Se rencontrer et se comprendre [PV Ezekiel]

Le sujet douloureux et sensible concernant le Prince des Voleurs ayant été survolé, effleuré malgré les braises encore brûlantes de la rancoeur siégeant dans le palpitant de son (ancien?) meilleur ami, ce dernier s’efforce de chasser les vestiges de tristesse que cette évocation lui a procuré, et qui traversent son visage comme des ombres funestes. Bella Donna n’est point concernée par cette histoire, et s’il apprécie la pudeur et le respect qu’elle démontre par son absence de curiosité, il n’a pas envie de lui faire payer les querelles de son époux. « J’en suis ravis. » Il lui renvoie un sourire complice avant de l’imiter, venant également boire une gorgée de sa boisson en recentrant pleinement ses pensées sur la conversation, dirigée à présent sur l’établissement en lui-même. Ou, du moins, ce qu’il a été par le passé.

Il le sait, Bella Donna était déjà présente lorsque le Devil’s portait le nom de White Rabbit Hole, puisqu’il fut lui-même un client aguerri de l’ancien night-club. Si les nombreux changements ne lui ont causé aucune fracture, il se questionne sur sa comparse qui, cette fois, se montre bien plus bavarde. « C'est vrais, mais même si j'aimais beaucoup l'ancien et que j'y avait un attachement sentimentale, Tu en as fait quelque chose de bien. » Les coudes appuyés sur la table, il fronce légèrement ses sourcils sans perdre son sourire, intrigué par la nostalgie évidente qui pointe dans sa voix, et qui peut paraître exagérée lorsqu’on évoque simplement des murs. « J’ai mis un peu de temps avant de songer a y venir, il faut dire que j'avais... un lien particulier avec la première propriétaire. » Ils se doutent qu’elles étaient plus que de simples amies, mais ne dit rien ; il presse plutôt ses lèvres l’une contre l’autre dans un silence respectueux, gardant tout de même le contact visuel avec la blonde pour lui signifier son écoute attentive. « Nous étions amantes. » - « Je suis désolé pour ta perte. » Sincère, il redresse légèrement ses épaules en faisant signe à son serveur de remplir de nouveau leurs verres, sans savoir si elle partage sa capacité d’absorption : lui, en matière d’alcool, il est proche de l’éponge. « Parfois les choses doivent changer je suppose. C'est triste, mais c'est ainsi. » C’est exactement ce qu’il vient d’évoquer avec Remy, alors il comprend parfaitement l’abnégation dont elle fait preuve ; la peine et l’attachement ne sont pas toujours suffisantes à entretenir des relations, qui ne sont pas vouées à perdurer. « C’est triste, oui, mais nous n’avons pas d’autres choix que d’accepter ces changements. » Marquant une petite pause, il glisse l’une de ses mains dans son épaisse chevelure composée de boucles brunes, avant de rire de bon coeur à ses côtés. « Si on m’avait dit que je commencerais l’année ici… Comme ça… Avec ma soeur, sa femme, la femme de mon frère, mes neveux… Non, vraiment, je ne l’aurais pas cru. »  Buvant une gorgée de sa boisson, il repose ensuite son verre en tournant le menton vers elle, curieux d’en savoir plus sur sa présente situation. « Qu’est-ce que tu fais en ce moment, toi ? »

Ezekiel ignore pourquoi il ne se souvient pas tellement de la fameuse propriétaire des lieux, puisqu’il lui semble qu’il a toujours côtoyé celui qui fut à la fois son bourreau et sa victime : Charlie Swanson. Cette ordure n’était donc pas le détenteur des anciens murs ? Le russe ne comprend pas grand-chose à l’histoire qui lui est relatée mais, dans les faits, il ne s’attarde pas outre mesure sur le pourquoi et le comment, se contentant de noter que sa mémoire a occulté le reste pour ne garder que le visage de son assaillant, dont il a pu admirer le dernier souffle. Cela ne l’empêche pas d’être sincèrement compatissant pour la perte de Bella Donna, en faisant signe au serveur de leur concéder quelque chose à boire. « Tu n'y peux rien et je suis contente que tu ais reprit le flambeau. » Il esquisse un sourire reconnaissant en hochant très légèrement son menton de haut en bas, sans encore la quitter des yeux. « Je l'aurait vraiment mal prit si notre ancien repaire avait été transformé en banque ou en je ne sais quel agence immobilière... Les choses sont parfaite tel qu'elles sont. » S’il a grimacé durant son discours, il se permet ensuite de rire en passant l’une de ses mains sur son visage aux traits froissés, comme si la fatigue s’était considérablement accumulée sur sa peau. « Je dois t’avouer que je ne suis pas peu fier de mon établissement… C’était un pari risqué, et rares étaient ceux qui me soutenaient dans ce projet. Mais je l’ai fait quand même. » Se penchant légèrement vers Bella Donna, il lui murmure sur le ton de la confidence : « Il paraît que je suis borné. » Têtu comme un âne, même : impossible de le faire changer d’avis quand il a une idée en tête. Mais certains diront que c’est une qualité, lui en faisant partie.

Tout comme la blonde, Ezekiel n’est guère effleuré par les effets de l’alcool, beaucoup trop habitué à en consommer à outrance pour subir leurs affres à travers de boissons aussi légères. « Merci, pour le prochain verre, je propose qu'on parte sur quelque chose de plus fort. J'ai cru comprendre que c'est ce que tu aimes le mieux. » La clairvoyance de son interlocutrice découpant ses lippes dans un sourire, il baisse légèrement le menton en faisant tourner son verre dans sa main, amusé d’être aussi peu expressif à son contact. Peut-être parce qu’il baisse sa garde, et qu’il n’est pas autant sur la défensive et la méfiance qu’avec les autres ? « Disons que je suis tellement habitué que… ça… » il relève légèrement son verre pour indiquer qu’il parle de ce dernier « …c’est presque du jus de fruits pour moi. » La comparaison est peut-être douteuse, mais comme son addiction l’est tout autant, c’est cohérent. « Honneur aux dames ; qu’est-ce que tu veux ? » Il attend sa réponse avant d’interpeller de nouveau le serveur afin qu’il réponde à l’exigence de son amie, avant que la conversation se poursuive. « Et bien, on peut dire que c'est la routine, j'ai eu quelques gros contrat qui m'ont permit de me constituer un joli pactole, alors j'en profite. » Ezekiel hoche alors son menton de haut en bas en laissant un petit sourire prendre possession de ses lèvres, tandis qu’il apporte son verre à ses lèvres afin d’en boire une première gorgée. « Et qu’est-ce que tu vas faire de ce fameux pactole ? Voyager ? T’acheter une maison pour élever des enfants avec Remy ? » La deuxième option lui paraît beaucoup moins probable que la première mais, dans le doute, il demande quand même. Sait-on jamais, sur un malentendu.

« C’est une bonne chose. Il faut l'être pour obtenir ce qu'on veut. » Il avoue être borné — un des rares défauts dont il admet volontiers être doté, mais Bella Donna juge que c’est davantage une qualité puisqu’elle permet d’accéder aux objectifs fixés, et il ne peut qu’approuver d’un bref hochement de tête. « Je ne suis pas sûr que tout le monde soit de ton avis. » Ce n’est pas vraiment dit avec tristesse mais plutôt avec amusement puisque, peu importe la façon dont on considère ce pan de sa personnalité, il ne compte pas vraiment le corriger. Borné dans le fait d’être borné, c’est cohérent.

Délaissant les alcools légers pour quelque chose de plus fort, le serveur revient en leur direction pour noter la demande de la dame, avant de partir de l’autre côté du comptoir pour prendre une bouteille en verre ouvragé, tenu dans une étagère en verre au-dessus du plan de travail ; il revient avec cette dernière pour remplir deux verres, qu’il tend à chacun d’eux, avant de s’éloigner pour reprendre le rangement de son bar. « À la tienne. » fit-il d’une voix douce en venant toquer gentiment son verre contre le sien, lui adressant un sourire enjoué avant de boire une gorgée de son verre, appréciant les accents de la liqueur ambrée durant quelques secondes avant d’hocher son menton de haut en bas. « Il est excellent. » Reposant son verre devant lui sans éloigner sa main, puisque celle-ci s’amuse à faire tourner sa boisson contre sa paume, sans véritablement s’en rendre compte. « Je n'ai pas d'idée de voyage actuellement, mais je pense que je vais en mettre une partie de coté pour assurer mes arrières et garder le reste  juste pour le plaisir. » Elle est prudente et raisonnable, et cela le fait lentement sourire car il ne peut s’empêcher de songer qu’elle est parfaitement accordée avec Remy, qui a toujours été bien plus sage et mesuré que lui. « Pour les enfants on va oublier, je n'ai pas la fibre maternelle. » Il presse ses lèvres l’une contre l’autre, sans savoir si c’est un aveu résigné ou douloureux, ne sachant pas tellement s’il doit employer la compassion pour considérer que c’est suffisamment admis et accepté pour passer outre sans dommage. Il se rend également compte, en cet instant, qu’il ne sait pas si Remy veut des enfants ou non — il sait en revanche qu’il refuse d’en faire les victimes de leurs méfaits, ceci étant une des règles parmi les Joueurs. « Je comprends. » commence-t-il à dire en redressant son menton pour regarder le liquide doré dans son verre. « Faut dire qu’on a pas vraiment la vie adéquate pour un enfant, mais… » Il ne pense pas vraiment à sa propre descendance, mais plutôt à celle de sa fratrie ; depuis quelques semaines, il accueille sa belle-soeur et son neveu, et lui qui n’aimait guère les enfants se surprend à éprouver une affection débordante pour ce dernier. « J’ai mon neveu, depuis un petit moment et… Ces mini-humains ont un vrai don pour gagner le coeur des adultes, je t’assure. » L’ébauche d’un sourire se dessine sur ses lèvres tandis qu’il boit une seconde gorgée, sans la quitter des yeux. « Peut-être que ça changera un jour, ou pas. Le plus important est que tu ne souffres pas de ta situation. »

Il la rejoint sur le mot employé pour qualifier le whisky dont ils peuvent se délecter avec plaisir, si bien qu’il hoche son menton de haut en bas pour approuver ses dires, en considérant son verre pendant quelques secondes comme s’il réalisait, par sa couleur et son goût, à quel point la boisson était de qualité. « Je ne savais même pas qu’on avait ça… C’est pas moi qui gère le bar, pour être honnête. » Il s’occupe de superviser bien des choses au sein du Club — principalement de tout ce qui relève du caractère illégal de leurs activités, mais la gestion du bar n’en fait pas partie. Un léger rire emportant ses lèvres, il repose calmement son verre tout en pressant ses lèvres l’une contre l’autre, avant de tourner son menton en direction de Bella Donna.

Il apprend, ainsi, que son amie n’a pas eu de vrai modèle maternel sinon celle d’une mère effacée, vivant dans l’ombre d’un père qui l’a poussée à commettre son premier meurtre à l’âge de dix ans… Finalement, il se dit que son père n’est pas le pire que la Terre ait porté. Ça fait relativiser, c’est clair. Les yeux légèrement écarquillés, il cause ses sourcils en mordant dans le coeur de sa lèvre, comprenant fort bien pourquoi la blonde est d’une telle froideur : elle a été obligée, dès le plus jeune âge, à se blinder pour survivre. « Ton père était… » Un connard ? Une enflure ? « Particulier. » Il est diplomate, Ezekiel. Mais pas bien longtemps. « Et un enfoiré aussi. » Prenant son verre pour l’apporter de nouveau à ses lèvres, il en boit une gorgée en se disant que tout ceci est foncièrement horrible ; comment un homme peut-il forcer sa propre fille de dix ans à ôter une vie ? Lui, qui n’est guère dans ce rôle de père, ne pourrait jamais imposer une telle chose à son neveu, quand bien même baigne-t-il dans le monde de la Pègre… Non, vraiment, il ne comprend pas. « Si tu veux mon avis, c’est ton père le souci, et pas le contexte autour. Jamais je ferais une telle chose à mon neveu, ou à n’importe quel gamin, alors mes propres enfants ? » Si tenté est qu’il en est un jour. C’est mal parti. « Toi-même tu ne le ferais pas. C’est bien que le souci est ailleurs. » Et pas la peine de chercher bien loin : papa Boudreaux est le seul coupable. Il le voit, d’ailleurs, que Bella Donna l’accuse sans hésitation aucune, et il y a fort à parier qu’elle se chargerait elle-même de le tuer s’il était encore de ce monde ; Ezekiel ne la blâme pas, il comprend très bien pourquoi et l’aurait même soutenu. « Tu le tuerais si tu le pouvais, n’est-ce pas ? Tu comprends, alors, pourquoi c’est parfois nécessaire de faire justice soi-même. » Parce que c’est un combat personnel, un geste pour laver son honneur autant que pour apaiser ses douleurs internes : dommage que cette pensée-là ne soit pas partagée par tout le monde, pense-t-il en buvant une nouvelle gorgée de sa boisson. « Il va falloir que je te quitte, le devoir m’appelle. » Un peu ennuyé, il soupire en balançant sa nuque d’un côté et de l’autre, dans l’espoir illusoire de détendre ses muscles endoloris. « Tu restes un peu, ou tu pars ? »

« Alors comme ca, Monsieur le grand patron n'est même pas au courent des trésors qu'il possède dans son propre établissement? » Il pourrait grimacer de gêne ou de honte, si seulement il était familier des deux émotions citées : Ezekiel préfère hausser ses épaules avec dédain en affichant un sourire amusé, surélevant ses sourcils comme pour signifier que cela ne lui importe pas vraiment. « Je gère d’autres trésors, on va dire. » Il ne pense pas avoir besoin de préciser que les trésors en question concernent aussi bien de l’argent liquide destiné à être blanchi, de la drogue ou encore des armes stockées dans les sous-sols de l’établissement où ils sont confortablement installés. Elle sait, Bella Donna, que son complice du jour est loin d’être un enfant de choeur, tout comme il connaît le caractère meurtrier de celle qui est assise à côté de lui, sans que le caractère douteux de leurs activités respectives ne vienne entacher l’amitié qu’ils partagent.


Pour preuve, elle se livre à des confidences douloureuses quant à son enfance, qu’il découvre être profondément meurtri par les croyances d’un père qui n’a sûrement rien à envier au sien. « "Il ne faisait que respecter les codes. J'étais destinée a reprendre la tête de notre guilde a la Nouvelle Orléans. Je devais être a la hauteur et c'est ce que j'ai fait. A la suite de cette première épreuve, je n'ai pas cesser de marcher sur ses pas. Je suis devenue celle que je suis aujourd'hui. J'ai apprit le métier et ses travers. Mais a présent, je ne sais rien faire d'autre. » Il presse ses lèvres l’une contre l’autre en ne sachant véritablement comment statuer le ressenti de Bella Donna : si elle concède à reconnaître que forcer une gamine de dix ans à abattre un homme est monstrueux, elle semble néanmoins alléguer des excuses à son paternel, démontrant une empathie dont il ne se pense pas capable. « C’est un peu triste, dit comme ça. Je ne me voyais pas gérant d’un établissement comme le Devil’s et pourtant… Il suffit parfois de saisir les opportunités qui se présentent à nous. » - « Les choses son différentes dans le monde de l'assassinat. On apprends a se couper de notre humanité. C'est ce que mon père a voulut faire en me séparant de Remy et en rejetant la faute sur lui. » Il fronce légèrement les sourcils en plissant les paupières, se souvenant que Remy lui avait raconté leur mariage, durant lequel il a tué son frère… Du coup, il l’a tué ou pas ? « Je l'ais haïs, et je me nourrissait de cette haine. C'est avec elle que j'ai fonder une nouvelle guilde a New-York. Et maintenant que je sais qu'il m'a trahis, je continue a travailler uniquement pour mon propre compte. » Il entend ses paroles et elles le font soupirer parce qu’il ne sait pas trop quoi en penser, mais l’incertitude ne l’empêche pas d’hocher son menton de haut en bas en signe de compréhension.

Ils sont tous les deux d’accord sur le fait que le père de Bella Donna a eu une conduite discutable lorsqu’elle était enfant, mais Ezekiel ne le formule pas comme un reproche assassin, puisque lui-même n’a pas eu la chance de connaître un père qui fait office de figure à imiter — ce qui n’empêche pas Ezekiel d’emprunter la même voie que le sien, mais c’est un autre débat. Ils sont également du même avis concernant la justice à mener soi-même, et cela fait naître un sourire sur les lèvres du brun, qui se doit de prendre congé de sa compagnie pourtant agréable. Bella Donna est une femme d’esprit, qui est capable de prendre du recul sur les situations, et nul doute qu’ils seront amenés à approfondir ce lien d’amitié à l’avenir. « Le plaisir est partagé, j’espère te revoir bientôt. » Elle se lève la première, et le gérant l’observe un instant s’éloigner en lui offrant un dernier sourire, avant de rejoindre son bureau, gardant un doux souvenir de cette entrevue et de cette amitié peut-être inattendue, mais qu’il chérit déjà.