Cela faisait maintenant une semaine que j’étais de retour. Que la gentille Raven était revenue à la raison. Une semaine que telle une recluse j’étais enfermée dans ma propre chambre n’en sortant que très peu. J’essayais de faire des efforts mais sentir le regard des autres sur moi me rendait malade. Je ne supportais d’ailleurs que très peu mon propre reflet dans le miroir, quelque soit son apparence je pouvais toujours y lire la méchanceté dont j’avais fait preuve. Un peu comme si l’étincelle rouge de la sorcière sombre était toujours en moi. Les visites s’enchainaient pour venir me voir. Mes proches évidemment, Logan, Hank, Jean, Ororo, les professeurs de l’Institut que j’appréciais, et surtout Charles. Mon frère. Qui malgré le nombre incroyable de faux pas que j’avais pu faire était toujours présent pour moi. Je ne méritais pas son amour. Il multipliait les petites intentions envers moi, et ne cherchait pas à me poser de questions, même si certaines devaient lui bruler les lèvres. ⇣
Il fallait que je fasse des efforts et que je ne me laisse pas aspirer dans cette spirale infernale. J’avais peur, j’étais terrifié de devoir lui parler. Mais … depuis quelques jours, après une de mes fugues nocturnes où j’avais revu Rocket sans qu’il ne sache qui j’étais j’avais eu une idée.
La nuit, je l’avais passée à écrire, récrire, recommencer, rayer, jeter, tenter d’exprimer mes sentiments sur papier. Il fallait que je commence avec quelqu’un… Et je n’étais pas capable d’affronter Lynda de sitôt. Et … a vrai dire je doutais qu’elle ne veuille me revoir un jour. Une montagne de boule de papier chiffonné débordant de ma corbeille à papier, en ce milieu d’après midi j’avais pris mon courage à deux mains pour lui écrire une lettre.
Vêtue très sobrement d’un tee-shirt blanc et short en jean, tremblante, la lettre dans la main, j’étais sortie de ma chambre. En traversant les couloirs, j’avais senti le regard des élèves encore présents en ce beau samedi. Evidemment j’ignorai ce qu’ils pouvaient dire, mais j’imaginais bien la teneur de leur conversation. « Miss Darkhölme sort enfin de sa chambre. A votre avis c’est vrai qu’elle était malade ? Certains disent qu’elle était en mission pour le professeur Xavier, d’autres qu’elle lui a planté un couteau dans le dos et s’est retourné contre lui pour être du côté obscur de la force ! Vous vous souvenez de son bras cassé ?! J’ai entendu le professeur MacCoy dire que c’était « Raven » qui lui avait cassé ! Vous vous rendez compte ?! […] »
Tentant de garder mon calme, et de taire cette profonde envie qui me disait de courir m’enfermer dans ma chambre à nouveau, je pris une profonde inspiration, levant le bras pour venir toquer à la porte de ton bureau, ponctuant mon geste par un petit :
"Have you ever looked at a tiger and thought you ought to cover it up? You are an exquisite creature, Raven. All your life the world has tried to tame you. It’s time for you to be free."
La relation entre Charles et Raven avait toujours été complexe. Ils s'aimaient, profondément, c'était indéniable, et personne n'aurait pu contester cela. Mais ils n'étaient pas très doués pour se dire les choses. La plupart de leurs conversations sérieuses s'étaient faites dans les cris ou les larmes, comme s'ils étaient incapables de s'exprimer autrement entre eux. Ils se connaissaient mieux que personne, et pourtant ils avaient parfois du mal à se comprendre et surtout à communiquer normalement.
Lorsque Charles avait libéré Raven de l'emprise de la Sorcière Sombre, il avait été persuadé qu'elle ne rentrerait pas avec eux. Et pourtant elle était revenue au Manoir, depuis une semaine à présent. Elle ne sortait que très peu de sa chambre, et uniquement à des heures où elle était certaine de ne croiser personne. Plusieurs collègues, élèves et amis avaient bien sûr tenté de lui rendre visite, sans grand succès. Quant à Charles, il venait régulièrement la voir, pour lui apporter à manger, pour lui transmettre les cartes et dessins faits par les enfants, pour lui donner quelques nouvelles de l'école. Mais jamais il n'avait tenté de lui poser la moindre question, jamais il ne lui avait imposé sa présence plus de quelques minutes.
Il ne voulait pas l'obliger à quoi que ce soit. Comme toujours, il la laissait libre de ses propres choix. Elle viendrait à lui quand elle s'en sentirait prête. Elle devait sans doute redouter cette conversation autant que lui, si ce n'est plus. Ils avaient tous deux des choses à se reprocher, et avaient tous deux beaucoup de mal à les assumer. Il aurait voulu pouvoir la prendre dans ses bras, lui assurer qu'elle n'avait pas à se sentir coupable, que tout se passerait bien. Mais il ne pouvait plus, il ne voulait plus, lui faire ce genre de promesse qui serait impossible à tenir. Il ne pourrait pas l'aider tant qu'elle ne l'aurait pas décidé.
Alors en attendant, il faisait de son mieux pour lui rendre la vie aussi confortable que possible. Il avait briefé ses collègues pour qu'eux aussi lui laissent du temps. Ils continuaient d'assurer tour à tour les cours d'histoire en attendant qu'elle se sente prête à reprendre, si elle reprenait un jour. Charles craignait toujours qu'elle décide de repartir, mais il était malheureusement préparé à cette éventualité depuis déjà plusieurs semaines. Pour l'heure il ne pouvait qu'attendre, quand bien même ce silence soit difficile à supporter.
Aussi, lorsqu'en cette après-midi du samedi premier juin, Raven vint enfin frapper timidement à la porte de son bureau, il abandonna immédiatement ce qu'il était en train de faire et lui dit d'une voix qu'il voulait douce, mais qu'il sentit légèrement tremblante :
« Tu peux entrer. »
Il ferma le carnet de notes sur lequel il était en train d'écrire et se tourna vers la chaîne hi-fi pour couper la musique qu'il avait mis en fond sonore. Il réfléchit très vite à des choses futiles, se demandant s'il devait s'extraire de derrière son bureau pour ne pas paraître fermé à la discussion, mais tout en craignant qu'elle ne prenne peur si elle se retrouvait trop près de lui. Se rendant compte que cette réflexion intérieure était parfaitement stupide, il secoua la tête pour se raisonner, prit une profonde inspiration pour se calmer et avança son fauteuil au milieu de la pièce, dans la partie salon de son bureau.
Il observa Raven entrer et refermer la porte derrière elle. Il remarqua qu'elle tenait une lettre à la main, mais ne s'attarda pas dessus. Les sourcils très légèrement froncés, comme toujours lorsqu'il était soucieux, il regardait sa sœur d'un air sérieux, mais pas sévère, attendant qu'elle prenne la parole.
Pétrifiée à l’idée d’entendre une voix, la tienne de l’autre côté de la porte, je restais de longues secondes complétement apeurée ne sachant pas si j’avais pris la bonne décision. Peut-être qu’encore quelques jours, ou mêmes semaines recluses dans ma chambre aurait été la meilleure solution. Le plus simple aurait été de partir mais je ne pouvais pas te faire cela. Toi, mon frère, qui s’était toujours battu pour moi, contre vent et marée. Tu n’avais pas besoin de me dire « Je t’aime » pour que je le sache. Tes actions étaient là. Certes ce n’était pas parfait mais qui pouvait s’en vanter ? ⇣
Avais-je vraiment envie d’entrer dans ton bureau et de devoir t’affronter pour la première fois plus des quelques minutes où tu venais dans ma chambre. Je faisais toujours un effort pour camoufler, grâce à ma mutation mes cernes, mes yeux rougis par les pleurs et autres réjouissances dues aux remords, à la tristesse au chagrin et tout ce qui va avec. Et encore … Je ne savais pas que le pire m’attendait.
Fermant les yeux, prenant une respiration très profonde, j’ouvrais la porte, un peu tremblante, et m’avançais vers le petit salon de Charles, prenant bien soin de refermer la porte derrière moi. Déglutissant avec difficulté, j’avançais dans ta direction, mon regard s’attardant sur ton visage nerveux, sérieux. Visiblement, je n’allais pas passer un bon quart d’heure. Même si je savais que ce n’était qu’un masque chez toi… En même temps. A chaque fois que je mettais les pieds ici c’était pour … exprimer mon mécontentement, mon incompréhension ou ma frustration.
- J’espère que je ne te dérange pas trop… Je … J’avais besoin de sortir un peu de ma chambre.
Nerveusement je glissais ma main libre dans mes cheveux, alors que je fis quelques pas vers toi, pour tendre dans ta direction une main tremblante la lettre que j’avais écrite à l’élue de ton cœur.
- Je … Je sais que nous n’avons pas parlé de ce que j’ai fait … J’ai fait du mal, beaucoup. Je ne savais pas part où commencer même si ce que j’ai pu dire ou faire n’est pas excusable… C’est … pour Lynda. Mais je comprendrais que tu ne veuilles pas lui donner.
Te laissant te saisir de la lettre, je mourais d’envie de partir en courant pour me terrer à nouveau dans ma chambre. Je me faisais vraiment violence pour rester, bien que l’endroit m’apaise un peu. Je savais que nous étions seuls et qu’aucun élève ne pouvait nous observer et répandre de nouveaux ragots me concernant.
- Charles … Je …
Non je ne pouvais pas te demander tout de suite ce que je voulais… Et je connaissais ta réponse, mais il le fallait.
- Comment va ton bras ?
Finis-je par demander détournant totalement le sujet de conversation, bien que cette partie de ton anatomie fasse également partie de mes nombreuses fautes durant la période où j’étais sous l’emprise de Wanda. Ma main se tendit naturellement vers ton épaule mais je me repris rapidement, préférant maintenir une certaine distance entre nous, décidant finalement de m’assoir sur un des sièges les genoux ramenés vers la poitrine, dans une posture que je savais fermée mais que j’avais du mal à abandonner. @Charles Xavier
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"Have you ever looked at a tiger and thought you ought to cover it up? You are an exquisite creature, Raven. All your life the world has tried to tame you. It’s time for you to be free."
Raven pénétra dans le bureau de Charles comme un condamné à mort qui s'avance vers la chaise électrique. Ou comme un animal peureux qui s'est fait gronder par ses maîtres et ne sait comment retrouver leur amour. Charles ne se sentait pas mieux. Il savait déjà que leur conversation allait être douloureuse. Mais elle était sans doute nécessaire. Il allait bien falloir, à un moment donné, qu'ils parlent de tout ce qui s'était passé, qu'ils mettent les choses à plat une bonne fois, qu'ils exorcisent ensemble ces quelques horribles semaines.
Raven commença timidement par une sorte de formule de politesse. La question était rhétorique, Charles se retint donc de répondre qu'elle ne le dérangeait jamais. Nerveuse, elle s'approcha de lui pour lui tendre une lettre, qu'elle expliqua destinée à Lynda. Charles s'en saisit en fronçant les sourcils un peu plus. Des excuses pour Lynda ? Quel rapport avec la situation qu'ils venaient de vivre ? Un horrible doute commença à germer dans son esprit. Raven avait-elle rendu visite à Lynda lorsqu'elle était sous le contrôle de la Sorcière Sombre ? Non, voyons, Lynda lui en aurait parlé… N'est-ce pas ? Il se tourna vers son bureau pour y déposer soigneusement la lettre, ainsi que pour masquer son trouble passager et chasser de son esprit ces interrogations. Raven était venue lui parler, elle méritait toute son attention.
« Je la vois demain, je lui transmettrai. »
Il se tourna de nouveau vers sa sœur lorsqu'elle reprit la parole, mais elle s'interrompit avant d'être parvenue à formuler sa phrase. Il aurait voulu l'encourager, mais il se sentait aussi nerveux qu'elle. Au final, elle détourna la conversation en demandant comment allait son bras. L'espace d'un instant il crut qu'elle allait réussir à le toucher, mais elle se ravisa et alla s'enfouir dans un fauteuil. Le visage de Charles se radoucit, et il lui adressa un sourire qui se voulait rassurant, mais qui était en réalité empli de tristesse. C'était toutefois un sourire.
« Guéri. Lynda s'en est occupé. »
Il était avare de mots, comme s'il lui était difficile de parler. Le silence plana à nouveau dans le grand bureau. Charles sentit germer en lui la conviction que c'était à lui de le rompre. Raven avait fait le premier pas, et il était énorme. Elle avait réussi à rassembler assez de courage pour sortir de sa chambre et venir se confronter à lui. C'était à son tour de faire un pas vers elle.
Etonnamment, il songea à Lynda, à la conversation qu'ils avaient eue lors de ce gala de charité. Il repensa comme il avait été difficile pour lui de se confier, d'avouer ses sentiments et ses faiblesses, mais aussi combien il s'en était senti soulagé ensuite. Avec Raven, il avait tant de choses à se reprocher, lui aussi… autant commencer par le début. Il lui devait bien ça.
« Je suis désolé. Je pensais être plus fort qu'elle, je pensais pouvoir te protéger. J'ai échoué. Et c'est toi qui en as le plus souffert. »
Il s'était attendu à sentir des larmes lui monter aux yeux, mais elles ne vinrent pas. Il n'était pourtant pas homme à admettre aisément ses faiblesses, mais au cours du mois passé il avait longuement ressassé son échec, si bien que le reconnaître n'était pas si douloureux qu'il l'aurait pensé. Ce premier aveu était en fait, et de loin, le plus simple. Il aurait pu s'arrêter là pour le moment, mais il craignait que s'il ne déballait pas tout maintenant, il n'en ait plus le courage par la suite. Il ne lui laissa donc pas le temps de répondre et poursuivit sa confession.
« Je t'ai cherchée. Mais Wanda avait protégé ton esprit, et il était très difficile de te localiser. Lorsque j'y suis enfin parvenu, lorsqu'enfin je t'ai vue, via le Cerebro, tu étais avec Erik. Il m'est difficile d'expliquer… ce que j'ai ressenti alors. C'était comme si… comme si mon pire cauchemar s'était réalisé. Je t'avais perdue, et cette fois pour de bon. Et c'était entièrement ma faute. »
Cette fois, il sentit un picotement derrière ses paupières, et il dut prendre quelques secondes pour empêcher sa voix de s'étrangler dans sa gorge. Il détourna le regard de Raven pour lever les yeux vers le plafond, déglutit, prit une profonde inspiration puis poussa un soupir saccadé. Il devait tenir. Il devait finir ce qu'il avait commencé. Il reposa un regard empli de regrets sur sa petite sœur et reprit la parole, au bord des larmes :
« Pardonne-moi Raven. J'aurais dû te dire qu'Erik était toujours en vie. Je n'avais pas le droit de te cacher ça. J'avais trop peur de te perdre. Je… Je ne t'ai pas fait confiance. Je suis… tellement désolé… »
Tout était dit. Il ne s'en sentait pas soulagé. Pas du tout. Il se sentait plus mal que jamais, en cet instant où il se haïssait lui-même. Mais il refusait de se laisser aller à pleurer. Pas encore. Il était pour le moment suspendu au verdict de sa sœur, attendant sa réaction, redoutant plus que tout sa réponse, mais prêt à assumer les conséquences de son comportement.
En position de protection aussi bien pour mon cœur que pour mon mental, je t’observais un peu comme un animal traqué. Comme une bête prise au piège qui allait connaitre sa sanction finale : la mort. Ce qui me surpris tout de même c’était le fait que tu prennes ma lettre. Après c’était peut-être juste une façon de ne pas me dire non et de ne pas me blesser, même si je n’étais largement plus à ca près. La tête hochée de bas en haut, j’approuvais satisfaite que Lynda ait réussi à soigner ton bras que j’avais cassé aussi facilement qu’un brin d’herbe plie face au vent.
Et, alors que, je m’attendais, à être foudroyée sur place par toi, le tout puissant, tel Zeus sur son mont Olympe (version roulante évidemment) tu fis quelque chose d’absolument inattendu. Me présenter des excuses. A moi ? Mais c’était moi qui avais mis le chaos dans nos vies. C’était de ma faute. Entièrement de ma faute, j’avais agi certes j’étais influencée mais j’avais le ressenti des moindres choses que je faisais. Comme si … Lorsqu’il fallait faire le mal, ma vraie nature reprenait le dessus. Était-ce cela ? Qu’au fond de moi j’étais mauvaise ? Que celle que Logan croyait avoir fait disparaitre était de retour, aussi froide et sanguinaire qu’il me l’avait raconté ?
Des excuses …
Complétement abasourdie par tes aveux, le timbre de ta voix et ton attitude, je clignais plusieurs fois des yeux un peu comme pour être sûre que je n’avais pas rêvé et que ce que tu venais de dire était réel. Relâchant un peu la pression sur mes épaules j’abandonnais ma position de protection pour me mettre assise normalement sur le fauteuil. Je t’écoutais parler sans t’interrompre. Il était clair et net que visiblement tu en avais besoin. Alors qu’au moment où je m’apprêtais à me lever pour venir vers toi tu évoquas Erik. Et surtout l’affreuse cachoterie que tu m’avais fait à son sujet.
L’espace d’un instant je me demandais ce que tu avais pu voir quand tu disais m’avoir observé via le Cerebro. Si j’étais avec Erik… Il y avait de fortes chances pour que tu aies… vu nos multiples ébats à travers tout Genosha. Honteuse, je ne relevais pas jusqu’à ce que tes paroles agissent comme une alarme sur moi.
Erik. Vivant. Ton secret. Ta trahison.
Me raidissant alors posant un regard entre la froideur et la déception je m’adressais à toi. Comment avais-je pu oublier au cours de cette semaine passée au manoir le fait que tu m’aies caché délibérément le fait qu’il soit en vie ? Il était même venu au manoir. Il t’avait vu plusieurs fois, et avait traqué avec toi le chasseur de mutants. Je comprenais soudainement mieux pourquoi tu avais cherché à tout prix à m’éviter pendant cette période. Et tout ce que tu avais fait pour m’empêcher de prendre part à cette affaire.
Mensonge, trahison, doute, suspicion, méfiance.
-Tu n’as toujours pas confiance en moi. Après toutes ces années tu …
Je cherchais mes mots désespérément alors que de mon côté mes yeux étaient brouillés aussi bien par des larmes de tristesse, de chagrin, de regret, d’amertume et de colère.
-Tu sais très bien ce qu’Erik a représenté pour moi. Ce qu’il représentera toujours. Et tu m’as caché cela. Tu m’as laissé dans l’ignorance. Tu lui as menti sur ma présence ici. Tu n’arrives toujours pas à te confier à ta propre sœur, ni même à me faire ne serait-ce qu’un petit peu confiance. Heureusement que Wanda était en moi quand j’ai su que tu m’avais menti. Sinon j’aurai pleuré. Pleuré et encore pleuré car tu m’avais trahie. Arrête de vouloir me protéger. Tu n’en aies pas capable.
Peut-être que je n’aurai pas dû dire cette dernière phrase j’en étais consciente, mais elle était vraie. En partie du moins. Pour te protéger et protéger les élèves de Wanda … Je savais quels étaient les risques en sautant de cette fenêtre le lundi 6 mai. Regrettant immédiatement mes paroles, je pris ma tête entre mes mains alors que des souvenirs douloureux refaisaient surface, des choses que j’avais faite le mois dernier.
-Je mérite d’être dans l’état où je suis. Charles. Mais eux… Fait leur oublier. Fait oublier le mal que j’ai fait aux personnes que j’aime.
Ma voix sonnait maintenant non plus comme un reproche mais comme une supplique. J’étais dans un état mental totalement déplorable. Je quittais d'ailleurs même mon apparence de belle blonde pour redevenir bleue n'ayant plus la force de contrôler ma mutation.
"Have you ever looked at a tiger and thought you ought to cover it up? You are an exquisite creature, Raven. All your life the world has tried to tame you. It’s time for you to be free."
Le télépathe s'était volontairement coupé de toute émission psychique provenant de Raven, notamment de ses émotions. Il ne voulait pas percevoir ce qu'elle éprouvait alors qu'il lui confessait tout le mal qu'il lui avait fait. S'il avait ressenti sa déception, sa colère, son amertume, il n'aurait pas eu la force d'aller au bout de sa démarche. A présent il attendait, les yeux fixés sur elle, que tombe la sentence.
En lui avouant qu'il n'avait pas eu confiance en elle, il venait de perdre la sienne. Elle lui en voulait pour Erik, bien sûr, mais ça allait plus loin que cela. Elle lui en voulait de lui avoir menti, de n'avoir pas réussi à se confier à elle. D'avoir voulu la protéger contre son gré. Et d'avoir échoué à la protéger. Charles baissa les yeux avant de fermer lentement les paupières, abattu par ces douloureux constats. Selon elle, il l'avait trahie. Une larme coula sur sa joue.
Il aurait pu expliquer les raisons de son manque de confiance. Il aurait pu préciser que cela ne concernait pas qu'elle, mais surtout Erik. Mais l'aurait-elle écouté ? L'aurait-elle compris ? Elle ignorait les rêves qu'il avait faits après les accords de Paris, ce cauchemar récurrent durant lequel la balle d'Erik atteignait Raven en plein cœur. Erik n'avait aucune limite. Il était prêt à tout, même à sacrifier ceux qu'il aimait. Et lorsqu'ils étaient ensemble, il faisait ressortir le pire d'elle. Mais Charles n'était pas en droit d'exprimer tout cela. Pas après ce qui venait de se passer. Raven aurait refusé ces arguments, elle lui aurait dit qu'il se réfugiait derrière les vieilles erreurs des autres pour ne pas reconnaître les siennes.
Il resta donc muet. Il avait déjà beaucoup parlé. Leur situation ne se résoudrait pas en quelques minutes. Raven n'était pas prête à lui pardonner. Peut-être ne le ferait-elle jamais totalement, tout comme il n'était jamais parvenu à complètement lui pardonner de l'avoir abandonné sur cette plage à Cuba, au moment où il était au plus mal. La reconstruction de leur relation prendrait du temps. Pour le coup, la Sorcière Sombre avait bien fait son travail.
Il ne rouvrit les yeux que lorsqu'elle reprit la parole pour le supplier d'effacer les mémoires de ceux à qui elle avait fait du mal. Une légère surprise passa dans son regard, avant qu'il ne hoche tristement la tête de gauche à droite. Elle devait savoir pourtant qu'il refuserait une telle demande. Il n'avait pas le droit de jouer ainsi avec la mémoire des gens. Il l'avait certes fait par le passé… et il l'avait amèrement regretté.
« Leur douleur s'estompera. Ils t'aiment. Ils te pardonneront. Laisse-leur le temps. »
Il était évident que mes paroles avaient blessées l’être que j’aimais le plus au monde. La personne sur qui je m’appuyais en cas de coup dur la personne envers qui j’avais une confiance aveugle. Mais … Cette confiance était loin d’être réciproque et c’était ce qui faisait le plus mal à mon pauvre petit cœur déjà bien meurtri. Les yeux brouillés par les larmes, je posais mon regard jaune sur toi. Pouvais-tu comprendre ? Surement pas vu le mutisme dans lequel tu semblais t’être enfermé. Je savais très bien que tu me faisais encore payer cette fois sur la plage à Cuba. Mais je t’avais demandé. Ce fameux jour. Je t’avais demandé si je pouvais aller avec Erik. Cet homme qui visiblement te dérange tant. Tu m’avais autorisé à aller avec lui. Et j’avais l’impression que depuis tout ce temps tu avais cette profonde rancœur envers moi.
Devant ton refus catégorique d’user de tes pouvoirs pour faire oublier ces moments douloureux de la mémoire de mes amis je fondis encore plus en larme sans pouvoir me retenir. Ce n’était pas des larmes comme celles que tu avais pu voir quand nous nous étions disputés dans ma chambre … C’était comme si elles avaient besoin de sortir de mon corps pour que je puisse avancer, aller de l’avant et arrêter de me morfondre sur moi-même. Bien entendu ce n’était pas si facile que cela, et il allait s’écouler un certain laps de temps avant que je redevienne celle que j’étais encore au mois de mars, souriante, belle, heureuse, et amoureuse effectivement.
-Je regrette mes paroles Charles. Je sais que c'était pour le bien du plus grand nombre et que me sacrifiais n'était qu'une moindre perte ... mais tu peux comprendre que pour moi, tu es l’être à qui je confierai ma vie les yeux fermés, sans aucun doute, aucun soupçon. Et toi … Tu ne peux même pas me dire qu’Erik était ici ? Tu sais à quel point c’est dur de savoir que l’être que l’on aime le plus au monde, son frère, ne peut même pas m’annoncer la simple visite d’un vieil ami ? De quoi avais-tu si peur ? Que je reste avec Erik ? Et même si c’était le cas, tu as Lynda maintenant aussi, je ne suis plus ta seule ancre. Mais … l’ai-je était ne serait-ce qu’un jour ?
Ma voix mourait alors que je reprenais une position fermée, remontant mes genoux vers ma poitrine, je posais mon front contre ces derniers pleurant. Le cœur lourd, une peine immense me submergeait et je ne comprenais pas pourquoi cela faisait si mal.
-Je t’en supplie Charles. S’il te plait. Je … Rocket, Lynda et Jessie… Je leur ai fait tellement de mal …
"Have you ever looked at a tiger and thought you ought to cover it up? You are an exquisite creature, Raven. All your life the world has tried to tame you. It’s time for you to be free."
Voir sa sœur si brisée, si fragile, lui serrait le cœur. Quand bien même il s'était coupé de ses émotions, il voyait sa peine sur son corps et son visage, il entendait ses profonds sanglots. Il n'avait pas souvenir de l'avoir jamais vue aussi mal. Et il ne pouvait s'empêcher de se rabâcher encore et encore cette réflexion qui lui martelait le cerveau : c'était de sa faute. Il aurait voulu s'approcher d'elle, la serrer dans ses bras. Mais il ne s'en sentait plus légitime.
Elle annonça regretter ses paroles. Et pourtant, elle avait raison. Elle avait toujours raison. Elle était la seule à le comprendre, à connaître ses plus belles qualités mais aussi ses plus sombres défauts. Elle était la seule à pouvoir lui ouvrir les yeux lorsque c'était nécessaire. Sans elle, il aurait complètement perdu pied, l'histoire leur avait prouvé. Qu'elle remette cela en cause lui faisait plus mal que tout le reste. Comment pouvait-elle supposer qu'elle n'avait jamais été son ancre ?
« Tu l'as toujours été… Pourquoi crois-tu qu'elle s'en est prise à toi ? Elle savait que ça me dévasterait. Raven, j'ai besoin de toi… Oui, j'avais peur que tu restes avec Erik, j'avais peur de ce qu'il pourrait te faire… Mais pas seulement. »
Comme souvent avec elle, il peinait à s'exprimer pleinement. Il aurait voulu lui dire tant de choses… Mais elle se referma à nouveau sur elle-même et se remit à pleurer. Elle le supplia de nouveau, arguant qu'elle avait fait beaucoup de mal, à Rocket, à Lynda, à Jessie… Le visage de Charles se figea sous le choc alors qu'il était saisi d'une vive inquiétude. Ce soupçon qu'il avait eu quelques minutes plus tôt était donc fondé. Raven s'en était prise à Lynda, et à sa fille… D'une voix blanche, dans laquelle perçait une panique contrôlée, il demanda vivement :
« Lynda et Jessie ?? Raven, qu'est-ce que tu… !? »
Il avait parlé sans réfléchir, et en s'entendant parler, il parvint à arrêter sa question avant qu'il ne la regrette. Il leva une main tremblante, comme pour se convaincre lui-même de s'interrompre et de se calmer. Il referma cette main en un poing serré, qu'il reposa sur sa jambe. A la façon dont le haut de son corps tremblait, il était évident qu'il était agité de vives émotions qu'il tâchait de contrôler au prix de grands efforts.
« Non… Ce n'est pas important… C'est du passé. Raven, si Lynda t'en avait voulu, elle m'en aurait parlé. Quant à Rocket… C'est lui qui est venu me chercher, qui m'a convaincu d'aller te libérer. Il ne craignait qu'une chose, que tu ne veuilles plus lui adresser la parole. Il est plus fort que tu ne le penses, et ton amitié compte beaucoup pour lui. »
Ses tremblements avaient déjà cessé, et sa voix retrouvait un timbre plus naturel. Il revenait par réflexe sur un terrain qu'il connaissait, qu'il maîtrisait bien : faire preuve d'indulgence, consoler autrui, expliquer les choses objectivement, redonner de l'espoir en voyant le bon côté d'une situation qui paraissait pourtant si désespérée.
« J'ai ces bruits dans ma tête et j'aimerais que ça cesse mais en vain. J'ouvre un peu les yeux, des couleurs, des photos me reviennent. Tous ces bruits dans ma tête faut que ça cesse… J'ai perdu la tête … Où est le chemin de ma maison ? »♫ . Les yeux clos, je tentais de me maitriser sans vraiment grand succès mais je faisais tout pour y arriver. Et c’était peut-être ça le plus dur.
-Elle s’en est prise à moi car je suis plus faible que toi, plus manipulable…
La tête redressée j’essuyai d’un revers de la main les larmes qui coulaient sur mes joues sans à nouveau pouvoir me contenir. J’avais l’habitude de me sentir intouchable et le fait d’avoir été annihilée en à peine quelques secondes par des pouvoirs comme ceux de la sorcière rouge m’avait fait également prendre conscience que je n’étais pas aussi forte que je le pensais. « Y a pas de place pour les faibles. » Mais j’avais au moins été de taille le temps que tu protèges tous les enfants, ces êtres innocents qui sont placés sous notre protection.
-De ce qu’il pourrait me faire ? Pas seulement ? Que veux tu dire Charles ?
Le sujet de ta précieuse Lynda était abordé, et je voyais bien que tu prenais énormément sur toi pour ne pas … Exploser. Ta voix, son timbre, ton regard, tes gestes tout te trahissais pour qui savait te lire.
-Elle ne t’a pas dit que je me suis introduite chez elle ? Que j’ai pris sa fille en otage, que je l’ai blessé au niveau de la gorge et l’oreille ? Que j’aurai pu la tuer sous les yeux de sa propre mère ? Que j’ai menacé sa tranquille existence en lui disait qu’elle recevrait des pièces de sa fille …. morceau par morceau …. alors qu’elle la penserait tranquillement endormie alors qu’en réalité…. ce serait moi me faisant passer pour elle ? J’ai perdu la tête …
Ma voix se faisait de plus en plus basse, n’osant pas vraiment avouer ce que j’avais fait mais en même temps j’avais cette impression que cela me faisait un bien fou…
C’était à mon tour maintenant de montrer un peu d’énervement quant à tes dernières paroles. Je ne voulais pas voir le Charles que tu offrais au reste du monde qui tentait de rassurer, de voir le positif. J’avais besoin d’honnêteté.
-Ne fait pas ton Charles avec moi. Je n’ai pas besoin de conseils que tu sers à tous tes élèves. Je veux que tu me dises ce que tu penses vraiment de ce que j’ai fait … Je suis sûre que quand tu es entré dans ma tête tu as vu des fragments de ce que j’ai fait. Ils t’ont forcément raconté… Je veux que tu m’aides.
Les larmes avaient cessé de couleur, je te regardais. « Insolente je l’étais. Dans les yeux de mon frère.... Ouais des claques il s'en est bouffé. » Et ce n’était malheureusement pas les dernières.
« J'ai perdu la tête … Où est le chemin de ma maison ? Quoi qu'il advienne … Je retrouverai les clés d'la raison. Quoi qu'il advienne. » Arriverais-je à me pardonner ?
"Have you ever looked at a tiger and thought you ought to cover it up? You are an exquisite creature, Raven. All your life the world has tried to tame you. It’s time for you to be free."
Charles pensait être capable de surmonter ce vent de panique qui l'avait soudainement submergé lorsque Raven avait évoqué le mal qu'elle avait fait à son âme sœur et à sa fille. Mais c'était sans compter sur Raven qui en remit une couche, qui, loin de laisser cette sinistre histoire de côté, commença au contraire à l'expliquer en détail. Dès qu'elle commença à raconter ce qu'elle avait fait, Charles hocha la tête négativement et tenta de couvrir les mots de sa sœur, d'abord doucement mais fermement, puis en montant le ton crescendo jusqu'à hurler.
« Non, Raven, je t'en prie arrête, non, je ne veux pas savoir ! Tais-toi ! ARRÊTE ! »
Mais elle ne s'était pas tu. Elle avait tout déballé. Et il se représenta la scène bien malgré lui, il visualisa le sang couler des blessures de la jeune Jessy, il imagina la détresse et la rage de Lynda, il vit le visage de sa sœur tordu en une expression de joie cruelle et inhumaine. Mais tout ce qu'il voyait derrière cette scène, c'était son propre visage, sa propre ombre qui planait au-dessus de cette tragédie.
Et Raven qui revenait à la charge, qui balayait le peu de défense qu'il était difficilement parvenu à mettre en place, qui lui demandait de lui dire ce qu'il pensait vraiment de ce qu'elle avait fait… Les poings serrés, la respiration forte, il la fixa d'un regard dur, empli de colère. Mais cette colère n'était pas dirigée contre elle. Il répondit cependant sur un ton très agacé, comme si elle l'avait poussé à bout - ce qui était vrai, en somme.
« Mais qu'est-ce que tu veux ? Que je te sermonne ? Que je te dise que c'est très mal ce que tu as fait, que plus personne ne voudra t'adresser la parole, que je ne pourrai plus jamais te regarder en face ? »
Durant cette diatribe amère, il avait avancé son fauteuil vers elle jusqu'à ce que ses roues touchent le siège dans lequel elle s'était réfugiée. Il ne pouvait pas lui dire toutes ces choses, quand bien même elle avait besoin de les entendre, car il ne les pensait pas. Il n'arrivait pas à en vouloir à sa sœur. Ca aurait été plus simple, pourtant.
« Tu ne comprends pas que ce n'est pas à toi que j'en veux ? »
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