[Terminé] when two strangers have more in common than expected ft Ezekiel Ranevskaia

Cette gamine l’intrigue, forcément. Elle est inconfortable, ne semble pas vraiment être à l’aise aux Échecs mais est venu à une réunion concernant ces derniers, ce qui peut paraître étonnant : les échecs sont tranchants, on adore ou on déteste, on trouve ça fascinant ou alors ennuyeux, vieux-jeu. Elle n’est pas venue ici pour les échecs, ou du moins, pas que. Mais quoi, alors ? Lui ? En dehors du jeu dont il est champion, il ne voit pas vraiment comment et pourquoi il peut l’intéresser…
Malgré son agression survenue récemment, il ne se méfie pas vraiment de cette gamine aux allures faussement punk, car elle ne semble pas bien méchante. Et puis, ils sont en plein jour, entouré de témoins… L’endroit n’est pas vraiment propice à une agression.

Changer d’endroit ne l’aidera pas à se calmer. Soit. Il a compris qu’elle était mutante, mais ne dévoile pas encore qu’il l’est également ; sait-on jamais qu’il est besoin d’une carte cachée dans sa manche. Les échecs lui ont bien enseigné ceci.

Elle lui avoue alors avoir peur de lui dire quelque chose : il fronce soudainement ses sourcils en levant légèrement le menton, curieux et un peu tendu. Cela n’annonce généralement rien de bon, mais il garde une posture attentive et ouverte, pour ne pas la stresser davantage ; il préfère un coup de massue rapide plutôt qu’on tourne autour du pot pendant des heures. Heureusement, elle est trop vieille pour être sa fille… « Qu’est-ce que tu as de si horrible à me dire ? » Demande-t-il sur le ton de l’humour, bien que ce soit visible qu’il soit tendu.

Enfin, elle crache le morceau : elle s’appelle Emma Ranevskaia. Tournant son menton sur le côté, il garde les sourcils froncés avant de les hausser, un peu curieux de cette nouvelle ; elle n’est pas aussi horrible qu’il le pensait. Cela doit être une simple coïncidence, pense-t-il. « Tu viens de Russie, aussi ? » Demande-t-il en se détendant quelque peu, comme en témoigne ses épaules qui s’abaissent, tandis qu’il poursuit avec un large sourire : « Comment s’appelle ton père ? On est peut-être cousins ! » S’il savait…

Si c’était bien la première fois qu’il rencontrait une autre Ranevskaia, il ne s’en formalisait pas outre mesure : tout égocentrique était-il, il n’était pas naÏf au point de croire qu’il était le seul, au monde, à l’avoir reçu en héritage. Ainsi, une fois la surprise passée, il se contente d’hausser ses épaules tout en souriant d’une manière amusée, bien qu’intriguée, avant de lui soumettre l’idée, peut-être pas si farfelue, qu’ils sont cousins. Qui sait ! Les membres de sa famille restés en Russie ont pu avoir des enfants qui ont atterri ici.

Mais l’adolescente, calmée mais toujours sujette à l’angoisse, met rapidement un terme à ses pensées : elle ne vient pas de Russie et son père est mort. AH. Plus compliqués que les cousins. Hm hm. Il fonce ses sourcils en plissant légèrement ses paupières, ayant l’air de se demander quelle mauvaise blague on était en train de lui jouer. « Rassure-moi, tu n’es pas ma fille, hein ? » Il plaisante. Peut-être pas totalement ceci dit.

Mais lorsqu’elle recommence à parler, il perd rapidement son sourire et son air joueur, surtout lorsqu’il l’entend prononcer le nom de sa jumelle disparue, Azael. Sa mâchoire subit un tremblement tandis qu’il fronce ses sourcils avant de hocher imperceptiblement son menton de gauche à droite, comme si la nouvelle était tant inattendue qu’il ne pouvait vraisemblablement pas y croire. « Non… » Marmonne-t-il en ravalant difficilement sa salive, son visage se fermant en même temps que ses mains qui se referme sur le bord de la table. « Ce n’est vraiment pas drôle. » Lâche-t-il avec un soupçon de colère dans la voix, avant de poursuivre, faisant des efforts monstres pour contenir son calme : « Ma soeur jumelle a disparu quand j’avais 14 ans. Elle est morte ! »

Croyant qu’il s’agit d’une très mauvaise blague, d’une cruauté sans nom, il se lève avec virulence et attrape sa canne pour s’éloigner, lâchant alors d’une voix perçante : « J’espère que cela te fait bien rire parce que moi, non. » Les yeux brillants d’une douleur qui ne cicatrisera jamais, il commence à s’éloigner de sa démarche boitillante, les mains tremblantes et le coeur secoué.

Il ne sait pas trop comment cette gamine a eu toutes ces informations sur lui, car il n’a jamais abordé le sujet de sa soeur jumelle disparue en interview, ni dans les longues conférences d’Échecs qu’il a pu donner à travers le pays, mais ses pensées s’emmêlent et la vérité est bien trop grande pour qu’il puisse l’accepter sans croire, de prime, à un cruel mensonge : voilà des années que sa jumelle est devenue une fantôme douleur, un souvenir qui refuse de s’effacer et qu’on retient, en secret.

Elle pleure, il l’a vue mais ne parvient pas à franchir le pas pour y voir un quelconque aveu de sincérité : dans le déni, il préfère se détourner d’elle en fulminant de colère sans hausser la voix, car celle-ci est étranglée au fond de sa gorge. Déterminé à s’éloigner de cette conversation qui lui fait bien plus de mal qu’autre chose, il continue sa marche boitillante sans prêter garde à ses paroles, mais est bien forcé de s’arrêter lorsqu’elle atterrit devant lui ; il lève légèrement le menton en prenant une fine inspiration, sans se départir de son air fermé. Par sa posture légèrement en retrait, il exerce une distance volontaire mais inconsciente entre son propre corps et celui de la jeune fille, mais aussi de la réalité qu’elle lui annonce.

Une réalité où sa soeur est bien vivante.
Une réalité qu’il ne pensait pas possible.

Il prend quelques secondes pour réfléchir sans la quitter des yeux puis, songeant que vrai ou faux, ce n’est pas le lieu pour une telle conversation, il avance sa main pour toucher son bras, les téléportant un peu plus loin, à l’écart du rassemblement. S’éloignant alors de quelques pas, il porte sa main contre son front, en essayant de se calmer pour démêler le vrai du faux. Il avait besoin de mieux comprendre. « Explique-moi tout. Où elle est, maintenant ? »

Avec toutes ces hypothétiques révélations que lui faisait la gamine, Ezekiel avait été obligé de s’éloigner de la foule, croyant qu’un peu de calme l’aiderait à appréhender plus facilement cette situation pour le moins inattendu. Depuis le temps qu’il a fait le deuil de sa soeur disparue, voilà qu’on lui demande de croire qu’elle est bien vivante et qu’elle a même une fille : si c’était le cas, pourquoi n’avait-elle jamais cherché à entrer en contact avec lui ? Il n’était pas une star d’Hollywood, certes, mais sa notoriété, acquise grâce aux tournois d’Échecs, avait traversé les frontières du sport.

Alors, debout malgré l’instabilité de sa jambe estropiée, les deux mains appuyées sur sa canne, il l’avait longuement observé avant de lui demander de s’expliquer car, il avait du mal à comprendre.

Les sourcils froncés, le visage inexpressif, il l’écoute sans l’interrompre, se répétant chaque information comme un mantra afin de mieux l’assimiler : Azael vit à New-York, elle est infirmière dans une école secrète. D’accord. Ça commençait mal. « Une école secrète ? » Cela enlevait considérablement de la crédibilité au discours qui ne faisait que commencer, et il avait secoué son menton de gauche à droite en disant, d’une voix éraillée : « Tu te fous de ma gueule. Tu me dis ça pour ne pas me donner de nom et que je n’ai pas à vérifier. »

Elle savait néanmoins pour l’accident et le meurtre causé par leur père… Prenant une fine inspiration pour tenter de calme sa colère il reprend, d’une voix qui se veut apaisée : « Montre-moi une photo d’elle. »

Cette école secrète, entourée d’un mystère aussi curieux que troublant, ne pouvait point accréditer les paroles de la jeune fille, qui annonçait déjà une vérité bien difficile à avaler : à quoi bon donner une information pour ensuite dire qu’on ne peut pas aller jusqu’au bout ? Cela ne faisait pas très sérieux, et le méfiant Joueur ne s’en trouvait pas moins dubitatif.

« Et je suis censé te croire sur parole ? »  Ne la prenant pas au sérieux, de ce fait, il avait secoué son menton de gauche à droite en riant d’une façon amère, comme pour se moquer d’elle, avant de lui demander une photo pour preuve, si elle en avait une ; parce que pour l’instant, elle n’avait que sa bonne foi, qui ne valait pas grand chose aux yeux du mutant.

Et, miracle, elle en possède une, de photo : munie de son téléphone, elle brandit l’écran devant ses yeux pour qu’il puisse découvrir le visage d’une jeune femme, qui, il devait le reconnaître, ressemblait étrangement à sa soeur disparue. Elle avait vieillie, bien sûr, mais les traits de l’enfance perduraient quelques pas derrière ce visage d’adulte : les sourcils légèrement froncés, il avait pris une fine inspiration avant de reculer son menton, n’étant visiblement pas prêt à accepter la vérité qui venait remettre en question un deuil de presque quinze ans. « Elle y ressemble, oui, mais rien ne me prouve que c’est elle. Tu ne peux rien me dire d’autre qu’elle travaille dans une école secrète ET qu’elle t’a adoptée. C’est un peu léger. » De mauvaise foi ? Paranoïaque ? Un peu les deux, sans doute.