Jarptitsa
Jean regarde Kathy. Kathy regarde son verre. Kathy attrape son verre et le montre à Jean. Jean regarde le verre et est verte. Je regarde tout cela avec espièglerie, contente de voir que leur amitié est suffisamment développée pour qu’elles puissent communiquer sans un mot. Ou alors, il y a de la télépathie. C’est de la triche. Trichelépathie ? Télépatriche ? Télépatriche. En accord avec moi-même et récoltant donc l’unanimité des votes, le surnom est adopté. Ça ne me dit pas si, oui ou non, il y a cette intimité de partager ses pensées entre elles mais au moins j’ai progressé sur un truc : ma peur de la capacité. Je ne suis certainement pas prête à partager mes pensées mais je peux envisager que d’autres le soient. C’est une question de confiance. Un peu comme faire l’amour. Sans le consentement, c’est du viol. Avec, c’est beau.
«
Bon, eh bien, reprend une Jean qui a perdu l’argumentaire silencieux sans que cela ne me surprenne le moins du monde,
nous allons vous quitter… »
Un vague sourire pour The Phoenix, un acquiescement pour The Lucky One. Un petit manège téléphonique plus tard et le sourire devient sincère comme partagé. Certes, Jean se désabuse toute seule mais je ne me désamuse pas pour autant.
«
Ce fut un plaisir également, m’asure une Jean qui me fait continuer de lui sourire, sourire qui s’agrandit avec son insistance.
Vraiment. »
Ai-je besoin de répondre que c’était partagé ? Dévoiler mes dents du haut en un sourire enfantin est, je pense, suffisant à le faire. Il y a eu de la peur, de l’excitation, de la tendresse, un bel ascenseur émotionnel, en plus de l’habituelle curiosité et de l’éternel hors sujet par absence de réel retour sur mon œuvre. Qu’importe, le moment valait le coup d’être vécu. Plus que la plupart de ses homologues, même.
Comme eux, il se termine sur l’habituel cadeau promotionnel. Cela fait sourire une personne sur deux, ce qui est inhabituel, mais Jean sourit pour deux ! Comment ça, je ne suis pas objective ? Si, que ce soit en qualité ou juste sur le fait qu’elle est la seule des deux à sourire, elle sourit pour deux. Objectivité même, votre honneur !
«
Je viendrai si je le peux, avec grand plaisir !
- J’y serais quoi qu’il arrive. »
Je ponctue ma déclaration avec un clin d’œil puis regarde le duo s’en aller en plaçant mes mains sur mes hanches. Face à la bonne fin de soirée, j’hésite à répondre un "bon courage" mérité mais l’hésitation se clos par un silence et j’ai raté le coche, ce qui me fait me sentir cloche. Nathan, qui s’est exprimé à ma place et avec un sourire poli, tourne son regard vers moi avec un air qui me dit qu’il va me les sonner ; les cloches.
«
Attends-moi ! entend-t-on crier dans le couloir, nous interrompant tous les deux pour regarder la porte ouverte avant d’en revenir à notre discussion.
- T’as pas un truc à me dire ?
- Merci pour le jus d’orange, réponds-je avec espièglerie.
- D’accord… mais encore ?
- Elles sont pressées ? »