Ce matin-là, Joseph se réveilla plus tôt qu’à l’accoutumée. Sa journée allait commencer avec son premier patient recommandé par le S.H.I.E.LD. et les préparations qu’il avait à faire étaient particulières, à plus forte raison que le rendez-vous n’aurait pas lieu directement dans son cabinet, au-dessus duquel il habitait. Il ouvrit ses volets pour admirer les rayons encore rougeoyants d’un soleil plus matinal que lui, et qui ne manquerait pas d’harasser New York par une chaleur insoutenable lorsqu’il atteindrait le zénith. Joseph fit sa toilette et s’habilla en écoutant la radio. Quelques nouvelles, la météo. Comme on l’attendait d’un mois d’août, il allait faire chaud. Quand aux nouvelles, elles parlaient encore du retour des disparus d’il y a cinq ans, survenu à peine 3 mois plus tôt. Joseph se demandait combien de temps il faudrait aux médias pour abandonner ce sujet. Lui n’éprouvait aucune joie quant à cet événement. Les siens ne reviendraient pas.
Chassant ses idées noires, Joseph passa une dernière fois devant son miroir pour s’assurer qu’il était habillé correctement. Il avait opté pour une veste en tissu grise, cachant une chemise en jean bleue ornée d’une cravate sombre à motifs. Pour le bas, un pantalon noir suffisait. Il ajusta ses lunettes et sa cravate avant de prendre son sac fin, qui contenait les documents dont il avait besoin, qu’il passa en bandoulière. C’était bien plus pratique pour les transports en commun.
Le psychologue quitta son appartement classieux de Brooklyn. Alternant entre métros et tramways, Joseph se rendait dans le Queens, plus précisément dans un diner du Queens qu’il avait spécialement loué pour l’occasion. Les pouvoirs de son client, un certain Aaron Smith, ne prêtaient pas matière à inquiétude concernant les dégâts potentiels, il était donc plus simple de choisir un endroit avec du personnel. De plus, les goûts assez simples de son client faisaient d’un diner un lieu idéal pour avoir une conversation détendue devant un bon repas, en l’occurrence un petit-déjeuner et éventuellement un déjeuner si la séance durait. Les séances de Joseph n’étaient pas payées à l’heure, mais à la prestation, ce qui lui offraient une bien meilleure amplitude temporelle et évitait de stresser pour que de raison des clients aux capacités potentiellement dangereuses.
Le diner était situé en face d’un cinéma. Il était plutôt modeste par rapport à d’autres trouvables dans le district mais Joseph l’avait choisi pour sa clientèle limitée, tout en prêtant attention à ce qu’il y ait un minimum de qualité. Pour l’occasion, il avait fait préparer quelques panneaux vitrés munis d’un filtre visuel ne permettant de voir à travers que dans un sens. Il n’était pas certain d’en avoir besoin, mais ça pouvait être nécessaire pour le bien-être de son client. Quant au personnel présent, seuls restaient les cuisiniers et la serveuse. Joseph leur avait assuré un salaire et un dédommagement pour combler le déficit. Il s’agissait de justifier le tarif imposé au S.H.I.E.L.D.
Joseph arriva sur place à 9h43, un quart d’heure avant son rendez-vous. Il salua l’employée qui serait chargée de les servir et le personnel de cuisine et demanda un café pour démarrer, puis s’installa à une table. Il ouvrit un journal et commença à le lire tranquillement en attendant l’arriver de ce Mr Smith.
Mettez-vous à l'aise, vous êtes entre de bonnes mains désormais
"La coopération n'est pas l'absence de conflits, mais un moyen de les gérer." Deborah Tannen
Aout 2023 – La grosse Pomme
« Sérieusement, un psy ?? - Pas le choix agent Smith après le traumatisme que vous avez vécu, c’est inévitable. - traumatisme, vous en avez de beau des traumatismes. »
J’étais énervé et en même temps c’était légitime de la part du S.H.I.E.L.D. de demander une expertise afin que je puisse repartir sur le terrain. Déjà trois mois, trois putain de mois que jetais revenu et que j’avais tout perdu. Dans le fond je crois qu’une part de moi aurait préféré ne pas revenir. Mais bon il fallait relativiser et aller de l’avant. De toute façon j’avais que ça à faire alors après un gros soupir j’avais pris le nom du doc et le date et le lieu du rendez-vous, avant de repartir à mon sac de frappe dans la salle d’entrainement.
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Le jour J était arrivé. Enfin le jour J c’était vite dit car connaissant le type de bonhomme que j’allais voir, il était clair que j’étais pas prêt de retourner sur le terrain dès demain. Il fallait dire aussi que si c’était e que je voulais j’savais très bien qu’il me faudrait un peu d’entrainement pour ne pas péter un câble dès la première mission. Le lieu du rendez-vous était dans le Queens et vu la chaleur qu’il faisait dès le bon matin, c’était l’occasion pour moi de sortir ma moto. Un t-shirt blanc, un jeans, mes bottes et mon blouson de cuir sur le dos, j’avais l’allure d’un vrai bad boy et pourtant dans le fond j’étais plus un gros nounours avec le sourire H24 qu’un gros dur qui se la pétait. La casque et les lunettes de soleil installés, je pris la direction du Queens, arrivant finalement pile à l’heure pour le p’tit déj’ avec le doc.
Je me gare devant le diner et descend de la bécane après avoir retiré mon casque que je glisse sous le bras. Je suis accueilli par une serveuse qui semble charmante et nerveuse à la fois mais ce qui me frappe le plus c’est que l’endroit est désert, comme s’il avait été privatisé. Mon regard se pose sur un homme qui me tourne alors encore le dos. Il semble lire, surement mon dossier. La serveuse me conduit à lui et je la remercie avant de me poster devant le doc :
« Alors c’est vous le doc qui doit décider si je peux retourner ou pas sur le terrain ? »
Je lui tends la main pour faire des présentations plus officielles :
« Agent Aaron Smith du S.H.I.E.L.D. Agent de terrain à la dérive à ce qu'il parait… »
À la venue de son client, Joseph replia tranquillement le journal et l’observa une brève seconde. Musculature importante, corps très bien proportionné et tenue conventionnelle pour un milieu déplacé avec la situation. Il s’entretenait et soignait son look, son état mental était donc nettement supérieur à ses espérances, mais il était sans aucun doute sur la défensive. Cependant, la tenue vestimentaire en elle-même et l’attitude globale masquaient sans aucun doute un mal-être plus profond qui n’avait probablement qu’un rapport lointain avec l’affaire qui l’avait mené ici.
Néanmoins, il décida de ne pas faire immédiatement cas de ses conjectures, dont les différents éléments seraient confirmés ou infirmés par leur discussion. Posant son journal sur la table, il se leva et serra la main de l’agent, y mettant une poigne que son interlocuteur pourrait considérer comme raisonnable et d’une certaine fermeté, bien que la force du psychologue fût relativement limitée.
« Enchanté Agent Smith, je suis Joseph Rowles, métapsychologue et en affaires avec le S.H.I.E.L.D. »
Il lâcha la main de son patient et s’assit de nouveau, repoussant le journal sur le côté de la table, malgré tout à portée de l’agent Smith si ce dernier souhaitait jeter un œil aux manchettes. Après que Smith eut fait de même, il reprit.
« Comme vous avez dû le constater, ce diner a été privatisé pour que nous puissions rester tranquille. Je regrette que nous ne puissions pas laisser cet endroit plus « ouvert », mais du fait de votre affiliation à une organisation de sécurité internationale, il semblait préférable d’éviter les oreilles indiscrètes. Le personnel a été dûment vérifié et vous n’avez donc pas à craindre de parler de sujets sensibles si cela vous semble nécessaire.
Désirez-vous un petit déjeuner ? Je vous conseille leur omelette printanière, elle est excellente. »
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"La coopération n'est pas l'absence de conflits, mais un moyen de les gérer." Deborah Tannen
J’étais pas fan à l’idée de déballer ma vie à un inconnu et encore moins mes soucis et mes blessures passées… Mais j’avais pas vraiment le choix j’en avais bien conscience… Surtout si je voulais retourner sur le terrain. Alors je faisais bonne figure devant lui. Déjà c’était un homme, Non pas que j’étais sexiste ou autre mais j’avais toujours eu du mal à m’exprimer avec une femme. Clara le savait bien. J’étais facilement penaud même si de manière plus générale ou même au travail ce n’était pas mon cas. Quand il s’agissait de drague ou alors de parler de moi et de m’ouvrir c’était une autre histoire.
Je lui serrai une poignée ferme et il fit de même, sûrement pour montrer une puissance ou quelque chose du genre… Je ne fis pas forcément attention tant que je restais un peu sur mes gardes quant à son appellation : un métapsy.
Je me présentais à mon tour en faisant la plaisanterie parce que j'étais doué pour ça. Prendre les choses à la légère... Enfin surtout faire penser que je prenais cela à la légère. Pourtant j’étais plus imbécile qu’un autre. J’avais bien compris qu’il y avait une raison à ma présence ici. Mais mes pouvoirs n’étaient pas en cause, seul mon mental était balafré. Une fois assis, le doc m’expliqua que le lieu était privatisé pour que je sois libre de parler de tout ce que je voulais... Après je sais pas si j’étais encore prêt à évoquer vraiment les sujets douloureux… Je verrais selon comment la conversation allait évoluer. Pour l’heure, je fis simplement un signe de tête, signe de mon approbation à ses paroles en regardant autour de nous. Voir cet endroit vide apportait un côté lugubre à la situation déjà bien assez particulière.
Il fallait que je choisisse mon p’tit déj et malgré que j’avais déjà avaler un café avant de partir, c’était loin d’être suffisant. Le doc me fit un proposition et lorsque je vis arriver la serveuse, je lui souris poliment en disant ma commande :
“ Je vais prendre un grand café noir et une omelette printanière avec supplément bacon s’il vous plait. ”
Je ne voulais pas décevoir le doc en prenant autre chose et en même temps si c’était une de leur spécialité, autant ne pas passer à côté mais je restais tout de même intrigué par un détail, la spécialité du doc… Alors lorsque la serveuse fut partie après la commande du …. métaDoc, je me tournais vers lui pour lui poser une question :
“ Dites Doc, je sais que normalement c’est vous qui posez les questions mais en quoi votre spécialité des Méta peut m’aider. Je n’ai pas de soucis avec mes pouvoirs, je les contrôlent bien et n’en n’abuses pas alors du coup jme demande comment vous allez m’évaluer ou même m’aider… ”
Les années d’expérience de Joseph lui permettaient de tirer toutes sortes de conclusions et d’hypothèses de l’attitude de son patient. Il n’était pas à son aise et visiblement réticent à cette visite, il allait être difficile de le mettre dans de bonnes dispositions. Le métapsychologue n’avait pas de carnet, il prenait mentalement note de ce qui était nécessaire et n’écrivait ses notes qu’après l’entretien. Il remerciait pour cela son excellente mémoire qu’il avait travaillée depuis sa jeunesse.
Le fait que l’agent Smith commande sa recommandation n’apporta, du moins visiblement, pas de réaction particulière de la part de Rowles. Intérieurement cependant, il ajouta cet acte au malaise ambiant. Fort heureusement, il n’eut pas nécessité de briser la glace lui-même puisque son patient lui posa une question qui lui avait déjà été souvent posée par le passé : la nature de son métier et l’incidence sur cet entretien. Le psychologue eut un sourire : après tout, c’était son sujet de prédilection et il appréciait d’en parler.
« Votre question est légitime, agent Smith, mais vous ne voyez que la surface de ce qu’est la métapsychologie. Voyez-vous, même s’il est aujourd’hui admis qu’il existe bon nombre de personnes doté de capacités extraordinaires, pour ne pas dire surnaturelle, la psychologie traditionnelle n’a pas su prendre cet aspect en compte, ce qui a abouti à un certain nombre de désastres qui auraient pu être évités.
En fait, la métapsychologie ajoute aux méthodes traditionnelles le rapport à l’étrange, à l’inexplicable, à l’extraordinaire voire à l’impossible. La présence de toutes ces capacités surnaturelles affecte durablement notre psyché en brisant ce que l’on croyait acquis jusqu’à maintenant. C’est peut-être difficile à croire aujourd’hui, mais il y a peu de temps encore, imaginer qu’un homme puisse briser un immeuble par sa seule force relevait de la pure fiction.
Vous ne me croirez peut-être pas, mais la plupart de mes patients sont des gens totalement dépourvus de ces capacités, mais qui en ont été témoin et peinent à accepter cette « nouvelle réalité ». Pour ce qui est de mes autres patients, dont vous faites partie désormais, cette dimension existe, bien qu’amoindrie par leurs propres capacités. Cependant, ces mêmes capacités altèrent également la perception de la réalité, du jugement, voire la perception du bien et du mal, transformée parce qu’il « peuvent le faire ».
Rassurez-vous, je n’ai rien dans mon dossier qui indique que vous soyez sur une mauvaise pente, du moins pas de ce genre, je ne fais que vous donner une vue d’ensemble. Pour résumer, je me consacre aux métahumains comme aux humains pour leur permettre de surmonter des situations liées de près ou de loin aux « supers ». »
Pendant qu’il discourait avec un entrain calme et distingué, la serveuse vint poser un plateau devant Aaron, dans lequel se trouvait son café et une assiette contenant une omelette fourrée d’une petite sauce tomate maison et accompagnée de petits légumes de saison. Emporté par son discours, Rowles s’aperçut qu’il monopolisait la conversation et se stoppa, s’éclaircit la gorge et reprit :
« Mes excuses, nous ne sommes pas ici pour parler de moi. Dites-moi, pourquoi êtes-vous ici, agent Smith ? »
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Ma question était peut-être un peu indiscrète et encore que cette séance me concerne alors j’ai le droit de dire ce que je veux. Et puis bon, les gens qui me connaissent savent que je suis plutôt quelqu’un de franc alors autant jouer franc jeu avec lui. De toute façon c’est lui qui aura le dernier mot sur ma réhabilitation. Mais en revanche je ne m’attendais pas à une réponse digne d’un véritable laïus sur son boulot.
Je l’écoutais avec attention. Il n’avait pas tort. Le monde était différent maintenant que les mutants et les extraterrestres étaient connus de tous. Il parlait beaucoup le doc mais j’avais compris le principal. En gros c’était un psy des temps modernes qui incluait dans son analyse les faits et les dommages collatéraux des « supers » comme il disait.
En partant de ce principe, du coup oui j’étais en plein dedans et je comprenais mieux sa présence devant moi. J’acquiesçais à ses paroles alors que la serveuse revenait avec nos commandes. Je jetais un rapide coup d’œil sur mon assiette qui était plus qu’appétissante alors que le doc s’excusait en me posant à son tour une question :
« Pas de soucis Doc. Je comprends mieux maintenant… »
Je réfléchissais à sa question et à la réponse que je voulais lui donner et puis en prenant une gorgée de café, la réponse fut une évidence. Je repose alors ma tasse et je regarde dehors. Je regarde la rue passante qui bouge et qui s’active. Le monde a repris une allure normale et pourtant tout mon monde à moi a changé.
« J’suis là parce que j’ai disparu pendant 5 ans et qu’à mon retour, plus rien n’étais comme avant… J’ai tout perdu… »
Je reprends une gorgée de café mais mon regard se perd alors dans le vide :
« J’suis là parce que ma famille n’est plus là et parce que j’arrive pas à concevoir de reprendre ma vie si ma femme et ma fille ne sont pas à mes côtés. »
J’avais parlé avec le cœur et j’avais parlé sans vraiment réfléchir au fait que j’avais un psy, un méta-psy en face de moi… Alors j’ajoutais une dernière phrase :
« J’suis là parce que contrairement à tout le monde, le Blip de Hulk a détruit ma vie… Je crois que j’aurais préféré ne pas revenir. »
Ouais le sujet n’étais pas hyper gai mais bon c’était le but de ma présence ici alors autant y aller à fond.
Plusieurs réponses vinrent. Chaque nouvelle réponse était lancée avec plus de cœur que la précédente. « Encore un », se dit le professeur en écoutant son patient. Ce n’était pas une réflexion médisante, juste un constat. Les affrontements qui avaient eu lieu 5 ans auparavant, et leur suite il y a peu avaient provoqué toutes sortes de désastres de ce genre. Faisant abstraction de sa propre histoire personnelle, il resta concentré sur l’agent Smith afin de mémoriser ses paroles, son attitude et ses expressions. Calmement, il coupa avec sa fourchette un petit bout de son omelette et la mangea. Au moins, ce patient ne se voilait pas la face sur sa propre pensée, il serait plus facile de l’amener à faire des progrès.
« Vous vous trouvez effectivement dans une situation éprouvante. Qu’est-il arrivé à votre famille ? »
Il abordait en premier le sujet difficile. Il s’agissait de connaître les circonstances de leur décès, le point de départ qui permettrait ensuite d’estimer les points de dépression et les points de colère, le tout pour être capable ensuite de contrecarrer les uns et les autres et petit à petit amener vers un peu plus de positivisme.
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Comme tout bon psy qui se respecte, le doc qui est devant moi, n’est pas si bavard que ça lorsqu’il s’agit d’analyser les gens. En même temps c’était un peu pour ça que j’étais là alors il fallait peut-être commencer à parler de choses sérieuses. Déjà évoqué les raison de ma présence ici n’était pas des plus facile pour moi mais j’avais essayé de parler sans trop réfléchir pour que ce qui ressorte soit ce que je ressentais vraiment. Un exercice pas si évident pour moi qui n’était pas du genre à trop causer de ma personne. Mais là, devant le Doc pas le choix… Et la question suivante n’aiderait pas à aller en s’arrangeant. Qu’est-il arrivé à ma famille…
J’avais clairement entendu la question mais trouver les mots pour répondre n’était pas facile. Alors je pris le temps de prendre une ou deux bouchée de mon assiette devant moi et j’évitais à tout prix de regarder le doc dans les yeux :
« Je … Je suis … enfin j’étais marié depuis 2010 à une jeune femme extraordinaire qui s’appelait Clara. En 2012, quand New-York a été frappé par une attaque extraterrestre. Elle était enceinte de notre fille. Par la suite j’ai intégré le SHIELD mais Clara a toujours us pour mes pouvoirs et m’as toujours accepté comme j’étais et m’a aimé ainsi. C’était une perle dans ma vie et une source de bonheur infini. Notre fille Elena et ma Clara n’ont pas été snappés comme moi. Elles se sont retrouvées toutes les deux. A mon retour il y a quelques mois, j’ai appris que Clara avait été tuée par un voleur durant un braquage…. Elle était au mauvais endroit au mauvais moment. A sa mort, Elana avait 8 ans. Elle s’est retrouvée sans parents et je ne peux qu’être furieux de ne pas avoir été là pour ma femme et pour ma fille. Furieux d’avoir disparu comme un con. J’ai pas pu … »
Les larmes qui me menaçaient depuis le début de mon récit commencèrent à couler sur mes joues :
« J’ai pas pu les protéger… … Clara est morte toute seule et Elena est dieu sait où… »
Posant les coudes sur la table, j’enfouissais alors mon visage dans mes mains… Parler c’était exprimer ce que je ressentais mais c’était aussi songer à ma fille qui était quelque part sans que je puisse savoir où.
« Elle a disparu peu de temps après la mort de Clara… Personne ne sait où elle est comme si elle s’était volatilisée… »
Rowles s’était attendu à devoir faire plus d’efforts pour le pousser à se confier, il fut heureux de voir qu’il n’aurait pas besoin d’insister. Ce qui lui laissa bien plus d’énergie pour un choc inattendu : Clara. Rien d’extraordinaire, si on oubliait que sa propre épouse, décédée cinq ans plus tôt, portait le même prénom. Le psychologue reçut ce simple prénom comme un coup de poignard en plein cœur et dut mobiliser tous ses efforts mentaux pour chasser les pensées morbides qui traversaient son esprit et toujours paraître écouter son patient sans fléchir.
À cause de cela, il rata une partie de ce que lui dit l’agent Smith, mais put rapidement recoller les morceaux à partir de l’histoire du braquage. Il était assez évident que ce qui se trouvait avant devait parler de ce qui allait bien avant le drame. Il espérait néanmoins ne rien avoir raté d’important. Alors que son patient continuait son histoire, de plus en plus submergé par l’émotion, Rowles priait pour que son propre cœur se change en pierre. Fort heureusement, Smith cherchait à éviter son regard, aussi ne put-il pas voir les traits de son psychologue se rider légèrement sous l’effet de l’effort mental auquel il se prêtait.
Son équilibre émotionnel retrouvé, Rowles parla à la tête enfouie dans les énormes bras de son patient avec douceur et calme :
« Allez-y, laissez-vous aller. Vous avez le droit de craquer. »
Cette étape était cruciale. Beaucoup de patients, en particulier chez les hommes, éprouvaient le besoin de conserver un contrôle total sur leurs émotions et ne pas se laisser submerger de la sorte. Mais l’humain n’était pas fait pour ça, aussi cela aboutissait-il toujours à un comportement autodestructeur. Pour le moment, il devait lui laisser un peu de temps pour pleurer, peut-être tempêter aussi, en bref, pour laisser libre cours à ses émotions. Voyant du coin de l’œil la serveuse qui revenait en salle, il lui fit un signe discret pour qu’elle retourne en cuisine. Ce n’était pas le bon moment.
Mettez-vous à l'aise, vous êtes entre de bonnes mains désormais
"La coopération n'est pas l'absence de conflits, mais un moyen de les gérer." Deborah Tannen
J’entendais les mots du Doc’. J’étais bien conscient que je devais laisser aller les choses mais c’était pas si simple… L’égo en prend un sérieux coup. Et puis fallait dire aussi que c’était pas dans mes habitudes… J’suis plutôt le genre plaisantin, plutôt que mélancolique… Mais bon depuis mon retour parmi les vivants, j’étais pas un modèle de bonne humeur, j’avais mes raisons et de toute évidences elles étaient légitimes mais quand même j’aimais pas être dans cet état et j’aimais encore moins que quelqu’un me voit ainsi.
Même si j’avais le droit comme il le dit si bien j’étais pas à l’aise avec cette idée mais c’était n peu tard, les larmes coulaient déjà sur mes joues. En silence, je laissais couleur ma tristesse pour la disparition de ma Clara adorée et de notre douce Elena. Je ne le regardais pas. Je voulais à tout prix éviter de voir que des yeux pouvaient être posés sur moi.
Je sentais que petit à petit l’émotion se calmait dans ma poitrine, mon cœur reprenant un rythme plus normal. J’osais alors enfin affronter le regard du Doc pour formuler une requête. Une question dont je ne trouvais pas la réponse depuis mon retour. Une question qui finalement était simple et pourtant si complexe à la fois. :
« Hé Doc’, j’suis censé me remettre comment de tout ça ? »
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