[Terminé] [Violence] De la peur à la haine...

21 Mai 2024 – Bronx – White Rabbit Hole

Finalement ma blessure du week-end précédent n’avait pas été si grave mais n’étant pas totalement remise, je ne pouvais pas me rendre à la base d’Hydra. L’on m’avait alors ordonné de rester au WRH pour la semaine. En soit, cela me convenait à peu près d’une certaine manière. Même si l’environnement n’était pas propice à  la sérénité au moins je n’étais enfermée dans une base lugubre à subir diverses expériences ou même à partir à mission pour faire du mal à des inconnus. Et puis le fait de travailler en semaine je faisais des horaires moins contraignants qui me permettaient d’avoir une ou deux soirée rien que pour moi.

Ce soir, j’avais d’ailleurs prévu une petite soirée tranquille devant mon petit  téléviseur avec une série, un plat chinois commandé en ligne, et un gros plaid. Toute la fin de journée, j’avais fait mon travail sans difficultés et cela malgré l’atèle. Visiblement ce bout de tissu m’avait permis d’être un minimum tranquille et de ne pas attirer les ferveurs des clients un peu trop alcoolisés. J’avais également précieusement évité le barman qui m’avait causé tant de tracas et fait remonter tant de souvenirs douloureux quelques jours plus tôt. Mon service terminé vers 22h30, j’étais retournée dans les vestiaires pour remettre des vêtements plus confortables et moins provocants. Si le rouge à lèvre rouge, la jupe courte, le chemisier décolleté et les escarpins ou ballerines étaient de rigueur au sein du WRH, pour ma part, je privilégiais les jeans et sweat à capuches une fois sortie du travail. C’était donc dans cette tenue  plus confortable que je quittais les vestiaires, que je fis un signe à quelques collègues leur souhaitant une bonne soirée et que je filais par la porte arrière réservée au personnel.

En ouvrant la porte, mon souffle se coupa aussitôt, il était là. J’avais réussi à l’éviter toute la soirée et là il était là, dans l’ombre d’une benne à fumer tranquillement sa cigarette. Chaque inspiration de nicotine lui donnant une teinte rougeâtre sur le visage, alors qu’il releva ses yeux mauvais sur moi quand je claquais la porte.

Il s’avança lentement vers moi, jetant sa clope au passage et s’adressa à moi avec nonchalance :

« Et moi, j’ai pas le droit à un sourire ? Ou à un ‘bonne soirée’ ? »

Ce n’était pas mon genre d’être arrogante ou insolente avec les autres mais lui ne me faisait pas vraiment peur comparer à d’autres. Alors je levais les yeux au ciel et je lui tirais la langue avant de reprendre ma route pour rentrer chez moi. Mais j’eus la désagréable surprise d’être retenue dans mon élan. Le barman m’avait attiré par le bras et il me plaqua fortement contre le mur de la ruelle. S’approchant dangereusement, je voulais le repousser mais il me prit les poignets et les plaqua contre le mur. Me bloquant avec son corps, je ne pouvais plus bouger. Je sentais son haleine de cigarette avec une légère odeur d’alcool. Il avait visiblement bu pendant son service.

« Avoues tu aimes qu’on te touche vu que tu ne dis rien et que tu sens rien… »

Son animosité et sa vulgarité n’inspiraient en moi que du dégout. J’étais vraiment entourée par des personnes malsaines et obscènes. Déviant le visage pour ne pas le regarder, il me lâcha le cou. Je ne sentais rien mais rien que d’imaginer que son corps était en train de toucher de le mien, j’avais des hauts le cœur. Je n’avais pas envie de lui faire l’honneur de le supplier alors je me taisais mais je refoulais un gémissement de dégout, essayant de me débattre pour partir de là. Son bas ventre étant collé au mien, je n’arrivais pas à me dégager.

Ce fut lorsqu’une de ses mains se plaça sur ma poitrine que je craquais :

« Non… »

Ma supplique n’était ni un cri, ni un hurlement mais je devais lui faire comprendre que je n’étais pas d’accord parce que visiblement mes gesticulations et mes expressions de dégout ne suffisaient pas. Avec une de mes mains de libres, je tentais de le repousser de l’épaule alors qu’une force inconnue le décolla de moi en un instant… Je ne vis pas de suite celui ou celle qui était arrivé à pas de loup pour m’aider et me sortir de cette galère. Une galère de plus que je devrais rajouter à mon sinistre tabloïde de mésaventures sombres qui résumait ma vie.  

Si au départ je n’avais pas vu qui avait éloigné ce barman de moi, lorsque j’ai reconnu sa posture et sa voix, je me suis faite toute petite. Etre une agente d’Hydra était pour moi source de stress et de peur mais face à lui, face à cet homme brutal et sauvage, je n’étais plus rien, si ce n’est une misérable fourmi qu’il pourrait broyer d’une seule main. Il me terrifiait autant que je pouvais le haïr mais le plus souvent, la peur de ce qu’il pouvait me faire me paralysait bien plus que le mal que le barman aurait pu faire. Cet homme c’était Charlie, Charlie Swanson, mon chef d’équipe à Hydra et celui qui avait pour unique plaisir de me faire du mal. Son excuse la plus récurrente c’était que je ne sois pas assez forte à ses yeux mais je soupçonnais qu’il prenait du plaisir à me torturer et à me faire mal, autant physiquement que mentalement. C’était un sadique qui m’avait pris pour cible et me défaire de lui serait bien plus compliqué que me défaire d’Hydra.

Je le regardais s’en prendre au barman, je voyais la rage dans ses yeux et son visage démoniaque qui avait pris le dessus en même temps que sa colère. Il n’aimait pas que quelqu’un me touche, mais la phrase correcte aurait été de dire qu’il n’aimait pas que quelqu’un d’autre que lui me touche pour me faire du mal. J’étais son souffre-douleur et il avait un côté possessif relativement envahissant.

Pour ma part, j’étais toujours collée au mur, trop effrayée pour bouger et trop paralysée par l’idée que Charlie me reproche encore et encore des choses pour m’enfuir. Je le regardais avec stupeur en train de manipuler le barman comme une vulgaire poupée de chiffon alors qu’il lui ordonna de me demander pardon. Mais l’homme ne put rien faire de plus si ce n’est agoniser alors que sa nuque se brisait sous mes yeux. D’instinct, mes deux mains se joignirent contre ma bouche pour étouffer un cri inexistant alors que mes yeux restaient figés sur le corps inerte du barman qui gisait que le sol.

Charlie se releva et s’avança vers moi, m’obligeant à relever la tête vers lui. Je le vis reprendre son visage habituel alors qu’il semblait véritablement inquiet pour moi. Mais je savais que les reproches de mon inaction allaient arrivés. Lorsqu’il me posa une question, je détournais les yeux de son visage pour hocher négativement la tête. Je me sentais toujours autant oppressée lorsqu’il se trouvait à mes côtés mais je savais que les représailles allaient arrivées. Ma soirée tranquille avec films et petit repas allait être bien différente que prévue. Pour autant, j’essayais de bien faire en relevant timidement les yeux vers lui pour lâcher dans un murmure :

« Merci Charlie »

Lui parler n’était pas facile pour moi, je n’osais rien faire en sa présence et le peu que je faisais, je le faisais de travers à ses yeux. Je me doutais que mon remerciement serait pris comme une faiblesse pour lui mais si je ne l’avais pas fait, il m’aurait surement reproché de ne pas être reconnaissance envers lui. Aucun de mes actes et de mes gestes ni même de mes paroles ne trouvaient grâce à ses yeux…. Je le savais mais que pouvais-je faire d’autre ?

Si la proximité d’un inconnu ou d’un homme trop entreprenant me gênait au plus haut point, la soudaine proximité de Charlie, elle, me faisait littéralement peur. Avec les années à ses côtés, j’avais développé une grande crainte dès lors qu’il était près de moi. Il avait un réel pouvoir sur moi et le fait de ressentir son plaisir lorsqu’il faisait du mal aux autres me mettait encore plus mal à l’aise.

Je le remerciais et je m’attendais à une réaction de sa part. Une mauvaise réaction. Mais à la place il me sourit et me répondit avec une certaine pointe de gentillesse dans sa voix qui me déstabilisa quelques instants. De la bonté de la part de cet homme n’était pas possible. C’était quelque chose dont j’étais convaincue à le voir et le fréquenter depuis tant de temps.

Et j’en eus la confirmation la seconde suivante, faisant remonter en moi mes angoisses les plus profondes. Il m’attrapa vivement à la gorge et me souleva sous mon regard stressé et effrayé. Ses yeux se teintèrent de rouge et je sus à cet instant que j’allais passer un mauvais moment. Je déglutis avec difficulté sous la pression de sa main alors que je me retrouvée à nouveau coincée contre le mur, face à un homme qui cette fois-ci, j’en étais certaine, me ferait du mal et personne ne pourrait l’en empêcher.

Alors qu’il me dit que je le considère comme un monstre, je fixe son visage brulé avec encore plus d’appréhension. Il a tellement de force contrairement à moi que je suis sur la pointe des pieds pour pouvoir continuer à respirer. Evidemment il en arrive à un autre sujet : mon problème de ne pas vouloir me battre. Oui je sais donner des coups mais je n’aime pas ça. J’ai le droit de ne pas aimer cela mais Charlie ne le comprend pas. Je voudrais lui répondre mais je ne parviens pas à formuler les mots et je sens, en plus de sa main autour de mon cou, une énorme boule qui se forme dans ma gorge.

C’est la peur qui me paralyse et hormis poser ma main sur la sienne pour lui faire comprendre que j’aimerais qu’il me lâche, je ne retiens pas la larme qui arrive au coin de mon œil et qui coule sur ma joue. Je sais pertinemment que cette larme est une marque de faiblesse pour Charlie mais je ne peux pas la retenir.  

Et puis finalement quelques mots parviennent enfin à mes lèvres :

« Je suis désolée de te décevoir Charlie… »

Je le sais il est déçu … encore… mais je n’y arrive pas et … ma gorge commence à me serrer. Je le sens, il doit vraiment serrer très fort… Je tousse légèrement avant de me reprendre dans une voix plus brisée :

« Tu… m’ét..touffes… »

Je tapote sa main dans un espoir qu’il lâche prise mais une part de moi à peur. Peur qu’il ne lâche pas et qu’il m’étrangle encore et encore…Peur qu'il me tue...

Je savais que Charlie était capable de beaucoup. Limite, il était capable de tout. Si je devais être totalement honnête, je crois qu’une part de moi pourrait l’admirer si je n’étais pas autant terrorisée par sa simple présence. Sa poigne sur ma gorge se resserra encore alors qu’il me parlait. J’entendais ses reproches mais j’étais incapable de répondre tant l’air me manquer désormais. J’allais avoir une jolie marque…

Et puis il me lâcha à l’instant où il s’arrêta de parler. Lourdement, je retombais sur le sol. Mes genoux heurtent le sol sans douleur alors que ma gorge sent une libération. D’instinct, je toussais à plusieurs reprises pour reprendre ma respiration. J’avais le visage tourné vers le sol alors que j’aurais voulu lui répondre mais à la réflexion, je n’avais pas envie de prolonger cette conversation

A la place, je me redressai doucement pour me remettre sur mes deux jambes et retrouver Charlie du regard. Il avait retrouvé son visage humain et me regardait à la fois avec mépris et inquiétude. C’était étrange comme sensation.

Comme chaque fois qu’il posait ses yeux sur moi, je baissais les miens dans la foulée mais pour quelques instants seulement. Cette fois-ci, je voulais lui dire non, je voulais lui tenir tête :

« Ma nature n’est pas la tienne. Je préfère rentrer chez moi. »

Le ton est plus incisif et plus dur que je ne le suis vraiment. Je voudrais lui faire penser que je lui tiens tête alors que je ne suis pas ce genre de personne. Comme il s’est légèrement éloigné de moi, cela me laisse la place pour me dégager et partir mais alors que je fais quelques pas, je sens une force qui me retient et me ramène devant lui. Visiblement, il n’en n’a pas fini avec moi, pour mon plus grand déplaisir.

Je le savais en le pensant et en le disant que ce n’était pas une bonne idée de lui tenir tête. J’en étais certaine et pourtant j’avais osé relever les yeux vers lui, j’avais osé prendre un ton plus froid et qui se voulait plus distanciel. Prenant le plus rapidement possible mes distances, j’entrepris de lui tourner le dos pour partir mais c’était sans compter sur Charlie, sa détermination et son intimidation sans faille.

Il me retint par le bras et me forçaà revenir face à lui. Je n’en menais pas large comprenant que si j’avais fait ce qu’il demandait, c’est-à-dire tenir tête aux personnes, je n’aurais pas dû lui tenir tête à lui directement. Mon regard se posa alors dans le sien, y voyant une lueur de fierté quand au fait d'avoir pris de la hargne mais lorsque ses yeux devinrent des flammes je ressentis aussitôt sa défiance, son mépris et sa colère. Deglutissant lentement je maintenais alors mon regard dans le sien tout en essayant de lui faire comprendre que j’étais désolée :

“Charlie, je ne voulais pas te manquer de respect tu le sais bien. Je n’oserais pas te défier.”

J’avais peur de lui, il avait cultivé cette peur durant des années et désormais elle était bien là, installée et ancrée dans mon esprit. J’avais beau être dégoutée des attitudes d’Hydra et de mon supérieur face à moi, je n’en n’étais pas moins effrayée de la façon dont il pourrait me traiter s’il apprennait à quel point je les déteste tous et à quel point je lui ment pour notre mission. Comme une petite fille, je le regardais d’un air suppliant et doux qui pour une fois fonctionnerait sur lui. Après tout, il avait parfois des attentions délicates envers moi :

“Je voudrais rentrer s’il te plaît. Je peux partir?”

Si j’avais l’intelligence de me mettre à sa place quelques instants, je verrais sans doute qu’il ne cherche qu’à me rendre plus forte comme lui. Mais ce qu’il ne comprend pas et qu’il ne comprendra jamais c’est que je ne suis pas quelqu’un de fort. Je ne pourrais jamais être celle qu’il attend de moi et encore moins aujourd’hui.