[Super Héros] Charlotte Griffin

Chicago. Ca pourrait être l'une des plus belles villes au monde. Seulement ce n'est pas le cas. Cette ville pue. Aux odeurs de sueur, d'alcool, de sexe et d'argent s'ajoute l'odeur pestilentielle de la drogue et l'indélicat parfum de la criminalité. C'est marrant, j'ai toujours cru que le lieu où la fin du monde commencerait serait dans cette ville rongée par tous ses vices depuis tellement d'années. Sauf que ce n'est pas le cas. La fin du monde n'a pas pris son commencement à Chicago et peut-être bien que c'est heureux parce que les héros semblent toujours vouloir se concentrer sur New York. Pas que je les blâme de cela, au contraire. A leur place moi aussi j'aurai peur de venir à Chicago. Mais je n'ai pas peur d'y venir. J'y ai toujours été. Et la puanteur des égouts dans lesquels ont été déversés quelques kilos de drogues pour les cacher d'une descente de la police ne me pique même plus le nez. Cette putain de ville viciée jusqu'au trognon c'est ma ville. Je suis Ness. Et ceci est mon histoire.


Au début il n'y avait rien et puis un jour … Hum … Je vais faire un petit bond dans le temps si vous voulez bien, et cela même si j'adore les dinosaures et l'histoire de la Terre. Venons en plutôt à Chicago il y a 24 ans de cela. Je viens de naitre à l'hôpital de Chicago, dans la salle d’accouchement, en plus des médecins, des infirmières et de la petite braillarde que j'étais, il y a mon père, brave policier de la ville et ma mère, infirmière, que ses collègues félicitent tout en lui présentant son enfant juste né. Allez on fait une nouvelle ellipse parce que je doute que mon premier mot, mes premiers biberons et mes premiers pas ne soient très intéressants. En revanche on va faire un arrêt sur l'année de mes dix ans. A ce moment-là de mon existence j'avais déjà une année d'avance à l'école et j'allais bientôt avancer encore une fois, c'est que je suis une tête dans mon genre. Rien à voir avec les plus grands cerveaux comme Pym, Richards ou Stark. Enfin je dis Stark, je veux parler d'Howard, pour ce qui est de son fils … je crame un joker pour ne pas donner mon avis. Je suis intelligente parce que j'ai une bonne mémoire, un bon esprit de déduction et que je me donne les moyens de ce que je veux. Et puis mes parents ont toujours été là pour moi et ça, mine de rien, ça joue quand même pas mal. Je crois que maman a toujours été déçue que je n'ai pas appris à jouer d'un instrument mais la musique très peu pour moi, non seulement je chante comme une casserole rouillée mais en plus je n'ai aucun attrait pour le solfège. Quand à mon père et bien … nous avons toujours eu une relation fusionnelle. Il faut dire que dès que j'ai commencé à marcher il s'est mis en tête de m'apprendre à me défendre parce que "Tu ne peux pas imaginer combien cette ville est dangereuse". S'il me voyait sortir le soir pour arrêter criminels et délinquants. Cela dit si je sais me battre, si je sais utiliser les armes à feu c'est grâce à lui et je fais bon usage de ce qu'il m'a appris. Enfin, pourquoi ai-je choisi mes dix ans comme point d'arrêt ? Parce que c'est à cet âge-là que j'ai réalisé ma différence avec les autres enfants. Je ne lançais pas des pics à glace, je ne crachais pas de feu et je ne pouvais pas me téléporter instantanément sur toute la Terre. Ca m'a toujours permis de dissimuler cette différence mais pourtant elle était là, toujours présente. J'aurai pu être la meilleure en sport, dans tous les sports avec peu d'entrainement, j'étais physiquement toujours supérieure à mes camarades. Comment ? Pourquoi ? Aujourd'hui je dirai simplement que j'aurai dû apprendre à l'Académie des Super-Héros avec Zoom, enfin si pareille école existe parce que si ce le cas, je n'ai pas eu ma lettre quand j'ai eu onze ans comme l'autre pleurnichard d'Harry Potter. Enfin bref à l'époque j'étais simplement assez maline pour ne jamais être la meilleure et donc ne pas attirer l'attention. Sauf en escalade. Parce que l'escalade c'est le bien.


J'ai 16 ans, j'entre à l'université de Chicago en tant qu'étudiante en médecine, nous sommes alors trois ans avant que Thanos ne vienne foutre le bordel et je mène ma petite vie. Excellente étudiante, jeune fille sportive, la définition d'un esprit sain dans un corps sain finalement. Et c'était vraiment le cas. Le temps que je ne consacrais pas à étudier, je le passais à escalader, faire du parkour ou me perfectionner en krav-maga que j'avais finalement préféré à la boxe thaï que mon père m'avait enseignée. Vie privée ? Zero. Mes moments de repos, les rares, c'était jeu vidéo ou cinéma. En plus de ça je ne suis pas douée avec les sentiments, mes quatre relations à ce jour se sont toutes soldées de la même façon "Parfois j'aimerai que tu me montres que tu m'aimes mais je ne crois pas que tu en sois capable". Les gens aiment bien qu'on leurs mette sous le nez l'amour qu'on a pour eux, avec des petites attentions, en étant constamment collés à eux en roucoulant des mots d'amours … Franchement je préfère encore les frites trempées de mayonnaise de Pulp Fiction. Pourquoi aurai-je besoin de tout le temps répéter des mots d'amour pour aimer quelqu'un ? Loin des yeux, loin du cœur c'est de la connerie ! Enfin oublions ce sujet pour passer mes trois premières années en langues ou mon intellect fut mis à rude épreuve, après tout j'arrivais avec deux années d'avance et si j'étais plutôt dans le peloton de tête et bien … mon aisance s'estompait. Ce qui veut sûrement dire que j'étais à ma place à ce moment-là. Mais trois années plus tard j'étais en bonne voie pour obtenir mon diplôme et m'orienter vers la médecine générale comme je le souhaitais seulement il y eu … l'événement. Je ne sais pas si un nom officiel lui a été donné mais il faudrait parce que "le putain de jour où l'autre connard a fait disparaître la moitié de la Terre" c'est un petit peu long. J'étais avec mes parents ce jour-là, nous étions tous trois dans la voiture pour un week-end en famille auquel nous ne sommes jamais parvenus. On pourrait dire que j'ai eu de la chance, lorsque partout sur Terre des inconnus ont disparu dans un petit nuage de cendres, mes parents et moi étions toujours là … mais pas le chauffeur du camion qui a percuté notre voiture. Je n'ai survécu que parce que j'étais à l'arrière de la voiture, j'en suis sortie cabossée et sonnée, sans réponse de la part des urgences dont le standard était saturé mais en regardant les sièges avant de la voiture, j'avais déjà compris que rien ne sauverait mes parents. Le chauffeur du camion lui avait simplement disparu, comme 50% de la population et cela sans compter tous les morts qui eurent lieu dans les accidents qui eurent lieu en raison de la disparition des pilotes, conducteurs et chauffeurs.


Ensuite ? Et bien pendant une année je repris mon existence, presque de façon similaire à avant si ce n'était que mes études étaient suspendus le temps de reconstituer le corps étudiant. En attendant, j'avais besoin d'argent et trois années de médecine étaient loin de suffire pour un poste de médecin, alors je me suis tournée vers une offre d'emploi en formation dans la thanatopraxie. A ce moment-là je pensais que ça serait temporaire. J'étais loin d'imaginer que ça deviendrait ma vie. Rien d'étonnant à trouver une telle offre toutefois, avec toutes les personnes qui avaient disparu du jour au lendemain mais aussi tous les morts causés par les disparitions. Les hôpitaux, les salons funéraires, tous les services publics mais tous les corps de métier en général avaient besoin de mains. En une année, la criminalité toujours bien ancrée à Chicago évolua encore d'avantage, alors que la police était incapable de lutter contre les gangs qui s'organisaient dans le chaos d'une ville en proie aux vols et aux pillages, il n'y avait pas de héros pour endiguer cette escalade. Et alors que le chef du gang le plus connu de la ville était privé de justesse du poste de Maire dans des élections plus que douteuses, une héroïne naquit. Pourquoi moi ? Il m'arrive encore de m'asseoir sur un toit de la ville et me le demander. Cette ville est trop grande pour moi. Je n'ai pas les super-pouvoirs d'un Captain America, d'un Spider-Man ou l'armure d'Iron-Man. Je n'ai que ces pouvoirs qui font de moi un tout petit peu plus qu'une humaine ordinaire et j'ai trouvé le courage de mettre un masque et me lancer dans cette aventure avec l'espoir que le peu que je ferai serait suffisant. Je fis mon costume moi-même, tout en cuir pour plus de résistance aux coups et aux déchirures. Le corset pare-balle ne viendrait qu'une autre année plus tard quand j'allais arrêter de me contenter des petits dealers de rue pour m'attaquer à plus gros poisson. Mon nom était tout trouvé, je voulais lutter contre la drogue interdite par la loi comme Eliot Ness le fit en son temps pendant la prohibition et le règne sordide d'Al Capone. Quand à mes interventions, j'y laissais toujours ma "carte", comme une sorte d'avertissements aux criminels et délinquants. J'abandonnais sur les lieux un insigne réalisé à l'imprimante 3D, sur lequel j'avais remplacé le grade par Ness. Voilà comment débuta mon aventure héroïque et aujourd'hui c'est un pan de ma vie dont je ne me déferai pas.


Ne m'attaquant d'abord qu'aux dealers dans la rue, n'hésitant jamais à les laisser avec bras et / ou jambes cassés mais toujours vivants, une règle que je m'imposais, je compris au bout d'un an combien ce que je faisais était vain. Il y avait toujours un autre dealer pour remplacé le précédent et l’appât du gain dépassait la crainte que j'inspirais. J'ai considéré de durcir mes interventions, de tuer mais m'y suis toujours refusée malgré tout. C'était la leçon la plus violente que j'avais reçu en entrant dans le monde de la thanatopraxie : la mort n'est pas douloureuse ou difficile pour le défunt mais pour ceux qui lui survivent. Alors je décidais de m'attaquer à la source, de remonter la filière et trouver les producteurs de drogue pour endiguer la création. J'ai tenté de jouer avec les règles, prévenir la police en leurs fournissant toutes les preuves nécessaires mais ce n'était pas que la drogue qui proliférait à Chicago mais également la corruption. Les policiers se rendaient aux laboratoires clandestins mais pas pour les faire fermer, ils y récupéraient une enveloppe et prévenaient les trafiquants. Ma lutte s'endurcit encore alors que je détruisais les laboratoires moi-même faute de pouvoir compter sur la police. Ma notoriété ne manqua pas de grandir à ce moment-là mais c'était plus le terme de Justicier que Héros. La différence entre les deux ? Le héros est le type bien, celui qui sauve, protège, agit toujours de la meilleure façon. Le justicier en revanche n'hésite pas à se salir les mains, comme dirait Marv, il fait dans le sonore et le dégueulasse. Même si je n'aimais pas ce titre, il me revenait logiquement par mes méthodes mais Chicago ne pourrait pas être aidée par un héros qui n'était pas prêt à faire ce qu'il fallait. Même moi à refuser de tuer je me compliquais la tâche et même si parfois je doutais de mon efficacité réelle à ne pas tuer, je préférais ne pas le faire et continuais de m'y refuser.


Les années ont passé et une routine n'a pas manqué de s'installer. Vie privée ? Zero, absolument aucune vie privée n'existait pour moi. Ma vie se partageait entre ma blouse blanche et mon costume d'héroïne. C'était intense, ça a laissé plusieurs cicatrices mais finalement il y eut le retour des personnes disparues. Qu'est-ce que cela voulait dire ? Que tout redevenait comme avant ? Non, rien n'est redevenu comme avant, il était hors de question pour moi de raccrocher le costume. Beaucoup de gens bien sont revenus vivre à Chicago après cette absence qui n'avait semblé que quelques secondes pour eux et qui avaient été cinq années entières pour les autres. J'allais bientôt terminer ma formation en thanatopraxie et tous mes rêves d'enfant de médecine avaient disparu, j'aimais mon métier, si noir et sombre qu'il pouvait être. En plus de ça, ce métier me facilitait la vie, d'abord parce que ça me libère=ait un peu plus de temps pour mes activités nocturnes et ensuite parce que cela m'évitait de venir en aide aux mêmes hommes à qui j'ai cassé des dents la veille, enfin je ne risquais pas d'être reconnue par mes "patients". Et puis Chicago n'a pas changé avec le retour de toutes les personnes qui avaient disparu cinq années plus tôt. C'est toujours la même ville souillée par la criminalité et il n'y a aucune raison que Ness disparaisse même si dernièrement les choses ont évolué. Pour terminer ma formation je devais quitter rejoindre une entreprise publique de thanatopraxie pendant une année entière. Il n'y avait malheureusement que deux places et aucune à Chicago : New York ou Las Vegas. Cette dernière étant beaucoup trop chaude pour moi, New York s'imposa très logiquement et cela allait certainement me faire du bien de quitter un peu ma ville natale pour voir autre chose. Plus encore après ce qui est arrivé il y a trois nuits de ça. Je patrouillais comme à mon habitude, trois hommes agressaient un couple et je suis intervenue, fidèle à mon habitude mais les choses ont dérapé. Salement. Tout allait bien, mon intervention s'était même plutôt bien passée mais je n'avais pas vu le quatrième homme, le guetteur qui arriva dans mon dos. J'ai entendu la victime me crier quelque chose, je me suis retournée juste à temps pour éviter la lame du couteau et ensuite … ensuite tout est allée beaucoup trop vite. Je repense encore et encore à ce moment, j'aurai pu frapper de ma main gauche avec mon poing américain et l'envoyer au tapis. Mais non, j'ai tourné son poignet, attrapé le couteau, il a attrapé une arme à feu de sa main valide et j'ai enfoncé le couteau dans sa poitrine dans un réflexe d'urgence en voyant l'arme se lever vers le couple innocent. Il est toujours vivant, son état bien que critique en arrivant aux urgences a pu être stabilisé et s'il est en sale état, s'en sortira quand même. Chaque fois que mes yeux se ferment je me revois agir, j'avais commis une erreur en ne le frappant pas de suite, en voulant le faire souffrir et ça avait failli coûter la vie au couple, ça avait failli coûter la vie à ce criminel. Et plus je me dis ça, plus je m'interroge, la vie des criminels mérite-t-elle vraiment les égards que je lui accorde ? Cette question me glace le sang. Je crois que j'ai besoin de vacances, loin de Chicago, loin de sa criminalité, loin de Ness. Et pourtant dans mes valises pour New York, le premier ensemble à envahir l'une des mes deux valises fut le costume de Ness.