un coup, j’entends que ça commence à crier un peu plus loin. « Je t’ai DIT de PAS bouger ! » Un des hommes a agrippé une femme, à peine plus vieille que moi et vient de la balancer par terre. D’ici, je peux voir son arme trembler et ça me plait de moins en moins là. Et je sens la tension générale monter d’un cran pour tout le monde… sauf la blonde à côté de moi. Que je fixe avec une attention accrue.

Je sais, je devrais probablement me mettre dans la peau du jeune homme paniqué, histoire de pas me faire remarquer, mais j’en suis incapable. Surtout quand je peux sentir la tension des braqueurs et quand je me dis qu’ils pourraient déraper à la vitesse de l’éclair. J’inspire, continuant d’observer autour de moi, de regarder les différentes opportunités, un peu surpris de voir le calme la blonde qui me répond. « On est d’accord. Et c’est pas bon ça. Parce que c’est typiquement le genre de types qui paniquera pour rien. » J’en ai déjà vu des comme ça. Et c’est qu’une question de minutes.

Un froncement de sourcils quand celui qui a l’air d’être le braqueur en chef prendre la parole et surtout, quand leur attention se focalise quelques instants – de trop – sur la jeune femme. Forcément, son ventre arrondi passe pas inaperçu et c’est pas vraiment pour me rassurer. « J’ai une tête de super-héros ? » Chuchoté à son attention avant de lever une main vers elle. « Nan, répondez pas, ça va me vexer. » Bon, je sais, je sais, je suis encore en train de tomber dans mes travers habituels et de trop parler, mais vu son calme impressionnant, clairement, je sais que je suis pas tombé sur une civile classique. De là à lui faire confiance, il y a qu’un pas que je suis pas loin de sauter.

Je réprime quand même un juron quand ils se décident à mettre en joue une fille qui a l’air à peine plus vieille que moi. « … ça, ça craint… » Ils perdent les pédales encore plus vite que prévu. Je suis la scène des yeux, sursautant quand je vois le jeune se prendre un coup de crosse et me retenant tout juste de me lever pour intervenir. J’ai bien mon costume sous mes fringues civiles mais là, de suite, j’arrive pas à trouver une faille pour me planquer et réapparaitre en Spider-man. Ca les calmerait direct là.

Regard écarquillé quand il menace de tuer la fille et, alors que l’un des types approche vers nous, je souffle en direction de la blonde, dans un murmure. « Vous pensez que vous pourriez faire diversion ? Genre une poignée de secondes à peine ? » J’ai pas le temps d’en rajouter que le mec à la mitraillette s’approche et m’assène un gros coup de crosse en plein visage « Toi le gamin, tu fermes ta gueule ! »

Outch. Ca fait pas du bien ça.

Je porte ma main à ma lèvre qu’il vient d’éclater, plissant des yeux et lui balançant mon téléphone tellement pourri qu’on dirait un jouet – et encore – dans son sac, cherchant de nouveau le regard de la blonde pour avoir une réponse silencieuse à ma question. Surtout maintenant qu’ils ont trouvé le directeur, tout va se jouer en quelques minutes.

Là, je le vois bien à sa tête qu’elle me prend pour un gamin qui réfléchit pas. Je sais, je sais, j’ai pas la tête de l’emploi mais quand même, à la longue, ce serait presque vexant. C’est pas parce que je fais pas 1m90 pour 90 kilos de muscles que je suis pas capable de me débrouiller et, surtout de mettre ces braqueurs hors d’état de nuire. Mais pour ça, faut que j’arrive à me planquer pour me changer. Et c’est la partie la plus délicate.

Sauf que la blonde semble comprendre l’idée. Ou alors elle est pire que moi dans la provocation. Je me frotte la mâchoire pour faire mine que la douleur m’a calmé dans mon élan. Et tout s’enchaine, alors qu’elle cherche à capter l’attention des braqueurs. Ah bah on dirait que ça marche pas trop mal en fait. Ca marche même plus que bien. J’écarquille les yeux quand le type pointe son arme sur son ventre arrondi, sentant une vague de colère inhabituelle me gagner. Ce genre de trucs-là, je supporte pas. Que les gens se sentent obligés de piquer du fric parce qu’ils ont des problèmes dans leur vie, je peux le concevoir. Mais ce comportement, je valide pas, mais alors pas du tout. J’inspire longuement, ignorant les murmures outrés des otages alors que je fixe les mecs avec attention pour tout déterminer chez eux. Leur vitesse de mouvement, leur taille, leur posture et j’en passe. Aucun détail m’échappe, alors qu’ils continuent de menacer méchamment la blonde.

Je lève les deux mains, histoire de faire mine d’être un gentil petit qui suit le mouvement dans le type me crie dessus. Pas ça qui va me mettre en stress, je confirme. Je dois juste trouver le bon timing et, vu comment ils regardent Raven comme un morceau de viande, j’ai comme dans l’idée que je devrais avoir une ouverture assez facilement. En attendant j’ai un bref hochement de tête dans sa direction, la mine assurée. De toute façon, ils me regardent pas, ils sont tous focus sur elle. Ne reste plus qu’un braqueur à l’étage qui sera facile à neutraliser le moment venu.

Le premier braqueur prend la tête, le flingue pointé sur la tempe de la blonde. Le directeur suit, tremblant, alors que le deuxième braqueur le fixe, me tirant le bras sans vraiment me prêter attention. Je suis pas vraiment une menace après tout. Une inspiration alors qu’en bas des escaliers, je vois tout bêtement. Les interrupteurs. Et j’ai une ombre de sourire, alors que je tapote du bout des doigts mon lance-toiles caché sous ma manche. Le timing va être serré, mais c’est le moment où jamais, surtout qu’ils me regardent pas, que le premier braqueur est déjà en bas et a pris le virage direction les coffres.

Un mouvement du poignet et la toile se colle sur le bouton. La lumière s’éteint et j’entends le type qui m’accompagne jurer alors qu’il me relâche. Pas comme si être dans le noir était un problème pour moi. « C’est QUOI ce bordel putain ??? » De mon côté, j’attrape le directeur et je le pousse contre le mur avant de me tourner pour entoiler le mec. Et, avant tout, je balance un coup de toile en plein visage pour qu’il soit plus capable de voir quoi que ce soit. « ALEC ! Aide-m… » Il a pas le temps de finir sa phrase que je lui ai entoilé la bouche. Et je saute au plafond, me fondant dans l’obscurité. Ca m’a pris quelques secondes à peine. En espérant que je me sois pas planté sur la blonde et qu’elle saura gérer le temps que j’arrive à elle. Parce que quelques secondes, ça peut faire toute la différence.

Quelques secondes.

C’est tout ce dont j’ai besoin.

Ouais, c’est probablement l’avantage d’être un peu – mais alors juste un peu – hyperactif. C’est largement plus qu’il m’en faut pour me débarrasser de ma tenue civile, la glisser dans mon sac à dos et faire craquer ma nuque alors que j’enfile ma cagoule. Là, voilà. Plus besoin de jouer au petit gamin terrorisé par le braquage.

Ma petite antenne s’agite alors que j’entends du bruit un peu plus loin et surtout la voix de la blonde qui murmure quelques mots à … Alec donc. J’imagine. J’ai un sourire franchement amusé alors que je tends la main pour blondir au plafond, m’y accrochant avant de remettre la lumière en route. Je peux aviser le directeur, un brin sonné et surtout totalement déstabilisé, qui sait plus du tout où donner de la tête. J’hésite vaguement à l’assommer, histoire qu’on soit tranquilles en fait, surtout avant qu’il se mette à paniquer pour rien. « Hum… » C’est quand il ouvre la bouche pour crier que je prends la décision, avisant le placard à balais dans le couloir que j’ouvre d’un coup de toiles pour le balancer dedans. « Désolé ! » Je suis pas sûr qu’il m’entendra, mais peu importe, il est en sécurité là-dedans.

Et, cette affaire rondement menée, je glisse silencieusement en direction de la blonde et de l’autre mec donc. J’ai un temps d’arrêt quand j’arrive, me laissant tomber au sol quand je vois la situation. « On dirait que tout est sous contrôle ici. » J’ajoute, en direction de la blonde, prenant une voix plus assurée, genre je suis un adulte responsable et tout. « Le gamin s’est planqué, il va bien. » Au temps pour le jeune Peter courageux qui s’est caché dans le placard à balais avec le directeur ou un truc du genre hein. Mais au moins ça donne un semblant de crédibilité à mon personnage, même si j’ai comme un vieux doute sur le fait que la femme sera dupe. « … tu lui as pété le bras ? Oh ça doit faire mal ça. » Une grimace songeuse, avant de reprendre, le plus sérieusement du monde – ouais, ça m’arrive des fois. « Donc, la dame t’a posé une question. Est-ce qu’il y en a d’autres de cachés ? » Clairement, il s’attendait pas à ce que la situation lui échappe comme ça.

Le talkie qu’il a à la ceinture grésille alors. « Alec bordel, vous en êtes où ? » Et j’ai un froncement de sourcils, soufflant en direction de ma comparse du moment. « C’est pas la voix du type qui est resté là-haut. Donc, t’as raison. Y en a d’autres. » J’ai comme l’impression que ça va pas la mettre de bonne humeur. Quelle bande d’amateurs quand même. Pas foutus de se donner des noms de codes quoi. Bon, je vais pas m’en plaindre, même si au final, les amateurs peuvent être autrement plus dangereux que les professionnels parce qu’ils savent pas comment réagir sous la pression.