L'été touchait à sa fin. Les vacances se terminaient. Les cours allaient reprendre dès le lendemain, et les élèves étaient attendus dès 8h30. Tout était prêt pour les accueillir, pour démarrer une nouvelle année à l'Institut Xavier. La première rentrée officielle depuis le bond des X-men dans le temps, et la remise en route du manoir. Charles avait travaillé d'arrache-pied ces derniers mois pour recueillir les jeunes qui avaient besoin de lui. En ce premier dimanche du mois de septembre, il s'accordait un peu de temps pour lui. Et surtout, il accordait un peu de temps pour elle.
Moïra... Il l'avait rencontrée en 1962, quand il n'était encore qu'un jeune et volage diplômé de sciences. Sur cette plage à Cuba, ils s'étaient embrassés. Puis, de retour à New-York, ils avaient passé ensemble une journée merveilleuse... avant que, le cœur brisé, il ne lui efface la mémoire pour protéger ses élèves. Il l'avait retrouvée bien des années plus tard, quand une nouvelle affaire de mutants l'avait à nouveau remise sur son chemin. Il lui avait alors rendu ses souvenirs, et ils avaient échangé un nouveau baiser... peu de temps avant que la faille temporelle ne les sépare, définitivement cette fois.
En ce jour gris de 2023, Charles se trouvait au cimetière Calvary, l'un des plus vieux et des plus grands cimetières des Etats-Unis. Plus de trois millions de tombes... mais à ses yeux il n'y en avait qu'une. Sur la pierre de marbre était notée l'inscription :
Moïra Mac Taggert
1935 - 1985
Patriote dévouée - Amie fidèle
Elle ne s'était donc pas mariée... Quelle vie avait-elle eu ? Avait-elle connu d'autres hommes que lui ? Avait-elle été heureuse ? Comment était-elle morte ? Charles n'avait pas osé pousser trop loin ses recherches, voulant se préserver d'un chagrin plus terrible encore. Il gardait les yeux fixés sur la seconde date, songeant qu'elle était morte moins de deux ans après leur séparation. Elle n'était alors qu'à peine plus âgée que lui à présent...
Il se laissa envahir par un sentiment qu'il ne connaissait que trop bien : le regret. Le regret d'avoir pris cette terrible décision d'écarter Moïra de sa vie en 1962, le regret d'avoir mis vingt ans à rectifier son erreur, le regret de ne pas avoir pu passer le restant de ses jours à ses côtés. Les larmes montèrent à ses yeux. Silencieusement, il les laissa couler.
Le QG était incroyablement vide. Les Avengers n’était plus au grand complet et les uns et les autres profitaient de la fin des vacances d’été pour revoir leur famille. La jeune femme comprenait parfaitement ce besoin d’être au plus proche des êtres aimés mais le fait était que la jeune femme n’avait pas réellement d’attaches dans cette ville.
Songeant à tout ce qu’elle avait perdu en 2015 avec la destruction totale de sa nation: la Sokovie. La culpabilité des nombreuses victimes d’Ultron revint à la charge. La sorcière rouge eut soudain, une furieuse envie de laisser sortir sa tristesse mais elle se retint. A quoi bon ressasser tout cela? après réflexion, elle choisit de faire quelque chose de plus constructif pour elle que de laisser “exploser” sa tristesse. Cherchant rapidement dans les archives du QG, elle retrouva la photo du jeune garçon que Tony leur avait montré durant le “débat” sur les accord de Sokovie. La photo de Charles “Charlie” Spencer, parti en Sokovie pour aider les plus défavorisés.
Le jeune Charlie était mort suite à la bataille contre Ultron. il avait littéralement été écrasé par un immeuble qui lui était tombé dessus. L’image du jeune garçon souriant avait hanté Wanda durant des semaines suite à ce fameux débats car elle s’en voulait profondément. La sorcière voulut faire une bonne action et rendre hommage à ce jeune homme qui avait voulu aider son prochain et qui était mort comme un simple dommage collatéral.
Prenant ses clefs et sa veste, la jeune femme sortit du QG à la hâte, après avoir vérifié où Charlie était enterré. Roulant jusqu’au Queens, la jeune femme se rendit dans le cimetière avec une rose blanche à la main. Rose qu’elle avait acheté juste avant d’entrer dans le cimetière… Heureusement qu’elle avait mémorisé l’emplacement de la pierre tombale car elle ne se doutait pas qu’il serait aussi grand. Des centaines de tombes étaient alignées et pourtant l’ambiance qui régnait ici était la même pour tous les visiteurs.
Wanda arriva sur la tombe de Charlie et ne fut pas surprise de voir en date de décès, le 6 mai 2015, jour de l’attaque de la Sokovie par Ultron. La jeune femme posa sa rose devant le marbre et s’accroupit devant le prénom de Charlie pour s’excuser et se confesser par la pensée. Aucun mot ne sortit de sa bouche car elle ne voulait pas stopper cette ambiance pesante en ce lieu si particulier.
Prenant quelques minutes pour se recueillir, elle pensa également aux disparus du Nigéria mais également à tous ceux qui avaient subi les attaques des supers-vilains et qui ne s’en étaient jamais relevés.
En se relevant, Wanda reconnut une silhouette au loin qui lui tournait le dos. Il s’agissait de Charles Xavier, rencontré à peine quelques jours auparavant au manoir. La jeune femme se demandait ce qu’il pouvait faire ici mais à la réflexion, il était là tout comme elle, pour se recueillir.
Dans un premier temps, Wanda se dirigea vers la sortie car elle ne voulait pas le déranger mais elle changea d’avis. Elle sentait qu’il fallait qu’elle aille le voir. Son instinct lui fit faire demi-tour et la sorcière se dirigea vers le professeur Xavier. Alors qu’elle arrivait derrière lui - ce dernier ne pouvait pas la voir arriver- elle regarda très rapidement la personne enterrée devant lui : Moïra Mac Taggert décédée en 1985. Wanda fronça légèrement les sourcils et entama la conversation : “Bonjour Professeur Xavier, un lieu particulier pour faire un rencontre inattendue…”
Wanda arbora un sourire doux mais en arrivant à la hauteur de l’homme elle se rendit compte de sa tristesse. Aussitôt compatissant, elle s’accroupit à ses côtés pour être à sa hauteur et le regarda avec tendresse tout en posant une main innocente sur l’accoudoir du fauteuil : “Mince Charles... Je suis désolée… Je n’avais pas vu votre tristesse...” Dit-elle en alternant le regard entre la tombe devant eux et les yeux tristes de Charles.
“C'était une parente?” se hasarda à demander en revoyant la date de décès. Parfois la curiosité n'était pas bonne mais parfois elle pouvait aider les autres à se dévoiler un peu sur eux-même.
Absorbé par son deuil et ses sombres pensées, le télépathe ne perçut pas la présence qui s'approchait de lui, et ne se rendit compte qu'il n'était plus seul que lorsqu'il entendit la voix de Wanda Maximoff s'adresser à lui. Cela le fit sursauter, et il lui fallut quelques instants pour reprendre pied avec l'instant présent.
Elle s'accroupit près de lui. Il perçut la gêne qu'elle ressentait, ce sentiment de s'être incrustée dans un moment très intime. Ce qui était le cas, en effet. Il ne s'était pas attendu à ce que quelqu'un le surprenne ici. Il était heureux qu'il ne s'agisse pas de l'un de ses élèves, ou de l'un de ses proches. Wanda le connaissait à peine, avec elle il n'avait pas besoin de sauver les apparences, ni de se justifier.
Il posa sur elle ses yeux bleus, que les larmes semblaient avoir rendus encore plus clairs. Si son visage était triste, il était aussi étonnamment calme. La maîtrise de ses émotions était un travail de tous les jours. Il lui adressa un sourire bienveillant, appréciant la douce compassion qu'elle lui offrait.
Mademoiselle Maximoff...
Il se trouvait dans une situation qui ne lui arrivait que très rarement : il n'avait aucune idée de ce qu'il pouvait bien lui dire. Lui qui se montrait toujours de bon conseil, qui savait toujours trouver les mots justes, restait pour une fois sans voix. Aussi la question de Wanda fut presque un soulagement. Il reposa son regard sur la tombe, cherchant ses mots pour définir au mieux Moïra.
Elle était... Nous étions... C'est une personne qui a beaucoup compté pour moi.
Charles parlait peu. Il ne devait pas avoir l’habitude d’être surpris dans une telle situation, alors qu’il était en position de faiblesse. Mais Wanda n’était pas du genre à juger qui que ce soit et encore moins envers une personne qu’elle ne connaissait que très peu.
En revanche, la sorcière fut surprise du calme olympien dont faisait preuve le professeur. Il n’était pas impassible mais presque. Comme si le masque qu’il avait laissé tombé quelques secondes plus tôt était déjà en train de reprendre sa place. Pourtant il semblait différent, comme s’il voulait tout de même se confier. Plongeant son regard dans les yeux bleus de Charles, Wanda put y lire de la tristesse, mais également un léger soulagement de ne pas être seul en cet instant. Si c’était ce qu’il souhaitait Wanda resterait auprès de lui. Sinon, elle le laisserait à ses pensées.
Souriant calmement, Charles garda le silence jusqu’à la question de Wanda sur l’identité de la défunte. Posant à son tour les yeux sur la pierre tombale, il ne précisa pas exactement qui elle était mais ce qu’elle représentait pour lui. C’était une personne qui avait compté… Peu importe qui elle était, il était triste qu’elle ne soit plus là. Wanda voulant réconforter l’homme à ses côtés décida de laisser parler son coeur:
“ Je ne suis peut-être pas la meilleure personne pour vous dire cela mais si Moïra tenait autant à vous que ce qu’elle a compté pour vous, elle n’aimerait pas vous voir ainsi, vous voir dans cet état pour elle.”
Se voulant toujours compatissante, elle posa à nouveau son regard sur Charles et parla plus doucement, presque en chuchotant : “ Je ne sais pas qui était cette personne pour vous, mais elle préférerait voir votre sourire plutôt que vos larmes”.
Ne voulant pas se montrer trop intrusive - bien qu’elle l’était sûrement déjà - Wanda retira sa main du fauteuil et se redressa. Elle ne voulait pas le déranger plus que nécessaire. Cependant, elle ne se voyait pas le laisser seul ici, dans ce cimetière. Prenant alors les devants, elle regarda rapidement autour d’eux et distingua un banc un peu éloigné des tombes et qui était entouré par des fleurs…
“Est-ce que cela vous tente d’aller s'installer là-bas?” demanda-t-elle en désignant le banc d’un coup d’oeil en sachant que Charles était déjà en fauteuil mais ils pourraient parler plus calmement “où est-ce que vous préférez que je vous laisse seul peut-être?” Elle ne voulait rien lui imposer mais elle ne se sentait pas bien à le laisser tout seul. Il ne restait plus qu’à attendre la réponse du Professeur.
La jeune femme était adorable. Loin de tout jugement, elle tenta de le réconforter, par des paroles qui étaient certes des lieux communs, mais qui auraient pu faire mouche... Sauf qu'elle ne pouvait avoir idée de la situation si particulière qui avait existé entre Charles et Moïra. Elle ne pouvait pas savoir à quel point il s'en voulait pour ce qu'il lui avait fait subir. Elle ne pouvait pas se douter que son deuil était très récent, bien plus récent que la date gravée sur la pierre froide.
Je ne sais pas ce qu'elle aurait préféré... Je n'ai pas eu le temps de le savoir...
Elle lui avait été enlevée alors qu'il lui avait enfin rendu ses souvenirs, alors qu'ils venaient enfin de se retrouver... C'était injuste. Elle était morte depuis près de quarante ans, mais pour lui cela ne faisait que quelques mois. Il n'avait pas pu prendre le temps de faire son deuil plus tôt, et ces quelques minutes d'abandon de soi lui avaient été nécessaires pour pouvoir correctement tourner la page. Regardant la tombe une dernière fois, il s'adressa à Moïra par la pensée, avec l'espoir que sa conscience subsistait quelque part et qu'elle puisse l'entendre.
J'espère que tu m'as pardonné...
Il poussa un profond soupir, comme pour évacuer sa tristesse, et se passa le pouce sur les joues pour essuyer ses larmes. Il n'était plus seul, livré à lui-même, il était à présent en compagnie d'une demoiselle charmante qui voulait lui venir en aide. Il leva la tête vers elle et écouta sa proposition. Il est vrai qu'il serait plus convenable de discuter ailleurs qu'au milieu des tombes, et ce banc semblait l'endroit idéal. Dans un geste courtois de la main, il lui indiqua de passer devant.
Bien sûr. Je vous en prie.
Alors que son esprit, qui n'était plus désormais uniquement focalisé sur lui-même, reprenait peu à peu conscience du monde qui l'entourait, Charles réalisa que Wanda devait également être présente en ce lieu pour une raison. L'héroïne avait perdu des collègues et sans doute amis lors de la grande bataille contre Thanos et ses troupes. Les héros semblaient être destinés à côtoyer la mort au quotidien. D'une voix douce, il se permit à son tour de lui poser la question.
Les paroles de Wanda n’avaient pas l’air de tant réconforter l’homme à ses côtés. Au grand dam de la jeune femme qui ne voulait pourtant que lui apporter douceur et compréhension. Mais visiblement elle n’avait pas toutes les informations pour comprendre ce qu’il se passait dans l’esprit de ce cher Charles et elle n’irait pas fouiller. Ce n’était pas son genre. Wanda était très respectueuse et elle avait senti à leur première rencontre que l’homme avait instinctivement fermé son esprit. De ce fait, elle ne chercherait des informations qu’en écoutant les réponses directement de la bouche du professeur. Il n’avait pas eu le temps de le savoir disait-il… Cette phrase semblait lourde de sens et pourtant Wanda n’en saisit pas la définition complète. Elle n’avait pas la biographie complète du Professeur et des X-men en tête alors bien évidemment elle ne pouvait pas savoir ce qu’il avait bien pu se passer entre Charles et cette prénommée Moïra. Mais visiblement cela avait atteint l’homme en profondeur.
Lorsque Wanda proposa d’aller sur le banc, elle ne songea pas à mal par rapport au fait que Charles lui était en fauteuil. Bien au contraire, en s’asseyant, elle voulait être à sa hauteur. Toujours courtois et gentleman, il invita la jeune femme à le précéder. Ce qu’elle fit en le remerciant avant de se diriger vers le banc. La jeune femme s’assit sagement sur un coin du banc, tout en regardant Charles dans les yeux.
Doucement le professeur l’interrogea sur la venue de la jeune femme en ces lieux. Wanda ne répondit pas de suite, regardant autour d’eux. Même s'ils s'étaient éloignés des tombes, ils étaient toujours dans le cimetière. Wanda pensa alors à ses "compagnons" disparus comme Charles avait choisi de les nommés ainsi. Mais Vision, Nat et Tony n'étaient pas juste des compagnons, ils étaient sa famille. Et Vision comptait encore plus que les autres. Wanda ne put s'empêcher de revoir le visage de Vision dans son esprit. Cet "homme" (-même s'il n'en n'était pas vraiment un - lui manquait terriblement.
Portant son regard à nouveau vers Charles, elle songea à Charlie Spencer et se dit que des dommages collatéraux tels que Charlie étaient trop souvent oubliés. Son regard se plongea dans les yeux de Charles mais il était plus sombre, plus triste:
“Non, je suis venue rendre hommage à une personne qui s’est juste retrouvée au mauvais endroit, au mauvais moment…”
Lâchant les yeux de Charles pour porter son regard dans le vide, Wanda poursuivit tranquillement : “Je suis venue voir un jeune qui était en Sokovie lorsque nous nous sommes battus contre Ultron… Il n’avait rien demandé à personne et pourtant il est mort maintenant…”
Elle repensa à ce que Steve Rogers lui avait dit une fois après les événements du Nigéria, sur le fait qu’elle ne devait pas s’en vouloir mais c’était ainsi. Wanda avait de la culpabilité sur toutes les vies qu’elle avait pris volontairement ou involontairement. Et maintenant elle avait également beaucoup de tristesse en elle.
“Même si je sais que je ne suis pas directement responsable, je me sens coupable d’être là alors que lui - et tous les autres dommages collatéraux - ne sont plus là. Avec Thanos, j’ai perdu de compagnons comme vous dites mais c’était surtout ma famille… Et vu la tristesse et la colère que je ressens pour la perte de mes amis, je me dis que les familles de ces gens-là doivent nous détester…. Alors je suis venue pour leur hommage, car j’estime qu’au moins un membres des Avengers se doit de faire cela…”
Réalisant qu’elle avait parlé d’une traite sans même se rendre compte que Charles était toujours là, elle releva les yeux aussitôt et s’excusa: “Pardon Charles, je ne sais pourquoi je vous raconte tout ça… Vous aviez l’air si triste et moi je dois vous ennuyer avec mes problèmes de culpabilités. J'en suis désolée”
Wanda s'assit sur le banc, Charles positionna son fauteuil de manière à lui faire face. Comme toujours, il prêta une oreille attentive aux mots de son interlocutrice. Il savait écouter, c'était une qualité aisément perceptible chez lui, et instinctivement les gens avaient tendance à se confier à lui. Sa sœur lui disait souvent en plaisantant qu'il devrait se faire payer pour ses séances de psy, il avait d'ailleurs un doctorat en psychologie en plus de ceux en génétique et biophysique.
Lorsqu'il parla de ses compagnons disparus, il perçut l'image d'un être étrange, à la peau rouge, partiellement métallique. L'image était associée à une grande tendresse, mais également à une infinie tristesse, une forte sensation de manque. Charles n'avait pas activement cherché à percevoir les pensées de Wanda, mais lorsque des souvenirs forts venaient à l'esprit de ses interlocuteurs, il les voyait souvent malgré lui. Par pudeur et respect pour elle, il ne lui fit pas savoir ce qu'il avait perçu.
Elle lui parla d'une bataille contre un certain Ultron, et de ceux qui avaient été victimes de ce combat, victimes civiles sans doute. Charles situait la Sokovie mais il ignorait ce qu'il s'était exactement passé là-bas. Il savait seulement que la ville avait été détruite. Raven aurait sans doute pu lui expliquer, elle qui s'était beaucoup renseignée sur les actions des Avengers. Mais Charles avait quarante-cinq ans d'histoire mondiale à rattraper, et il n'était pas encore à jour.
A l'évidence, Wanda Maximoff souffrait de ce que l'on appelait en psychologie le syndrome de culpabilité du survivant. Cette hypothèse fut confirmée lorsqu'elle avoua qu'elle se sentait coupable d'avoir survécu alors que d'autres n'étaient plus là. Puis elle releva les yeux vers lui et s'excusa de lui faire part de ses problèmes alors que lui-même éprouvait de la tristesse.
Je vous en prie, ne vous excusez pas. Ce sentiment de culpabilité que vous ressentez est tout à fait normal. C'est un sentiment parfaitement légitime. Vous ne devez pas vous laisser ronger par lui, au contraire, il est important de travailler sur vous-même pour l'accepter, en tirer du positif et ainsi pouvoir continuer à avancer. Le fait que vous soyez là aujourd'hui, que vous affrontiez votre propre culpabilité, est déjà un pas en avant.
Ce discours lui était venu tout naturellement. Il avait étudié ce syndrome, et il savait qu'il ne fallait surtout pas affirmer que cette culpabilité n'avait pas lieu d'être. Mais il lui manquait trop d'éléments pour pouvoir pousser plus loin son analyse.
Malheureusement je ne vais pas pouvoir vous aider beaucoup... Toute la période entre 1983 et 2018 m'est encore trop étrangère... Il me manque quelques décennies.
Ces mots paraîtraient sans doute bien étranges à Wanda, il en avait conscience. Peu de gens étaient au courant de la faille temporelle qui avait propulsé les X-men quarante-cinq ans dans le futur. L’événement n'avait pas été médiatisé, car il n'avait touché que quelques poignées de mutants à travers le monde et était donc passé inaperçu. Charles travaillait encore à en comprendre les causes.
Charles précisa de suite qu’il était inutile de s’excuser. Il semblait habitué à ce que tout le monde lui confie ses pensées. Peut-être le contre coup du professeur qu’il était. Seulement, être l’homme qui écoute devrait sous-entendre qu’il était rarement écouté à son tour. Il lui expliqua que son sentiment de culpabilité était normal et légitime mais qu’elle ne devait pas se laisser emporter par lui. Wanda devait apprendre à vivre avec et à voir le positif dans tout cela. Elle devait être heureuse de pouvoir être là, être vivante et venir en aide à ceux qui en avait besoin. Seulement il y avait un soucis... Venir en aide aux autres n'était pas un soucis mais elle savait qu'elle ne serait plus heureuse désormais. Comment pourrait-elle être heureuse sans Vision? Le visage de Vision apparut à nouveau dans son esprit et ces derniers mots pour Wanda lui revinrent en mémoire : "Je ne ressens que toi... Je t'aime."
Wanda secoua légèrement la tête pour revenir sur Terre, dans ce cimetière aux côtés du Professeur. Charles avec raison, Wanda était une Avenger maintenant, elle devait relever la tête et montrer qui elle était et ce qu’elle valait. Elle était puissante avec ses pouvoirs et beaucoup l'avait remarqué suite à la bataille contre Thanos. Mais c’est aussi une femme forte qui a survécu à beaucoup d’épreuves et qui s’est toujours relevée. Mais sera-t-elle suffisamment forte pour surmonter cette épreuve-ci?
Ce discours semblait naturel pour Charles cependant il s’excusa quasiment aussitôt en précisant qu’il ne pourrait pas aider d’avantage Wanda du fait que des décennies entières lui étaient étrangères. Wanda secoua aussitôt la tête et répondit à la première partie de la phrase de Charles : “Ne vous inquiétez pas, votre écoute est déjà salvatrice pour moi et je vous en remercie.” Mais en finissant sa phrase, elle comprit enfin le sens de la deuxième partie de celle de Charles… Comment ça la période de 1983 à 2018 lui était étrangère ?
Wanda releva les yeux surpris vers Charles. Comment ça quelques décennies? Wanda savait en effet que les X-mens avait subi des effets dus à une faille spatiotemporelle mais elle n’avait pas les détails et visiblement la jeune femme ne savait pas la plus grosse partie de l’histoire.
Les yeux ronds et interrogateurs, elle regarda Charles en répondant simplement : “Attendez ? Quoi ? Mais... euh ... mais vous venez d'une autre époque ? non c’est … Mais comment ?”
Comment ? c’était la question à poser mais l'explication de Charles, Wanda n’était pas certaine de le comprendre, pourtant elle ferait de son mieux.
Puis elle se souvint de la date de décès de la tombe devant laquelle se trouvait Charles à son arrivée… 1985 ! Moïra était-elle une jeune femme que Charles aurait perdue car il était arrivé à notre époque ? Il n'aurait jamais pu lui dire au revoir… A cette pensée, Wanda compris aussitôt la douleur que Charles pouvait ressentir… D'instinct et sans même savoir si Charles comprendrait ses mots, elle posa une main attentionnée sur la sienne et dit doucement : “Je comprends mieux pour elle et je suis navrée pour toi Charles.” Wanda l’avait tutoyé sans faire attention mais elle voulait lui faire comprendre qu’elle était remplie de compassion envers lui et qu’elle était maintenant à son écoute.
Finalement il était dans le même état qu'elle, il était en deuil d'un amour perdu. Cependant l'homme réfléchi et intègre qu'il était ferait qu'il aurait très surement plus de facilités à s'en remettre que la sorcière rouge. Elle, elle était peut-être trop brisée et démolie pour s'en remettre...
La tristesse de Wanda touchait le professeur, bien qu'il le montra peu. De nouveau elle songea à cet être étrange - peut-être venu d'une autre planète ? peut-être un humain "optimisé" ? - et les mots qu'il lui avait confiés étaient chargés d'un amour pur et profondément triste. L'héroïne était en deuil elle aussi. Elle semblait avoir perdu tout espoir de connaître à nouveau le bonheur. Un sentiment tout à fait normal lorsqu'on vient de perdre quelqu'un de cher. Charles aurait voulu lui apporter un peu de réconfort, mais il aurait fallu qu'il avoue avoir perçu ces souvenirs très intimes de Wanda, ce qui lui semblait déplacé, vu qu'il la connaissait à peine. Elle le remercia pour son écoute, ce à quoi il répondit par une légère moue et un sourire humble. Il aurait aimé pouvoir faire plus...
Il sourit en la voyant écarquiller les yeux. Evidemment, le phénomène était incroyable. Pourtant elle le croyait, même si elle en était très surprise, et ne comprenait pas comment cela avait pu arriver. Comment l'aurait-elle pu, alors que lui-même n'en était qu'au stade des hypothèses ? L'anomalie temporelle dont avaient été victimes Charles et ses compagnons n'était pas connue, et il choisissait avec soin les personnes à qui il en parlait. Il ne voulait pas être pris pour un fou, que l'on se moque de lui, ou pire, qu'en le prenant au sérieux l'on veuille pousser les recherches plus loin en les utilisant comme cobayes pour des expériences scientifiques. Le professeur estimait qu'en révélant ces informations à mademoiselle Maximoff il n'avait rien à craindre. Elle était une consœur, et était habituée aux phénomènes étranges.
Il s'apprêtait à répondre à ses questions en entrant dans les détails lorsqu'elle posa soudainement sa main sur la sienne dans un élan de compassion qui le désarçonna. Elle avait rapidement fait le lien entre ses paroles et la tombe devant laquelle elle l'avait surpris à pleurer. C'était d'ailleurs sans doute parce qu'elle l'avait vu dans une position de faiblesse qu'elle se permettait naturellement de le tutoyer et de l'appeler par son prénom. Il n'était pas habitué à ces marques de familiarité, lui qui passait toujours pour la figure paternelle, l'exemple à suivre, le professeur, la personne que l'on respecte pour sa sagesse. Il était étrange pour lui qu'une jeune femme lui renvoie ce que lui-même exprimait habituellement : de la compassion, de l'écoute, une intrusion dans l'intimité des autres, mais uniquement dans le but bienveillant de venir en aide aux personnes qui souffraient.
Son regard resta bloqué sur cette main posée sur la sienne. Il sembla perdu quelques instants, et esquissa un sourire gêné. Cependant, il réalisa qu'aux yeux de l'Avenger, il n'était pas le Professeur Xavier. Ils n'avaient pas cette relation. Pour une des rares fois de sa vie - hors personnes vraiment proches comme Raven et Hank - il n'était pas celui qui écoutait, mais celui qui pouvait être écouté. Les rôles s'inversaient. C'était certes troublant, mais pas désagréable. Il leva les yeux vers la jeune femme, et commença à son tour à se confier.
Je suis né en 1937. J'ai connu Moïra lorsque j'avais vingt-cinq ans. Elle travaillait pour la CIA et avait découvert l'existence des mutants - c'était loin d'être une affaire publique à l'époque. Elle a assisté à la création des premiers X-men. Je l'aimais... Mais pour pouvoir assurer la sécurité de mes élèves, j'ai dû effacer de sa mémoire toute trace de notre présence.
Il n'y avait guère que les personnes les plus proches de Charles qui étaient au courant de cette histoire. Ce sacrifice avait été nécessaire, et s'il avait dû le refaire, il l'aurait refait. Mais en même temps, cela faisait partie de ses plus gros remords. Il s'était arrogé le droit de la priver d'une partie de sa vie. Et il avait mis beaucoup trop longtemps à corriger cela.
Nos chemins se sont recroisés vingt ans plus tard. Même si elle ne se souvenait pas de moi, elle avait gardé inconsciemment un intérêt pour les mutants, et nous avons de nouveau collaboré. J'ai fini par lui rendre ce que je lui avais pris. Mais...
Sa voix s'étrangla quelque peu, et il baissa les yeux, retenant les larmes qui voulaient couler.
Mais quelques minutes à peine après nos retrouvailles est survenue cette anomalie temporelle qui nous a propulsés trente-cinq ans dans le futur... sans elle.
Il serra les dents et déglutit difficilement pour s'empêcher de pleurer. Il n'ajouta pas un mot de plus, craignant de ne pas pouvoir retenir son chagrin s'il continuait de parler de Moïra. Wanda souffrait de son propre deuil, il ne voulait pas lui infliger le sien.
La sorcière rouge avait posé sa main sur celle Charles par instinct. Mais ce dernier bloqua dessus… Il ne devait pas avoir l’habitude de tels gestes à son encontre. Pourtant l’attention de Wanda avait envers Charles était purement altruiste. Elle sentait que l’homme - qui était toujours à l’écoute des autres - avait à son tour besoin d’être écouté. Wanda sentit que Charles levait les yeux vers elle et elle soutint son regard pour lui faire comprendre qu’il pouvait dire tout ce qu’il voulait. Elle serait présente et attentive pour lui.
Charles expliqua alors qu’il venait d’une autre époque. Il avait rencontré Moïra à cette époque. Donc ils s’étaient fréquentés durant les débuts des X-men. Charles avoua ensuite qu’il aimait cette jeune femme mais que pour protéger l’intérêt des mutants, il avait été contraint d’effacer sa mémoire. A ces mots, Wanda retint son souffle. Elle prit alors conscience du sacrifice qu’avait fait Charles pour les siens. Il avait dit adieu à l’amour de sa vie pour sauver le plus grand nombre. La jeune femme ne put s’empêcher de faire le lien avec Vision. Même si au final c'était Thanos qui l'avait tué. Wanda avait été contrainte de détruire Vision juste avant afin de détruire la pierre d'infinité. Pour le bien de l'humanité, elle avait dut dire adieu à l'amour de sa vie. Tout comme Charles avait dit adieu à l'amour de sa vie pour le bien des mutants.
La compassion qu’elle éprouvait envers Charles était telle qu’une boule se forma progressivement dans la gorge de la jeune femme. Elle compris que l’homme avait fait cela pour le plus grand intérêt et qu’il referait exactement la même chose si cela se représentait mais Wanda comprit aussi que perdre Moïra lui avait apporter souffrance et remords. L’homme continua son histoire en racontant que leurs chemins s'étaient recroisés après vingt années - rien que ça - et qu’il lui avait rendu sa mémoire finalement. Mais… il y avait un mais. Et c’était le genre de mots qui n'augure rien de bon. Wanda regarda l’homme à ses côtés baisser les yeux pour retenir des larmes sincères et douloureuses. Charles continua avec une voix à la limite de la rupture. Seulement après quelques minutes de “retrouvailles”, lui et les autres mutants ont été projetés dans l’avenir. Et Charles se retrouva sans Moïra…
Wanda voyait que l’homme serrait les dents pour ne pas faire couler ses larmes sur ses joues. Cependant au contraire, Wanda laissa la boule dans sa gorge éclatée et quelques larmes coulèrent sur les joues de la sorcière. Si Charles ne voulait pas pleurer à nouveau pour l’amour de sa vie par pudeur, Wanda elle laissa les larmes coulait à sa place. Ses larmes coulaient également pour Vision qui n'était plus là également. Wanda s'était réveillée après cinq années qui ne lui parurent que quelques minutes mais le cauchemar était bien réel. Vision n'était plus là.
Wanda regarda Charles en cherchant son regard mais finalement la sorcière s’avança vers le mutant, posa à nouveau une main sur la sienne en la serrant d’avantage et essaya de prononcer quelques mots : “Je suis tellement navrée pour vous deux, Charles…” Wanda savait qu’elle n’arriverait peut-être pas à remonter le moral du Professeur en face d’elle mais elle voulait être présente pour lui : “Je n’aurais surement jamais les mots pour apaiser ton chagrin ou même ce que tu peux ressentir vis à vis de Moïra mais saches que je serais là si tu as besoin…”
Pour accentuer sa proposition de présence, Wanda se permit de parler à Charles par la pensée : “Même si je ne suis pas auprès de toi, je suis là Charles. Tu as ma parole.”
Wanda accompagna ses mots avec un sourire qui paraissait peut-être anodin mais pour la sorcière il signifiait beaucoup. Ce sourire avait pour définition le départ d’une amitié particulière. La sorcière rouge ne connaissait pas vraiment Charles mais elle savait que la relation qu’ils allaient entretenir serait particulière. Basée sur la confiance et la confidence...
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