[Terminé] L'exploit

« Il est quand même sacrément bon, ce gamin. » Assène Ivan en ricanant les lèvres pincées, ces dernières retenant en otage un cigare allumé, dont la fumée s’élève dans l’espace clos où ils sont tous deux assis, les vestiges d’une partie de poker encore étalés sur la table. La nuit a été longue, comme toutes les autres pourraient-ils dire mais, cette fois, un élément tout à fait incroyable est survenu, bouleversant le rythme de la nuit : il a réussi. L’italien dont le père a été tué entre ces murs, a réussi à braquer la banque fédérale de New-York, alors que personne, ici, ne croyait que cela serait même possible. De mémoire, personne n’avait réussi, jusqu’ici… Les chaînes de télévisions ne cessent de repasser en boucle les images de l’immeuble immense, entouré par des banderoles de police, les plus hauts fonctionnaires des forces de l’ordre s’étant rassemblés à cet endroit pour mener l’enquête. « Tu crois qu’il va revenir ? » reprend Ivan, puisque son patron n’a rien répondu à sa phrase précédente. « Il serait con de revenir. » Le ton n’est pas particulièrement mauvais, car il peut le comprendre ; l’argent n’est pas un problème pour lui, il ne nourrit donc aucune aigreur ou jalousie envers celui qui redore un peu le blason des siens par cette prouesse. « Il a réussi à décrocher un pactole, là-bas. Il doit déjà être loin à l’heure qu’il est. » Il passe une main dans ses cheveux avant de lancer un regard vers Ivan, qui semble rêveur ; peut-être s’imagine-t-il à la place du rital, couvert d’envie et d’admiration par les membres de la Pègre, pour ceux qui savent qu’il est l’auteur de cette action.

« Je vais rentrer chez moi, tu m’appelles au besoin. » Ivan ne réagit pas vraiment, ses yeux exagérés fixant un point invisible tandis qu’il tire une bouffée sur son cigare ; Ezekiel le contourne en passant une main sur son épaule d’un geste amicale, avant de se téléporter chez lui pour prendre une douche, manger quelque chose et dormir quelques heures, grâce à son précieux mélange d’alcools et de médicaments.

S’il revient, en fin de matinée, c’est seulement parce que Ivan n’a cessé de faire sonner son téléphone, d’appels et de messages le sommant de revenir le plus vite possible ; même se reposer, il ne peut pas. S’habillant en quatrième vitesse, il se téléporte dans son bureau en affichant une mine encore un peu sommeillante, qui se traduit par des petits yeux cernés, des sourcils froncés et une envie prompt de rejoindre son fauteuil afin de s’y laisser mollement tomber. « Bon, c’est quoi le souci ? J’espère que tu ne m’as pas réveillé pour une connerie. Va me chercher un café, aussi. » dit-il en frottant ses paupières closes. «Tu ne vas pas regretter, non… Faîtes le entrer. » Entrer, qui ? Rapprochant son buste du bureau, il dépose ses coudes sur ce dernier en attendant de voir, beaucoup trop fatigué pour avoir le moindre soupçon.

"Tre. Due. Uno..."

Je pose lentement la main sur le compteur du poteau électrique, derrière le bâtiment, et relâche toute l'électricité que je venais d'accumuler. Je ne pourrais pas détruire le réseau de tout l'immeuble qui contient la banque fédérale, mais j'ai suffisamment étudié les plans du réseau pour savoir quel est le point de départ du chemin menant aux systèmes de sécurité et au réseau du sous sol, là où sont entreposés les coffres. En un instant, tout le système s'ébranla, des étincelles jaillirent et ce fut la débandade. Je venais de causer une véritable panique dans la banque centrale. Et le meilleur dans tout ça, c'est que j'ai créé pour nous la meilleure diversion possible. En effet, en sabotant le réseau électrique du sous sol et les systèmes de sécurité, j'ai également bloqué les portes de la banque, enfermant à l'intérieur une centaine de personnes paniquées.
Nous entrons par les égouts, suivant les plans que m'a fourni Ezekiel. Le reste devrait être un jeu d'enfant. J'ai le sourire aux lèvres. Mes cousins sont hilares, chantant des airs en italien et tapotant mon épaule avec des sourires et des mots approbateurs. Aujourd'hui, je suis leur héros, je suis le seul et l'unique personne à avoir réussi à percer la muraille de la banque fédérale. Ezekiel n'en reviendra pas.

Une demi heure plus tard, nous fermons les derniers sacs. Mes cousins avaient appelés des amis qui, en Vespa, se chargèrent de nos escorter jusqu'à notre cachette. Alors que les forces de l'ordre cherchaient des camionnettes (car oui, nous en avons fait partir depuis la banque à toute vitesse, mais à vide) nous avons continué sous les égouts pour ressortir quelques rues plus loin, où nous attendaient les Vespa, six au total. Vêtu de mon costard bleu marine, le sourire aux lèvres et les cheveux au vent, j'écoute en souriant les cris de joie de mes cousins qui scandent notre nom en poussant des cris de coq. Nous nous refugions dans un garage, a quelques kilomètres de la ville, et nous y restons jusqu'à la nuit tombée. Nous en profitons pour compter et payer nos amis, il y en a quand même pour un sacré pactole. C'est une véritable fortune. L'espace d'un instant, j'envisage de partir et ne pas revenir. Nous pourrions partir en Italie et refaire notre vie avec autant d'argent, mais j'ai fais une promesse. Je prends quand même la peine de distribuer une petite somme a mes cousins, histoire de redonner un coup de neuf a la pizzeria et, prenant ensuite les sacs, je les charge dans une berline et retourne en ville, direction le club.

Une fois garé en sécurité, je décharge les sacs dans une des salles de stockage et garde le plus gros, le plus chargé avec moi. Je viens toquer à la porte d'Ivan. Quand celui ci m'ouvrit, l'oeil encore endormi, il afficha ensuite une expression mi surprise mi ravie. Il courut ensuite réveiller son patron. Je me présente donc quelques minutes plus tard dans le bureau d'Ezekiel et, lorsque j'obtiens l'autorisation d'entrer, je m'exécute, le sourire aux lèvres, magnifique et superbe dans mon costume, triomphant et victorieux. Je pose le sac sur son bureau et dis : "Le reste est dans la salle où tu stockes tes boissons Capo. Quinze sacs. Tous rempli. Je me suis permis de prélever une petite quantité pour payer mes chauffeurs et pour la pizzeria, mais c'était à peine 0,5% de la somme, ne t'inquiète pas." J'ai le sourire. Je remarque du coin de l'oeil sa télévision allumée, montrant la banque encore entourée des forces de l'ordre. C'est un exploit, c'est MON exploit et j'en suis très fier.  

L’esprit encore embrumé par le manque de sommeil, sommeil qui fut douloureuse écourté d’ailleurs, le russe frotte énergiquement ses paupières en attendant qu’on lui explique les raisons de son retour précipité ; Ivan lui lance d’ailleurs un drôle de sourire, partagé entre l’excitation et l’impatience, avant de filer à l’extérieur du bureau pour aller préparer le dit café réclamé. Remplaçant la présence de son homme de main, c’est un autre homme qui fait son entrée : le rital, dont l’exploit tourne en boucle à la télévision, passe le pas de la porte avec un air de conquérant, à la fois victorieux et orgueilleux ; avec toutes les raisons de l’être.

Les coudes appuyés sur son bureau, Ezekiel affiche une mine largement surprise en laissant ses avants-bras retomber sur le pan de marbre, tandis que son menton se lève légèrement, non pas par contrariété mais sous l’étonnement que cette entrée assurée lui procure ; cet idiot devrait déjà être en Europe pour mener la belle vie, alors qu’est-ce qu’il fout ici ? Les sourcils légèrement froncés, les lèvres espacées de quelques degrés, il l’observe s’approcher en fanfaronnant, sans rien dire encore tant la stupéfaction est grande. L’italien ne ressemble plus à l’homme piétiné qu’il a réussi à briser quelques semaines plus tôt, car Aurelio est grandement élégant dans son costume taillé pour lui, une allure soulignée par les éclats de fierté qui brillent dans son regard, accompagnant un sourire qui ne quitte pas ses lippes. « Qu’est-ce que… » marmonne-t-il en baissant les yeux sur le sac qu’on dépose devant lui, ses bras s’étant reculés du bureau pour laisser la place, ses mains se raccrochant au bord de la table sans réellement comprendre, encore, ce qu’il cherche à obtenir. Lui, à sa place, serait déjà bien loin.

« Le reste est dans la salle où tu stockes tes boissons Capo. Quinze sacs. Tous rempli. » Si le menton reste orienté vers le sac, les yeux du russe se lèvent pour rencontrer le visage de l’Italien ; quinze putain de sacs ?! « Je me suis permis de prélever une petite quantité pour payer mes chauffeurs et pour la pizzeria, mais c'était à peine 0,5% de la somme, ne t'inquiète pas. » Il ne s’inquiète pas, d’ailleurs, que plus personne ne s’inquiète : il n’a plus besoin du café, il est suffisamment réveillé pour s’en passer.

Tournant son menton sur le côté, il presse ses lèvres l’une contre l’autre en se levant de sa chaise, pour faire face à Aurelio, bien qu’un bureau — et le sac remplit de billets, les sépare. Les mains toujours appuyées sur les bords du pan en marbre, il pose un regard suspicieux sur le rital, si bien qu’il lui demande, sans détour : « Pourquoi t’es revenu ? » Il aurait pu retrouver sa liberté, acheter celle de ses cousins, reconstruire sa vie bien loin, dans le pays qu’il aime tant… Il est donc légitime que la question se pose.

"Pourquoi je suis revenu ?

Je lève un sourcil, d'abord étonné qu'il me pose la question, puis après quelques secondes, je me dis qu'il avait raison de se méfier ainsi. Tout me poussait à fuir, à retourner en Italie, ce pays que j'aime tant et que je n'ai jamais vu, tout me poussait à aller me prélasser sous le Vésuve, cappuccino à la main. Oui, Ezekiel avait ses raisons pour poser une telle question, c'est pourquoi je m'en offusqué pas. Je garde le sourire et commence par lui montrer le poste de télévision. A l'écran, on y voyait encore la banque et quelques photos des camionnettes noires qui nous ont servie de diversion. Pas une seule photo ou vidéo des Vespa. Le mystère restait entier. Je suis ravi tout de même. L'électricité n'avait même pas encore été rétabli dans les sous sols, à en juger par la fumée qui se dégageait du poteau où j'ai envoyé tout le jus que j'avais accumulé. Ce dernier, d'ailleurs, était ignoré pour le moment, bien que quelques regards curieux se posaient sur lui de temps en temps. Je dis alors à Ezekiel : J'aurais pu partir, oui. J'aurais pu retourner en Italie avec mes cousins et refaire ma vie. Si je suis revenu, Ezekiel, c'est pour ça. Je montre la télévision.

Je souris une nouvelle fois et je reprends : Je suis revenu car c'est le coup du siècle, et je l'ai réussi. Je ne compte pas m'arrêter là, d'autres coups tout aussi périlleux m'attendent, je ne peux pas m'arrêter sur ça. Et puis.... Je m'avance de quelques pas et pose mes mains sur le bureau, me rapprochant de lui. Mon visage est assez proche du sien, mes mains également, mais je ne le touche pas. Je lui souris et lui souffle : Je suis revenu car je te l'avais promis, Ezekiel. J'ai certes toutes les raisons de t'en vouloir, de te haïr. Tu as tué mon père, tu m'as brisé. Mais tu m'as offert un immense cadeau, l'opportunité de te prouver que je vaux bien plus que tu ne le penses. Laisse moi travailler pour toi, apporter la renommée à ton club. Je le défendrais au péril de ma vie. Ma famille et moi, ainsi que notre pizzeria, te seront dévoués comme jamais car tu nous as offert la gloire et un sentiment que nous ne connaissions pas : celui d'être les meilleurs !

Je me rapproche un peu plus, le sourire aux lèvres. Il a beau être un enfoiré, il est quand même très joli garçon, et il sent bon avec ça. Il a une belle voix, un caractère bien trempé, je sais qu'il ne me laisse pas indifférent, malgré ce qu'il m'a fait. Il me faudra du temps pour l'apprécier pleinement, mais je sais que, s'il m'accepte, j'aurais tout le temps qu'il me faudra pour apprendre à le connaitre et déterminer si oui, ou non, cela vaut le coup. Actuellement, j'ai juste envie de le mettre dans mon lit. C'est déjà ça, c'est sans doute une passade. Je lui souffle enfin : Tu as déjà ta nièce qui peut contrôler l'électricité mais moi, je la maîtrise sans me blesser. Tu peux m'utiliser comme tu le souhaite. Tout ce que je demande, c'est que tu ne te moque jamais de moi, que tu ne me traites pas comme tes larbins, je vaux mille fois mieux que ça. La preuve est devant toi et dans tes salles de stockage...

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« Pourquoi je suis revenu ? » Puisque c’est la question qu’il vient très clairement d’énoncer, il ne prend pas la peine de confirmer ; mais ses yeux se font davantage perçants tandis qu’il arque l’un de ses sourcils, ayant l’air de le presser du regard, ses doigts tapotant nerveusement contre la bordure du bureau dans l’attente d’une réponse pour le moins limpide. « J'aurais pu partir, oui. J'aurais pu retourner en Italie avec mes cousins et refaire ma vie. » Le schéma ne le fait nullement rêver, peut-être parce qu’il méprise autant le pays en question que les cousins concernés, si bien que l’expression de son visage change brièvement pour afficher un franc mépris. Dit comme ça, il comprend presque pourquoi Aurelio n’est pas parti. « Si je suis revenu, Ezekiel, c'est pour ça. » Il pointe la télévision avec son index, et les yeux du russe suivent machinalement le mouvement pour observer, quelques secondes, les images qui défilent sur la chaîne nationale…

C’est un triomphe, à n’en pas douter. Il va pouvoir se faire un nom dans le monde de la Pègre à présent, et nombreux sont ceux qui vont vouloir faire affaires avec lui ; tous deux le savent, et cette perspective ne fait que renforcer la perplexité du mutant, qui comprend encore moins que l’italien soit revenu auprès de celui qui a saigné son père jusqu’à ce qu’il perde la vie. « Je suis revenu car c'est le coup du siècle, et je l'ai réussi. Je ne compte pas m'arrêter là, d'autres coups tout aussi périlleux m'attendent, je ne peux pas m'arrêter sur ça. Et puis.... » Il a de l’ambition, c’est bien. Et il est conscient de ses atouts, c’est encore mieux, mais cela ne répond toujours pas à sa question.

Prenant une fine inspiration sur ce flux de questions et de demi-réponses, il détourne le regard en mordillant le coin de sa lèvre, retombant dans son siège en voyant, derrière Aurelio, la porte de son bureau qui s’ouvre ; Ivan apparaît alors, portant un plateau rond en bois avec deux cafés à son bord. « Je suis revenu car je te l'avais promis, Ezekiel. J'ai certes toutes les raisons de t'en vouloir, de te haïr. Tu as tué mon père, tu m'as brisé. » À quel point une promesse faite à l’assassin de son père mérite qu’on l’honore ? La perplexité laisse place à une forme de provocation silencieuse, car ses lippes se fendent d’un sourire presque prétentieux tandis qu’il plante son regard dans le sien, ignorant le pauvre Ivan qui vient déposer le plateau en affichant un large sourire amical. « Mais tu m'as offert un immense cadeau, l'opportunité de te prouver que je vaux bien plus que tu ne le penses. Laisse moi travailler pour toi, apporter la renommée à ton club. Je le défendrais au péril de ma vie. Ma famille et moi, ainsi que notre pizzeria, te seront dévoués comme jamais car tu nous as offert la gloire et un sentiment que nous ne connaissions pas : celui d'être les meilleurs ! » Passant la pointe de sa langue sur ses dents du haut, il entrelace ses doigts sur son torse en le considérant durant quelques secondes, avant de se tourner vers Ivan qui, debout, fixe également l’italien mais avec un air davantage chaleureux. « C’était un sacré coup, félicitations. Tout le monde ne parle que de ça. » For-mi-da-ble. Le regard que Ezekiel lance à Ivan est suffisamment explicite pour que ce dernier quitte le bureau, les laissant de nouveau seuls. Reportant alors toute son attention sur le rital, il reprend, d’une voix parfaitement sobre : « Tu l’as entendu, tu es devenu une légende. Tout le monde rêverait de t’avoir dans son Club. » Ce qui renvoie à la question du début, d'ailleurs.

« Tu as déjà ta nièce qui peut contrôler l'électricité mais moi, je la maîtrise sans me blesser. Tu peux m'utiliser comme tu le souhaite. » Il penche légèrement son menton sur le côté à cette dernière phrase car, visiblement, le double-sens l’amuse grandement. « Tout ce que je demande, c'est que tu ne te moque jamais de moi, que tu ne me traites pas comme tes larbins, je vaux mille fois mieux que ça. La preuve est devant toi et dans tes salles de stockage... » Il ferait presque l’étonné… Lui, moqueur ?! « Je le reconnais. Je n’ai rien contre accéder à tes demandes, mais, le problème est que… » admet-il finalement après quelques secondes de réflexion, en redressant finalement son dos pour se rapprocher du bureau jusqu’à y déposer ses avants-bras, sans le quitter des yeux, sa voix se faisant tout à coup plus froide, révélant un agacement qui n’est pas feint. « …Tes compatriotes me cassent les couilles du matin au soir. Ils ont déjà la haine que tu m’aies confié la pizzeria pour le blanchiment d’argent, alors comment crois-tu qu’ils vont réagir quand ils sauront que tu m’as filé tout ce fric ? » Ses paupières se plissent légèrement tandis qu’il tapote ses doigts contre le marbre blanc de son bureau, faisant ensuite claquer sa langue contre son palais. « Pas la peine de réfléchir, j’vais te le dire. Ils vont continuer à m’emmerder et je ne sais pas si tu as remarqué mais, j’ai une patience limitée. » Il rajouterait bien ‘’ton père peut en témoigner’’ mais, puisqu’Aurelio a ramené seize sacs de billets, il s’abstient. Pour cette fois.

"Une légende...

Ivan et Ezekiel viennent enfin de reconnaître ma véritable valeur. J'espère que tu me regarde, chère père, car ton fils a accompli l'un de tes rêves aujourd'hui, il s'est hissé au plus haut. Je garde le sourire, me disant naïvement que cette journée ne pouvait pas mal tourner, que tout pouvait me réussir à présent, ma victoire faisait de moi quelqu'un d'exceptionnel et je n'allais pas m'arrêter là. J'ose alors, je joue la prétention et un semblant de provocation, allant jusqu'à briser la distance entre nous et proposant mes services et ceux de ma famille à Ezekiel. Il ne pouvait pas refuser après tout, c'est une offre en or que je lui fais. La meilleure équipe du pays, voire du monde, à sa disposition, c'est une chance non ?

Malheureusement il ne le prit pas comme ça. Il m'avoua que la perspective d'avoir ma famille et mes compatriotes à proximité le gênait car ils n'avaient déjà pas apprécié que la pizzeria soit confiée au club. Et le fait que j'apporte l'argent ici risquait de mettre le feu aux poudres. Je souris et secoue la tête. Je lui dis : Pour l'argent, ils étaient au courant. Je vais rien te cacher, ils étaient pas d'accord au début, mais c'est moi leur chef à présent. Pour ce qui est de la pizzeria... Comprends les, c'est notre héritage que tu as pris lorsque tu m'as brisé ce jour là. Ces mots, difficile à prononcer, ne m'empêchent pas de sourire. Je fais le tour du bureau, brisant une nouvelle fois la distance et tends une tasse de café fumante au jeune homme avant de poser une fesse sur le bureau.

Je lui dis ensuite, en posant les mains sur mon genou relevé : J'ai la solution. Offre leur ce qu'ils désirent : la vie de mafieux est certes ce que nous connaissons depuis toujours, mais l'appel de notre pays est plus fort. Nous rêvons du soleil, des jolies filles et du Vésuve. Offre leur une nouvelle vie là bas, loin de toute la pègre et de sa misère. Et ainsi, la pizzeria, l'argent, moi, tout cela sera à toi. Je m'offre à lui, un sourire charmeur sur les lèvres, le regard sérieux et aguicheur. Je continue : Je les connais, Capo. Je sais ce qu'ils veulent. Si tu leur offre cette solution de repli, tu n'entendras plus parler d'eux, et cela libérera une place de choix sur le territoire que nous occupons. C'était toute notre vie, alors prends en bien soin, mais nous sommes heureux de te le laisser. La mort, les balles, le sang, tout cela ne vaut pas l'air de notre pays et ses chants ancestraux...

Je penche la tête sur le côté et lui demande : Qu'en penses tu, Capo ? Suis je à toi désormais ?

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S’il souligne le caractère tout à fait prodigieux du vol exécuté avec finesse, le contraste est saisissant lorsqu’il arbore le poids que la mafia italienne fait peser sur ses épaules, ne cessant de réclamer la restitution de cette maudite pizzeria qui ne paye même pas de mine de l’extérieur, mais qui se trouve sur le terrain des ritals ; une raison suffisante, d’après eux, pour que le litige soit ouvert. Comme si les murs de ce restaurant le méritaient.

Le sujet provoque un rictus amer sur le visage du russe qui, les bras accolés l’un contre l’autre sur la surface du bureau, affiche clairement toute la contrariété que cela lui impose ; il pourrait régler le problème à sa manière, mais le monde de la Pègre est comparable à la politique, et il sait que chaque décision entraîne des conséquences. « Pour l'argent, ils étaient au courant. Je vais rien te cacher, ils étaient pas d'accord au début, mais c'est moi leur chef à présent. » Un de ses sourcils se rehausse avec surprise, tandis qu’il affiche une expression clairement surprise à cette nouvelle ; depuis quand et comment sont les questions qui s’imposent, mais il se garde bien de les poser pour l’instant. « Pour ce qui est de la pizzeria... Comprends les, c'est notre héritage que tu as pris lorsque tu m'as brisé ce jour là. » Le mépris qui glisse sur son visage transforme son rictus en quelque chose d’insolent, car il pouffe de rire en se laissant retomber lourdement sur sa chaise, l’une de ses mains venant frotter son visage alors qu’il dit, dans un demi-rire : « Cet héritage ne vaut vraiment pas la peine qu’on se batte, hein. »

« J'ai la solution. » AH. Il hoche son menton, ses doigts tapotant son accoudoir tandis qu’il pose un regard intrigué sur son braqueur hors pair. « Je t’écoute. » « Offre leur ce qu'ils désirent : la vie de mafieux est certes ce que nous connaissons depuis toujours, mais l'appel de notre pays est plus fort. Nous rêvons du soleil, des jolies filles et du Vésuve. Offre leur une nouvelle vie là bas, loin de toute la pègre et de sa misère. Et ainsi, la pizzeria, l'argent, moi, tout cela sera à toi. » « J’ai l’air de m’occuper de l’immigration dans ce pays ? » Les sourcils froncés, il se lève de sa chaise sans véritablement faire attention à l’air aguicheur de l’italien, puisqu’il est obnubilé par le problème que ses congénères posent. « Mais je reconnais que s’ils pouvaient tous dégager, ça m’arrangerait fortement. » Il vient se place sur le côté du bureau pour attraper la tasse de café encore fumante, en tendant une à Aurelio en se doutant qu’il a dû vivre une nuit mouvementée après le braquage du siècle, avant d’apporter sa propre tasse à ses lèvres pour en boire une gorgée ; le pauvre italien, s’il boit, doit être assez surpris puisque c’est un café russe : de la vodka a été glissé à l’intérieur de la tasse. « Cul-sec c’est mieux. » Haussant ses sourcils d’un air de défi, il fait poindre un sourire malicieux avant de reposer sa tasse et de s’éloigner pour s’installer l’un des canapés présent dans la pièce.

« Je les connais, Capo. Je sais ce qu'ils veulent. Si tu leur offre cette solution de repli, tu n'entendras plus parler d'eux, et cela libérera une place de choix sur le territoire que nous occupons. C'était toute notre vie, alors prends en bien soin, mais nous sommes heureux de te le laisser. La mort, les balles, le sang, tout cela ne vaut pas l'air de notre pays et ses chants ancestraux... » « J’suis pas une agence de voyage, s’ils veulent se tirer à ce point, qu’ils le fassent. Personne les regrettera. »  Surtout pas lui qui, si jamais ce n’est pas assez clair, ne peut vraiment pas les blairer. Mais il n’en est pas à les payer pour qu’ils débarrassent le plancher ; d’après lui, ce serait gaspiller de l’argent. Il attrape alors son paquet de cigarettes posé à côté de lui, glissant l’une d’elles entre ses lippes faiblement espacées, l’allumant à l’aide d’un briquet sans le quitter des yeux. « Qu'en penses tu, Capo ? Suis je à toi désormais ? » Les formulations employées sont ambivalentes, si bien qu’il penche son menton sur la droite en plissant légèrement ses paupières, comme s’il n’était pas sûr, lui-même du caractère ambiguë des propos. « Je suis le diable auquel tu viens vendre ton âme, c’est ça ? » Tirant une longue bouffée de sa cigarette, il dévie ensuite son regard sur le sac toujours posé sur la table, donnant un léger coup de menton en sa direction avant de déclarer, d’une voix sobre : « Garde-le. Il faut bien que tu aies un peu de bénéfices, toi aussi. »

Bravo Aurelio, tu viens de te prendre le râteau du siècle.

Il m'ignore, ne faisant qu'à peine attention à moi, plus préoccupé par le problème que lui pose mes cousins que par l'opportunité que je lui offre. Bon sang, c'est une chance infinie qu'il a en sa possession. Je suis encore jeune, j'ai du talent, j'ai un esprit vif, que demander de plus ? Non, je ne t'intéresse donc pas, Ezekiel ? Je ne suis donc pour toi que du menu fretin ? Rien qui ne mérite ton regard et ton attention ? Bon sang Ezekiel, j'ai braqué la banque fédérale pour toi, j'ai risqué ma vie, je t'ai presque pardonné pour la mort de mon père, je suis prêt à tirer un trait sur le passé pour te servir. Tout ce que je te demande, c'est que tu me regarde, que tu m'estimes, que tu me possèdes...

Voilà ce que je rêve de lui dire, voilà ce qui reste ancré en moi, ne sortant pas de ma bouche close. Déçu, dépité, je me relève sans toucher à la tasse de café qu'il m'a donné. Je la repose sur le plateau. Il avale une gorgée du sien, me conseillant de boire cul sec. Je sais ce qu'il y a dedans, je ne suis pas idiot, et croyez moi que j'aurais bien voulu trinquer avec lui .. Mais je suis à présent dégouté. Je regarde la télévision toujours allumée. Les chaînes d'informations s'arrachent le scoop, le braquage du siècle qu'ils l'appellent. Je ne le vois à présent plus comme un exploit, une victoire. Je ne le vois que comme une simple tâche que l'on me confie, une corvée effectuée. Je soupire doucement. Quand il me dit qu'il était le diable auquel je vendais mon âme, j'hausse les épaules et réponds : Si tu veux Capo. Si tu veux, ça peut être ça. Je me redresse et commence à m'éloigner de son bureau quand il me dit de reprendre le sac, car j'ai bien droit à quelques bénéfices.

Je me tourne vers lui, le regard furieux. Je lui réponds : Je ne fais pas ça pour l'argent. Ce n'est qu'un détail négligeable. Je relève la tête, le toisant du regard : S'il n'y a que ça qui te préoccupe, sache que ma famille sera rentrée en Italie avant la fin du mois. Si tu as besoin d'un larbin, tu sais où me trouver... Je détourne le regard et me dirige vers la porte et, juste avant de l'ouvrir, je lui souffle : Profite Ezekiel. Bientôt, cette victoire sera la tienne. Quand tous les gangs du coin sauront que ton Club a fait ça, tu n'auras plus à t'inquiéter de quoi que ce soit... Tu seras le maître. J'espère juste que ça en vaudra la peine...

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Les paupières légèrement affutées sous la perplexité, il zieute en direction de son acolyte du jour sans véritablement comprendre pourquoi la tempête se met à gronder sur son visage ; qu’est-ce qu’il a dit, encore ? Ezekiel sait qu’il parle trop souvent sans réfléchir, que ses mots dépassent fréquemment sa pensée et qu’il peut se montrer aussi insolent que blessant, parfois même sans le vouloir mais, en cet instant, il se sait tout à fait innocent. Il n’a rien fait et dit de mal pour une fois. « Un problème ? » Demande-t-il en remontant l’un de ses sourcils sous la question posée, faisant même l’effort de ne pas le nommer le rital car, il le sait, sur sa langue, ces syllabes roulent avec dédain.

Tandis qu’il se laisse retomber dans le confortable fauteuil de son bureau, il l’observe s’en éloigner en apposant son coude sur la surface en marbre de son meuble personnel, agitant très légèrement ses doigts en l’air comme pour s’aider à réfléchir. « Tu es en colère. Je le vois. » La vraie question est : pourquoi ? Quelques secondes auparavant, tout allait bien. Débarquer ici avec seize sacs plein d’argents puis tourner les talons sur le coup d’un énervement mystérieux, il va bien falloir qu’il explique son comportement. « Je ne fais pas ça pour l'argent. Ce n'est qu'un détail négligeable. » Voilà qui ne fait que creuser les questionnements déjà vifs dans l’esprit du maître des lieux. Relevant légèrement le menton, il fronce son expression d’un air dubitatif, n’ayant même pas le temps de reprendre la parole puisqu’il le fait déjà. « S'il n'y a que ça qui te préoccupe, sache que ma famille sera rentrée en Italie avant la fin du mois. » « À la bonne heure. » D’un soupir de soulagement exagéré, il laisse un sourire prendre possession de ses lèvres, avant que celui-ci ne se transforme en rictus grinçant. « Si tu as besoin d'un larbin, tu sais où me trouver... » Mais à quoi il joue ? Là, ça ne le fait plus rire.

« Profite Ezekiel. Bientôt, cette victoire sera la tienne. Quand tous les gangs du coin sauront que ton Club a fait ça, tu n'auras plus à t'inquiéter de quoi que ce soit... Tu seras le maître. J'espère juste que ça en vaudra la peine... » Un petit rire séparant ses lippes, il se redresse sur ses jambes en demandant, d’une voix encore calme : « C’est une menace ? » Ne prenant pas la peine de faire quelques enjambées pour le rejoindre, il se téléporte directement devant l’italien, le dos droit et les bras croisés contre son torse. Il pourrait lui en décrocher une pour son attitude largement discutable — certains ont reçu un coup de poing pour moins que ça mais, heureusement pour Aurelio, sa généreuse offrande lui permet d’en réchapper, cette fois du moins. « Si tu me disais plutôt ce qui t’énerve autant, d’un coup. Crache ton venin. »

Bien sûr que je suis en colère, crétin ! Je constate que tu n'es pas aveugle, c'est bien.

Je ne permettrais jamais de lui dire cela en pleine face, je tiens à la vie et puis il reste mon chef après tout. Je me contente alors de jouer la lassitude avant de tourner les talons pour prendre congé, lui laissant le sac et lui faisant comprendre qu'il aurait ce qu'il voulait : que ça soit un territoire libre, une pizzeria, plein d'argent et un gentil larbin bien obéissant. Il parut soulagé à la mention de ma famille, mais fronça les sourcils en entendant la phrase suivante. Je ne le regarde plus, j'ai trop mal au coeur pour pouvoir encore le faire. Il me dégoûte, je me dégoûte, tout m'écoeure dans cet endroit et dans ce monde. Je ferais mieux de retourner en Italie moi aussi, alors pourquoi ai je accepté de lui vendre mon âme contre ma vie ?

La suite de mes propos déclenchèrent chez lui une réaction non désirée. Il me demanda s'il s'agissait là d'une menace, je réponds alors, en haussant les sourcils : Prends le comme tu veux, ça m'est égal. Il se téléporta ensuite devant moi, me bloquant le passage et me demandant de, je cite, cracher mon venin. Ce n'est pas l'envie qui me manque de le faire. Un bon gros crachat dans son joli visage. Mais non, cela ne se fait pas, je suis plus distingué que ça après tout. Je redresse la tête, le toisant de toute ma hauteur, qui ne dépasse guère la sienne, mes yeux clairs affrontant ses prunelles sombres. Bon sang, quel dommage, quel gâchis... Mais bon, si je dois finir ma vie entre ces murs, autant que je prenne une décision tout de suite : l'aimer à en mourir, ou le détester à en crever.

Je suis cependant trop dépité pour faire ce choix, aussi, je préfère lui répondre, sèchement : Il ne vaut mieux pas, Capo, je risque de finir une nouvelle fois attaché nu sur une chaise sous la clim. J'allais en rester là mais je me ravise et reprends : C'est peut être ça, ton problème, Capo, il est impossible de t'apprécier, tu sais te rendre détestable à chaque instant. Je manque de me faire tuer pour toi, et comment tu me remercie ? Tu chasses ma famille, tu me prends par les couilles alors que j'ai eu la gentillesse de revenir avec l'argent, j'aurais pu partir, mais je ne l'ai pas fait, et tu me crache a la gueule. Tu oses me parler de venin ? Tu es le pire serpent ici, Capo. Je le repousse fermement, d'une main sur son épaule, et le double. Je lui dis : Pas une seule fois tu n'as pensé aux risques, à ces personnes qui se sont décarcassés pour ta jolie gueule, non, tout n'est que profit avec toi. Je plains ta famille, je plains Emma. Je prends alors un risque inconsidéré, pris sur le coup de la colère : je crache sur son beau tapis. Je lui souffle : Le voila, mon venin. J'ai accompli ma mission, capo, tu as eu ce que tu voulais. Je ne demandais en échange que ta considération, ton respect, ton regard, mais à croire que je dois me contenter de regarder un avion emporter ma famille pour l'Italie. C'est ainsi. Je repars maintenant, appelle moi quand tu auras besoin d'un autre toutou comme Ivan, je répondrais présent, je l'ai promis après tout... Je me détourne une nouvelle fois, n'attendant pas sa réaction. Bon sang, qu'est ce qui m'a pris ?

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