[Terminé] Bucky et sa drôle de dame

S’octroyer une sortie nocturne dans sa situation révèle peut-être du suicide mais, depuis quelques jours, le Soldat respire de nouveau correctement. Depuis son emménagement à l’appartement de Sam, lui et son fidèle ami n’ont remarqué aucun comportement suspect, ni véhicule qui s’attarde et reste en contrebas de l’allée, et Bucky n’a plus eu l’impression d’être suivi lors de ses rares sorties pour promener Captain. Est-ce que HYDRA s’est finalement détourné de lui, abandonnant l’idée de le retrouver le plus rapidement possible pour concentrer son énergie ailleurs ? Sur quelque chose ou, quelqu’un d’autre… Il ne parvient pas à s’en réjouir, redoutant ce que cette personne va subir — il espère de tout coeur que ce n’est pas June, mais il faut reconnaître que le soulagement qu’il ressent ne peut être ignoré, et que celui-ci est largement légitime. Ne plus avoir l’impression qu’une ombre menaçante marche dans ses pas, ne plus se braquer à chaque bruit, qu’il soit suspect ou non, constitue une angoisse supplémentaire qui l’avait hanté.

Il ne criait pas victoire trop vite mais, lorsque Raven lui avait parlé de ce gala de charité, il avait sauté sur l’occasion pour se changer les idées : la réception allait être donnée dans un endroit intime et hautement surveillé, car accueillant toutes les personnes notables de New-York, alors il n’avait pas tardé à accepter. Cela faisait un mois qu’il se cachait, ne sortait presque pas et évitait au possible de côtoyer les autres, pour ne pas les mettre en danger… maintenant que les choses s’étaient calmées, il méritait cette soirée pour s’aérer l’esprit, être en compagnie d’une personne qui l’aime et qui lui fait du bien.

Ponctuel, il était arrivé sur le lieu du rendez-vous un peu avance, mais n’avait pas croisé le visage familier de sa belle blonde du soir : jetant un regard à son téléphone, il s’assure de ne pas avoir reçu un message d’annulation de sa part, et comme ce n’est pas le cas, il se dit simplement qu’elle a un peu de retard. Sans contrariété aucune, il range le téléphone dans sa poche et se dirige vers l’entrée, présentant son carton d’invitation avant d’enfin pouvoir accéder à la salle, où des groupes se sont déjà formés. Les tables sont dressées, l’orchestre se met en place… Cela s’annonce comme une bonne soirée à venir.

Glissant ses deux mains dans les poches de son costume noir, agrémenté d’une chemise blanche dont les premiers boutons sont défaits, le Soldat se dirige vers le bar en ayant un fin sourire aux lèvres. Dos à la salle, il patiente jusqu’à ce que le serveur vienne à sa rencontre pour lui commander un verre de whisky, attendant sagement que sa drôle de dame arrive…

Dos à la salle, Bucky glisse une main dans la poche de son pantalon de costume — pas celle gantée, l’autre, tout en zieutant le serveur qui s’éloigne pour préparer des cocktails, ainsi que le verre qu’il a commandé. L’ambiance est pour l’instant assez calme, l’orchestre commence tout juste à accorder leurs instruments tandis que les premiers invités, les plus ponctuels, se présentent et se réunissent en petits groupes sans encore s’approcher des tables, où le diner sera bientôt servi.

Quelques secondes passent, il tourne son menton par-dessus son épaule pour jauger les convives, à la recherche de sa blonde enceinte jusqu’au cou : aucun signe d’elle. S’installant sur l’un des tabourets rembourrés, le brun fronce ses sourcils tout en sortant son téléphone de sa poche pour regarder l’écran de son téléphone portable : aucun appel ni message de la part de Raven… Aurait-elle oublié ? A-t-elle eu un contre-temps ? Elle est une x-men donc, possible…

Un peu déçu, il décide d’attendre encore un peu, au moins le temps de boire le précieux breuvage qu’on lui apporte, avec un dessous de verre : il remercie le serveur d’un sourire chaleureux avant de s’emparer de son verre, mais n’a pas le temps de le porter à ses lèvres. Une main, sur son épaule, l’interrompt. Intrigué, il tourne son menton vers cette main fine qui s’est posée sur son épaule, tandis qu’il dépose de nouveau son verre sur le comptoir pour faire face à la sublime blonde qui se présente à lui : elle est d’une indéniable beauté mais, elle n’est pas la blonde qu’il souhaitait voir.

S’il peut lui accorder un instant ? Levant légèrement le menton avec un petit sourire au coin des lèvres, il lui répond d’une voix chaleureuse : « Bien sûr, que puis-je faire pour vous ? » Le coude appuyé sur le comptoir, il plisse légèrement ses paupières tout en observant la jeune femme, notamment le ventre proéminent qu’elle arbore… comme Raven. Est-ce qu’elle… Possible. Mais pas certain. Il ne peut pas prétendre une telle chose, surtout si la jeune femme est bien… celle qu’elle prétend être.

Intrigué, curieux, il attend sa réponse sans la quitter des yeux…

L’illusion, si elle en est une, est incroyable tant elle est criante d’une vérité qui le fait néanmoins douter ; non pas qu’il doutait des capacités de métamorphoses de la belle blonde mais, tout de même, elle n’oserait pas lui faire un coup pareil ? Quoique…

Raven est une femme qu’il sait pleine de surprise, qui n’a pas froid aux yeux et qui aime balayer les règles d’un revers de la main. N’est-ce pas en sa charmante compagnie qu’ils ont, un soir perdu dans les années 70, tous deux vidé les frigos du train qu’ils occupaient ?

Ce souvenir est loin de ses pensées lorsqu’elle se met à parler, dévoilant des intonations qu’il ne peut reconnaître, même dans un visage étranger. Elle peut comprendre qu’il sait quand les traits de son visage se détendent en même temps que ses épaules qui retombent, tandis qu’il laisse son regard s’égarer sur le côté quelques instants, ne perdant pas son sourire amusé une seule seconde. « Incorrigible, cette Raven. » Dit-il en revenant auprès de la belle blonde, ses lèvres appuyées l’une contre l’autre ayant gardé l’empreinte d’un sourire joueur, illustrant à merveille les mots qu’il prononce par la suite : « Je l’attendais en effet mais, comme elle semble m’avoir oublié… »

Interrompu dans son élocution, il n’a pas le temps d’achever sa bêtise qu’une femme quelconque s’immisce entre eux, lui faisant aussitôt froncer les sourcils avec stupeur : pour qui elle se prend, celle-là ?

Jetant une oeillade indifférente à sa main, il pose un regard froid sur la demoiselle au décolleté échancré qui se présente sous le nom de Magdalena, lui rétorquant alors premièrement d’une voix tout aussi glaciale : « Je ne vous propose rien du tout. » Tout à coup, le gentil nounours prêt à monter des meubles de bébé et à repeindre des chambres d’enfants n’existent plus : l’air assuré, le regard froid et le dos droit, il se décale de quelques degrés pour être aux côtés de la fausse Raven, se permettant même de glisser son bras — métallique et caché sous la veste de son costume, dans son dos pour enlacer sa hanche, disant alors d’une voix toujours aussi froide mais calme, creusant davantage l’humiliation que l’impolie bimbo subit : « J’ai déjà une cavalière pour la soirée et, comme vous pouvez le constater, je n’ai d’yeux que pour elle. Bonne soirée à vous. » Lui lançant un dernier regard appuyé pour être certain que le message soit entendu et compris, Bucky entraîne sa belle blonde de l’autre côté du comptoir, faisant attention à elle lorsqu’il l’aide à prendre place sur l’un des hauts tabourets, toujours aux petits soins pour celle-ci. « Sans gêne, celle-là. » Cette rencontre l’a rendu un peu nerveux, si bien que les muscles de sa mâchoire peinent à se détendre…

Il ne supporte pas qu’on manque de respect à Raven.

Appuyant ses deux mains sur le comptoir, il racle discrètement sa gorge en mordillant l’intérieur de sa joue durant quelques secondes, avant de se retourner vers sa charmante compagnie pour lui dire, d’une voix assouplie : « Tu veux boire quelque chose ? »

L’impolitesse de cette femme n’avait rien de séduisant, aussi, quand bien même n’avait-il pas été accompagné (et très bien accompagné), le Soldat ne se serait nullement attardé auprès de cette inconnue, trop sûre d’elle, trop audacieuse et vulgaire. Il était peut-être d’un autre temps, d’un temps révolu, d’un âge où le romantisme et la douceur prévalait sur tout le reste, mais il n’était nullement attiré par celles qui se croyaient tout permis.

La dénommée Magdalena ayant été éconduite, et pas de la manière la plus délicate il fallait le reconnaître, elle avait déguerpi le plancher sans demander son reste, et non sans avoir lancé un regard incendiaire à la blonde enceinte qui lui volait l’objet de son désir ; se détournant et l’oubliant aussitôt, Bucky avait adressé un sourire complice à Raven, cachée sous une autre apparence.

Une fois la belle confortablement assise sur le tabouret, Bucky dépose sa main gantée sur le dossier de celui-ci, d’un instinct protecteur, avant de lui demander ce qu’elle veut boire. Aux petits soins, il lui adresse un deuxième sourire avant d’interpeller poliment lui serveur, l’interrogeant sur le fameux jus de banane — qu’ils ont par miracle, et commandant une bière pour lui. « Ils doivent souvent recevoir des femmes enceintes. »  Plaisante-t-il en se retournant pleinement vers elle, zieutant rapidement vers l’entrée et l’assemblée afin de s’assurer qu’il n’y avait aucun danger, presque de manière inconsciente.

La protégeant donc par sa position, positionné devant elle avec le dos légèrement courbé et son bras posé derrière elle, Bucky écoute attentivement ses dires, en ayant l’air de les prendre avec légèreté. « Tu n’as pas l’impression d’exagérer ? » Secouant son menton de gauche à droite, il émet un léger rire tout en remerciant le serveur venu déposer les verres, et il se saisit de sa choppe pour en boire une gorgée avant de poursuivre : « C’est dans ton esprit. Dans la vraie vie, personne n’a envie de faire ça. »

Néanmoins amusé des fantaisies de son amie, il ne peut s’empêcher de lui retourner la question de l’intérêt amoureux : « Et toi, alors ? Les amours ? » Sujet qu’il ne fallait peut-être pas aborder…

C’était très perturbant de parler à Raven sans que ce soit Raven. C’était elle, il reconnaissait sa voix — identifiable entre mille, c’était bien son ventre rond et même ses mimiques si spécifiques à son visage et expressions mais… Ce n’était pas son visage. C’était elle sans être elle.

Perturbant et fascinant à la fois.

« Le chocolat, passe encore mais, la charcuterie… Ce n’est pas déconseillé avec les bébés ? » Apportant son verre à ses lèvres pour en boire une gorgée, il avait arqué l’un de ses sourcils tout en soutenant le regard de sa comparse. Comment savait-il cela ? Est-ce qu’il avait potassé le sujet en apprenant la grossesse de Raven et en emménageant — brièvement, avec elle ? De toute évidence, il était bien informé.

Bien informé et bien habillé, d’après les dires de la dame : s’il réfutait l’excès qu’elle accordait à l’effet produit sur les femmes, il ne put s’empêcher d’être un peu perturbé lorsqu’elle évoqua, sans qu’il ne s’y attende, leur rencontre dans le train… Cela remontait à très loin mais il s’en souvenait parfaitement. Trop, peut-être, d’ailleurs.

Un petit sourire étirant ses lèvres, il avait brièvement froncé son nez avant de reposer son verre sur le comptoir, tournant son menton pour observer la jeune femme en partageant son air malicieux : « Dans le train, oui… » Il avait répété les derniers mots en réprimant, visiblement, d’en dire d’autres. Et c’était peut-être mieux ainsi, car s’il était libre, elle, non…

Elle était en couple, de son aveu un peu bancal ; pas étonné mais surpris de sa réaction, il avait froncé les sourcils devant son air incertain, un peu curieux d’en apprendre plus au sujet de son compagnon. Après une autre gorgée de sa bière, il avait, sans le vouloir, mis les pieds dans le pas en affirmant ce qui lui semblait être le plus probable, sans même se douter qu’il était totalement dans le faux : « Avec Erik ? » Après tout, il songeait que comme il était le père des jumeaux, cela avait dû les rapprocher. Naïf qu’il était.