Début Mai, vers 23h30
Quelques instants avant …
Dans une ruelle sombre du Bronx, sous une pluie battante, une sorte de portail s’est ouvert. Et dans un cri, une personne en est sortie, comme expulsée de ce dernier qui se referma presque instantanément. La personne présente, salement blessée, couverte de sang, hurle en frappant la paroi du mur là où le passage se trouvait un nom qui résonne dans le coupe-gorge “Nathaniel”. Elle semble désespérée, désorientée, perdue. Si elle reste quelques instants à genoux devant le mur, elle finit par se redresser, difficilement et à avancer.
Ici commence notre histoire ….


Je marche ... du moins je le crois.
La nuit est froide, je la sens, je n’ai qu’un blouson de cuir sur le dos. Le reste de mes affaires … la moitié de mon jean est bien plus sombre que la couleur noir délavé, partiellement déchiré d'ailleurs et mon t-shirt blanc ne l’ai plus non plus … maculé d’éclaboussure ou de tâches, dégoulinures divers pourpres. Je tiens ma main trouée contre moi, tentant d’ignorer cette douleur comme toutes les autres alors que j’avance dans des ruelles désertes. Je n’ai pas la moindre foutue idée d’où je vais … ni d’où je suis à vrai dire. J’ai l’impression que mon esprit s’embrouille, que mon corps se vide de sa vie à chaque instant, comme si chaque pas pouvait être le dernier, comme si je pouvais m’effondrer à chaque fois.
Et mon visage … le sang a arrêté de couler de mon crâne mais il en reste tellement sur mon visage, dans mon cou et sur ma gorge … il commence même à sécher, je le sens craquer sur ma peau.

Comment cela peut-il être vrai …

J’avance. Les ruelles sont sombres, inconnues et j’ai l’impression de voir danser les rares lumières que je croise. Je suis perdue, dans ce monde et mon esprit. Les images et les mots volent et s’entrechoquent. Mes cris tourbillonnent alors que je revois Nathaniel, la flèche qui file pour se figer dans son torse. Mes mains en sang se serrent et les larmes coulent sans bruit sur mon visage, lavant un peu celui-ci de son étrange maquillage pourpre. Je marche tout droit, le regard sur l’horizon alors que je noie presque dans mon crâne …
Nathaniel ...
Ce soir, il n’était plus, et désormais, je suis seule …

-Charles ...

Ce nom m’échappe, me surprenant presque moi-même dans le silence de la nuit … Charles … qui c’est … rappelle-toi. je me rappelle ses mots, je me rappelle ses instants. Un ami ? Je dois le trouver. Je crois … il m’en avais parlé peut être …
Je porte ma main juste blessé par les coups contre le mur à mon crâne, rajoutant du sang poisseux à mes cheveux déjà dans un piteux état. Je touche même la blessure que j’ai eu quand il m’a balancé contre le mur. Merde !!! Je manque de crier, de vaciller aussi, je me rattrape contre un mur alors que mon corps se mets à trembler.

-Putain …

Je dois pas tomber. Je ne peux pas … je suis vulnérable, tenant à peine debout … les flics, les urgences … non, mauvais plan ! Et j'ai pas la moindre foutue idée d'où je peux bien me trouver dans Londres … si je suis encore dans Londres d’ailleurs … Je ne sais même pas où j’ai atterri réellement. Il ne pleuvait pas à Londres donc peut être pas au final Londres…  . Où Nathaniel aurait pu m’envoyer sinon, surtout dans son état … Je ne sais pas, je ne suis jamais sorti de cette ville à vrai dire. Non, concentre-toi ! Essaye au moins ... Je dois le trouver … Charles … un mutant ? Un fl…

-Putain …

Je marmonne entre mes dents, retenant un sanglot alors que je me redresse, tentant de me décoller du mur où je suis appuyée, les yeux emplis de larme de rage et de peur, de tristesse, de douleur et de déchirement. Ce n’est qu’un cauchemar …. Un cauchemar dont j’arrive pas à me réveiller. Le brouillard s’intensifie dans mon esprit. J’ai comme l’impression … qu’on efface presque celui-ci ! Je tente d’avance encore. Je dois trouver un abri. Je dois me battre, même si je ne m’en sens même pas la force. Je dois me battre, car il est hors de question que je quitte ce monde sans avoir retrouvé l’homme masqué ! Mon sac en bandoulière me semble si lourd avec tout le merdier dedans mais je refuse l’idée même de m’en séparer. Je marche si lentement. J’ai peur de tomber, que mon corps s’arrête soudain de lutter, trop épuisé et que je ne m’effondre … je ne sais même plus ce que je ressens, entre la peur, le froid, la douleur de mon corps et celle de mon esprit … et de mon cœur …
Si on était Halloween, on pourrait presque me prendre pour un zombie étonnamment bien fait, j’en avais tout, l’allure, la démarche mais ce soir … Je laisse même des tâches de sang derrière moi, comme pour qu'on puisse me retrouver, même la pluie emporte tout cela avec elle. J'ai le tournis ... ais-je perdue trop de sang ? Trop de blessures ?

Pourquoi n’y a-t-il donc personne dans la rue … où pourrais-je donc trouver ce foutu Charles … ? Je suis en train de vaciller. Je m’accroches, tentant à chaque pas de ne pas finir faire connaissance avec l'asphalte ...

Je n’ai pas entendu l’autre faire des bonds de toits en toits à la naruto. Je n’ai pas senti sa présence avant qu’il ne tombe face à moi. Toute ma force et ma concentration servent à me tenir debout, plus ou moins.
Alors lorsqu’il atterit devant moi, un peu à retarder, je sursautes si violemment, étouffant un cri avant de tomber en arrière violemment. Si je n’atteris “que” sur les fesses, je ressens cela dit à cette seconde combien de côtes j’ai précisément de pétées … 3-4 visiblement. Le choc m’arrache cette fois ci un hurlement de douleur tandis que je me recroqueville sur moi-même :

-Aaaah merde …

Je relève la tête vers ce qui m’a fait tomber, cette ombre que j’ai vu tomber d’on ne sait où. Une de mes mains, la valide, semble s’approcher désespérément a la sangle de mon sac bandouillière. L’autre main, celle trouée, cautérisée juste pour éviter un énième fuite de sang de mon corps, je la tends devant moi, face à l’étrange, l’entendant à peine, le voyant à peine, dans l’éclairage douteux de la ruelle. Je distingues sa silhouette, je crois que c’est un homme Je crois qu’il me parle mais je ne l’entends pas :

-T’approches pas …

Ma voix est entre le murmure et le grognement mais on entends mon accent anglais. Je suis comme une bête blessée, prête à mordre s’il n’écoute pas. J’ai peur, j’ai mal et je suis perdu, le pire combo pour tenter de faire ami-ami.
Et il s’approche, la peur remonte encore alors que mon cœur s’emballe dans ma poitrine et que j’essaye de reculer comme je peux. Cependant, cette peur me donne une nouvelle force, celle de me battre, et de ma main blessée, l’homme face à moi peut voir apparaitre une gerbe d’étincelle, comme si de celle-ci tentait de naître une flamme alors que mes yeux semblent s'illuminer.

-N’approche pas !

Ma voix est plus forte, mais plus saccadée. J’ai du mal à respirer, chaque inspiration est une torture, et les expiration ne sont guère mieux et je sens qu’en tombant, j’ai rouvert la plaie de mon crâne. Ooooh, ça tourne beaucoup trop. Résistes ! Ne lâches pas maintenant …

-Je n’hésiterais … pas, dis-je d’une voix tremblante

Je dois être pathétique. Le sang coule à nouveau de mon crâne, mon souffle est court, douloureux, je me demande si mes poumons ne sont pas perforés. Je tente de fixer la personne, celui que je vois comme une menace face à moi mais mon regard est incertain, fatigué, troublé.
Encore une fois, il se voile en partie de pourpre alors que je sens le sang s’écouler le long de mon visage. La stupide tentative de défense que j’ai faite semble s’anéantir d’elle même alors que le feu meurt au creux de ma main, Je n’ai presques plus la force de laisser mon bras tendu devant moi et je tente de me concentre alors que j’écoute l’homme faire à moi. “Ne me faire aucun mal”, comment puis-je le croire… il a clairement plus la tronche d’un méchant que du Père Noël ...

-Menteur ...

Ses yeux … ils sont …
Je l’observe alors que ma main tremble, terriblement, je n’y arrive presque plus, à la tenir face à moi. Je me sens mal … pourquoi la rue bouge. Oh c’est pas bon ça, pas bon du tout…
Il parle encore, j’entends ses mots mais je ne le suis qu’à peine, je lâche l’affaire, ma main retombe contre moi, m’arrachant un gémissement de douleur, encore. Mon coeur bat à tout rompre dans ma poitrine. J’ai … putain, là ça va mal … j’ai

-J’ai froid …

Ce n’est pas la température ambiante, ni même la pluie qui tombe intensément, me trempant jusqu’aux os, non c’est pas ça, mon corps, trop, j’ai trop encaissé… Cependant, j’essaye de m’accrocher, tombant à moitié contre le mur à côté. Ne tombes pas dans les vapes, ne t’endors pas …

-Où suis-je … ? Je ne reconnais pas… Limehouse ... Limehouse est loin ?

Le portail … Je ne sais même pas où j’ai atteri. Il avait voulu me mettre à l’abri et que je trouve  …

-Charles … murmurais-je entre mes dents.

Pause clope


A-Lice

Dans un sale état … oui j’avais remarqué ! Ma respiration est de plus en plus pénible, des gémissements de douleur m'échappent sans cesse et là, je ne saurais dire à quel point j’ai repeins la rue avec mon sang … même si celui-ci était constamment lavé par la pluie tombante.
J’ai à nouveau soupiré  à ses mots, commençant à vraiment me sentir mal. J’essaye, malgré la lumière des lampadaires blafardes, et ma vision de plus en plus vacillante, à imprimer son visage dans ma tête. Et ses yeux surtout …
Peut être que ce serait le dernier ...  le dernier visage que je verrais.
Non arrêtes ! Arrêtes tout de suite de penser ça !
J’essaye de comprendre où je suis, où Nathaniel m’a envoyé. Il ne pleuvait pas à Londres quand je suis arrivé à la Loge, donc il avait dû m'envoyer au moins dans les quartiers éloignés voir même en banlieue. Je ne m’attends clairement pas à ce qu’il allait me dire
Le nom fait l’effet d’une bombe dans mon esprit … New York … Je me redresses presque d’un coup avec l’appui du mur contre lequel je m’étais avachie, dans un cri étouffé, réussissant difficilement tenir sur mes jambes. Mon corps tout entier tremble, il ne faudrait qu’une pichenette pour que je m’effondre à nouveau. J’ai pensée courir jusqu’à l’endroit où le portail s’était ouvert mais en vrai, je doutes de juste réussir à faire un pas. Me remettre debout est déjà un exploit … aussi inutile soit-il.

-Ce n’est pas possible, juste … impossible… J’étais à Londres, j’étais à Londre y a quelques instants et … comment …

Je regardais tout autour de moi, dans la ruelle. ça ne ressemble à rien que je connaisse. New York … mon coeur bats de plus en plus fort dans ma poitrine, je me sens mal. Mon dos est contre le mur, je m’en sers pour ne pas retomber aussitôt.
Nathaniel … qu’est-ce que tu as fais ? Pourquoi je suis ici … Qu'est-ce que tu as fais … ?
Des larmes se remettent à couler le long de mon visage, ne se voyant à peine entre le sang et la pluie. Ma respiration elle se saccade plus encore, j’ai mal à chaque sanglot.

-Je ne peux pas être là, il n’a pas pu faire cela … J’étais à Limehouse. Y a … à peine quelques minute j’étais à la L…

Je m’arrêtais brusquement, tais-toi, ça suffit … Tu n’es pas en sécurité. Charles … il m’a dit de le retrouver. Nathaniel, qu’as-tu fais … qu’est-ce que tu as … ?

-Je dois trouver Charles … Nath … Il m’a dit qu’il pourrait m’aider et … Aaaah …

Mes paroles sont Ma main valide pour la première fois lâcha la sangle de mon sac pour monter à mon crâne alors qu’un étourdissement plus violent me venait, manquant de me renvoyer au sol assez sec. Ma main reste un instant, et lorsque je la retires, je vois tous le sang qui la recouvre et cela m’arrache un frisson qui parcourt tout mon corps …

-Je …

Puis je remonte les yeux vers le lampadaire juste au dessus de nous, il est si pâle, taché de rouge déjà mais surtout … il me semble presque s’éteindre, n’étant plus qu’une lueur dans les ténèbres. Le monde semble si sombre. Je tremble plus encore, j’ai peur, je suis terrifiée même si je veux pas me l’avouer

-Pourquoi tout devient …. noir ?

Tout se mélange dans ma tête. Les cris, la douleur, la fatigue, la peur, la faiblesse … mon corps tremble depuis tout à l’heure alors que j’ai de plus en plus de mal à rassembler mes esprits, à rester concentrée, à comprendre la situation.
Nathaniel m’avait téléporté à New York. Avait-il pu se tromper à ce point ? Se tromper d’un continent !
Non non … ça ne lui ressemblait pas, ce n’était pas … normal. Il n’avait pas pu se tromper d’une foutue mer !
Mes yeux sont fixés sur le lampadaire qui me semble à peine éclairé plus qu’une bougie. Je l’entends à peine, mais j’en comprends le sens. Putain, il  se répétes. C’est un perroquet ou quoi ce mec ? Puis la lumière disparaît ou plutôt la silhouette plutôt haute de cet homme la cache, le faisait rayonner. L’effet est étrange, on pourrait croire à une auréole. Putain, mais n’importe quoi, arrête de délirer, de divaguer …
Je ferme les yeux un instant et je revois tout dans mon esprit. Le sanctuaire, la Loge massacrée, le sang, les cris, Nathaniel, le masque, ce foutu masque qui m’arrache un sanglot plus grand encore alors que mon coeur se serre plus encore… le combat… la douleur … Nathaniel … Natha…
Je sursaute violemment lorsque je sens ses mains sur moi, et gémis de plus belle, mes côtés brisées se rappelant à mon bon souvenir. Je relève les yeux et le fixe, un regard entre la peur et la colère ne lâche pas le sien :

-Pas ...l'hôpital, il ne faut pas !

Je tente de bouger, de me libérer mais j’arrive à peine à mouvoir mes épaules. C’est vraiment déjà de l’ordre du miracle que je ne me sois pas encore effondrée et que je tienne encore … même si je sens que ce miracle est proche de sa date d’expiration.

-Je ne peux pas y aller … On est … New York n’est pas Londres et …

Houla, j’ai du mal à m’expliquer, l’auréole autour du boulet face à moi, diminue peu à peu, et c’est pas l’éclairage public qui bugue … Ma main se raccroche à nouveau sur la sangle de mon sac, heureusment qu’il tient lui, je pourrais même pas le soulever sinon

-Je dois trouver Charles … Il pourra m’aider … Je crois … Pas l’hôpital, je vais … bien …

Mais à peine je dis ça que je tente de me redresser, de me décrocher du mur pour lui prouver mes dires … brillante idée ! Je me vautre lamentablement, tombant contre lui, en criant de douleur.

-Aaaah putain …

Je tente de me redresser, de me séparer de lui mais je n’y arrive pas. J’arrive à peine à ouvrir les yeux, mes forces sont définitivement en train de m’abandonner. Je vais sombrer...

-Pitié, ne m’emmènes … pas aux urgences … Je ne veux pas … Charles …

Je vais tomber …