Charles Xavier - Fenris “ Promenons nous dans les bois... ”
La tension montait lentement... tapis au milieu des feuillages, le prédateur guettait sa proie. Cette dernière était là, tout près ; sa truffe ne pouvait le tromper. Voilà près d'une heure que la louve remontait la piste olfactive de l'animal qui avait eu le malheur de croiser son chemin et la traque touchait enfin à sa fin. En effet, à quelques arbres de là, le cerf de Virginie paissait, tranquille, non loin de ses semblables, ignorant la présence du prédateur qui, attentif au vent, avait bien choisis son angle d'attaque. Habituellement les loups chassaient en meute mais, dans l'Est des États-Unis, l'espèce était malheureusement éteinte. Toutefois cette louve n'était pas une louve comme les autres. Plus qu'un prédateur, en comparaison de tous les autres, elle était le seul véritable prédateur présent sur Midgard. Abandonnant sa forme originelle pour cette version miniature, elle demeurait toujours "Le Fléau des 9 Royaumes".
L'instant décisif arriva. Sortant de son buisson, la louve commença la poursuite. Redressant la tête, mué par son instinct de survie, le cerf commença à s'enfuir comme le reste de son groupe. Plus rapide, plus agile qu'un simple loup gris, Fenris s'employa à isoler sa proie, endossant tous les rôles d'une meute en chasse. Rattrapant par moment sa proie qui zigzaguait au milieu des arbres, elle lui porta quelques morsures sur les pattes arrières. La poursuite dura, dura, dura; le Cerf se fatiguait. Enfin, bondissant par dessus un sentier, Fenris se porta à la hauteur de sa proie et referma sa gueule sur son cou. Forçant sa mâchoire, se laissant trainer sur quelques mètres, elle gouta le sang de l'animal qui finit par s'effondrer dans un râle. Relâchant le fruit de sa chasse, haletante, Fenris se coucha sur le côté. Après de nombreuses tentatives, elle avait finalement réussi. Cela nécessitait beaucoup plus d'efforts, d'énergie, de patience mais, elle était désormais également capable de se nourrir sous cette forme. Une solution de survie supplémentaire en cas de besoin.
Toutefois, cette sensation de faiblesse... Malgré ses aptitudes supérieures à un loup lambda, Fenris se sentait limitée, terriblement limitée. Ce sentiment de vulnérabilité; d'infériorité était tout bonnement insupportable. Malgré tout, elle devait y consentir pour le moment. Elle l'avait promis à Loki. Sur Midgard, sa forme originelle attirerait beaucoup trop l'attention. Elle devait rester discrète, se fondre dans la masse. Son heure viendrait.
Reniflant l'air, une odeur particulière vint chatouiller les récepteurs de la louve qui se releva d'un bond. Dressée en direction du sentier d'où provenait la fameuse effluve, elle hérissa le poil. Posant ses prunelles émeraudes sur l’intrus qui apparut, elle ne bougea pas d'un pouce, trahissant le comportement qu'aurait eu un de ses semblables en s'enfuyant. Le loup fuyait l'être humain habituellement. Mais cette louve n'était pas une louve comme les autres...
Une forêt naturelle et dense bordait le parc qui entourait l'Institut Xavier. Suffisamment éloignée de toute propriété humaine, en dehors du manoir, elle était le lieu de vie de nombreux animaux sauvages. Charles y amenait parfois certains élèves, notamment les zoomorphes et ceux dont les pouvoirs étaient liés à la nature, pour qu'ils puissent travailler cette connexion particulière. Logan y faisait de temps en temps des sortes d'expéditions de survie. Tout se faisait néanmoins dans le respect de la faune et de la flore, afin de préserver cet environnement forestier qui n'appartenait pas aux humains.
En cette douce matinée du mois de mars, Charles s'y promenait seul, profitant du calme et de la fraîcheur de la nature. Grâce au système antigravitationnel incorporé à son fauteuil électrique par Hank, il pouvait léviter à quelques centimètres au-dessus du sol, et ainsi progresser sans difficulté, sans crainte de bloquer ses roues sur une racine ou une pierre. Il cheminait lentement sur les sentiers, respirant à pleins poumons l'air fleuri de ce début de printemps.
Une odeur différente vint pourtant perturber sa contemplation olfactive. Une odeur plus métallique. Une odeur de sang. L'esprit aux aguets, il s'avança vers la source de cette odeur désagréable. Il percevait une présence... mais sa vision n'était pas claire. Au détour du sentier, il tomba nez à nez (ou plutôt nez à truffe) avec un loup. Il arrêta immédiatement d'avancer et posa en douceur le fauteuil sur le sol.
Il ne devait pas faire de mouvement brusque, ni montrer le moindre signe de peur. Tourner le dos et s'enfuir était également une mauvaise idée, le loup le considérerait comme une proie et se lancerait à sa poursuite. Les loups n'étaient pas, contrairement aux croyances populaires, des animaux dangereux. Ils n'attaquaient que s'ils se sentaient menacés, ou si on les perturbait sur leur territoire.
« Je ne suis pas un prédateur. Je respecte ton territoire. Je ne veux pas me battre avec toi. »
S'il avait prononcé ces mots à voix haute, d'une voix douce et calme, il les avait également envoyés directement dans l'esprit du loup. Cet aspect de son pouvoir était moins connu, car il l'utilisait peu souvent. Communiquer avec les animaux était un peu étrange, mais en l'occurrence bien pratique. Il n'aimait cependant pas utiliser sa télépathie sur des animaux, notamment des prédateurs. Se faire comprendre et comprendre un animal était une chose, mais manipuler son esprit en était une autre, bien plus complexe et imprévisible.
Au-delà de ça, quelque chose n'allait pas. Des considérations purement zoologiques, tout d'abord : que faisait un loup dans un territoire partiellement découvert, seul, en pleine journée ? Les loups étaient des animaux plutôt nocturnes, et qui se déplaçaient rarement autrement qu'en meute. Et plus simplement, que faisait un loup ici ? L'espèce n'était pas sensée être présente dans cette partie des Etats-Unis.
Charles plongea ses yeux dans les étranges prunelles émeraude du loup noir. Ses yeux n'étaient pas ceux d'un loup normal. Ils brillaient d'une intelligence supérieure à celle d'un animal. Il percevait également une grande puissance... et, paradoxalement, une grande faiblesse. Non, ce loup n'était pas un loup normal. Mais ce n'était pas non plus un mutant, le télépathe l'aurait détecté et identifié comme tel immédiatement. Cette aura lui était inconnue. Il pencha légèrement la tête sur le côté et fronça les sourcils, d'un air intrigué.
« Qu'es-tu ? »
Il avait bien dit "qu'es-tu", et non pas "qui es-tu". Si cette aura était inconnue, s'il peinait à identifier la nature de cette créature, c'est qu'elle venait d'un autre monde. Il restait à présent à définir si elle représentait une menace.
Codage par Never Utopia
Dernière édition par Charles Xavier le Dim 29 Nov 2020 - 5:08, édité 1 fois
Charles Xavier - Fenris “ Promenons nous dans les bois... ”
Finalement, l'intrus se dévoila. Ce n'était qu'un humain. Qui plus est un humain diminué, dépourvu de capillaires. Ce dernier était assis sur un fauteuil... qui flottait légèrement dans les airs. Quelle étrange machine était-ce là. Décidément, ces méprisables créatures lui semblaient de plus en plus curieuses. Leurs outils étaient si différents de ceux d'Asgard. Alors que sur le Royaume disparu l'outil avait été mêlé à la magie et au mystique, les mortels de Midgard utilisaient de la "technologie". Ils avaient façonnés de nombreux outils, plus ou moins utiles, de ce que la Louve avait pu voir. Mais il lui restait tant de choses à apprendre sur ce sujet. Loki n'avait pas été très bavard sur ce point Il considérait les humains comme des inférieurs, à juste titre. Les Midgardiens étaient biologiquement faible après tout. Néanmoins, ils semblaient palier par la technique leurs lacunes biologiques... à l'accès. Leurs moyens de transport émettaient pour beaucoup une odeur nauséabonde, étaient bruyants et se retrouvaient souvent à l'arrêt. Leur utilité semblait donc très discutable pour la créature Mythique. Enfin, ces derniers étaient promis à disparaitre sous peu selon son mentor. Était-ce bien sage de s'y intéresser autant ?
La Louve vit le fauteuil se poser sur le sol. Il devait donc bien y avoir de la "technologie" là-dessous. Aux aguets, elle entendit alors comme un écho. Ses oreilles avaient perçu les mots de l'intrus mais, son esprit également. Quelle était ce prodige ? De la magie ? De la technologie ? Curieuse, Fenris observa le Midgardien avec ses prunelles émeraude, alors que ce dernier fit de même avec ses prunelles bleues. Cet humain n'était pas comme les autres. Il semblait différent. Son regard respirait l'intelligence, une grande intelligence. Par mimétisme, la Louve pencha la tête sur le côté. La question que l'humain lui posa la fit sourire intérieurement. Intelligent au point de déceler qu'elle n'était pas une louve comme les autres mais, incapable de déceler quelle était sa véritable nature. L'espace d'un instant, Fenris hésita à lui montrer, à lui faire voir sa majesté. Elle se ravisa bien vite, les paroles de Loki résonnant dans son esprit. Si elle avait le malheur de dévoiler sa véritable forme, elle serait assurément repérée puis combattue par ces "gardiens" de la Terre. Il était encore trop tôt. Beaucoup trop tôt.
Fenris serra les dents. Son estomac criait famine, pour changer. Sa réponse, si tenté qu'elle lui donne, attendrait. Se détournant de l'intrus, elle commença à attaquer le flanc de l'animal avec ses crocs. La peau du cerf était épaisse et elle éprouva quelques difficultés à l'arracher. Finalement lassée, la Louve se métamorphosa pour prendre sa forme humaine, moins limitante. Plantant ses ongles aussi acérés que des griffes sur la peau de l'animal, elle l'arracha sans effort et arracha un bon morceau de chair avec son autre main. Le sang qui coula dans sa gorge lors qu'elle mordit dans la viande diffusa en elle une sensation de bien être. Elle mangeait. Sa faim n'était que très légèrement assouvie et pourtant, cette infime atténuation était comme une délivrance. Sauvage, arrachant des morceaux de chair plus gros les uns que les autres avec ses ongles et y allant avec ses dents par moment, elle s'adossa finalement à un arbre pour reprendre son souffle. Recouverte en partie de sang, elle tourna son regard vers le Midgardien. Ce dernier l'observait toujours. Qu'attendait-il ? Une réponse à sa question ?
Avalant le reste de son morceau de viande alors que des filets de sang coulèrent sur son menton, elle daigna finalement prononcer quelques mots. Sa diction était encore imparfaite, la tonalité de certaines syllabes notamment. Néanmoins, elle devrait réussir à se faire comprendre. " Un mon...monstre... ça te va ? " Lâcha-t-elle avec acrimonie. Des propos durs mais, naturels quand on connaissant le caractère de la Louve. Ces derniers n'étaient d'ailleurs pas faux. N'était-ce pas ainsi qu'elle avait été nommée tant de fois ? Du moins, par ceux qui en avaient eu le courage avant de se faire broyer par ses crocs. Fronçant les sourcils, Fenris observa une nouvelle fois le fauteuil et l'attitude du Midgardien. Elle décida alors de souligner verbalement l'évidence qui lui sautait aux yeux depuis l'arrivée de l'intrus. " Toi... pas nor..norma...normal. " Dit-elle avant de se mordre les lèvres. Sa mauvaise diction lui était insupportable. Elle était un animal certes mais, un animal avec son égo. Un égo si grand qu'il ne tolérait même pas d'éprouver des difficultés à user d'une faculté qu'un Midgardien mettait quelques années à maitriser. La précocité de l'acquisition de cette faculté n'était pas une excuse valable et les progrès, bien trop lent à son goût.
Fenris arracha un nouveau morceau de viande saignant avec ses dents et l'englouti, attendant la réaction de l'humain, le regard toujours fixé sur lui. Ce dernier ne lui semblait pas bien épais. Un dessert quand elle aurait terminé son cerf ? A bien y réfléchir, son goût devait être semblable à celui des nombreux humanoïdes qu'elle avait déjà dévoré. Pas fameux donc. Elle aurait sans doute meilleur compte à chasser un nouveau cerf. Enfin. Elle aurait tout le temps de prendre sa décision et l'attitude de l'humain lui faciliterait sûrement les choses.
Charles restait en surface, se refusant de pénétrer l'esprit d'un être inconnu. Ce pouvait être dangereux, pour l'un comme pour l'autre. Il pouvait causer des dégâts involontaires. Il n'était pas non plus exclu que l'extra-terrestre puisse percevoir les pouvoirs psychiques. Il ne cherchait pas même à lire ses pensées superficielles : si la créature était plus proche d'un modèle animal qu'humain, elle était plus instinctive que réfléchie. Il choisit donc de ne capter que ses émotions, privilégiant l'empathie à la télépathie, bien que ce soit une science moins précise.
De prime abord, il perçut chez le loup de la curiosité. Une forme de tentation, mais pas nécessairement agressive. Et une faim, une faim insatiable. Une émotion purement primitive, absolue, qui l'emportait sur toutes les autres. En même temps, il l'avait dérangé durant sa chasse... Charles resta donc immobile, patientant le temps que le prédateur se repaisse de sa proie. Il ne se montra nullement affecté par ce triste spectacle. Après tout, sur le plan purement factuel, un loup qui dévorait un cerf, c'était dans l'ordre naturel des choses.
Il n'était cependant absolument pas préparé à ce que le loup prenne soudainement forme humaine, revêtant les traits d'une belle femme en tenue d'Eve. Ni à ce que celle-ci plante ses mains dans la chair de l'animal pour dévorer la viande crue à pleines dents. Le décalage entre cette apparence si pure et fragile et la sauvagerie de son acte sanglant avait de quoi le heurter. Charles resta figé, ne pouvant détourner ses yeux écarquillés de ce tableau sanguinolent.
Une fois le choc passé, après quelques instants de contemplation ébahie, il put reprendre ses esprits, tandis que la créature se relevait, estimant son repas terminé. Le trouble du mutant était encore visible sur son visage, mais il n'émanait de lui aucune peur. C'était plus de l'incompréhension, et une sorte de fascination pernicieuse. Comme souvent face à une situation nouvelle, il se sentait très intrigué, et ne désirait qu'en savoir plus. Il voulait comprendre. Lorsqu'elle répondit à sa question avec aigreur, lui demandant si sa définition lui convenait, il esquissa un mince sourire et répondit à son tour, avec beaucoup de douceur :
« Non... »
C'était pourtant un adjectif qui aurait dû sembler évident. Une femme nue, couverte de sang, qui dévorait les entrailles d'un animal mort avec une fougue bestiale, pouvait en toute logique être qualifiée de monstre. Mais la tolérance extrême de Charles, qui frôlait parfois la candeur, le poussait à toujours vouloir voir au-delà des apparences. Cette créature ne venait pas de son monde, elle ne pouvait être jugée selon ses critères. Une foule de questions se bousculaient dans son esprit. Vu les difficultés de son interlocutrice à s'exprimer, il allait devoir choisir judicieusement celles qu'il allait poser.
Lorsqu'elle s'adressa à lui pour lui signifier qu'il n'était pas "nor... norma... normal", il haussa un sourcil étonné et ne put retenir un léger rire. Il ne se moquait pas de ses problèmes d'élocution, son rire n'avait d'ailleurs rien de méchant. Il réagissait en fait au caractère saugrenu de la remarque. Prenant le temps d'analyser cette réplique, il répondit à la créature en s'exprimant lentement, comme s'il s'adressait à une étrangère - ce qui, tout compte fait, était bien le cas.
« Nous sommes tous deux issus de deux mondes différents. Nous n'avons sans doute pas les mêmes critères de normalité. »
Alors, qu'est-ce qui l'avait interloquée chez lui ? Son fauteuil roulant - ou plutôt engin technologique volant ? Le fait qu'il puisse communiquer avec elle sous sa forme animale ? Qu'il ait pu se rendre compte qu'elle n'était pas un loup ordinaire ? Ou son manque de réactions typiquement humaines comme le dégoût, la fuite, ou l'agressivité ? Peut-être tout cela à la fois ? Il attendit patiemment qu'elle engloutisse un nouveau morceau de viande avant de poser une nouvelle question, ne souhaitant surtout pas la brusquer.
Charles Xavier - Fenris “ Promenons nous dans les bois... ”
Fenris continuait de manger, sous le regard curieux et suspicieux du Midgardien. Ce dernier n'était visiblement pas satisfait de sa dénomination de monstre. Avait-il des doutes sur sa véritable nature ? Une chose était sûre, il était davantage intrigué que surpris. Il était vrai que les êtres "étranges" étaient devenus selon Loki "bien trop nombreux" sur Midgard. Voir un loup prendre forme humaine devait donc être, si non banal, à peine extraordinaire. Mais il n'était de toute façon pas encore l'heure de montrer le grand jeu. Midgard n'était pas prêt pour le "Fléau des 9 Royaumes". Il y avait encore trop de "Gardiens". Trop d'êtres capables de s'allier pour la combattre. La Louve était quasi-invulnérable sous sa forme originelle, mais pas invincible. Ce monstre vert avait bien réussi à la mettre au tapis par-dessus cette cascade. Sans un miracle, elle aurait été projetée dans le vide sidéral. Une fin douloureuse, mais plus rapide que de mourir encore une fois d'inanition.
S'apprêtant à se sentir offensée du rire suite à sa précédente remarque, la Louve se ravisa en entendant la réponse de l'humain. Il savait. Il savait qu'elle n'était pas de ce monde. Comment ? Comment pouvait-il le savoir ? Était-ce une ruse ? Fronçant les sourcils par réflexe, elle fit gicler un morceau de viande en serrant trop fort le poing. Le vermisseau parlait également de normalité. Qu'était-ce véritablement la normalité ? L'habitude ? La norme définie par la masse ? Fenris n'avait jamais apprécié la masse, elle l'avait même dévorée. Tous ces êtres sans originalités qui se ressemblaient tous. Elle, le "Fléau des 9 Royaumes", était unique. Façonnée sur mesure pour être une machine à tuer par sa maitresse Hela et le Père de Toute Chose. Elle était majestueuse. " Norma... normalité... absurde... ennuie... Je... unique. " Répondit-elle, essayant en vain de dissimuler son agacement. " Moi... pas normal... même dans... monde où née... unique. " Insista-t-elle une dernière fois avec un ton acerbe se mêlant à un regard noir. Même si les termes employés par le Midgardien avaient été respectueux et neutres, la Louve était désormais irritée. Il ne fallait pas grand-chose pour qu'elle se mette définitivement en colère. De mauvaises langues pourraient affirmer que la canidé était particulièrement susceptible et qu'un rien pouvait l'énerver. Ces dernières auraient parfaitement raison.
Heureusement, la question suivante du Midgardien fut plus aisée et moins irritante. Malgré son habitude à réfléchir longtemps à sa réponse pour être sûre d'avoir bien compris la question, Fenris répondit presque instantanément. " Manger. " Cela sonnait dans sa voix comme une évidence. Il n'y avait plus de proies sur Varinheim et Loki l'avait amenée ici, sur Midgard. Elle ne pouvait pour le moment pas dévorer tous les vermisseaux humains, mais pour ce qui était des animaux, elle n'avait pas à s'en plaindre. Ils proliféraient sur Midgard, surtout dans cette région et la chair des cerfs qu'elle chassait était tendre et gouteuse. Ces derniers ne suffisaient bien évidemment pas à la sustenter, mais aucune nourriture dans l'Univers n'avait ce pouvoir. Elle avait faim et aurait toujours faim. C'était sa malédiction.
Continuant à dévorer son cerf avec appétit, la Louve commença à éprouver de la lassitude d'être ainsi observée. Si seulement le regard du Midgardien avait contenu de l'admiration, mais non. Il ne s'agissait que de curiosité. D'une insatiable curiosité. Pour manifester son inconfort, Fenris souffla du nez comme une bête. L'humain la dérangeait par sa seule présence. Non, ce n'était pas forcément son regard posé sur son corps d'Eve. Fenris était littéralement "à poil" en permanence, sauf quand elle revêtait des "vêtements" sous sa forme humaine. Il s'agissait là de son état naturel. Non, c'était davantage l'absence totale de peur, de crainte venant du Midgardien. Était-il puissant ? Elle avait entendu sa voix dans sa tête, elle en était désormais sûre. Pouvait-il seulement parler ? Il ne semblait pas pouvoir se mouvoir sans sa machine. Un signe de faiblesse, autant qu'une indication que sa force était ailleurs. Méfiante, la Louve rouvrit la bouche pour parler entre deux morceaux de viande. " Hu...mains... habi...tué à... mon...monstres. Monstres...vivre...par... parmi... eux. Toi monstre... Parler dans... ma té....tat... " N'arrivant pas à prononcer convenablement cette dernière syllabe, elle se contenta de pointer sa tête avec un index. Elle poursuivit pour le mettre en garde. " Pas reco...recom... plus faire ça... " Au delà de sa méfiance, c'est de la crainte que commençait à ressentir la Louve. Nul n'ignorait qu'un animal qui avait peur n'en était que plus dangereux. Trahissant ses émotions, ses gestes pour arracher les morceaux de viande de la carcasse étaient de plus en plus vif et les dits morceaux, de plus en plus gros; Les os de l'animal se brisaient sous ses doigts comme des fétus de paille.
Sa remarque sur les critères de normalité, pourtant emplie de bienveillance et de non-jugement, sembla agacer la créature. La normalité ne lui convenait pas. C'était une notion absurde. Sur ce point, il ne pouvait la démentir. C'était un grand mot, bien vide de sens. Elle affirma, non sans une certaine fierté, ne pas être normale, même selon les critères de son monde. Elle se définit même comme étant unique. Ce qui ne manqua pas de faire légèrement froncer les sourcils de Charles, qui réagit par un regard teinté d'une légère tristesse empathique. Etre unique signifiait bien souvent être seul.
L'irritation de la louve était presque palpable. Elle avait un besoin évident d'être respectée. Peut-être même d'être crainte ? Il ne répondit donc pas, craignant de faire fausse route avec ses remarques. Il n'avait pas assez d'éléments, il ne la cernait pas encore suffisamment pour se lancer dans un débat sans filet sur les bienfaits et les nuisances qu'apportait le fait d'être unique.
Quant à la raison de sa venue sur Terre, la réponse fut immédiate, pragmatique, sans appel. Elle était venue pour manger. Ce simple mot semblait essentiel pour elle. Comme s'il pouvait suffire à la définir entièrement. Ce qui était loin de plaire au philanthrope qu'était Charles. Tant qu'elle ne mangeait que des cerfs, il n'y voyait pas d'inconvénient... mais quelles étaient ses proies de prédilection ? La question de savoir si elle représentait une menace pour ses élèves lui revint à l'esprit, malgré ses efforts pour ne pas la juger hâtivement. Comment aborder le sujet sans la vexer ou la braquer ?
Tandis qu'il réfléchissait à la façon dont il allait la questionner, ce fut au tour de la Louve de lui parler. Elle commença par lui livrer une brève analyse de l'Humanité. Comme quoi les humains et les monstres vivaient ensemble, qu'ils s'y étaient habitués. Il supposa qu'elle parlait des mutants. Hypothèse qui se confirma lorsqu'elle le qualifia lui-même de monstre, parce qu'il lui avait parlé dans sa tête. Elle l'exhorta à ne pas recommencer. Il leva les mains en signe de paix et répondit avec simplicité :
« Je ne le ferai plus. »
Il aurait pu se justifier, expliquer qu'il l'avait fait au départ pour faciliter le dialogue, qu'il ne pensait absolument pas à mal, que son intention n'était pas de la déranger ou de lui faire peur. Mais il avait le sentiment que les longs discours n'auraient pas grand impact sur elle. Autant se résigner à l'essentiel, rester concis dans ses réponses. Ce qui, mine de rien, était un exercice loin d'être facile pour le professeur, adepte de communication verbale, grand amateur de rhétorique.
« Cela dit je ne me considère pas comme un monstre. Et j'œuvre pour qu'on ne me voit pas ainsi. Ni moi, ni mes congénères. »
Attendre qu'elle ait terminé de dévorer sa proie n'était peut-être pas la bonne méthode. Il sentait de plus en plus que sa présence la dérangeait. Ce qui ne manquait pas de sens, personne n'aimait qu'on l'observe manger. Mais il ne voulait pas partir. Il n'en savait pas encore assez. S'il se présentait, peut-être se montrerait-elle plus bavarde ? Il n'en était absolument pas certain, mais ça valait le coup d'essayer.
« Je me nomme Charles Xavier. Je suis le patriarche d'une très grande famille qui vit en bordure de cette forêt. Je suis responsable de la sécurité de nombreux enfants. Seront-ils en danger s'ils croisent ton chemin ? »
La question était posée avec beaucoup de douceur, mais aucunement d'insouciance. A la façon dont il appuya son regard clair sur elle, il était évident que cette demande était on ne peut plus sérieuse, cruciale pour lui, et qu'il ne prendrait pas sa réponse à la légère, quelle qu'elle soit.
Charles Xavier - Fenris “ Promenons nous dans les bois... ”
Le Midgardien s'excusa de s'être adressé à elle directement dans sa tête. Un signe que la chose était naturelle pour lui ? Cela ne fit que renforcer la méfiance de la Louve à son égard. Qui pouvait savoir quels prodiges il était capable de réaliser. Une chose était sûre, il devait avoir accès à sa tête. Le "Fléau des 9 Royaumes" était invulnérable. Nulle lame n'avait réussi à transpercer sa peau. Nul obstacle ne l'avait arrêtée. Seul cet être vert, ce Hulk, était parvenu à lui briser une dent. Mais qu'en était-il de son esprit ? Était-il également invulnérable ? Fenris n'en avait aucune idée. Jamais personne ne s'était attaqué à son esprit. Elle était invulnérable mais, pas immortelle. Emmurée vivante, petit à petit, elle avait dépéri. Elle avait finit pas s'endormir une fois déjà, avant que sa maitresse ne la réveille. Préférant noyer les souvenirs qui lui revenaient, la Louve préleva un bout de chair de l'animal et mordit dedans.
Elle écouta avec un certain intérêt le Midgardien qui affirmait ne pas être un monstre, surtout quand ce dernier dévoila qu'il avait des congénères. Ainsi ils agissaient pour ne pas être vu comme des monstres. Par qui ? Les Midgardiens ? Un désir absurde. Les Midgardiens étaient des vermisseaux faibles et dénués d'intérêts. Quelle valeur avait leur regard ? Si ce monstre avait des congénères, il devait se contenter de leur regard à eux. Fenris réfléchissait à comment exprimer ses idées, quels mots employer, quand le Midgardien s'adressa à nouveau à elle. Une présentation, ni plus ni moins. Il protégeait ses congénères qui habitaient non loin de là. Il s'inquiétait déjà de leur éventuelle rencontre avec elle. Crainte justifiée. Si les cerfs commençaient à se faire rares et qu'un Midgardien passait par là... Néanmoins, cela signifiait aussi que ce "Charles" ne la craignait pas. Ne sachant pas mentir et ne mesurant pas un seul instant l'impact de sa réponse, Fenris répondit simplement entre deux bouchées: " Oui. ". Croisant ensuite le regard appuyé du monstre malgré son air cordial, Fenris arrêta de manger et le lui retourna. S'agissait-il d'une tentative d'intimidation ? Difficile à dire. La Louve se contenta donc d'observer sa réaction. Malgré tout, sa malédiction fut plus forte et la força à reporter le morceau de viande à sa bouche. " Moi... prédateur. " Articula-t-elle en s'appliquant entre deux bouchées. " Chasser proie... faible... naturel. " Elle était une Louve, un animal. Elle chassait pour se nourrir. Un Midgardien n'était pas différent d'un cerf pour elle, hormis le goût. L'un comme l'autre pouvait servir à la soulager de sa malédiction.
Néanmoins, Fenris sentit que cela ne suffirait pas. Elle poursuivit donc. " Vous... tuer...proie...pour manger...viande... non ? Pas... diffé...différent. " Affirma-t-elle naïvement. " Moi... avoir vu... humains... tuer animal... manger avec...feu. " Cela s'était déroulé il y a quelques jours, dans une forêt voisine. Deux Midgardiens avec des armes. Avec celles-ci, ils avaient traqué, tué et mangé leur proie, tout comme elle. Respectant sa promesse à Loki, la Louve s'était contentée d'observer à distance. Néanmoins, la tentation avait été grande de les dévorer. Après tout, ils avaient tué une de ses proies potentielles. S'abaissant, Fenris saisit un des bois du cerf et avec son autre main, arracha la tête. Se relevant, elle tendit la tête sanguinolente en direction du Midgardien. Ce dernier avait toujours les yeux ouverts. " Moi monstre...tuer animal...manger. Humains...tuer animal...manger. Pourquoi moi...pas tuer...humains... manger ? " Questionna-t-elle naïvement en haussant un sourcil interrogatif. La Louve était sincère. Pour elle, le lien était parfaitement logique. Le plus fort pouvait dévorer le plus faible. C'était ainsi que se déroulait les choses dans le monde animal. Les Midgardiens s'estimaient-ils différents des animaux ? Grossière erreur. " Humain... être animal... juste... plus…plus… capable... " Son raisonnement était imparable à ses yeux. Échapperait-il à ce "Charles" ?
La réponse fut une fois de plus immédiate et sans interprétation possible. Un simple "oui", prononcé en toute sincérité, par la créature qui ne semblait pas capable de mentir. Son enveloppe humaine n'était probablement pas sa forme naturelle. Elle peinait à dialoguer, à saisir les subtilités du langage. Elle était bien plus instinctive, bien plus… animale. Et pourtant, elle se considérait plus faible sous sa forme lupine, le télépathe l'avait perçu. Quelque chose lui échappait. Peut-être possédait-elle une troisième forme, intermédiaire, proche des loups-garous des légendes humaines.
Quoi qu'il en soit, l'instinct du professeur ne l'avait malheureusement pas trompé. Un appétit insatiable la tiraillait, et elle ne ferait aucune différence entre des animaux et des humains. Après tout, elle n'était ni l'un ni l'autre. Elle le fixa à son tour, droit dans les yeux. Tentait-elle de jauger sa puissance, de déterminer à son tour s'il représentait une menace pour elle ? Quels étaient ses critères ? Son mode de pensée devait être radicalement différent du sien. Il ne la quitta pas des yeux, s'efforçant de garder l'expression la plus neutre possible.
Elle employa un nouveau mot pour se définir. Un mot qui n'était pas plus rassurant que le précédent. Prédateur. Elle chassait les faibles pour se nourrir. Elle fit la comparaison avec la chasse des hommes, une analyse on ne peut plus pertinente, que Charles ne pouvait réfuter. Quelle différence en effet pour elle, qui ne venait pas de ce monde, et ne considérait donc pas les humains comme des égaux, mais bien comme des proies ?
Lorsqu'elle arracha la tête du cerf à mains nues, le professeur eut une légère réaction de surprise, impressionné par sa force. Il ne montra cependant aucun signe de dégoût lorsqu'elle brandit devant elle son trophée sanguinolent. Il venait chasser dans cette même forêt avec son beau-père lorsqu'il était enfant. Il n'avait jamais aimé ça. Mais au moins avait-il conscience de ce qu'était la chasse, et d'où provenait la viande qui se trouvait dans son assiette. La créature lui demanda pourquoi elle ne devait pas manger les humains. Ce n'était pas une menace, ni de la provocation, mais bien une vraie question. Elle avait besoin de comprendre. Il resta silencieux quelques instants et répondit lentement, prenant le temps de bien choisir ses mots pour tâcher d'être le plus clair possible.
« Si tu manges un cerf, ou un sanglier, les autres membres de sa harde ne t'en tiendront pas rigueur. Ils n'auront pas conscience que tu es responsable, ils ne chercheront pas à se venger. Les humains ont érigé des lois pour se protéger. Tuer un humain est considéré comme un crime. Si tu manges des humains, alors les humains te traqueront, ils te captureront et te mettront dans une cage, ou bien ils te tueront. »
Voilà pourquoi elle ne devait pas tuer d'humains. Il avait avancé des arguments concrets. Inutile de parler d'éthique, elle n'aurait pas compris. Il n'était pas sûr d'avoir les bonnes réponses de ce point de vue-là, de toute façon. Une fois de plus, il avait parlé avec beaucoup de calme et de douceur, comme s'il tentait de la protéger en lui expliquant les choses. Il ne voulait pas la menacer. Il voulait simplement qu'elle ne soit pas une menace.
« As-tu un nom ? De quel monde viens-tu ? Nous pourrions peut-être t'y renvoyer. »
Elle n'avait pas sa place ici. Il ignorait son passé et les circonstance de son exil, s'il était volontaire ou forcé, temporaire ou définitif. Mais s'il pouvait l'aider à retourner auprès des siens, ou du moins dans son monde d'origine, puisqu'elle était unique, il le ferait sans hésiter.
Charles Xavier - Fenris “ Promenons nous dans les bois... ”
Le silence du Midgardien ne gêna pas un seul instant la Louve, malgré son impatience légendaire. Ce dernier prenait vraisemblablement son temps pour réfléchir à sa réponse. Se sentant presque flattée par autant d'attention, elle se ravisa bien vite en se rappelant qu'il s'agissait d'un Midgardien. D'un Monstre Midgardien, mais Midgardien. Jetant la tête du cerf qui roula parmi les feuilles pour rejoindre le reste de la carcasse, Fenris, léchant le sang sur ses lèvres, en profita pour arracher un nouveau morceau de chair de l'animal. Bientôt il ne resterait plus rien à manger sur ce défunt cervidé et elle devrait repartir en chasse. L'idée de dévorer ce "Charles" ne lui vint même plus à l'esprit. Dangereux, frêle, parfois intéressant... Non, un autre cerf ferait très bien l'affaire. Patientant en poursuivant son festin, elle releva la tête avec un morceau de viande entre les dents pour écouter la réponse du Midgardien. Longue et complète, les sourcils du "Fléau des 9 Royaumes" se froncèrent progressivement au cours de son avancée. Loki n'avait pas menti. Les Midgardiens étaient ainsi. Ils se permettaient de tuer des animaux, oubliant qu'ils en étaient. Si elle continuait à en dévorer, elle attirerait sûrement l'attention sur elle. Ces Midgardiens et leurs lois arbitraires... "Donc vrai... humains...vou...vouloir...peut...être...tuer...moi." Dit-elle, donnant l'impression qu'elle accueillait cette explication comme une confirmation. Néanmoins, malgré ses sourcils froncés, un sourire en coin se dessina sur son visage. Les Humains essaieraient de la tuer. Fort bien. Ils n'étaient pas de taille. Même parmi leurs gardiens, peu avaient leurs chances selon Loki. Mais il était encore un peu tôt pour se dévoiler. Arrachant sauvagement un morceau de viande qu'elle tenait en main avec ses dents, elle se mit à imaginer ce que donnerait un affrontement contre ces Midgardiens. Un massacre, sans aucun doute. Des dizaines, des centaines, des milliers de vermisseaux qu'elle croquerait en un instant. Une bataille, une guerre comme celles qu'elle avait menées aux côtés d'Hela. Cela inclurait-il ce Charles et ses semblables monstres ? Peut-être.
Avalant son morceau de viande, son estomac criant toujours famine, Fenris écouta les nouvelles questions du Midgardien. Ce dernier était véritablement très curieux. Il semblait vouloir tout savoir. Essayait-il d'obtenir de vive voix les informations qu'il aurait pu trouver directement en ayant accès à sa tête ? Une pudeur et une attention qui intriguèrent un peu la Louve. Loki répétait souvent qu'il était naturel de se servir de ses capacités. Au bon moment toutefois. Le moment n'était peut être pas bon pour ce Charles. Ou bien essayait-il de se montrer honnête ? Tant de questions, tant de réflexions, Fenris en avait déjà mal à la tête. Ses petites cellules grises progressaient depuis qu'elle avait acquis cette forme humaine, mais il ne fallait pas trop leur en demander non plus. " Pas...donner...nom. Dange...dangereux .Humains...nommer... moi...monstre... alors. " Répondit-elle en haussant les épaules. Loki lui avait fait promettre de ne pas donner son nom, par sécurité. Utiliser des noms d'emprunt, c'est ce qu'elle devait faire. Bien trop compliqué pour elle cependant. Être une anonyme était plus facile. Ce Charles voulait l'aider à rejoindre son monde. Son monde n'était plus. Il ne s'agissait pas d'Asgard. Elle n'avait jamais eu de maison. Elle avait suivi Hela partout où elle allait, tout simplement. Son monde avait été où sa maitresse se trouvait. Maintenant, avec Asgard détruite, Hela endormie, elle n'avait plus de monde. " Monde....ex...a plus...pouf...plus rien... " Répondit-elle donc le visage un peu triste, repensant à sa maitresse. Mais rapidement, cette tristesse se mua en colère, en haine. Son visage se fit menaçant. Lorgnant ce Midgardien devant-elle, elle s'élança vers la carcasse du cerf qu'elle dévora avec une sauvagerie suranimale. Arrachant la viande, brisant les côtes comme des fétus de paille, jetant au loin les parties non comestibles, elle s'acharna pour finalement se relever après quelques minutes, le corps ensanglanté. Du cervidé, il ne restait plus que les os, un peu de peau et quelques rares morceaux de viandes.
Fenris reposa son regard sur ce Charles. Ce dernier était encore là et sa présence commençait à devenir...dérangeante. Il voulait l'aider, mais il était un monstre, un monstre capable d'atteindre sa tête. Il fallait s'en méfier. " Moi...pas aimer... toi ici. Trop...questions...Toi...dange...reux. Pour...moi. " Dit-elle avant qu'un détail ne lui revienne en mémoire. " Toi...avoir...dit...avoir...famille... Si...eux...croiser...moi... Toi...venger...comme...humains ? " Demanda-t-elle en fronçant les sourcils. Si ce Midgardien avait été honnête avec elle depuis le début de leurs échanges, il ne mentirait pas. Il ne voulait pas être considéré comme un monstre, mais était-il comme un humain. Adopterait-il le même comportement ?
Si la présence de Charles semblait la déranger, elle écoutait néanmoins ses réponses avec attention. Elle fronça les sourcils devant ses explications, bien qu'elle semblât les avoir comprises. Elle n'avait pas l'air effrayée par la perspective de se faire emprisonner ou tuer. Elle n'en ressentait pas de colère non plus. Au contraire, elle esquissa un léger sourire. Elle ne prenait pas cette menace au sérieux. Tout ce qu'elle en conclut, c'était que les humains voudraient peut-être la tuer.
« Pas si tu respectes leurs règles. »
Elle refusa de lui donner son nom, estimant que c'était dangereux. Il avait beau se montrer doux, bienveillant, à l'écoute, il avait beau tâcher de lui expliquer les choses, il n'arrivait pas à la mettre en confiance. Au contraire, plus l'échange avançait, plus il la sentait stressée. Elle lui fit comprendre que son monde avait été détruit. Il aurait voulu lui dire qu'il était désolé, mais elle se jeta sur la carcasse du cerf avec une telle rage qu'il préféra rester silencieux.
Lorsqu'il ne resta plus rien à manger sur l'animal, lorsqu'elle n'eut plus de support pour exprimer sa colère, elle se retourna vers Charles. Elle lui énonça sans détour qu'elle n'aimait pas sa présence, qu'elle le considérait comme un danger. Il ne servait à rien d'insister. Il ne parvenait pas à communiquer avec elle, il n'arrivait pas à la raisonner, à lui faire comprendre qu'il voulait l'aider. Tout ce qu'il dirait ne la ferait pas changer d'avis.
A son tour elle lui posa une question sensible. Si elle attaquait les siens, s'en prendrait-il à elle ? Chercherait-il à se venger ? Il ne voulait pas lui mentir. Tant pis si sa réponse passait pour une menace. Elle s'était déjà forgée son opinion sur lui de toute façon. Autant lui confirmer qu'il pouvait être dangereux. Cela la dissuaderait peut-être de s'attaquer aux humains, dans cette forêt du moins.
« Il ne s'agit pas de vengeance, mais de protection. Si tu t'obstines à vouloir chasser des humains, alors tu es un danger. Il est de mon devoir de préserver mes enfants du danger. S'il le faut, je t'empêcherai de nuire. »
Le prendrait-elle au sérieux ? Elle semblait ne pas tenir les habitants de cette planète en haute estime. Certes, sur le plan physique, elle lui était nettement supérieure. Mais le télépathe avait d'autres armes. Sans le connaître, sans savoir exactement ce dont il était capable, elle avait senti qu'il pouvait être une menace qu'elle ne devait pas prendre à la légère.
« Crois-moi, j'aimerais pouvoir te laisser tranquille. Mais je ne peux pas te laisser partir tant que je ne serai pas certain que tu ne causeras aucun mal à des humains, ou à ceux comme moi, que tu appelles "monstres". »
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