En ce vendredi 03 mai après-midi, le professeur Xavier donnait son dernier cours de la semaine. Il faisait à l'extérieur un temps superbe, annonciateur d'un weekend parfait. Les élèves avaient du mal à être attentifs, leurs esprits étant déjà prêts pour ces deux jours de repos. Il fallait donc éviter les cours trop intensifs, ou sur des thèmes ne les intéressant pas suffisamment. C'était généralement dans ces moments-là que le professeur leur parlait d'un sujet qui les concernait tous : la mutation.
« En 2008, des chercheurs français ont fait une découverte surprenante : une espèce de morue vivant dans des eaux froides, qui s'avère être bien plus évoluée que celles vivant tranquillement dans les eaux chaudes. Ils ont émis l'hypothèse que le stress des eaux froides leur a permis d'exprimer des capacités de survie inattendues. Le parallèle a bien entendu été fait avec les hommes. Il y a trois millions d'années, les hommes ont développé de même des capacités de mutations complexes. Mais celles-ci ne se sont pas toutes exprimées parce qu'elles étaient, à ce moment, tout simplement inutiles. Ces capacités sont cependant restées stockées pour servir le cas échéant. L'homme possède donc en lui d'énormes ressources dissimulées au fond de ses gènes, inexploitées tant qu'il n'y a pas de raison de les réveiller. »
Ces paroles allaient forcément faire écho dans la tête et le cœur de ses élèves. Ils avaient tous vécu cette évolution, cet éveil de leurs capacités enfouies dans leurs gênes, lorsque la situation l'avait exigé. A présent que les bases du cours étaient posées, ils allaient pouvoir passer à la discussion. Un cours magistral n'aurait eu aucun intérêt une veille de weekend, et Charles préférait de loin les débats avec ses élèves.
« Bien, parlons de cas pratiques. Nous avons tous ici connu cet éveil de nos gênes, cette apparition de nos capacités enfouies. Qu'est-ce qui selon vous a causé cette mutation, pourquoi avons-nous… »
Le professeur, qui semblait jusque là calme et gai, heureux de donner ce cours à ses chers élèves, s'interrompit brutalement. Son visage souriant se mut en profonde inquiétude. Quelque chose était en train de se produire. Une explosion de douleur, de colère, d'énergie néfaste et puissante. Cette vague d'énergie déferlait à plusieurs dizaines de kilomètres de là, et pourtant le télépathe en reconnut immédiatement la source. Il comprit instantanément ce qui était en train de se produire. Pris d'un violent mal de tête, il ferma les yeux et émit un petit gémissement de douleur.
« Non… »
Son cours. Ses élèves. Il ne fallait pas les effrayer, il devait les préserver, il devait leur parler, arrêter la leçon. Il ne pouvait pas s'occuper d'eux pour le moment. Il lui était difficile de maintenir son esprit dans cette réalité. Il rouvrit les yeux, son esprit à la fois focalisé sur le centre de Manhattan et sur la salle de classe. Il s'adressa à ses étudiants d'une voix haletante, comme s'il devait faire de grands efforts pour s'exprimer calmement.
« Veuillez m'excuser, je… le cours est terminé pour aujourd'hui, nous en reparlerons lundi… Vous pouvez… sortir, bon weekend à tous. »
Codage par Never Utopia
Dernière édition par Charles Xavier le Sam 24 Avr 2021 - 12:53, édité 1 fois
Les rayons d'un soleil timide flirtaient à travers les branches des arbres au-dehors, projetant des millions de particules dorées sur le mur d'en face, dans un ballet aérien qu'elle avait longuement contemplé, avant d'être rappelée à la raison par la voix calme de son professeur. Si elle n'était pas particulièrement une élève dissipée, car elle s'employait plutôt à suivre assidûment les enseignements dispensés, cette fin de semaine avait accablé ses frêles épaules d'une fatigue bien pesante, que les cauchemars de la veille rendaient de plus en plus pénible ; Jean devait à présent lutter pour garder les yeux ouverts, tant ses paupières lui paraissaient lourdes. Une main mollement appuyée contre sa joue pâle, elle avait fait de son mieux pour prendre des notes, la nuque courbée au-dessus de sa feuille froissée par son écriture étonnamment négligée ; c'était là son dernier cours de l'après-midi, et ses pensées vagabondaient déjà vers le repos que son corps quémandait.
Mais lors d'un battement de cils, il y eut un frémissement, comme un tremblement de terre à l'intérieur de sa tête. À peine perceptible, presque comme un mirage formulé par une autre réalité, la peau de sa joue, tout contre son oreille, avait tremblé de même qu'un tambour percé ; quelque chose, au loin, semblable une étrange énergie, venait tout juste d'exploser. Si elle ne percevait rien d'autres que les ondes et les rafales projetées par cette énergie, telle une présence néfaste que son esprit avait détecté sans toutefois pouvoir pleinement statuer à ce sujet, Jean était restée quelques secondes immobile, incapable de bouger. Comme étourdie, elle avait posé un regard emplit de frayeur et d'incompréhension sur Charles, mais celui-ci ne semblait pas disposé à dispenser quelconque réponse : prenant précipitamment congé de ses élèves, il avait réclamé que ces derniers quittent la salle, d'une voix qui se voulait tranquille mais qui chevrotait néanmoins sous l'émotion. Ne le quittant pas du regard tant elle était encore perturbée, Jean s'était levée à la suite de ses camarades, prête à les imiter mais, une fois devant la porte, elle n'avait pu s'y résoudre. Attendant d'être seule avec Charles, Jean avait pris soin de refermer la porte derrière le dernier sortant, n'étant pas tout à fait sûre qu'elle pouvait se permettre de lui désobéir dans pareille situation.
Nul besoin d'être télépathe pour s'inquiéter de la pâleur du professeur, qui affichait alors une mine gravement soucieuse, qui ne pouvait qu'être contagieuse pour les propres émotions de Jean. Raclant discrètement sa gorge pour manifester sa présence, peut-être indésirable, auprès de Charles, la rousse avait appuyé son dos contre la porte en bois, ses yeux bleus cherchant des réponses vers le sol tandis qu'elle osait enfin prendre la parole, d'un ton tout aussi tremblant.
« Qu'est-ce... Qu'est-ce que c'était Professeur ? Je sais que vous l'avez perçu aussi mais... Je ne sais pas ce que c'était... On aurait dit... Je ne sais pas. Mais vous avez l'air inquiet... Est-ce que je peux faire quelque chose ? »
Le professeur avait tenu bon encore quelques secondes, le temps de s'assurer que ses élèves l'avaient écouté et quittaient la salle de classe. Dès qu'il les avait vus se lever, il s'était détourné d'eux, se positionnant devant une fenêtre pour qu'ils ne puissent pas voir la douleur et l'inquiétude sur son visage soudainement pâle. Ses mains se crispèrent sur les accoudoirs de son fauteuil, tandis qu'il se concentrait pour focaliser son esprit sur la source de ce déferlement d'énergie.
Mais une petite voix tremblante près de lui l'empêcha de se concentrer pleinement. Jean, sa petite Jean, si fragile et pourtant si puissante. Elle l'avait perçu, elle aussi. Bien sûr. C'était si intense. Il se tourna vers elle. Elle était sans doute ici la seule à pouvoir le comprendre, même si elle ne saisissait pas l'ampleur de ce qui se passait.
« Tu le ressens, toi aussi… »
C'était en un sens un soulagement de pouvoir partager cette souffrance si particulière que seuls les télépathes pouvaient pleinement appréhender. Mais d'un autre côté, il s'inquiétait pour elle. Il s'inquiétait toujours du bien-être de ses élèves. Sa migraine s'intensifia alors qu'il discernait une voix qui s'adressait à lui par la pensée. Il ferma les yeux et poussa un nouvel gémissement de détresse, se crispant d'avantage.
« Elle m'appelle… »
A des kilomètres de là, à travers la matière et l'espace, Wanda criait son nom. Il perçut son appel au secours, et son affliction lui brisa le cœur. Il sentit son essence se dissiper, disparaître peu à peu, pour laisser place à autre chose. A cet être sombre, cette entité malfaisante qui était restée tapie dans l'esprit de la sorcière rouge durant des années, et qu'il avait lui-même contribué à réveiller. Il ouvrit les yeux et hurla intérieurement. Il voulut lui répondre, lui promettre qu'il allait l'aider, qu'il allait prendre le relai, qu'il ne l'abandonnerait pas. Mais elle n'était plus là. Le contact fut rompu. Il ne percevait plus rien. Son esprit ne lui était plus du tout accessible.
Le télépathe resta immobile, dans cet atroce silence, en proie à un trouble profond qui le pétrifiait. Ses yeux écarquillés fixaient le vide, sa respiration était saccadée, la sueur perlait sur son front. Puis il ouvrit la bouche pour parler. Était-il encore conscient de la présence de Jean, et ces mots lui étaient-ils adressés ? Ou ne parla-t-il que pour concrétiser ce qu'il avait psychiquement ressenti ? Toujours est-il qu'il dit d'une voix blanche :
Si elle s'était attendue à ce qu'il répudie sa présence pour garder l'ombre d'un secret inavouable, il n'en fit rien. Un instant, Jean avait même cru déceler comme le mirage d'un certain soulagement dans les yeux de son mentor, comme si le poids effarant de l'angoisse à venir allait leur être partagé ; peut-être comprenait-elle, mieux que quiconque, le fait de devoir partager ses pensées avec le reste du monde ? Se rapprochant lentement de lui, comme si elle avait craint de l'accabler davantage avec le moindre geste brusque, Jean avait instinctivement resserré son étreinte autour des livres qu'elle portait, et qui étaient appliqués contre son buste féminin. Charles semblait être la proie d'un trouble atroce, dont le reflet tout à fait douloureux se reflétait dans ses yeux clairs, mais avant que son élève ne puisse le questionner de nouveau, un spasme intolérable avait saisi le corps du professeur Xavier, qui s'était alors crispé sur son fauteuil en gémissant d'une détresse abrupte. Son cœur manquant un battement, Jean avait subitement laissé tomber les livres qu'elle tenait pour se précipiter vers celui qui était presque un père pour elle, et dont elle agrippa la main tremblante des siennes, la recouvrant de ses propres doigts instables comme d'une volonté symbolique de le protéger contre le mal mystérieux qui sévissait. Mais, impuissante, elle le fixait sans même comprendre ce qu'il se passait, sans savoir ce qu'elle devait faire, et son impouvoir lui apparaissait comme insoutenable. Il lui avait tout donné, un foyer, de l'attention et de la bienveillance, si bien qu'en cet instant, elle aurait volontiers absorbé toute la souffrance qu'il éprouvait pour l'en décharger.
« Elle vous appelle ? Mais qui ? Qui donc ? Charles ? Charles ! »
Les sourcils froncés par l'inquiétude, ses yeux quelque peu humides ne quittèrent point le visage du télépathe, même lorsque celui-ci ouvrit enfin les yeux. Il était présent, sans être là. Il était bien dans la même pièce qu'elle mais, son esprit, lui, était ailleurs, comme accaparé par quelques maux qu'elle ne pouvait point chasser, même avec toute la bonne volonté que son coeur contenait. Alors qu'elle s'était agenouillée près du fauteuil de Charles, Jean s'était légèrement redressée sur ses genoux afin d'avoir une hauteur plus conséquente, se positionnant devant son professeur afin de se placer dans son champ de vision, espérant ainsi l'obliger à sortir de sa dolente torpeur.
« Quelle chose horrible ? Qu'est-ce qui s'est passé, Charles ? »
Les derniers mots furent prononcés dans un murmure froid, teintés d'une voix aussi blafarde que le teint du télépathe ainsi affligé, qui peinait même à respirer. Une expression sincèrement affolée plissant ses sourcils, faisant trembler jusqu'à ses lèvres espacées, elle avait serré la main du professeur afin de le presser à lui décliner une réponse, car ses pensées formulaient déjà les pires scénarios possibles. Mais aucun ne flirtait avec la réalité, car même si elle ne connaissait que trop vaguement Wanda, Jean ne pouvait imaginer une telle tragédie. Jamais. Et pourtant...
L'esprit du télépathe quitta Manhattan. Il n'y avait plus rien à voir là-bas. Mais il ne revint pas pour autant pleinement dans cette salle de classe presque désertée. C'était si inattendu, si fort, si brutal… Une foule de questions se bousculait dans sa tête. Il se sentait sur le point de céder à la panique alors qu'il se rendait douloureusement compte qu'il n'avait pas les réponses à ses interrogations.
Un visage vint alors se placer dans son champ de vision, lui permettant de se raccrocher à la réalité physique et au temps présent. Un visage inquiet, tremblant, presque aussi bouleversé que lui. Le professeur, dans un effort de volonté, s'accrocha à ce visage et à cette douce voix si préoccupée. Il cligna plusieurs fois des paupières, compulsivement, comme pour chasser de mauvaises visions. Puis il dit dans un murmure :
« Jean… »
Il voulut sourire à son élève, à celle qu'il considérait presque comme sa fille, mais c'était pour l'instant au-dessus de ses forces. Le choc était passé, mais le mal était là, et il allait falloir composer avec. Il parvint cependant à calmer sa respiration et à retrouver une expression plus normale, bien qu'encore troublée. Son corps se détendit à mesure qu'il retrouvait ses esprits. Il posa sur elle un regard bien plus doux, et lui dit avec tristesse et bienveillance :
« Pardonne-moi si je t'ai inquiétée... »
Le mal était fait. Ce qu'il redoutait tant était arrivé. Il fallait à présent réagir. Il fallait qu'il prévienne Raven et les X-Men. Qu'il contacte les Avengers. Qu'il prenne les devants avec le S.H.I.E.L.D., en espérant qu'ils l'écoutent. Qu'il protège ses élèves et ses proches, en se préparant au pire. Mais en premier lieu, il fallait qu'il parle avec Jean, qu'il la rassure en ne la laissant pas dans l'ignorance, qu'il lui fournisse quelques explications.
« Ce que tu as ressenti… Ce déferlement d'énergie négative… Une entité néfaste s'est éveillée. Elle vivait tapie dans l'esprit d'une amie proche, et depuis quelques temps elle gagnait en puissance et en influence. J'ai tâché de mon mieux d'aider cette amie à garder le contrôle, et je croyais d'ailleurs que cela allait mieux… De toute évidence, ce n'est pas le cas. Cette entité vient de s'éveiller pleinement, en prenant le contrôle du corps et de l'esprit de mon amie. Elle possède de grands pouvoirs, qui pourraient s'avérer dévastateurs… »
Il s'interrompit, sentant son cœur se glacer. Il avait eu un aperçu de ce dont la Sorcière Sombre était capable. Il l'avait vue dans ses souvenirs. Mais à présent, elle semblait encore plus forte, mue par une rage inextinguible. Qui sait ce qu'elle allait bien pouvoir faire ? Et quelles séquelles elle en garderait par la suite ?
Telles un essaim d'abeilles dont on aurait secoué la ruche, les pensées de Charles s'agitaient frénétiquement. Si elle n'avait point la capacité de lire dans l'esprit de son professeur afin d'en percer les douloureux secrets, Jean pouvait toutefois entrevoir, dans ses yeux porteurs d'un brouillard sombre, tous les tourments que son coeur éprouvait. Elle n'avait jamais vu le télépathe dans un tel état d'affliction, pas même lorsque la menace d'Apocalypse avait plané au-dessus de leurs têtes et qu'ils avaient dû le combattre au prix d'un affrontement éprouvant, alors cette audience secrète ne pouvait être qu'annonciatrice d'un mal bien plus grand encore, mais quoi, ou qui ? Si la vérité lui était encore cachée, au moins put-elle se réjouir d'entendre de nouveau la voix de Charles, dont l'esprit troublé retrouvait peu à peu le décor sobre de cette salle de classe, seule témoin privilégiée de leur confidence sibylline.
« Il n'y a aucun pardon à demander... Est-ce que ça va ? Vous voulez un peu d'eau, professeur ? »
S'il était évident qu'une malheureuse boisson ne suffirait point à apaiser les affres mordant le coeur et l'esprit de Charles, Jean s'évertuait à faire tout ce qu'elle pouvait pour tenter de l'aider, même lorsque ses intentions paraissaient stériles. Étant prête à se redresser sur ses jambes pour exécuter son idée, elle fut interrompue dans son élan par la voix du professeur, qui lui révélait enfin les raisons d'un tel bouleversement. Peu à peu, les genoux de Jean s'étaient fléchis, lui faisant perdre de sa hauteur jusqu'à ce qu'elle se retrouve complètement assise sur la moquette de la pièce, le visage à présent pâle. Restant quelques secondes silencieuses face à la révélation qui avait été nécessaire, ses longs cils noirs avaient longuement cillées avant qu'elle ne reprenne la parole, d'une voix volontaire.
« Il faut l'aider ! Votre amie est toujours là, quelque part, j'en suis sûre. Il faut l'aider à reprendre le contrôle, et vous en êtes capable, Charles. Je ne connais aucun télépathe plus puissant que vous. »
Il n'y avait donc nulle autre issue pour cette âme douée d'une bonté infinie, qui ne voyait nullement le danger ni la malveillance chez autrui, et qui tendait la main sans qu'on lui demande. Bien qu'elle s'inquiétait des évènements à venir, car l'ombre maléfique qui s'étendait à présent semblait être douée de pouvoirs immenses, Jean refusait déjà de la condamner. Hochant vaguement son menton de haut en bas pour appuyer ses dires, elle avait rehaussé le coin de ses lèvres en un sourire qui se voulait rassurant, mais qui trahissait toutefois l'appréhension que son corps éprouvait. Il fallait garder espoir, ne jamais abandonner.
Les mots de Jean parvinrent enfin à faire éclore un sourire sur les lèvres du professeur. Sa chère petite Jean… Elle avait tant grandi. C'était une jeune femme à présent. Malgré la part d'ombre qui se trouvait en elle, les années passées à l'Institut lui avaient permis de se développer sereinement, et les enseignements de Charles et des autres professeurs lui avaient appris à poser sur le monde un regard tolérant et bienveillant.
Malgré la grande menace que représentait la Sorcière Sombre, la jeune mutante ne songea pas une seconde à la combattre pour l'éradiquer. Elle ne fit qu'encourager Charles à lui porter secours. Sa foi en lui l'honorait, hélas ce ne serait pourtant pas aussi simple qu'elle semblait le penser.
« Merci Jean. Mais je n'y arriverai pas seul. Elle est également télépathe, et actuellement elle me bloque l'esprit, je ne peux pas la localiser, et encore moins entrer dans sa tête. Elle possède aussi de grands pouvoirs télékinésiques, qui lui ont été conférés par une pierre d'infinité, l'une des six gemmes qui ont permis à Thanos d'anéantir la moitié de l'univers. »
Il ne doutait pas que Jean lui proposerait son aide, et il ne la refuserait pas. Ses pouvoirs et son soutien lui seraient sans doute très utiles, même si la mutation de Jean portée à son maximum pouvait être dangereuse pour elle. Cependant, avant qu'elle n'accepte de se lancer à corps perdu dans cette bataille, il estima devoir lui révéler l'identité de celle qu'ils devraient malheureusement affronter, car elle ne se laisserait pas brider aisément.
« Jean, ce que je vais te révéler doit rester entre nous pour le moment. Cette amie est une personnalité publique, une égérie dans la sphère des héros. Si le monde apprenait qu'elle avait basculé dans le chaos, ce serait la panique, et nous risquerions une chasse aux sorcières. La personne que nous devons secourir, c'est Wanda Maximoff. »
Jean ne la connaissait probablement pas autant que les autres jeunes de son âge, puisque tout comme Charles elle était arrivée à cette époque quelques semaines seulement avant le snap de Thanos, dans un monde où les Avengers étaient déjà installés depuis longtemps. Mais la Sorcière Rouge, tout comme ses acolytes super-héroïques, était mondialement connue.
Les mots de Jean, empreints d'un espoir fou guidé par son âme pure, firent éclore un sourire presque apaisé sur les lèvres du professeur, qui ne s'étonnait même plus des prouesses d'indulgence dont elle faisait preuve. Nul ne pouvait nier qu'il avait forgé son caractère tolérant par des enseignements foncièrement humains, qui s'employaient à véhiculer des notions empathiques et bienveillantes, devenues bien trop rares en ce monde. Mais quand bien même elle était pourvue de cet esprit charitable, les mots de Charles ébranlèrent considérablement son assurance première ; si même lui parait défaitiste, de quelle certitude pouvait-elle s'armer pour mener ce combat ?
« Et avec le Cerebro, peut-être que... »
Illustrant l'agitation de ses pensées alarmées, ses yeux voguaient de droite à gauche à toute vitesse tandis qu'elle réfléchissait silencieusement à un moyen de parer la menace sensiblement grande qui n'allait pas tarder à se présenter. De grands pouvoirs, une pierre d'infinité... Tout cela ne faisait que renforcer les appréhensions déjà grandes qui sévissaient dans sa gorge. Ils avaient déjà eu à affronter des dangers colossaux en la personne d'Apocalypse, mais cette fois, Jean sentait que c'était différent. Quelque chose, en son fond intérieur, comme une voix lointaine et omnisciente, lui soufflait que la situation était davantage préoccupante. Mais rien n'aurait pu être suffisant pour ternir l'éclat de son courage et de sa dévotion, si bien qu'elle eût de nouveau serré la main de son mentor tout en lui offrant le sourire le plus vivace qu'elle put, bien que celui-ci paraissait étrangement grave, comme entaché par les inquiétudes qui faisaient déjà briller ses yeux.
« On va trouver une solution, Charles... J'en suis certaine. Peu importe ce que ce double fait, il faut garder à l'esprit que votre amie est sa première victime : si elle est encore consciente, quelque part dans son esprit, elle assiste impuissante au chaos qu'elle sème... Il faut l'aider, elle doit être si seule et si désespérée. Et je suis là, si vous pensez avoir besoin de moi... »
Le ton de Charles redevenu grave, le sourire de la rouquine s'était rapidement dissipé, chassé par l'aveu qu'il s'apprêtait à faire. Intriguée, quoique largement inquiète de ce qui semblait être l'utile révélation, Jean avait vaguement hoché son visage de haut en bas pour acquiescer, les sourcils légèrement froncés.
« Wanda Maximoff... »
Elle n'était pas sûre de comprendre. Si elle connaissait le nom et le visage de la Sorcière Rouge, celle-ci lui évoquait davantage les Avengers et les héros acclamés qu'une quelconque entité maléfique... N'osant point questionner les raisons et les circonstances de cette dérive maléfique, car le temps leur manquait déjà, Jean avait joint ses deux mains sur ses genoux, les tordant avec nervosité tandis qu'elle essayait de mettre de l'ordre dans ses pensées désordonnées.
« Je garderai le secret, Charles. Mais... Mais si elle s'emploie à tout ravager sur son chemin, son identité ne restera pas secrète très longtemps... Est-ce qu'on sait ce qu'elle veut ? »
Il lui avait déjà révélé beaucoup. Il ne voulait pas l'effrayer d'avantage. Mais Jean n'était plus une enfant, elle avait vaincu le premier et le plus puissant des mutants. Elle saurait faire face, si cela était nécessaire. La situation était cependant différente : il ne s'agissait pas de tuer, mais de porter secours. Eradiquer la Sorcière Sombre aurait été plus simple. Mais il semblait impossible de la dissocier de Wanda, et pour Charles il était totalement exclu de causer le moindre mal à son amie, si d'autres solutions existaient.
Toutes ces informations n'entachèrent pas l'optimisme de Jean, qui malgré son inquiétude tâcha de rassurer son professeur en affirmant qu'ils allaient trouver une solution. Ses mots résonnaient en lui. Pauvre Wanda… Si son alter-ego ne l'avait pas entièrement engloutie, s'il subsistait ne serait-ce qu'une petite parcelle d'elle dans son esprit, elle devait souffrir atrocement. Il fallait la retrouver avant que son double ne fasse trop de ravages.
« Elle se croit seule, mais elle ne l'est pas. Elle a beaucoup d'alliés. Et bien sûr, nous allons l'aider. »
Jean garderait le secret. Ses questionnements étaient néanmoins légitimes : le basculement de Wanda ne resterait certainement pas caché bien longtemps, malgré les efforts du S.H.I.E.L.D. pour le couvrir. Mais pour l'heure, il fallait préserver le public, et notamment les élèves de l'Institut.
« Je pense surtout à tes camarades de classe, pour qui Wanda est un modèle. Aux yeux du monde, elle est une mutante, qui s'est élevée au rang d'héroïne en contribuant à sauver l'univers. Quant à ce qu'elle veut à présent… »
C'était une question délicate, et la réponse l'était encore plus. Charles ne pouvait pas tout lui révéler. Il prit quelques instants pour réfléchir, en caressant paternellement la main de son élève.
« Difficile à dire… Elle est née de la rage et se nourrit de pulsions meurtrières. Wanda ne m'a pas parlé de ses plans. Peut-être ne les connaissait-elle pas, ou peut-être n'en a-t-elle aucun. Il est cependant probable qu'elle vienne ici un jour ou l'autre. Nous devons nous y préparer. »
Malgré son tempérament naturellement soucieux, Jean semblait être celle qui parvenait le mieux à conserver son optimiste, en dépit de la situation tragique. Ne connaissant Wanda qu'au travers des nombreux éloges entendus à son sujet et des quelques apparitions héroïques que la presse avait souvent relayé, celle-ci ne lui évoquait cependant aucune amitié ; contrairement à Charles, elle ne la connaissait pas personnellement, et ce manque d'intimité avec la dénommée lui permettait de conserver, encore, sa pleine confiance en l'avenir. Après tout ce qu'ils avaient déjà enduré, le malheur ne pouvait pas les frapper de nouveau ; elle en était certaine, sans doute trop, même.
« Bien sûr que non, elle n'est pas seule ! Nous allons lui faire savoir, nous allons trouver le moyen de lui venir en aide et de la libérer de ce double maléfique... Je suis sûre qu'il existe une solution. »
Peut-être, ne mesurait-elle pas foncièrement la gravité de la situation, ni les réels dangers qui pesaient sur leurs têtes. La bataille contre Apocalypse avait été l'épreuve la plus difficile de toute sa vie mais elle y avait finalement survécu, comme toutes les personnes qu'elle portait dans son cœur, alors elle songeait qu'il n'y avait aucune raison pour que ce soit différent, cette fois... De toute façon, elle ne pouvait envisager une issue moins favorable que celle-ci, tant ses espoirs pour le futur étaient grands. Cette nouvelle époque était une chance, une renaissance. Hochant vaguement son visage de haut en bas pour acquiescer, Jean avait croqué dans le cœur de sa lèvre inférieure avant de prendre la parole, redoutant alors le moment où ses camarades découvriront la vérité sur leur idole, sur une figure qui leur permettait de mieux accepter leur différence.
« Ils n'en sauront rien... Ou du moins, ils ne l'apprendront pas de ma bouche, je le jure. »
Mais cela ne pourrait rester secret indéfiniment, pensa-t-elle sans oser l'énoncer, de peur d'aggraver le ton grave de son mentor, qui tenait toujours sa main dans la sienne, d'un lien paternel indéfectible, que même l'adversité ne pourrait briser. Mais pour l'heure, il fallait songer à protéger les autres élèves de l'Institut, ceux qui seraient tout bonnement incapables de se défendre face à cette menace grandissante, et qui pourraient être des proies faciles pour cette entité gangrénée par la haine. Fronçant légèrement ses sourcils, elle avait brièvement mordillé l'intérieur de sa joue avant de lever un regard attentif vers Charles, soucieuse de bien faire et de protéger les autres.
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