[Terminé] Tendres retrouvailles

02 Juin 2024 – Staten Island – Maison des Baskerville

J’étais désormais un peu plus libre de mes mouvements, toujours en repos pour me remettre de mon coma, je n’avais pas eu l’occasion de revoir Earwen depuis notre captivité. Alors en ce dimanche de début Juin,  j’avais eu envie de leur rendre visite. Je savais que je pouvais débarquer dans la famille Baskerville un peu quand je voulais, j’étais toujours bien accueillit et encore plus là que je ne les avais pas vu depuis longtemps. Aemon était venu me rendre visite sur l’héliporteur mais je voulais revoir ma filleule, savoir comment elle allait depuis son retour, savoir si elle n’était pas trop choquée de ce qu’elle avait pu vivre et subir là-bas. Même si j’étais avec elle et même si j’avais pris quelques coups à sa place parfois, au final elle avait subi autant que nous si ce n’est plus car Joseph avait pour objectifs de faire venir ses pouvoirs par des biais peu conventionnels.

C’était pour cette raison, que je m’étais téléporté jusqu’à leur maison. J’aurais bien aimé prendre ma moto pour me rendre sur place mais j’avais toujours ces maudites béquilles qui me suivaient partout et je devais faire attention à bien suivre les instructions des médecins parce que j’avais été absent durant plusieurs mois et je voulais me remettre le plus rapidement possible.

Dès lors que j’avais sonné à la porte, je n’eus pas longtemps à attendre puisque finalement c’est Earwen elle-même qui m’ouvrit. J’eus aussitôt un immense sourire sur le visage alors qu’elle s’exclama de ma présence.

Alors que j’allais lui répondre, elle me sauta au cou. Je pris le temps de passer une de mes béquilles dans mon dos pour qu’elles soient toutes les deux du même côté avant de poser avec délicatesse une main dans le dos d’Earwen pour profiter de son câlin affectueux. Dieu que cette môme m’avait manqué. Je fermais un instant les yeux pour profiter du moment en lui murmurant :

« Content de te voir princesse »

Je souris de plus bel et puis lentement je m’éloignais d’elle pour reprendre ma place. Je repris dans la foulée mes béquilles correctement en main. Je l’observais avec douceur et un air un brin paternel tout en laissant parler mon cœur :

« Que c’est bon de te voir avec le sourire… »

Revoir Earwen avec le sourire était une façon comme une autre de mettre l’épreuve que nous avions vécue derrière nous. Certes, je pense que l’on serait marqués pendant encore un moment mais au moins nous n’étions plus prisonniers et finalement cela c’était bien terminer pour nous. Et puis j’avais appris qu’Earwen avait finalement développé des pouvoirs. Même si c’était dans de douloureuses circonstances, j’étais fière qu’elle puisse avoir un don aussi magique que sa mère.

La relâchant légèrement après une étreinte qui signifiait, je pense, autant pour elle que pour moi, je la regardais avec doucement et bienveillance en lui affirmant mon plaisir de la revoir en forme et joyeuse. Mais une petite moue triste s’empara de son visage alors qu’elle s’excusa pour mes blessures, comme quoi c’était en partie de sa faute. Je m’approcha d’elle et posa une main sur son épaule en me penchant pour fixer mon regard dans le sien :

« Ce n’est en aucun cas ta faute ma princesse, je suis costaud tu sais, je m’en remettrai et puis on est là tous les deux non ? Pour moi c’est le plus important. »

Ma voix était sûre, calme et apaisée. Même si j’avais des tourments internes quant à mon deuil vis-à-vis de Clara, ce n’était en aucun cas un sujet à aborder avec une jeune demoiselle comme Earwen. Elle, il fallait que je la protège, c’était mon but. Je n’avais pas réussi protéger ma femme et ma fille alors ma filleul il était hors de question que j’échoue.

Lorsqu’elle me proposa d’entrer et d’aller s’asseoir, je me redressai avec un sourire ancré sur le visage pour approuver sa proposition, avant de la suivre dans la maison et dans son salon. Alors que je m’asseyais et que je posais les béquilles sur le sol, elle me proposa à boire et à manger, une parfaite petite hôtesse. Je lui souris en répondant :

« Je veux bien un café s’il te plait. »

Je la regardais faire en répondant au fait que ses parents étaient absents :

« En fait, je suis surtout là pour prendre de tes nouvelles ? Savoir comment tu vas ? Comment ton retour à la « vie normale » s’est passé ? »

Si elle semblait heureuse de me voir, elle avait comme un air amer de cette fin que l’on aurait pu trouver apaisante. Visiblement sa libération n’avait pas été tout à fait libératrice pour elle. Earwen avait un petit air triste en me signalant que rien ne serait jamais plus comme avant. Elle n’avait pas tort, certes, mais il fallait pourtant que l’on reprenne nos vies l’un comme l’autre et que l’on avance. Et même si j’avais en face de moi une adolescente, j’avais désormais l’impression que cette expérience malheureuse l’avait fait vieillir trop vite. Je le savais, Earwen avait déjà souffert du snap en perdant la moitié de sa famille mais est-ce que cette épreuve ne l’avait pas replongée dans un tourment dont il serait compliqué pour elle d’en sortir seule? Je songea alors à l’idée que je ferai mon maximum pour lui venir en aide si besoin. J’étais seulement son parrain, oui, mais j’avais bien l’intention d’être son pilier dans cette épreuve et dans sa reconstruction personnelle. Je lâchais simplement dans un murmure:

"Ouais c'est vrai…"

Je n’étais pas certain qu’elle m'ait entendu et ce n’était pas forcément le but. C’était plus une boutade plutôt qu’une parole pour notre conversation. Nous nous retrouvâmes rapidement dans la maison Baskerville et je m’assis sagement sur le canapé alors qu’Earwen était partie préparer un café. Elle semblait stressée et soulagée à la fois en revenant avec le plateau ce qui me fit légèrement froncer les sourcils sans que pour autant je ne dise quoi que ce soit.  Je savais qu’elle avait eu des difficultés car son père m’en avait touché deux mots mais je n’avais pas eu plus de détails que ça. Et finalement lorsque je lui demande comment elle va je ne tarde pas à avoir quelques informations supplémentaires. Ses pouvoirs s’étaient déclenchés suite à notre enfermement et finalement le problème majeur c’était qu’elle en avait peur. Je n’eus pas vraiment le temps de réagir alors qu’elle chercha du réconfort d’une certaine manière en se posant sur mon épaule. Je cherchais mes mots un instant en passant ma main dans son dos pour la soutenir avant de finalement trouver quoi lui dire :

“ Je sais que c’est… c’est effrayant. Quand mes pouvoirs sont apparus je me suis téléporté à tellement d’endroits sans le vouloir que j’avais peur de l’endroit où j’allais atterrir mais aussi peur de blesser quelqu’un à mon arrivée… C’est quelque chose que tu ne pourras contrôler qu’en pratiquant. Et puis si c’est la peur qui te guide c’est ton pouvoir qui te contrôle alors que si tu apprends à le maîtriser et à l’utiliser, la peur ne te paralysera plus.”

Je savais que ce n’était pas le plus simple à faire mais je me devais d’être présent pour elle et je me devais de la soutenir au mieux :

“Si tu veux, l’on pourrait se téléporter dans un endroit où tu ne risqueras de blesser personne et tu pourras t'entraîner à volonté. Et ensuite, une fois ton pouvoir maitrisé, la directrice de ton école ne pourra pas refuser ton retour.”

Je me redressais ensuite pour planter mon regard serein dans le sien. Elle avait besoin de réconfort. Gardant ma main dans son dos je repris:

“Je connais tes parents et je te connais toi et je sais que tu surmonteras tout ça. Je sais que tu ne te laisseras pas submergée par tes pouvoirs. C’est toi qui les contrôleras et non l’inverse. J’en suis certain Earwen.”

La peur d’un pouvoir c’était quelque chose de commun chez les mutants et chez toute personne possèdant des pouvoirs incontrôlables et malheureusement ils l’étaient toujours lorsqu’ils apparaissaient. Earwen ne faisait pas exception à la règle. Ses pouvoirs étaient apparus dans les pires moments et c’était compréhensible et logique qu’elle en ait peur. Même si je savais qu’elle était parfaitement bien entourée avec ses parents, je lui proposais tout de même mon aide pour la soutenir. C’était ce que je pouvais faire de mieux en tant que parrain.

A la fois surprise et légèrement en panique, Earwen me regarda en me demandant confirmant. Un sourire se forma sur mes lèvres accompagnant un petit rire devant sa peur de me faire du mal.

"Regarde-moi bien, il faut bien plus qu’un coup de vent pour me faire du mal et je sais que tu ne veux pas m’en faire. Je suis capable de me téléporter Earwen, si tes pouvoirs te dépassent, je pourrais les esquiver sans trop de difficultés. C’est justement pour cela que je te propose de t’aider. Si tu veux bien de moi pour entraîneur bien sûr.”

La jeune demoiselle se reblottit contre moi alors qu’elle s’exprime sur le fait qu’elle aimerait redevenir une fille comme les autres. Au risque de la surprend encore plus je répond du tac au tac :

“Non…”

Je lui relève le menton pour qu’elle me regarde avant de poursuivre :

“Tes pouvoirs te rendent unique et c’est bien d’être unique, de ne pas être comme tout le monde. C’est toi tout simplement.”

Je reprends doucement ensuite en lui parlant de la peur, du fait que je la connais et que je sais qu’elle maîtrisera tout cela rapidement. J’en étais certain qu’elle pourrait y parvenir, il fallait seulement qu’elle se rassure elle-même et qu’elle se convainc de la même chose.

“Tu sais Earwen, pendant ma convalescence, j’ai rencontré une jeune femme qui a le même soucis que toi, elle ne maitrise pas son pouvoir et elle en as peur. Avec le travail et les exercices, elle arrive à se contrôler et à avoir moins peur. Elle a encore du travail à faire sur elle mais je sais que comme toi elle y parviendra. Et la force, la détermination et la motivation qu’elle met dans le contrôle de ses pouvoirs… Tout cela la rend unique, comme toi.”

En parlant d’Emy, j’avais le regard qui se perdait un peu dans le vide. J’appréciais beaucoup sa compagnie et j’avais trouvé en elle une vraie amie. Je voulais surtout faire comprendre à Earwen que rien n’est insurmontable…

Il était tellement important pour moi qu’Earwen aille bien que cela m’était impossible de la laisser dans cet état de stress permanent. Alors lui offrir mon aide et ma présence était le moins que je puisse faire et cela même si je n’étais pas en grande forme. Fort heureusement, je disposais d’un pouvoir défensif très pratique en cas de perte de contrôle, je l’avais déjà mis à l’oeuvre pour isoler Emy en cas de besoin, il ne serait pas difficile de m’isoler moi-même ou toute autre personne en danger si les pouvoirs d’Earwen devenaient trop instables. Le jeune fille évoqua alors son animal de compagnie qui se trouvait dans le coin du salon. J’eus alors sur l’animal un petit regard amusé en ajoutant :

“Elle peut être du voyage si tu le souhaites.”

J’étais le parrain des jumeaux mais j’avais bien plus de complicités avec Earwen de part notre expérience passée et peut-être également parce qu’elle me faisait penser à Elena. Cirth était tout aussi gentil mais il n’avait pas connu les mêmes choses, ni les mêmes problèmes. Mine de rien pour des jumeaux autant attachés l’un à l’autre, le snap avait fait pas mal de dégâts relationnels.

“Cirth n’as pas vécu tout ce que tu as vécu toi. Finalement, vous avez beaux êtres jumeaux, il y a un petit fossé qui vous séparent maintenant, laisse-lui le temps d’assimiler tout ça. Tu sais avoir été snappé ou effacé c’est aussi avoir l’impression que l’on a été effacé parce que l’on n’était pas fait pour être là alors ce n’est pas évident à accepter pour lui non plus. Et puis, l’on ne sait pas de quoi est fait l’avenir alors ils pourraient très bien se développer plus tard.”

Je revins ensuite sur les pouvoirs d’Earwen et leur contrôle et je fais le parallèle avec Emy qui avait elle aussi des soucis avec ses pouvoirs. Même si ses pouvoirs étaient différents, ils l'effrayaient tout autant. J’eus un petit rire à peine dissimulé quand Earwen souligna que je l’appréciait. C’était vrai Emy était devenue une amie avec qui je m’entendais bien :

“Curieuse va… C’est une bonne amie oui. Son pouvoir n’est pas dangereux pour les autres en soi, il est dangereux pour elle. Elle est empathe à un degré très puissant. Elle ressent les émotions de manière décuplée et cela la rend très instable émotionnellement parlant. C’est pourtant une personne adorable et très amicale mais elle a totalement perdu le contrôle depuis le snap. C’est douloureux pour elle physiquement parlant et dangereux moralement parlant mais elle se bats pour reprendre le dessus. Emy est forte et tu l’es aussi. Je suis certain que l’un comme l’autre arriveraient à trouver un équilibre.”

Regardant nonchalamment mes béquilles, je réfléchissais à quand je serais en meilleure forme pour l’aider au mieux. Je me suis souvenu alors des paroles du médecin chargé  de me remettre sur pieds.

“Normalement d’ici la fin du mois de juin, je devrais arriver à mieux marcher et ne plus avoir besoin de ces deux-là -je montrais du menton, les béquilles posaient à mes côtés - Si tu te sens capable de patienter jusque là cela serait bien et ensuite, l’on commencera les choses sérieuses.”