Enchantée de vous enchanter.

Une expression détachée sur le visage, Amora observait le reflet que lui renvoyait le miroir de la coiffeuse devant laquelle elle était installée. Rassemblée assez haut en arrière, sa chevelure aux reflets solaires retombée en une généreuse cascade de larges boucles blondes jusque dans son dos nu. Avec des gestes aussi précis qu'habiles, elle ajoutait les dernières touches d'une main assurée qui semblait avoir fait cela des milliers de fois.

Son maquillage, tout en discrétion et en subtilité, ne faisait qu'achever de mettre en valeur ses traits déjà si séduisants et attrayants, illuminant ce regard à l'éclat d'émeraude qui par le passé avait fait céder tant de volontés.

Derrière elle, dans le reflet du miroir, elle vit approcher l'homme sans qui cette soirée n'aurait pas été possible. Il était déjà prêt, dans un costume complet noir des plus classiques. La seule note de couleur, une cravate d'un vert aussi profond qu'une forêt tropicale. Homme d'affaire influent de la ville de New York, il avait clairement une cinquantaine bien avancée, mais restait malgré tout d'une allure fringante pour son âge. Entre ses mains, il tenait un écrin noir. Avec délicatesse, il se pencha pour venir déposer un baiser dans le cou de l'Ase. En réponse, cette dernière se contenta d'incliner légèrement le visage, comme pour lui donner un meilleur accès à cette gorge d'apparence vulnérable et fragile. Après tout, il fallait bien jouer le jeu. Sans un mot, le propriétaire des lieux se redressa, son visage disparaissant du miroir pour ne laisser s'y refléter que son costume et sa cravate, ainsi que l'écrin, qu'il ouvrit. A l'intérieur, une paires de boucles d'oreilles en rivière de diamants.

"Des diamants pour le plus beau joyau qu'il m'ait été donné de voir."

Se tournant vers l'homme d'affaire, Amora lui sourit, faisant presque mine de rougir face à ce compliment dépourvu d'originalité et ce cadeau.

"Archi, tu n'aurais pas dû ... cette soirée et maintenant, ces bijoux ... jusqu'où iras-tu ?"

*   *   *

A cette heure-ci, les premiers invités étaient déjà arrivés et lancés dans diverses conversations, rassemblés dans l'une des grandes salles de réception, débarrassés de leur manteau et une coupe de champagne en main. Archibald Waldorf se trouvait déjà parmi ses convives. Officiellement, il avait organisé cette soirée pour négocier davantage de contrats, en peaufiner certains, pour nouer un peu plus de relations professionnelles ou renforcées celles déjà existantes, ou encore, pour discuter avec ses nouveaux associés de l'OBIF. Officieusement, il était bien évident qu'il comptait sur cette soirée mondaine pour montrer à tous ses 'amis', sa dernière conquête. Les hommes étaient ainsi ... qu'importait le monde sur lequel ils se trouvaient. Ils éprouvaient ce besoin naturel d'exhiber leurs propriétés, les comparant à celles des autres hommes, s'efforçant sans cesse d'avoir celles ayant le plus de valeurs. Un concours sans fin où virilité rimait avec possession. Et bien entendu, les femmes faisaient partie de ce qu'ils considéraient être ... l'une de leurs propriétés.

Ce fut à ce moment là qu'Amora fit son entrée, apparaissant sur la mezzanine de l'étage supérieure. D'un regard, elle caressa cette assemblée d'invités, cherchant du regard Archibald. Les mains posées sur la rembarde, surplombant l'espace d'un instant toutes ces personnes, elle se tenait là, dans une robe sirène en soie d'un vert profond et sombre, les épaules et le dos dénudés. A ses oreilles, le cadeau de Waldorf s'écoulait dans une myriade d'éclats scintillants. Alors, d'une démarche pleine de grâce, Amora se dirigea vers les escaliers qui la conduiraient jusqu'à la salle de réception. Avec légèreté et sans un faux pas, ni le besoin de se tenir à la rampe, elle descendit les marches de marbre blanc, et ceci malgré les escarpins noirs aux talons effilés qu'elle portait à ses pieds. Lorsqu'Archibald l'accueillit au bas des marches, lui offrant une main, elle la saisit avec délicatesse, tout en lui adressant un sourire plein d'affection.

Le spectacle pouvait commencer ...

Au bras d'Archibald, Amora se laissa guider parmi les convives de cette soirée mondaine. Des présentations devaient être faites, sinon, comment Waldorf aurait-il pu faire voir à tous sa nouvelle conquête ? Ici, il n'était nulle intention d'introduire une nouvelle personne au sein de la société mondaine de Manhattan. Non. Toute cette petite mise en scène n'avait pour seul but que de nourrir l'ego d'Archibald, de le mettre en valeur aux yeux de ses confrères de la 'haute'. Et tout cela, Amora en avait parfaitement conscience ... cela faisait en quelque sorte, partie du deal. Waldorf lui assurait pour un temps un toit et le confort de sa fortune, et en retour, l'Ase offrait à ce dernier un certain prestige de par sa simple présence.

Et de toute évidence, Archibald avait réussi son coup, tout autant qu'Amora avait réussi son entrée, puisqu'une bonne partie des invités semblaient impatients de faire connaissance avec cette nouvelle jeune femme. Si tôt cette dernière apparue à la réception, tous les regards s'étaient tournés vers elle, et les conversations s'étaient mises à se porter sur elle.

"Très chère, laisse-moi te présenter-"

Mais avant que Waldorf n'ait eu l'occasion de terminer sa phrase, une jeune femme l'avait interrompu, le prenant de vitesse en se présentant d'elle-même. Apparemment, cette personne là n'avait pas l'intention de laisser qui que ce soit lui passer devant. Il s'agissait là d'une ravissante personne à la chevelure flamboyante et au regard pétillant d'entrain et de détermination. Ainsi donc, Amora se trouvait face à une jeune femme aux multiples casquettes, dont celle non négligeable, de membre important de l'OBIF. A la façon dont Archibald parlait de cette société, il était clair qu'elle était d'une importance capitale pour lui.

Mais une autre information donnée par la rousse retint également l'attention de l'Ase : le fait qu'elle avait mentionné travailler pour le SHIELD. Ainsi donc, cette organisation n'était jamais bien loin, et de toute évidence, le Borgne continuait de garder son œil sur la blonde. Rien de surprenant à cela. Non. Ce qui l'était en revanche, c'était la forme sous laquelle cette surveillance venait de se présenter à Amora. Sous les traits d'un joli minois emballée dans une sublime robe azurée.

"Ravie de faire votre connaissance, Mademoiselle Orchent"

Cette réponse, l'Ase l'avait prononcée d'une voix qui semblait glisser tout en douceur, et que pourtant, rien ne semblait pouvoir arrêter. Ses lèvres, d'un rose naturel, s'étaient courbées en un prémisse de sourire, tandis que ses iris d'émeraude s'étaient posés sur Lucy avec un intérêt non dissimulé. Waldorf s'imaginait pouvoir la présenter tel un objet de collection, une propriété dont il était l'unique détenteur. Le moment était donc venu d'élever le jeu à un autre niveau, de montrer à Archibald qu'il n'était pas le maître de la situation qu'il s'était imaginé être ... le moment était venu pour Amora de se montrer farouche et espiègle, ce qui à n'en pas douter, la rendrait encore plus désirable. L'inaccessible avait de tout temps provoqué l'envie. Et cette Mademoiselle Orchent serait le premier pion qui permettrait à l'Ase de jouer cette partie.

Avec délicatesse, Amora quitta alors le bras de Waldorf, se détachant de lui. Une rupture dans ce qu'il convenait habituellement de faire lors de ces soirées. Mais, l'Ase était une spécialiste des entorses aux protocoles. Se rapprochant de Lucy Orchent, la blonde lui adressa un sourire bien plus franc cette fois, se montrant particulièrement amicale. En un geste, Amora venait d'éclipser tous les autres invités rassemblaient autour de Waldorf, pour ne tenir compte que d'une seule personne : Lucy. La situation idéale pour porter une nouvelle estocade.

"En alliant une telle beauté avec un tel génie ... vous devez donner bien des cauchemars à tous ces messieurs, non ?"

Avec provocation, Amora fit courir son regard sur les hommes ressemblés aux côtés de Waldorf, avant de laisser son rire cristallin se faire entendre. Satisfaite de ce coup porté, l'Ase reporta une nouvelle son attention sur la jeune femme à la chevelure rousse.

"Je serais ravie de passer une partie de la soirée en votre présence, Mademoiselle Orchent. Je suis persuadée que nous avons beaucoup de choses à échanger."

Avec la plus grande des délectations, Amora s'amusait intérieurement de l'émoi qu'elle provoquait chez les invités rassemblés autour d'Archibald alors que ce dernier était sur le point de la présenter à tous. Et quel ne fut pas son plaisir lorsqu'elle décela également chez Lucy Orchent, cette fascination quasi hypnotique qu'elle ne manquait jamais de susciter ... elle qui s'était présentée comme étant, entre autre, liée au SHIELD.

Bien que coutumière du fait, l'Ase ne se lassait jamais d'observer et d'apprécier l'impact de ses charmes sur son entourage. Si les Nornes avaient décrété que cette beauté serait une malédiction, alors Amora était bien déterminée à se jouer de cette triste farce afin de contrarier les desseins des Tisseuses.

Un nouvel éclat de rire fut la réponse de l'Ase au premier trait d'humour de l'héritière Orchent. Une réponse sur mesure à la petite provocation qu'Amora avait lancée aux phallocrates rassemblés dans cette salle de réception et qui semblaient constituer l'entourage de Waldorf.  

"Vous êtes une personne ambitieuse et déterminée ... j'aime cela", confessa l'Ase après le clin d'œil de son interlocutrice et cet instant de complicité qu'elle s'était permise.

Les yeux légèrement plissés et pétillants de malice, le sourire mutin, Amora observait la jeune femme sans chercher à dissimuler l'intérêt qu'elle lui portait.

Oui. La jeune femme à la chevelure rousse était parvenue à surmonter l'appréhension que l'asgardienne pouvait parfois provoquer de par sa simple présence aussi intimidante qu'envoûtante. D'une certaine façon, cela pouvait s'apparenter à du courage ... ou bien à de la folie, auraient dit certaines peuplades des Neuf Mondes. Mais sur certains aspects, Amora l'impression de se reconnaître chez cette Mademoiselle Orchent, décelant quelques similitudes entre leurs tempéraments.

Ce fut à ce moment que Lucy présenta son cavalier du soir : Vincent van Saar, le président d'OBIF. Une poignée de main plus tard, l'homme s'était éclipsé. De toute évidence, son expérience de la vie et la sagesse de son âge l'avaient mis en garde face aux périls que pouvait représenter une femme telle qu'Amora. Et ainsi, il avait opté pour la fuite, quitte à abandonner sa cavalière derrière lui.

Face à ce revers de fortune, Mademoiselle Orchent parvint à se ressaisir et à reprendre le contrôle de la situation grâce à un nouveau trait d'humour, plaisantant sur la signification du prénom 'Archibald'. Une jolie pirouette qui ne manqua pas de tirer un nouveau sourire des lèvres de l'Ase.

"Et bien, si vous voulez mon avis, d'ici quelques années, l'homme devrait être raccord avec le prénom", répliqua l'Ase d'une voix amusée et taquine.

Une nouvelle fois, l'asgardienne se permit un rire, mais ce dernier fut plus discret, ne semblant vouloir être partagé qu'avec son interlocutrice, tout comme sa boutade envers Archibald. Ce fut à cet instant que la jeune Lucy lui demanda si elle souhaitait poursuivre avec le vouvoiement, ou bien si elle désirait laisser le tutoiement prendre le relais. Une manière subtile de faire un nouveau pas en direction d'une relation bien plus complice ... et possiblement, d'endormir la prudence dont il pouvait être habituel de faire preuve à l'encontre d'une relation du SHIELD. Mais malgré cette hypothèse, Amora préserva son sourire et la douceur de ses traits. Ici, tous portaient des masques, et il était possible que Mademoiselle Orchent en fasse autant.

"Que voilà une proposition qui bouscule des conventions du milieu au sein duquel nous évoluons ce soir, fit remarquer l'Ase non sans une pointe d'intrigue et d'amusement dans la voix. Je n'ai rien contre le tutoiement, mais prenez garde, Mademoiselle Orchent ... si cela venait à se savoir, nulle doute que cela fera jaser."

Usant du même procédé que Lucy un peu plus tôt, Amora se pencha légèrement en direction de son épaule, instaurant une certaine forme de proximité et de connivence entre les deux femmes, gardant cette expression malicieuse aussi bien sur son visage que dans son regard. Nulle doute que la subtile odeur florale du chèvrefeuille qui accompagnait naturellement l'Ase, ne manquerait pas une fois encore de venir taquiner l'odorat de la rousse.

"Aussi bien parmi ces personnes réunies ce soir ... qu'au sein du SHIELD."

Se redressant, Amora adressa à son interlocutrice un sourire beaucoup plus radieux, presque ... provocateur.

Face à l'attitude de l'Ase et ses multiples atouts, la jeune femme parut un bref instant décontenancée, ce qui ne manqua pas d'étirer un peu plus le sourire d'Amora dont le regard perçant se ficha avec un peu plus d'insistance dans les yeux de Lucy. Etait-ce du doute ou de la peur qu'elle venait d'y percevoir ? Possible. Mais bien vite, le petit chaton retrouva son aplomb, tout autant que sa voix, rétorquant avec sincérité que d'après elle, le SHIELD la connaissait suffisamment pour savoir l'effet que l'asgardienne produirait sur elle, et par conséquent, le parti pris que Mademoiselle Orchent ne manquerait pas de prendre en rapportant ses observations et ses analyses.

Bien. Amora se trouvait donc face à un instrument du SHIELD. Ce n'était pas une grande surprise, et encore moins une source d'inquiétude. En revanche, l'honnêteté de Lucy ne manquait pas d'être notée. La jeune femme n'avait pas tenté de dissimuler la vérité, et à présent qu'elle se confiait, elle ne manifestait pas non plus le moindre signe de stress. Alors, à moins d'être une excellente comédienne, tout tendait à prouver qu'elle n'était pas poussée par une volonté de manipulation.

Lorsque Lucy se plaça aux côtés de l'asgardienne pour venir glisser son bras au creux du coude d'Amora, celle-ci se laissa faire, acceptant ce pas supplémentaire sur le terrain de la complicité. Un silence s'installa entre les deux femmes, moment durant lequel, la blonde soupçonna la rousse de profiter de l'instant. Puis, finalement, avec la même simplicité que précédemment, Lucy fit remarquer que toute cette soirée ne pouvait que conduire le monde à jaser à leur sujet. Chacune à leur façon, et avec leurs objectifs propres, elles avaient délaissé leur cavalier, et ceci sans même chercher à se cacher. Et à présent, elles manifestaient à la vue de tous, un rapprochement physique qui ne pouvait que faire naître des murmures. Et cette forme de provocation ne déplaisait pas à l'Ase. C'était même tout un art dans lequel elle avait toujours excellé, celui de fleurter avec les limites, de se jouer des conventions et des étiquettes ... de défier les autorités.

"Très bien ... puisque vous avez fait le choix de jouer franc jeu avec moi, je vous en prie ... poursuivez", annonça la blonde d'une voix douce et presque sirupeuse.

Une invitation dont le véritable objectif n'était pas bien difficile à deviner, tant le chemin vers lequel elle conduisait, pouvait s'avérer glissant. Amora tourna alors son visage en direction de la midgardienne, lui adressant une nouvelle fois son sourire charmeur et son regard aguicheur.

"Qu'est-ce que ce cher Nicholas attend de vous à mon sujet ?"

Quelle était la mission que le SHIELD avait confiée à cette délicate Mademoiselle Orchent ? Simple surveillance ? Demande de garantie ? Une question qui attisait la curiosité de l'Ase.

"Savoir si je me suis bien intégrée à la société de New York ? Si je ne fais pas trop de vagues ? Si je n'abuse pas de mes talents ou si je ne suis pas retombée dans mes vieux travers ?"

Un nouveau rire fila d'entre les lèvres d'Amora, qui depuis son arrivée, avait bien entendu déjà coché quelques mauvaises cases, même si elle avait fait en sorte de rester discrète ... tout du moins à une certaine échelle. Après tout, elle n'était pas encore passée au journal du soir sur une antenne nationale. Mais oui, elle avait usé de ses charmes pour ... accéder à un certain confort de vie ... à un certain standing. Mais après tout, les midgardiens n'agissaient-ils pas également de la sorte lorsqu'ils en avaient l'opportunité ?

Une tension presque imperceptible s'empara de la rousse, tel un frisson sous sa peau. Son visage si avenant semblait peu à peu perdre de son éclat naturel, comme si un ombre était venue se diluer dans ses traits et dans son regard. Cette ombre portait un nom : le doute. Le tout sans doute saupoudré d'une pincée de crainte. C'était le genre de choses qui pouvait arriver lorsque l'on jouait avec des êtres du statut de celui des asgardiens, et que l'on réalisait soudain que les dés étaient sans doute pipés. Et bien qu'elle se tenait toujours au bras de la blonde, Lucy semblait vouloir réintégrer un peu de distance avec son interlocutrice, tout du moins au travers de son attitude. C'était ce que son corps renvoyait, bien qu'elle fut tout de même capable de prendre sur elle afin de poursuivre cette conversation.

Lorsque l'Ase lui demanda qu'elles avaient bien pu être les directives du directeur du SHIELD, la jeune femme sembla surprise et interrogative à la mention du prénom de ce dernier. De toute évidence, soit les dits ordres n'avaient pas été directement donnés par le borgne à la tête de l'agence, soit ... Lucy feignait de ne pas comprendre. Mais, ce genre de fourberie ne semblait être le style de la jeune femme. Aussi, Amora préféra ne pas remettre en question sa parole, ni même ses interrogations. Le mensonge n'émanait pas de cette personne ... Amora en était convaincue.

Alors, Mademoiselle Orchent confessa n'avoir reçu que peu d'informations sur l'Enchanteresse, et c'était sans doute ce qui expliquait cette première approche si pleine d'assurance et de convivialité. Ainsi donc, ses employeurs l'envoyaient au front sans véritable préparation ... c'était presque de l'inconscience à ce niveau-là. Avec attention, le regard légèrement plissé sous l'effet de l'intérêt soudainement redoublé, l'Ase ne perdit pas un mot des propos de la jeune femme ... de ses observations à son sujet. Le fait que d'après elle, elle était bien intégrée dans la société midgardienne, qu'elle était malgré tout restée une parfaite inconnue aux yeux du monde, et surtout, qu'elle avait su se faire une place notamment en se faisant entretenir. Sans aucune volonté de le dissimuler, un fin sourire s'étira depuis l'un des coins de ses lèvres. Amora était-elle vexée par une telle description ? Pour quelle raison l'aurait-elle été ? Puisqu'après tout, ce n'était ni plus ni moins que la vérité ... une vérité qu'Amora avait pleinement souhaité.

Toutefois, quelques interrogations semblaient demeurer pour cette chère rousse, puisqu'elle se demandait, avec une nouvelle pointe de doute et de crainte dans la voix, si l'attrait que l'Ase provoquait était naturel ou non, et si cette dernière s'en servait d'une façon qui l'aurait conduite à ne pas respecter la loi. Lucy s'était finalement détachée de l'asgardienne, parvenant ainsi à réintroduire cette fameuse distance de sécurité tant recherchée ... mais également à se tenir face à la blonde. Pour autant, elle n'avait pas été capable de totalement rompre le contact physique, sa main étant restée délicatement posée sur le bras d'Amora.

Et puisque Mademoiselle Orchent avait joué cartes sur table ...

"J'aime faire des vagues ... j'aime être dans l'insolence ... fleurter avec les limites et les transgressions, annonça Amora, avec un sourire aussi radieux que provocateur. Je ne suis pas femme à me soumettre et à accepter l'autorité. Un défaut, j'en ai pleinement conscience ... mais que voulez-vous ? Il n'est pas évident de se refaire. Surtout pas après deux siècles d'existence."

Marquant une pause, sans pour autant laisser son sourire faiblir, Amora balaya la foules des convives d'Archibald de son regard émeraude, avant de reporter son attention sur Lucy. Avec douceur, elle vint posée ses doigts fins sur la main que son interlocutrice avait laissé sur son bras.

"Ai-je toujours été ainsi ? Les mauvaises langues vous diront que 'oui'. Mais la vérité est toute autre., poursuivit l'Ase, ses iris toujours fixés dans ceux de la rousse. Ce sont justement ces autres qui m'ont modelée ainsi ... leurs craintes à mon égards, basées sur de folles suppositions, m'ont façonnée ... faisant de moi ce que justement ils craignaient que je ne devienne. Ironie du sort, quand tu nous tiens. La boucle est bouclée, à l'image de Jörmungand."

Pour autant, et malgré ses possibilités, l'Ase n'avait pas véritablement abusé de ses capacités de séduction et de manipulation. Bien entendu qu'elle y avait eu recours, s'attirant les faveurs d'un tel ou d'un tel, obtenant ce qu'elle n'était pas en mesure de se procurer directement, notamment par manque d'argent. Oui, elle s'était choisis des individus fortunés qui lui avaient offert une vie de luxe, en échange de pouvoir se pavaner avec elle à leur bras. Mais c'était si peu comparé aux ravages dont elle aurait pu être la source. Quant à une éventuelle magie dont elle aurait pu user ... à cette idée, le sourire de l'Ase déclina, tout autant que son regard. D'un geste à la fois rapide et pourtant dépourvu de la moindre brusquerie, Amora retira sa main de celle de Lucy. Presque nerveusement, elle laissa une nouvelle fois ses iris se porter rapidement sur les visages de parfaits inconnus qui se tenaient présents à cette soirée. Midgard était l'occasion de tout recommencer à zéro. De ne pas laisser les autres déterminer pour elle la personne qu'elle souhaitait devenir. Pour autant, cette nature avec laquelle elle avait vécue deux siècles durant, était parfois difficile à réprimer.

"J'imagine ne rien avoir fait de mal ou de contraire à vos lois et à votre morale ... tout du moins, pas volontairement., répondit l'Ase, la gorge quelque peu pincée. Quant à l'attraction que je fais naître chez les autres ... elle est naturelle, et en aucun cas liée à une quelconque aptitude surnaturelle. Je ... je n'ai plus accès à la magie qui était la mienne. J'en suis à présent totalement dépourvue."

Ces derniers mots, Amora les avait presque prononcés d'une façon précipitée, comme pour abréger la souffrance qu'ils lui infligeaient. Comme pour se débarrasser au plus vite d'une situation inconfortable et douloureuse, telle une flèche que l'on retire d'un coup sec.