Le déménagement est prêt. Trouver quelqu’un pour reprendre notre bail n’a pas été long, New York City et Manhattan étant particulièrement demandés. Une annonce sur un site spécialisé, des rencontres, des présentations au bailleur… une date. La semaine du 8 au 14 a été difficile, sur bien des plans. On pourrait même dire que le weekend qui l’a précédé était difficile : Phoebe hait les Samedis depuis la fin de notre contrat et le 6 juillet l’a confirmée dans sa détestation. La tentative de capture du Baron Zemo s’est accompagnée d’une fusillade avec l’Hydra et soldée par notre échec à notre objectif primaire ainsi que notre reddition au NYPD. Notre arrestation s’est accompagnée d’heures d’interrogatoire pieds nus et soldée par notre récupération par le SHIELD. Le dimanche a été cours et a motivé Mindee à finalement envoyer le mail à Charles Xavier afin que l’on ait un entretien pour des postes au sein son Institution, lequel nous a répondu rapidement et rencontrées tout aussi rapidement. Peu étonnant, quand on sait qu’il a connu notre mère dans les années 60, avant sa mort, et que notre existence comme nos sous-entendus à propos de ses X-Men nous plaçaient comme dangers potentiels. L’entretien d’embauche n’en a pas vraiment été un, pas plus que ce n’était réellement un interrogatoire. On s’est brisées de sincérité, cherchant pour Charles Xavier les réponses à des questions que l’on refusait de se poser pour nous-mêmes. On a toujours plus de questions que de réponses mais elles s’accompagnent d’hypothèses dérangeantes en plus d’être douloureuses.
Artificielles.
Le mot raisonne encore. Cela ne nous empêche pas d’être humaine mais on ne devrait pas exister. Notre mère ne nous a pas portées, probablement pas même connues. Père n’est peut-être pas même notre père, alors même qu’il nous a élevées. Penser à cela, c’est raviver la faille que l’on a dans la poitrine. Cette douleur qui nous fait comprendre pourquoi la culture parle du cœur comme siège des émotions. Le pire, pour nous, est qu’on a infligé cette douleur également. Samedi, Helmut Zemo, l’Hydra, le NYPD et le SHIELD. Mercredi, Charles Xavier, l’entretien d’embauche, les questions et la cassure. Jeudi, Gabriela Alvarez, la révélation sur la nature de son ami Zemo, l’affliction et l’infliction d’une douleur a une personne pouvant être une amie.
On n’est pas sorties de chez nous le samedi suivant. Le vendredi non plus. Le dimanche non plus. Puis, du lundi 15 au dimanche 21, on a accusé le coup de l’absence de paie et de ses conséquences. Voilà qui a forcé le mouvement : trouver un repreneur pour le bail, faire les cartons, ramasser les bouts de nos vies et de nous-mêmes comme on a voulu le faire pour mademoiselle Alvarez afin d’avancer. Toujours avancer. Endurer. On s’est remises de pire, avec les disparitions de Sophie et d’Esmé. On va les retrouver, même si on n’est plus sures qu’on le devrait. On a eu l’occasion de se reconstruire, chose qu’elles doivent faire également. On a eu l’occasion de se briser, chose qu’on ne veut leur infliger.
Artificielles.
On sait qui on est. On ne sait plus ce qu’on est.
A vivre dans les ruines de notre vie jusqu’ici, à ses questionner sur les ombres que l’on projette sur elles, on redécouvre ce qu’on croyait connaitre. Non pas nous-mêmes mais notre environnement. Découvrir pour la première fois une chambre vide est une chose. Une chose qui éveille l’imaginaire. Découvrir pour la dernière fois une chambre vide en est une autre. Une autre qui éveille le souvenir. C’est peut-être bête mais on a voulu, mais on veut, dire au revoir aux choses. Les dessins de notre appartement, plein, se sont retrouvés accompagnés des dessins de l’appartement, évidé. Ils ont rejoint les dessins du World, faits de mémoire, auquel on n’a jamais pu dire adieu. Comme à Sophie. Comme à Esmé. Comme à Père. Comme à notre mère. On n’a pas le temps de dessiner tout notre quartier. On a sélectionné des lieux. Le Washington Square Park, deux rues au-dessus, avec son arche majestueuse. L’étrange bâtiment du 177A, une rue à côté. La supérette. La station de métro. Central Park.
On est effectivement à pratiquement 5km de Greenwich Village mais on s’était dit qu’on irait courir jusque là-bas un jour. 10km, c’était fait tous les matins entre 7h10 et 8h10 sur tapis de course, pour des raisons de simplicité et d’habitude du World, on faisait cela sur tapis de course. Evidemment, comme beaucoup de "on s’était dit", on ne l’a jamais fait. Néanmoins, c’est revenu dans la discussion suffisamment régulièrement pour qu’on se décide à aller dire aurevoir à ce lieu à qui on n’a jamais vraiment dit bonjour. D’où qu’on le fasse avec basket, legging et col roulé de sport noirs. Contrairement aux courses habituelles, on les accompagne de nos trench-coat gris rayés de noir ainsi que du carton à dessin format A2 dans lequel on transporte nos souvenirs papiers et d’un chevalet.
Il nous a fallu plus d’une heure à explorer le sud de Central Park pour trouver un panorama que l’on voulait converser par le dessin. Désormais que c’est fait, on a posé notre carton en guise de support solide sur notre chevalet et on s’est réparties chacune un côté de la feuille. Nos cheveux blonds sont laissés libres mais dégagent malgré tout nos visages, s’en allant à nos oreilles avant de boucler autour de nos cous. Nos visages sont plissés de concentration, ceux de gauche et de droite alternant entre la feuille et le décor que l’on reproduit tandis que celui du centre ne la quitte jamais. Crayons gris précèdent ceux de couleur alors qu’on dessine sans jamais se gêner, naturellement et parfaitement coordonnées. Evidemment, à n’être encore jamais venu, on ne peut pas savoir si l’emplacement que l’on occupe est ou non déjà l’habitude de quelqu’un.
Une rencontre qui pourrait changer le cours des choses..
22 juillet 2024, Central Park, New-York
Malicia se réveilla doucement avec un rayon de soleil qui traversa la petite fenêtre de sa chambre. Depuis le retour des beaux jours, la jeune femme aimait beaucoup ces réveils. Cela lui mettait un peu de paume au coeur. Et puis, les paysages et les gens étaient heureux et cela lui donnait des sujets pour ses peintures. Elle allait avoir encore beaucoup de travail aujourd’hui. Cependant, il y avait une chose qu’elle devait faire attention, c’était les contacts physiques. Un simple effleurement, parce qu’elle n’avait pas de t-shirt à manches longues, pouvait être un problème. Jusqu’à présent, elle s’en était pas trop mal sortie. Elle espérait vraiment y arriver encore aujourd’hui. C’était un défi de tous les instants. Mais une fois à Central Park, elle était en sécurité. Enfin, c’est ce qu’elle pensait.
Ce jour là, elle prit son petit déjeuner et sortit de chez elle avec son matériel. La routine en soit, mais c’était une routine rassurante. Elle avait ses habitudes et c’était ce qu’elle préférait. Depuis son retour du snap, elle avait longtemps chercher ce qui la faisait vibrer. La peinture avait toujours été un échappatoire et c’était encore le cas aujourd’hui. Bizarrement depuis quelques temps, les citoyens de New-York semblaient s’être donner le mot pour venir acheter quelques tableaux à Malicia. Cela lui faisait plaisir, le bouche à bouche fonctionnait bien. En fin de journée, elle n’avait souvent plus rien à vendre. Elle pouvait alors acheter de nouveau du matériel et continuer. Elle commençait à se faire une petite place et ça lui faisait plaisir. Bon, elle ne pouvait pas en vivre encore, mais c’était déjà ça. Après être sortie de chez elle, la jeune femme marcha pendant de longues minutes. Elle aimait se rendre à Central Park en marchant même si cela faisait beaucoup de marche. Ca lui permettait de garder la forme aussi. Une fois sur place, elle se dirigea vers son endroit préféré. En marchant dans le parc, elle nota qu’elle pourrait choisir d’autres endroits où il y avait certains paysages qui pouvaient être peint. Elle les nota dans un coin de sa tête. Elle joua avec ses gants qui la protégeaient contre les toucher qui pourrait avoir lieu si elle achetait un café par exemple. Elle continua jusqu’à se diriger au sud de Central Park. Il y avait beaucoup de monde au parc, profitant du beau temps avant d’aller travailler en ce lundi matin. Malicia salua quelques connaissances avant de se diriger vers son endroit préféré. Mais cette fois, elle n’était pas la première sur place. Il y avait une autre personne. Enfin, trois autres personnes en fait. Il semblerait que les trois jeunes femmes blondes aient décidé de dessiner à cet endroit. Loin d’être en colère contre elles, Malicia s’approcha d’elle, presque silencieusement et les observa. Elles dessinèrent toutes ensembles, chacune sur une partie de la feuille. C’était presque impressionnant. La mutante resta un moment à les observer avant de se manifester en se plaça devant le chevalet qui accueillait la feuille. Elle avait un sourire sur son visage, un sourire sincère.
« C’est impressionnant votre façon de dessiner… Je suis impressionnée vraiment. »
Elle présenta sa main gantée à la première des triplées et se présenta :
« Je m’appelle Malicia et d’habitude, je fais mes peintures ici, mais je ne suis pas mécontente de voir quelqu’un d’autre à ma place. »
De chaque coté du chevalet et de la feuille de dessin, une tête sort. Notre troisième tâche également de lever le nez au-dessus, bien que cela ne lui soit pas nécessaire. La jeune femme qui s’est arrêtée dans notre champ de vision fait notre taille, peu ou prou. Les choses qui attirent le plus le regard, chez elle, sont les mèches blanches qui constituent son toupet et encadrent son visage du fait de la longueur de sa chevelure autrement brune. Visage qui est charmant, agencé autour d’yeux marrons grands et, d’une certaine manière, enfantin. Pas l’enfantin joyeux et pétillant, cependant, mais quelque chose de plus craintif et malaisé. Néanmoins, cela ne rend son sourire et son approche que plus beaux, même si elle n’a pas l’air de fournir d’effort particulier à les faires. Par réflexe mimétique, on adopte toutes trois un sourire poli. Celui-ci devient un peu plus sincère face au compliment offert, par fierté puérile mais sincère là-aussi.
L’inconnue présente sa main gantée, son prénom et la raison de son approche. On constate avoir effectivement "emprunté" l’emplacement habituel de la peintre nommée "Malicia" avec trois levés de sourcils surpris qui défont nos sourires. Nos lèvres se pincent ensuite avec un peu de gêne, laquelle ne conduit notre plus proche qu’à réagir plus vite à la main tendue. Notre sœur de droite est la première à répondre et tend totalement son bras pour offrir une poignée de main douce dont l’amplitude témoigne d’une énergie communicative sans se permettre d’être envahissante.
« Je m’appelle Mindee, dit-elle d’une voix fluette mais maitrisée, parfaitement compréhensible et accompagnée d’un accent britannique, alors que celle du centre puis celle de gauche entreprennent de faire la queue derrière elle pour serrer la main à leur tour. Contente de ne pas vous avoir frustrée. »
La seconde à passer, au centre, présente un bras plié à mi-distance de son corps pour offrir une poignée de main plus hésitante dont l’amplitude témoigne d’une attente que l’autre mène la danse.
« Je m’appelle Céleste, dit-elle d’une voix égale à la précédente, alors que cette dernière se décale sur le côté pour laisser la place à notre succession dans l’espace. Désolée de vous avoir pris votre emplacement. »
La troisième à passer, à gauche, présente également un bras entièrement tendu pour offrir une poignée de main ferme dont l’amplitude témoigne d’une énergie retenue mais prête à être lâchée.
« Je m’appelle Phoebe, dit-elle d’une voix égale aux précédentes, lesquelles forment à présent un arc de cercle à équidistance de mademoiselle Malicia. Nous permettez-vous donc de finir notre dessin ? »
Nos trois visages marquent l’expression de question posée par notre dernière, closant les lèvres et levant les sourcils en fixant notre interlocutrice.
On garde la place pour finir, commente mentalement Phoebe. Tant que cela ne la gêne pas, commente mentalement Céleste. Ça n’a pas l’air de le faire considérant ses mots et son attitude, commente mentalement Mindee. Nous. Sommes. D’accord.
« Vous êtes une habituée, demande celle de droite, la première à s’être présentée, alors que les deux autres s’en vont reprendre leurs positions autour du chevalet de plastique. Nous, c’est la première fois que nous venons ici…
- D’où que nous ignorions votre habitude, précise celle du centre, la seconde à s’être présentée, en parfaite continuité de la précédente.
- Nous n’en avons pas pour la matinée, poursuit celle de gauche alors qu’elle reprend le crayon gris pour retourner à sa partie. Nous avons presque fini la base. »
Je sais, il nous restera les couleurs mais on ne va pas dire qu’on en a pour une heure. On va faire la discussion du fait ? Si mademoiselle Malicia le veut, il n’y a aucun souci de mon côté. Tu mèneras la danse Mindee. +1 Phoebe. Respectez la cheffe ! D’accord, je m’en charge. Phoebe 1 : Mindee 0. Ey, c’est mon job de compter les points !
« C’est pour un souvenir, dit-on à trois, en parfaite simultanéité.
- Nous allons déménager, commence à expliquer celle de droite alors qu’elle se rapproche de sa position derrière le chevalet.
- Et nous avons l’habitude de dessiner les lieux, continue à expliquer celle de gauche en poursuivant sa reproduction.
- Dans lesquels nous avons vécues, termine d’expliquer celle du centre alors qu’elle reprend son crayon gris pour suivre le mouvement de la précédente. Même si ici, c’était surtout un lieu où l’on voulait aller.
- Et vous, conclue-t-on à trois, à nouveau. Vous venez trop souvent ici à votre goût pour aimer voir d’autres personnes vous piquer la place ? »
On penche toutes trois la tête sur le côté en plissant les yeux et les lèvres avec connivence, bien que seule la plus à droite fasse encore face à mademoiselle Malicia.
Une rencontre qui pourrait changer le cours des choses..
22 juillet 2024, Central Park, New-York
Lorsque Malicia arrive à son endroit préféré pour peindre, ce dernier est déjà occupé par trois jeunes femmes, toute identique. La mutante les regarde dessiner sur une grande feuille, chacun est placé à un endroit stratégique sur la feuille, c’était impressionnant de les voir faire la même chose. Chaque mouvement semblait être calculer. Vraiment, Malicia ne sait pas quoi rajouter qu’autre chose qu’elle est impressionnée. Et elle n’est pas mécontente de voir quelqu’un d’autre qu’elle même en train de dessiner ou de peindre. Il y avait peu d’artistes à Central Park, c’était sans doute parce qu’elle avait plusieurs clients ces derniers temps. La mutante expliqua qu’elle était souvent là, mais que cela ne la dérangeait pas de voir les trois jeunes femmes à son emplacement, au contraire. Elle avait tendu sa main et la première se présenta comme étant Mindee, lui disant qu’elle était contente de ne pas l’avoir frustrée. Malicia était un peu tendue, il ne fallait pas qu’elle touche les jeunes femmes. Sa main était gantée, elle espérait juste qu’il n’était pas percée… La seconde se présenta comme Céleste et elle s’excusa de lui avoir pris son emplacement. La brune secoua la tête doucement pour lui faire comprendre que ce n’était pas grave. La dernière, Phoebe, lui demande s’il était possible qu’elles terminent leurs dessins. Les trois lui avaient serrer la main, aucune n’avait eu un malaise. Intérieurement, elle soupira doucement avant de répondre à la troisième des filles.
« Bien sûr que vous pouvez le terminer. Je peux attendre ou me placer à coté de vous, ce n’est pas un soucis. »
La jeune femme se place un peu en retrait et pose son sac au sol pendant que les trois jeune femmes lui expliquent qu’elles étaient là pour la première fois, que c’était pour cela qu’elles ne ignoraient l’habitude de Malicia et elles rajoutèrent qu’elles n’en avaient pas pour la matinée, qu’elles avaient finis la base.
« Terminez votre dessin, je ne suis pas pressée. Comme je vous l’ai dis, je peux me placer à coté. »
Malicia s’assit au sol pour regarder comment les triplées travaillent avant qu’elles ne lui disent, en parfaite harmonie que c’était pour un souvenir car elles allaient déménagé et qu’elles avaient l’habitude de dessiner les lieux dans lesquels elles avaient vécu. Malicia essayait de suivre la conversation, parce que c’était parfois difficile de suivre qui d’entre les trois filles parlaient. Elles se complétaient totalement. La mutante entendit les trois filles lui poser une question. Elle ne voyait plus que Mindee devant le dessin, les deux autres étaient cachées par le chevalet. Malicia soupira avant de dire :
« Oui, je suis une habituée. Depuis des années, je suis ici pour peindre. Je change parfois de place, mais je finis toujours par revenir ici. Peindre me change les idées et me permet de vivre un peu… »
Elle n’allait pas entrer dans les détails bien sûr. Bien qu’elle ai confiance envers les gens, Malicia n’aimait pas toujours dire qu’elle était une mutante parce qu’elle avait toujours peur de la réaction des gens. Malgré tout, il y avait toujours une petite partie des gens qui avaient du mal avec les mutants ou les gens différents en règle général. La mutante attrapa un cahier de dessins dans son sac. Elle aimait peindre, mais elle aimait aussi dessiner. Elle attrapa un crayon et commença à dessiner Mindee et le chevalet, Céleste et Phoebe étant cachées par le dessin, elle ne pouvait que dessiner la première.
« Vous avez beaucoup déménagé dans votre vie ? Vous avez dit que vous dessinez les lieux où vous avez vécus…. »
Le fait qu’elle soit à l’initiative de la poignée de mains mais se tende malgré tout à chaque itération du geste nous fait comprendre que l’on a raison sur mademoiselle Malicia : elle fait l’effort du geste, il ne lui est ni nature ni facile. Il est, néanmoins. Il se ponctue avec deux soulagements, le premier pour notre interlocutrice, qu’il soit fini, et le second pour nous trois, car on peut terminer notre dessin. Mademoiselle Malicia "peut attendre ou se placer à côté de nous, ce n’est pas un souci". Timide, donc, n’ayant pas la volonté de s’imposer. Peut-être pas timide, considérant sa capacité à insister, mais une nuance ; réservée ? Que l’on est raison ou tort, on commence à lui faire la conversation.
Vient-elle trop souvent ici à son goût pour aimer voir d’autres personnes lui prendre la place ?
« Oui, je suis une habituée. Depuis des années, je suis ici pour peindre. Je change parfois de place, mais je finis toujours par revenir ici. Peindre me change les idées et me permet de vivre un peu… »
On perçoit une certaine mélancolie dans ses paroles. Il y a beaucoup d’interprétations que l’on puisse leur donner, notamment vis-à-vis de l’éternel retour dont elle parle, du désir de se changer les idées et de la possibilité de "vivre un peu" à travers la peinture. On aborde le dessin comme fixateur de souvenirs, de choses que l’on a déjà vécu, ainsi a-t-on besoin de réflexion pour envisager l’effet inverse : peindre pour avoir l’impression de vivre. Mélancolie encore, soit un sentiment d’incapacité, de profonde tristesse voire d’absence de goût de vivre.
Assise par terre, mademoiselle Malicia commence à dessiner à son tour. Un souvenir, cette fois. Notre souvenir. Celle de droite la regarde faire et on ne lui dit rien. Il faut trouver quoi lui dire, heureusement nous donne-t-elle des pistes. A-t-on beaucoup déménagé dans notre vie ?
« Jusqu’à nos 17ans, nous avons vécu au même endroit, dit-on à trois, déclenchant une pointe de ce sentiment que l’on attribue peut-être à mademoiselle Malicia par projection ; quoi qu’il n’y ait nullement d’absence de goût de vivre chez nous, seulement l’impuissance et la tristesse face aux mensonges de notre passé. Puis nous avons dû rejoindre des camps militaires, suite au Snap. »
Est-ce le Snap qui est responsable des cycles de mademoiselle Malicia ? Une victime qui est revenue pour découvrir sa vie détruite et peinant à la recommencer ? Difficile de lui demander cela ainsi, néanmoins celle de droite la regarde attentivement réagir à nos mots.
« Nous avons fait un an dans les camps de réfugiés, explique celle de droite, justifiant qu’elle regarde mademoiselle Malicia. Après, en étant majeures, nous avons pu trouver trois travails et louer un appartement. Nous y sommes restées trois ans.
- Le temps d’économiser trois voyages aux USA, poursuit celle du centre. Nous sommes venues ici pour travailler. Nous avons fait deux ans de contrat avec la Mairie, comme assistantes.
- Et là, nous nous apprêtons à partir plus au nord dans l’Etat, demande celle de gauche, la plus éloignée. Nous avons été recrutées dans une Institution privée.
- De votre côté, conclu-t-on à trois, vous êtes une artiste qui vivez de vos peintures ? »
Les artistes semblent avoir des vies déprimantes, nous rappelle notre culture générale. Néanmoins, aborder la vie de mademoiselle Malicia par ce qui est sa passion et ce qui lui permet de "vivre un peu" nous semble pertinent. Suffisamment doux.
« Si vous ne voulez pas en parler, précise-t-on également à trois, dites-le simplement. »
Celle de droite, plus concentrée à la discussion qu’au dessin, sourit pour nous trois. On préfère attendre avant de demander si mademoiselle Malicia a souvent déménagé également : cela pourrait être le témoignage d’une instabilité de sa vie, laquelle expliquerait son attachement à la peinture. Encore une fois, celle-ci semble la meilleure approche que l’on ait.
Par contre il va falloir que tu dessines également Mindee, sinon on va prendre du retard, souligne Phoebe. Ce n’est pas réellement grave de prendre du retard si mademoiselle Malicia est divertie autrement, souligne Céleste. Au pire ce n’est pas un vrai souvenir qu’on dessine actuellement, ça ne serait donc pas une perte si on ne le fait pas, souligne Mindee. Comme vous voulez, je suis la moins nostalgique de toute façon. On y réfléchit. On en discute.
« Si vous voulez vous placer derrière nous, propose celle de droite avec un sourire complice qui emprunt la suite de ses paroles d’amusement. Nous pourrions même prendre la pose… mais pas trop longtemps. »
Une rencontre qui pourrait changer le cours des choses..
22 juillet 2024, Central Park, New-York
La scène était un peu perturbante pour les citoyens de passage. Trois blondinettes et une brune qui discutent ensemble, qui dessinent. C’était beau à voir quand même. Malicia est contente que le contact physique ne dure pas trop longtemps parce qu’elle n’est vraiment pas à l’aise avec le fait que, peut-être, elle pourrait causer du tord à l’une des triplées. Sans doute ces dernières l’avaient-elles senti d’ailleurs ? Malicia s’éloigna un peu avant de répondre aux différentes questions, donc celle qui demandait si elle venait souvent à cet endroit. Depuis toujours, elle avait envie de dire. Elle répondit qu’elle était une habituée. Sans doute avec beaucoup de mélancolie dans sa voix. C’était une habitude qu’elle avait depuis des années, même le snap n’a pas été en capacité de lui enlever cette habitude. Malicia décida de prendre place au sol et de sortir un carnet de dessin. Si elle avait l’habitude de peindre, la jeune femme aimait aussi dessiner et la scène devant elle, avec les triplées, c’était une occasion de le faire. Elle demanda alors aux filles si elles avaient déménagés souvent ce à quoi elles répondirent qu’elles avaient vécu au même endroit jusqu’à leurs 17 ans, un peu comme elle au final. Elles rajoutèrent qu’elles avaient rejoint les camps militaire suite au Snap. Malicia leva les yeux vers elles. Si jeunes et déjà entrainer dans les camps… Ce n’était pas un vie… Celle de droite expliqua qu’elles avaient passé un an dans les camps de réfugiés avant d’avoir trouver du travail toutes les trois pour pouvoir se prendre un appartement où elles étaient restées trois ans. C’était énorme ! La deuxième enchaina sur le fait qu’elles avaient économiser pour trois voyages aux USA avant de venir travailler pendant deux ans avec la Mairie comme assistante. Hochant la tête, Malicia continua de les écouter, le crayon dans les airs, impossible pour elle de dessiner pour le moment. La troisième lui dit qu’elles allaient partir pour le Nord de l’Etat où une institut privé les avaient recrutés. La mutante fronçant les sourcils. Dans le nord de l’état, il y avait cette institut donc Remy lui avait parlé il y a un an quand elle était revenue du Snap… Se pourait-il qu’elles soient… comme elle ? Elle secoua la tête. Peut-être qu’elle se faisait des idées. Elle entendit la question des triplées, qui la posèrent dans une voix parfaite. Malicia sourit doucement avant de reprendre son crayon et de commencer à dessiner. Elle avait sans doute attendu un peu trop longtemps avant de répondre parce que les triplées lui assurèrent que si elle ne voulait pas en parler, elle pouvait le dire. Malicia les regarda et leur dit :
« Oh ce n’est pas un secret, ne vous en faites pas. J’essaye d’en vivre oui, mais parfois, j’offre mes toiles parce que je vois le sourire sur le visage des gens. Peut-être qu’un jour, on me demandera d’exposer mes toiles, là, je pourrais gagner un peu plus d’argent. Pour l’instant, je me contente de ce que j’ai. Du moment que je peux payer mon loyer et à manger, le reste importe peu. »
Pendant qu’elle dessina, celle de droite lui dit qu’elle pouvait se placer derrière elles pour les dessiner, elles pourraient même prendre la pose, mais pas longtemps. Malicia se leva et se plaça derrière elles.
« Pas besoin de tenir bien longtemps la pose, je suis capable de garder en mémoire les détails. Lorsque je fais mes peintures, parfois je suis emmenée à être réactive parce que les gens ne font que bouger… Je pense que c’est ce qui plait aux gens. Mes dessins et peintures vivent… »
Elle dessina rapidement les trois soeurs, ne faisant que des traits pour les contours, les détails, elle les rajouterait après. Quelques minutes plus tard, elle leur dit :
« Voilà, c’est bon, je vais rajoute les détails maintenant »
Elle retourne s’asseoir en face des soeurs avant de reprendre les détails de son dessin. Elle leur demande alors :
« Vous avez vécu le Snap de l’intérieur si je puisse dire… Certaines personnes l’ont mal vécu, d’autres un peu mieux… Peut-être que c’est trop personnelle ce que je vais vous demander, mais… C’était comment de votre coté ? Je veux dire… Je n’ai pas vécu ça… J’ai été Snapé comme la moitié de la planète… Peut-être que c’est pour ça que je me concentre encore plus sur mes peintures. Je le faisais déjà avant, mais je le fais encore plus maintenant… Bref, ce n’est pas important. »
La jeune femme se concentra un peu plus sur son dessin. Pourquoi est-ce qu’elle racontait sa vie ? Ce n’était pas son genre de le faire, mais elle avait l’impression qu’elle pouvait faire confiance aux triplées… Une impression peut-être ? Ou tout simplement parce qu’elle se sentait seule… Elle n’avait pas revu Soraya depuis un petit moment et Remy semblait être occuper ailleurs…
Observer les réactions de mademoiselle Malicia fournit beaucoup d’informations. Elle s’attriste des camps miliaires, peut-être sans percevoir que ceux-ci ne font qu’un avec ceux de réfugiés : qui mieux que l’armée pour établir des camps lors d’une catastrophe naturelle, ou équivalente, et s’assurer que tout fonctionne le moins mal possible ? Peut-être plus inquiétant encore, le fait de rester trois ans au même endroit la choque plus que dix-sept… est-ce trop court ? Cela pourrait être signe de stabilité ou de stagnation, la concernant. De même, le froncement de sourcil à notre destination actuelle en dit long sur elle, même si on ne saurait pas exactement dire en quoi. Cela semble être de la réflexion. Des souvenirs ? Le fait qu’elle les chasse d’un coup de tête le laisse à penser. Puis, oralement, on lui renvoie la balle. Cela la libère suffisamment pour que, enfin, elle commence à dessiner. Ou peut-être a-t-elle besoin de dessiner, de peindre, de se mouvoir, pour s’ouvrir. De se créer une bulle sécurisante.
"Ce n’est pas un secret", nous dit-elle en nous déclenchant un sourire rassuré. Essayer de vivre de ses peintures, "oui", mais, "parfois", les offrir "parce qu’elle voit le sourire sur le visage des gens". Emotive, possiblement à se nuire à elle-même. On aime créer des sourires et on le faisait dans le cadre de nos travails, aux deux tiers du moins, au sein du service jeunesse de la Mairie. Cependant, on était payées à le faire, à rendre possible ces activités et ces projets qui procureraient de la joie et des apprentissages aux jeunes. Jamais n’a-t-on travaillé bénévolement aux USA, même si c’est ainsi qu’on a découvert l’accompagnement jeunesse au sein des camps militaires britanniques, et jamais n’a-t-on eu à se priver pour donner à autrui. L’aspiration de reconnaissance via l’exposition nous fait plus sourire, même si on est incertaines de comment ce processus se passeraient : ne faudra-t-il pas récupérer les toiles vendues et données pour les exposer ? Ou, au contraire, l’un des acheteurs ou receveurs pourrait appartenir à une galerie est commander une exposition ? On n’en sait rien.
« Du moment que je peux payer mon loyer et à manger, le reste importe peu. »
Silencieuses, on acquiesce à trois. On ne comprend pas cette absence d’ambition dans la vie, pour en avoir une qui nous guide depuis l’enfance, mais on ne saurait juger de si elle est un bien ou un mal. A la place, on invite mademoiselle Malicia à se rapprocher de nous ; geste tout autant physique que symbolique. Elle nous rejoint.
Elle nous déclare qu’elle ne nous dérangera pas longtemps avec le fait de prendre la pause, le trait d’humour étant dans la moyenne des réussites de Mindee, car mademoiselle Malicia est capable de garder en mémoire les détails. Rien d’étonnant, pour une peintre et une dessinatrice. Elle nous partage le pourquoi du comment en une permission de continuer à "ne fait que bouger".
Ey, c’est elle qui propose, souligne Phoebe. Elle ne le disait pas ainsi, souligne Céleste. Moi je dessine déjà pas, souligne Mindee. Oui, d’ailleurs je t’en pensais à l’instant. Tout est de la faute de Mindee ! Non Céleste, ça ne marche pas. Pour le coup… Haha ! Phoebe, tu m’as trahie. Oui. Paffe. Ouille.
« Je pense que c’est ce qui plait aux gens. Mes dessins et peintures vivent… »
On s’interrompt tant dans notre aparté mental que dans notre dessin et tournent à deux la tête pour rejoindre le regard de la troisième sur mademoiselle Malicia. Ses dessins et ses peintures "vivent". On n’est pas certaines de comprendre. Peut-être est-ce parce qu’on n’est pas assez sensible à l’art, ou parce qu’on ne dessine que des souvenirs qui sont conséquemment passés, figés. On ne sait pas. Néanmoins, on prend la pose.
Toutes trois devant notre chevalet de plastique et notre feuille de dessin posée sur pochette, formant une diagonale puisque celle de droite, la plus proche de mademoiselle Malicia, est tournée vers elle et est la plus éloignée de notre propre œuvre alors que la second est de flanc, visage uniquement tourné, et un peu plus proche de notre dessin auquel la troisième semble accolée. Cela fera une belle ligne de fuite et, pour peu que mademoiselle Malicia joue avec les répétitions de motifs, une belle fractale également. Une sœur à chaque plan. Une sœur tournée de trois quarts, une d’un seul et la troisième de face. Répétition d’un motif altéré. Ce n’est pas réellement une fractale, du fait.
On garde la pose plusieurs minutes alors que nos esprits interconnectés partent en digressions majeures. Celles-ci causent de subtils mais réguliers changements dans notre expression, comme n’importe quelle conversation en est capable, mais le fait qu’elle se déroule en pensée ajoute seulement à notre étrangeté, qu’elle soit malaisante ou fascinante. Il y a des coulisses, avec nous. Des coulisses où il se passe encore plus de choses que d’ordinaire. En plus des changements inexpliqués d’expression, qualifiés de "preuve de folie" par certains, il y a ces instants de pause, qualifiés de "bugs robotiques" par d’autres. S’y rajoute cette habitude de sembler savoir ce que font les autres et ce qu’elles perçoivent également. On le sait, on flirte avec le concept d’individualité.
Lorsque mademoiselle Malicia nous dit que c’est bon, on reprend comme si de rien étant. Celle de droite la suit du regard alors que la place d’avant notre invitation est prise, chose qui nous fait froncer les sourcils à toutes les trois.
"On a vécu le Snap de l’intérieur", voilà qui nous fait pincer les lèvres également et nous interrompre une nouvelle fois dans notre dessin. "Certaines personnes l’ont mal vécu", on déglutit. "Peut-être que c’est trop personnel ce qu’elle va nous demander", on inspire en étant conscientes que cela le sera. On écoute néanmoins. Immobiles. Celle de gauche détourne le regard de notre dessin pour fixer mademoiselle Malicia qui nous avoue avoir été Snapée. Qui nous avoue penser que cela l’enferme plus dans ses peintures. Qui conclue par un "bref, ce n’est pas important". Si elle n’avait pas conclu ainsi, on aurait pu expliquer que, oui, c’est trop personnel. Néanmoins, à chercher à la comprendre on ne peut ainsi refuser cette tentative de partage ; toute frilleuse qu’elle soit sur la fin.
On prend trois inspirations, synchrones. On ne peut s’empêcher de penser à Sophie et Esmé. On ne peut s’empêcher de sentir le point qui se creuse dans notre poitrine, au cœur de notre thorax. On soupire en baissant les épaules.
« Le Snap a emporté la moitié des gens que l’on connaissait, comme pour tout le monde, commence-t-on à trois. Il nous a détruites et à détruit notre… monde.
- La British Army a organisé des camps pour les gens, notamment les mineurs, qui ne pouvaient plus résider chez eux, reprend celle de gauche, seule ; amère. On les a rejoint et on a voulu y aider. »
Aider les autres pour ne pas se préoccuper de nous.
« Comme dit, reprend celle du centre, on y est resté un an. Un an à aider, un an à survivre. A essayer de comprendre. Ce qui était arrivé. Aux autres. A nous-mêmes. »
Deux sœurs, littéralement deux parties de nous-mêmes, ainsi que notre père et son Monde, littéralement toutes nos vies.
« De fil en aiguille, poursuit celle de droite, on a été en contact avec les associations qui ont repris le boulot des militaires. On a travaillé pour l’une d’elle. A reconstruire. Les autres. Nous-mêmes. »
Comment réellement décrire cela, se demande Phoebe. Je ne sais pas non plus, se dit Céleste. C’est un trauma et c’est dur d’en parler, se désole Mindee.
« Avec le temps, on n’a, cherche à dire celle de droite.
- Pas accepté mais fait le deuil, cherche à expliquer celle du centre.
- Et on a recommencé à vivre, pas le choix, cherche à justifier celle de gauche. On a enterré nos morts.
- On a retrouvé nos rêves, reprend celle du centre.
- Et on les a suivi pour ceux qui ne pouvaient plus le faire, continue celle de droite.
- Ils n’auraient pas voulu autre chose, dit-on à trois. Certains appellent cela "les années sombres"… c’est plus complexe que cela.
- Le monde continuait de tourner alors on a du en faire de même, dit celle de gauche. Et la reconstruction imposée par les disparitions a créé énormément d’opportunités.
- Tout comme de malheur, dit celle du centre. Savoir qu’il y avait des créatures capables d’ainsi nous détruire sans que l’on connaisse ne serait-ce que leur existence…
- Cela a traumatisé la planète entière, dit celle de droite. La peur que pareille chose se reproduise… elle était là au quotidien. Evidemment, beaucoup de gens voulaient…
- Revenir au monde d’avant, reprend-t-on à trois. Faire comme si rien n’était arrivé. Comme si c’était possible… »
Une fuite en arrière. Une fuite en avant. Une fuite quoi qu’il en soit. Puis c’est arrivé : le retour au monde d’avant. Le Blip. La destruction de la vie de beaucoup de gens car ce qu’ils avaient construit sur les ruines des vies des Snapés ne pouvait survivre à leur retour… et lorsque cela le faisait, la vie des Snapés était une nouvelle fois détruite. Pour les plus chanceuses, comme nous, il était question de réussir à se retourner : retrouver un nouveau travail, retrouver de nouveaux espoirs tout en s’accrochant aux anciens, réussir à gérer les possibles et impossibles d’une vie qui recommençait à zéro. Encore.
« Si vous vous sentez déphasée, coupée de la société depuis votre retour, conclue-t-on à trois, à l’intention de mademoiselle Malicia. Nous avons mis en place un projet entre la Mairie et le Jack’s Refuge, dans le Bronx. Il a pour but d’aider les gens à en parler. »
Le refuge est sensément pour ancien combattant, les plus à même de parler de ce genre de traumatisme, mais il accueille tout le monde ; les jeunes de notre ancienne structure notamment, grâce au projet monté avec Lynda Mac Taggert en janvier. Si mademoiselle Malicia veut en parler, sans aucun doute sera-t-elle écoutée là-bas.
On ne sait pas quoi dire de plus. Si ce n’est que, si, c’est important.
Une rencontre qui pourrait changer le cours des choses..
22 juillet 2024, Central Park, New-York
Malicia commence son dessin des trois soeurs parce qu’elle sait que ce n’est pas facile de tenir la pose. Elles lui ont demandé si ses peintures la font vivre. En fait, elles la font surivre, c’est tout, mais elle se garde bien de le dire. Il y a des jours où c’est plus dur que d’autres. Oui, tant que le loyer est payé et qu’elle peut manger, ça lui va, mais parfois, elle ne peut faire que l’un des deux. Mais ce n’est pas grave, Malicia a l’habitude. Cela fait des années que c’est comme ça. Depuis qu’elle est partie de chez ses parents. Depuis cet incident. Depuis, elle a toujours peur de vivre avec son pouvoir. Est-ce qu’un jour, il serait possible de s’en débarrasser ? Elle n’en ai pas certaine. Personne n’a trouvé de solution miracle…
Alors, Malicia décide de parler du Snap. Peut-être que les triplées n’ont pas envie d’en parler ? mais elles le font malgré tout. Chacune leur tour, elles détaillent ce qu’elles ont vécu, comment elles l’ont vécu, comment elles ont remonté la pente par la suite. Bien sûr, le snap de Thanos a traumatisé pas mal de personnes dans le monde, voir presque tout le monde. Voir disparaitre des gens que l’on aime, ce n’était pas facile. Et puis, il y avait ceux qui revenaient aussi. Malicia avait eu du mal à se remettre de ce snap. Remy lui avait indiqué qu’il y avait un endroit dans le nord de l’état où elle pouvait aller, mais elle n’avait même pas eu le courage d’aller voir. Elle était bien dans sa routine. De toute façon, même si elle voulait repartir de zéro, ce ne serait pas possible. Pas maintenant. Malicia continue de dessiner les soeurs. Le dessin rend comme le réel, lorsqu’elles ont prit la pose : L’une est tournée vers leur dessin, celle du milieu légèrement tourné et celle la plus proche d’elle la regarde. Une fuite d’horizon. Le dessin rend bien. Il faudrait rajouter quelques détails, le paysage par exemple et les couleurs, mais elle a déjà une idée de ce qu’elle fera. Puis, les trois soeurs lui disent que si elle se sent déphasée, coupée de la société depuis son retour, elles avaient mit en place un projet avec la Mairie et le Jack’s Refuge. Tiens, ce n’était pas la première fois qu’elle en entendait parler de ce refuge. Soraya lui en avait parler… Elle y vivait d’ailleurs, peut-être que Malicia devrait aller voir ? La jeune femme regarde les triplées avant de leur dire :
« Je connais le nom du refuge, une amie a moi y vit. Je devrais aller faire un tour sans doute. Mais être coupée de la société, je le suis depuis mes dix sept ans malheureusement… Et ce n’est pas près de changer. »
Au vu de leurs expressions pendant le dessin, Malicia était presque sur que les triplées pouvaient communiquer entre elles par la pensée. Un puissant pouvoir, peut-être même qu’elles pouvaient lire les pensées de la mutante. Ce n’était pas grave en soi parce que Malicia savait qu’il y avait des gens dans ce monde qui était plus fort et plus doués qu’elle niveau pouvoirs. La seule chose qui la dérangeait, c’était son propre pouvoir. Si les triplées la touchaient, elle savait qu’il allait être difficile de contenir tous les souvenirs, peut-être même les pouvoirs si elles en avaient vraiment…
« Je sais ce que vous pensez, que je suis peut-être dépressive comme la plupart des artistes. Si vous saviez ce que j’ai vécu depuis mes dix sept ans, je pense que vous seriez comme moi… Enfin, peut-être pas, vu la force de caractère que vous semblez dégager. »
Mademoiselle Malicia nous écoute parler et on l’observe nous écouter. Tristesse, réflexion, amertume, ce sont les impressions qu’elle nous donne. Résolution, aussi. Plongée dans son dessin, elle est résolue ; cela ressemble à une fuite, pour nous. Différente de celles que l’on évoque mais tout de même. Peut-être que Lynda Mac Taggert et les vétérans pourront l’aider comme ils aident nos anciens jeunes. En tout cas, mademoiselle Malicia connait déjà le Jack’s Refuge, via une amie. Elle admet qu’elle devrait "aller faire un tour sans doute" ; les deux derniers mots nous apprenant qu’elle ne le fera probablement pas. La phrase suivante est le plus intéressant, néanmoins, et on tourne toutes trois nos visages vers elle ; les deux plus éloignée les écartant de notre dessin.
Coupée de la société, mademoiselle Malicia déclare l’être depuis ses 17 ans. Avant le Snap, donc. "Et ce n’est pas près de changer". Il y a un autre problème, donc. Un problème que Snap et Blip ont aggravé mais qui était déjà présent.
« Je sais ce que vous pensez, que je suis peut-être dépressive comme la plupart des artistes. Si vous saviez ce que j’ai vécu depuis mes dix-sept ans, je pense que vous seriez comme moi… Enfin, peut-être pas, vu la force de caractère que vous semblez dégager.
- Nous nous soutenons, commence celle de gauche sans quitter mademoiselle Malicia du coin des yeux.
- Nous ne sommes jamais seules, continue celle du centre en tournant un peu plus la tête vers mademoiselle Malicia.
- Cela aide beaucoup, confirme celle de droite en s’avançant vers mademoiselle Malicia. Nous n’avons pas la formation nécessaire à diagnostiquer…
- Mais si nous pouvons vous aider, certifie celle du centre, n’hésitez pas…
- A nous parler de votre problème, conclue celle de droite. D’accord ? »
Celle de droite continue de s’avancer vers mademoiselle Malicia alors que les deux autres se repositionnent pour continuer le dessin à deux. Chose qui facilitera leurs sorties de tête de part et d’autre du chevalet, d’ailleurs. Celle du centre entreprend d’ailleurs, sur la partie droite de notre paysage, d’y rajouter une jeune femme assise en train de dessiner de face. Après tout, elle fait parti du souvenir à présent. Notre imaginaire a déjà la fin du travail : mademoiselle Malicia en bas à gauche de notre représentation du parc, faisant une pause dans son propre dessin. L’unique détail que l’on ignore encore est la position de sa tête : en train de regarder son œuvre, de fixer la gauche et le passé ou de se tourner vers la droite, juste à côté d’elle, et le futur au-delà de notre propre image. Symbolique, là encore.
Heureusement qu’on peut l’aider elle car on ne s’aide pas nous, commente Phoebe. Oui mais s’est touchant et ça fait du bien de parler de ce qui fait mal, commente Céleste. Alors on évite de refaire un crève-cœur s’il vous plait, pour elle comme pour nous, commente Mindee. On risque d’avoir à le faire si on veut l’aider. +1 Phoebe, même si c’est malheureux. On essaie d’éviter…
Celle de droite rejoint mademoiselle Malicia et s’accroupie à son côté pour regarder où en est l’œuvre de celle-ci. Ses avant-bras se posent sur ses cuisses tandis que ses doigts se croisent entre eux, même si elle ne peut tenir longtemps la position du fait de ses talons. Elle ne dit rien, elle regarde juste, elle écoutera si on en a l’occasion. Son visage est doux, apaisé même si les relents de tristesse de nos explications précédentes sont encore là. Le point creusé dans notre poitrine, lui, se résorbe à nouveau. Il est toujours un peu là mais il ne se creuse que lorsqu’on lui apporte de quoi consumer. S’il a tôt fait de devenir un abîme et de s’étendre en nous comme autour de nous, on sait également qu’il diminue avec la paix et l’occupation.
Une rencontre qui pourrait changer le cours des choses..
22 juillet 2024, Central Park, New-York
Malicia apprécie de plus en plus les triplées. Parce qu’elles semblent être connecter entre elles, finissent toujours la phrase des autres, font un dessin à trois. Cela doit être agréable de ne pas être seule… La mutante soupire et leur dit que de toute façon, le soucis ne va pas se régler. Sauf si quelqu’un à une solution miracle à son pouvoir. Les trois filles confirment ce qu’elle pensait déjà, elles se soutenaient les unes les autres, elles n’étaient jamais seules du coup, cela aidait beaucoup. Puis, elle rajoutèrent que si elle fait besoin de parler, elle pouvait le faire. Malicia leva les yeux vers elle. Est-ce qu’elle pouvait se confier ? Parce qu’elle n’était toujours pas certaines que les triplées soient des mutantes aussi, mais c’était presque certain. Elles semblaient communiquer les unes avec les autres sans que Malicia ne puisse les entendre. Ou alors leur lien était très puissant, mais c’était plus probable qu’elles soient comme la jeune femme. Cette dernière regarda celle de droite s’avancer vers elle pendant que les deux autres continuèrent leur dessin. La brune décida de parler. Parce qu’elle en avait marre d’être toute seule, de se parler à elle même. Elle n’avait pas eu de nouvelles de Soraya depuis un petit moment et elle n’avait pas chercher à en avoir. Concernant Remy, elle n’était pas certaine qu’il soit dans le coin ces derniers temps, mais elle pouvait se tromper. Oui, elle se sentait seule… Elle leva les yeux vers la blondinette en face d’elle, sachant que les deux autres avaient une oreille attentive.
« Vous savez que dans ce monde, il y a des mutants et des optimisés, des gens normaux et des êtres venus d’ailleurs. »
Depuis quelques années, ce n’était plus un secret pour personne même si certaines catégories de personnes préféraient rester un peu dans l’ombre. Malicia ne se vantait jamais d’être une mutante. Peut-être que si elle avait eu un pouvoir cool, peut-être qu’elle en parlerait plus facilement, mais elle n’était pas du genre à s’étaler. Si elle le faisait aujourd’hui, c’était parce que la coupe était pleine et qu’elle avait besoin de la vider.
« Lorsque j’avais dix sept ans, j’ai découvert que je faisais partie de la première catégorie… Et je ne l’ai pas découvert de la meilleure des façons… J’ai failli tuer quelqu’un avec mon pouvoir… C’est compliqué à expliquer. En résumé, je peux absorbée la conscience de quelqu’un. Si le contact est prolongé, je peux même le tuer… s’il est mutant ou optimisée, je peux prendre son pouvoir pendant quelques heures à quelques jours… Et ce pouvoir se déclanchent au moins contact physique. Si je vous touche maintenant, je pourrais avoir accès à quelques uns de vos souvenirs et si vous avez des pouvoirs, je pourrais m’en servir… »
Malicia baisse les yeux pour regarder ses mains recouvertes de leurs gants. Ce n’était pas tous les jours faciles. Elle voulait juste une vie normale.
« C’est pour cela que je m’isole des autres. J’ai trop peur de ne plus contrôler ce pouvoir que je n’aime pas, que je n’arrive pas à cernée et à contrôler. C’est mieux pour tout le monde, je vous prie de le croire. »
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