”En quoi crois-tu ?” c’est une question compliquée à poser ça, monsieur ! Je ne réponds pas tout de suite, ne sachant de toute façon pas quoi répondre. Ce n’est jamais facile d’expliquer à un inconnu que ce en quoi on croit n’a rien à voir avec un quelconque extrémisme, que je ne suis pas qu’un simple terroriste, et que mes convictions n’ont rien d’utopistes. C’est peut-être con dit comme ça, mais vous n’imaginez pas le nombre de fois où j’ai eu droit à des réflexions de ce genre ! Est-ce si naïf que ça de croire qu’un monde libéré du capitalisme et de la souffrance à la fois des Hommes et des animaux peut exister ? L’effondrement de la civilisation, comme certains l’appellent, ne semble pas être l’enfer dont on s’amuse à le qualifier. Non, pour moi, c’est là que se situe la propagande. Celle qui nous exhorte au status quo, et qui ne fait qu’aider les plus puissants et écarter les plus pauvres du pouvoir. C’est ça, l’horreur quotidienne. L’enfer dans lequel nous vivons et que nous refusons d’appeler comme tel.
L’armée, c’est un peu la réalisation physique de ce status quo et de la puissance de nos ennemis. Des hommes, parfois sans aucune éducation, parfois rempli d’une soif de sang équivalente aux pires psychopathes de ce monde, qui se tirent dessus pour prouver qui a la plus grosse entre les différents pays concernés. Sans armée, pas de guerre. Mais comme chacun se dit que l’autre refusera de baisser les armes, nous voilà dans un monde rempli de violence qui ne fait qu’escalader jusqu’à la prochaine guerre. Puis nous finissons par signer un armistice, et par dire que plus jamais nous ne laisserons la violence gagner. Du moins, jusqu’à la prochaine fois…ou jusqu’à ce que les combats soient délocalisés dans un autre pays, de préférence pauvre et loin de chez nous,
Mais alors que j’écoute son histoire, mes yeux s’écarquillent d’horreur. Il…il n’est pas très différent de moi en fait, ce colosse à la coupe réglementaire. D’un coup, mon coeur bondit dans ma poitrine. Je ne suis pas seul. Quelqu’un d’autre comprend ce que je ressens, même si nous ne venons pas du même labo et n’avons pas le même background. Lui aussi a été un cobaye, dépouillé de son humanité, relégué au simple statut de rat de laboratoire. Lui aussi a tenté de se venger, et là où j’ai échoué, il a un tant soit peu réussi. Ceux qui l’ont trahi ont payé de leur sang, même s’ils n’ont pas complètement disparu. Mon regard est admiratif, un peu comme celui d’un gamin qui rencontre son idole. Ce n’est pas vraiment le sentiment que ça me renvoie, mais c’est tout de même un début.
“Tu…tu es comme moi en fait. Toi, tu me comprends. Toi…et personne d’autre.”
Mes paroles sont un peu décousues, la faute à la drogue qui parcourt mes veines - et aussi peut-être parce que je n’ai jamais su m’exprimer correctement, mais ça, c’est une autre histoire. J’affiche un sourire sincère, mes yeux pétillent et je manque de chialer là tout de suite. La seule chose qui m’en empêche, c’est un restant de masculinité toxique réveillée par l’apparence virile de mon vis-à-vis.
“J’ai jamais trouvé qui que ce soit qui pouvait comprendre ce que je ressens. Tout le monde compatit hein, enfin quand ils savent…mais à part de la compassion, de la pitié parfois même, jamais personne n’a rien capté. Y’en a même qui m’ont dit d’arrêter de chercher la bagarre avec eux, que je devrais laisser tomber ma vengeance. Mais toi tu comprends, hein ? Toi…t’as réussi à te venger. Et ça t’a aidé à guérir, n’est-ce pas ? A accepter…cette nouvelle vie.”
C’est tout ce que je demande, en réalité. Vivre décemment, trouver une solution à ces pouvoirs qui me pourrissent la vie ou à défaut réussir à m’y habituer. La vengeance, c’est tout ce qui m’intéresse et me motive.
“J’aimerais bien garder contact avec toi, m’sieur le mercenaire. Je veux dire…hors de ce que mes boss te demandent de faire. Parce que je sens qu’on pourrait faire plein de trucs toi et moi, et que…enfin…peut-être que ça m’aiderait à avancer. T’en dis quoi ?”
Bronx - Sister Margaret’s
Why am I this way?
Stupid medicine, not doin' anything What thе hell is fucking wrong with me? I guess thеre's no remedy. I'm so terribly lost
Hector aurait était curieux oui d’en savoir plus sur les pensées de ce junkie, savoir ce qui l’animait, la valeur qu’il cherchait à défendre autre que l’argent, le shoot ou tout autre plaisir futile qu’on avait dans l’immédiat. Peut-être bien que le mercenaire voulait découvrir un personnage plus complexe et profond que l’image qu’il avait devant les yeux. Malheureusement, cette attente ne sera pas comblé, Thomas préférant visiblement rester silencieux sur cette question. Soit il ne savait pas, soit il préférait garder cela pour lui. Soit, on avait tous notre jardin secret qu’on gardait honteusement. Ceci-dit, Messner ne put s’empêcher d’exprimer une moquerie à travers un souffle, comme s’il voulait dire « Ouais je m’en doutais. »
Néanmoins Anderson se montra surtout plus intéressé par l’histoire du colosse, dont il apprit presque toute sa vie. Son passage à l’armée, comment il était devenu mercenaire puis mutant. Cela semblait avoir son petit effet car le jeune homme disait avec un ton de surprise qu’ils étaient pareils. Oui sans doute, Messner ne put ignorer ces ressemblances entre leurs récits respectifs. Mais Thomas semblait y voir quelque chose de plus grand et plus fort entre eux.
-Comprendre, une bonne partie sans doute. Nous restons différends quand même.
En apparence, mais quand on y réfléchissait bien, leur histoire pouvait se ressemblait complétement. Peut-être qu’Hector avait peur de se voir comparer à un drogué, qu’on lui dirait semblable. Mais c’est qu’on dirait que Thomas était sur le point de pleurer, le visage qui devenait rouge et la voix remplie d’émotion. Un peu plus et on aurait cru que l’australien lui avait avouer être son frère. Ce dernier se demandait bien dans quoi il s’était retrouver une fois de plus, même si son compère lui faisait paradoxalement éprouver quelques pitiés.
-La vengeance est un plat qui se mange froid. Et la mienne n’est pas totalement accomplie. Sur que ca soulage, mais ca ne répare rien. Au fond, je crois que si je ne l’avais pas fais et continuer ma vie comme la, ca n’aurait rien changer. Enfin je suppose..
Allait-il décevoir Thomas ? Peut-être. Hector ne disait pas non à la vengeance, mais son expérience lui apprit a ne pas courir après, ne pas vouer sa vie à elle. Si quelqu’un voulait se venger, c’était de son bon droit selon lui. Mais il ne poussera jamais ni même empêcher.
-Mais une chose est sûr, se venger c’est se faire respecter. Montrer que tu n’es pas un pion. Ca, c’est la principale satisfaction que j’en ai tiré.
Visiblement satisfait, Thomas demanda s’il serait possible de rester en contact. Messner leva un sourcil curieux, même s’il se doutait que ce n’était pas pour fraternisé, mais peut-être se servir de lui pour l’aider dans ses propres dessins. Enfin, ce qu’il disait était un peu ambigu, assez pour mettre le doute dans la tête du mercenaire, qui se pencha au-dessus de la table, les coude dessus et jouant avec son verre.
-Des truc du genre quoi ? Tu veux un copain pour tes sorties nocturnes ou bien avec un costaud pour quelques corvées ?
A l’écouter, c’était surtout d’un psy que Thomas aurait besoin. « Aider à avancer ». Visiblement il restait très marqué par son passif, traumatisé au point de finir comme ce qu’il était aujourd’hui. Il lui faisait de la peine encore, mais Messner n’était pas certain d’être le meilleur thérapeute pour ca.
On se bat tous pour quelque chose, surtout pour ce qui nous manque.
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